B. DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES PORTEUSES D'AVENIR

1. Une amélioration continue des indicateurs de développement humain

Comme le mesurent les derniers indicateurs de la Banque asiatique de développement 5 ( * ) , l'extrême pauvreté a très significativement reculé dans la région et le niveau global de revenus ne cesse d'augmenter. Les indicateurs de développement humain sont en progression rapide et constante.

INDICATEURS DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN EN ASIE DU SUD-EST

Source : Banque asiatique de développement

2. Un environnement toujours plus favorable à l'investissement malgré de très fortes disparités

D'importants freins subsistent encore toutefois au développement en Asie du Sud-Est, qui nécessitent des réformes de structure importantes . L'OCDE en dresse périodiquement la liste 6 ( * ) , pays par pays. De l'accès à l'éducation à la performance du financement bancaire de l'économie, de la gestion des catastrophes naturelles à la question de la productivité agricole, la liste est longue. Seuls Singapour, et, dans une moindre mesure, la Malaisie, font figure d'exception.

RÉFORMES DE STRUCTURES NÉCESSAIRES EN ASIE DU SUD-EST D'APRÈS L'OCDE

Pays

Thèmes ciblés

Concentration des politiques

Brunei

Développement du capital humain

Améliorer le développement du secteur privé vers plus de diversité, pour dépasser l'économie des hydrocarbures

Développement du secteur privé

Légiférer et mettre en place une politique de la concurrence

Innovation

Améliorer les résultats de l'éducation tertiaire

Indonésie

Éducation

Élargir l'accès à l'éducation, en particulier pour les ménages à bas revenus

Gestion des désastres

Renforcer la gestion des catastrophes naturelles et protéger les infrastructures

Réforme de la sécurité sociale

Accélérer la réforme du système de retraite pour améliorer la transparence et la qualité

Malaisie

Éducation

Améliorer la qualité de l'éducation

Développement des PME

Améliorer la productivité des PME

Fiscalité

Élargir l'assiette fiscale et améliorer l'administration fiscale et la participation à l'impôt

Philippines

Pauvreté

Créer plus d'emplois pour une réduction durable de la pauvreté

Développement du capital humain

Réduire la vulnérabilité aux aléas naturels en construisant des capacités de gestion et de réduction des risques de catastrophes

Gouvernance

Améliorer la productivité agricole et les infrastructures de transport à Mindanao

Singapour

Utilisation des terres

Optimiser l'utilisation des terres et leur allocation en l'intégrant dans une stratégie de croissance verte

Développement des PME

Élever la productivité des PME grâce à des programmes d'assistance coordonnés

Éducation

Renforcer la formation continue pour améliorer la flexibilité du marché du travail

Thaïlande

Éducation

Rehausser le capital humain en améliorant les cursus d'État et en enseignant de manière standardisée

Agriculture

Améliorer la productivité agricole grâce à la modernisation et l'éducation

Croissance verte

Améliorer la coordination institutionnelle et parvenir à une croissance verte

Cambodge

Agriculture

Améliorer la productivité de l'agriculture, en particulier la production de riz

Secteur financier

Améliorer le réseau prudentiel et de supervision

Tourisme

Développer les infrastructures de transport pour accélérer le développement rural

Laos

Pauvreté

Réduire la pauvreté grâce à une croissance inclusive

Gestion des ressources naturelles

Améliorer la gestion nationale des ressources, en particulier minières, pour s'assurer de leur durabilité

Infrastructures

Développer les infrastructures de transport pour accélérer le développement rural

Birmanie

Développement du secteur privé

Créer un environnement propice à l'entreprenariat

Développement des ressources humaines

Rehausser le niveau d'éducation et anticiper les demandes futures de travail qualifié

Développement du secteur financier

Créer un système financier stable et efficace

Vietnam

Développement du capital humain

Augmenter l'accès à l'éducation et renforcer les modules d'enseignement et de formation techniques

Développement du secteur privé

Faciliter l'accès au crédit et réduire les couts de transport pour développer le secteur privé

Développement du secteur financier

Restructurer le système financier pour rehausser l'effectivité de la politique monétaire

Source : OCDE, Economic outlook for Southeast Asia , 2014/ traduction libre

Sur le plan économique , les pays de l'ASEAN vont devoir relever un certain nombre de défis, au cours des prochaines années, à commencer par le risque de volatilité des marchés de capitaux dans un contexte de resserrement de la politique monétaire américaine (fin du « quantitative easing »), en particulier pour ceux qui sont confrontés à un déficit de leur balance courante (Indonésie et Thaïlande).

Ensuite, la réorientation du modèle économique chinois et le ralentissement de la croissance qui en résulte (7,7% en moyenne au cours des cinq prochaines années, contre 10,5% entre 2000-2007), pourraient affaiblir la dynamique de croissance des pays de l'ASEAN, pour qui la Chine est un partenaire commercial de premier ordre.

En outre, l'intégration croissante au sein de l'économie mondiale peut conduire à creuser les écarts de développement économique et social entre les pays les plus riches et les plus pauvres de l'ASEAN. Le projet de communauté économique 2015 revêt, dans ce cadre, une importance déterminante.

Enfin, les pays de la région doivent, pour assurer une croissance soutenable, entreprendre les réformes nécessaires , notamment en matière de compétitivité et de gouvernance, de manière à éviter ce qu'on appelle l'écueil de la « trappe à revenus moyens ». Les économistes 7 ( * ) ont ainsi diagnostiqué l'existence de ce risque à demeurer piégé dans la zone des revenus intermédiaires pour les économies de l'ASEAN, mettant en cause leur capacité de rattrapage, à terme, des pays occidentaux, en comparaison notamment de leurs grands voisins comme le Japon ou la Corée.

Dans ce contexte, la plupart des économistes soulignent l'importance de mettre en place -comme l'ont fait la Corée dans les années 1990 ou Singapour, plus récemment- des politiques de soutien de l'innovation et de l'investissement dans la recherche et développement , ainsi qu'un cadre plus favorable aux investissements étrangers (souvent vecteurs d'innovation).

La compétitivité des États de la région (hors Singapour) a longtemps reposé sur la compétitivité prix , fondée sur la faiblesse relative des coûts du travail. Avec l'inexorable montée des salaires, la question de la compétitivité hors coût se pose. Qualité de l'éducation, priorité à l'innovation, sont des leviers identifiés, au même titre que le développement des infrastructures, pour la poursuite de l'augmentation du niveau de vie dans ces pays.

Singapour fournit à elle seule la moitié des exportations de services de l'ASEAN. Sa part dans les exportations de services représente 10 fois son poids dans l'économie mondiale en termes de PIB. 8 ( * )

En matière d'innovation , à Singapour, les priorités concernent les technologies pour l'eau et l'environnement, les sciences biomédicales, les médias digitaux et interactifs (IDM) et les sciences de l'ingénierie, incluant l'électronique, les nouveaux matériaux, les sciences chimiques. En Malaisie, l'effort de recherche se concentre sur les technologies de l'information, l'automobile, l'aérospatial, les biotechnologies, l'agrobiologie, et les matériaux composites.

Par ailleurs, l'engagement du secteur privé , via des partenariats public-privé ou des politiques fiscales et des mécanismes de financement en faveur des PME, est jugé indispensable pour permettre aux économies de l'ASEAN d'atteindre leur plein potentiel. Cette question est particulièrement posée dans des pays comme le Vietnam, par exemple.

Mais ne nous y trompons pas : à moyen terme le rattrapage économique est inscrit dans les évolutions actuelles . Il devrait s'opérer, suivant les pays et les scénarios, entre 2020 et 2050.

Selon les projections de l'OCDE, les six pays les plus avancés de l'ASEAN (ASEAN-6) devraient être en mesure, s'ils continuent à ce rythme, de rejoindre le groupe des pays asiatiques à hauts revenus (auquel appartiennent déjà le Japon, la Corée et Singapour), au cours des prochaines décennies : Malaisie en 2020, Thaïlande en 2030, Indonésie en 2040, Philippines en 2050 et 2060 pour le Vietnam.

La réforme bancaire au Vietnam est un bon exemple de la nécessité (et de la difficulté) des réformes de structure.

Le secteur bancaire vietnamien est grevé par un niveau élevé de créances douteuses, qui non seulement fragilise le secteur mais contribue à un grippage du crédit, aux effets dévastateurs sur une économie dont le financement est principalement bancaire.

Le problème a atteint une telle ampleur que le système bancaire n'est plus à même de jouer son rôle de financement de l'économie.

Sur place, les acteurs économiques décrivent le système bancaire comme proche de la faillite, avec un niveau de dettes toxiques estimé (les bilans bancaires ne sont pas publiés) autour de 20%. Ces dettes toxiques sont le produit de prêts accordés aux sociétés d'Etat pour financer des investissements parfois hasardeux. Certains analystes font valoir que, par une certaine « endogamie » du système, le pouvoir politique et économique vietnamien souffrent de conflits d'intérêts permanents entre responsables du parti, dirigeants d'entreprise et banquiers.

Même si la réforme du secteur bancaire est en route, elle parait encore insuffisante 9 ( * ) . Sur place, vos rapporteurs ont constaté que le mécanisme de défaisance mis en place par la banque centrale vietnamienne, qui apparaît comme complexe et sous-capitalisé, peine à convaincre.

Les 3 axes de la réforme bancaire sont les suivants :

1) Endiguer le problème, en interdisant aux banques les plus fragiles d'offrir de nouvelles lignes de crédit.

2) Restructurer le système bancaire, notamment les banques les plus fragiles, sur lesquelles la Banque d'Etat dispose de prérogatives étendues en matière de restructuration, et qui pourront être reprises en totalité par des investisseurs étrangers.

3) Assainir les créances via la mise en place d'une société de défaisance, la VAMC, qui rachète les « mauvaises dettes », les hébergeant le temps que les banques fassent monter leurs provisions à un niveau adéquat.

Les entretiens à Ho Chi Minh ville et Hanoi de vos rapporteurs avec la communauté d'affaires française ont montré le chemin qui restait à parcourir pour un véritable assainissement, qui permette au secteur bancaire de jouer pleinement son rôle de financement de l'économie.

3. Une économie tirée par l'émergence d'une classe moyenne consumériste

Vos rapporteurs ont été frappés lors de leur mission en Asie du Sud-Est par les signes patents de la montée en puissance d'une classe moyenne consumériste nombreuse.

Cette montée est réelle et rapide. En 2011, la consommation privée dans « l'ASEAN - 5 » (les 5 principaux pays de l'ASEAN) représentait 55% du PIB global de ces pays, tandis que cette consommation ne représentait que 34% du PIB chinois et 56% du PIB indien.

POIDS ET PART DE LA CONSOMMATION PRIVÉE DANS LE PIB

Comparaison de la consommation privée en 2011

En milliards de dollars

En % du PIB

ASEAN-6

1128

54,6%

Chine

2510

34,4%

Inde

945

56.4%

Source : CEIC, cité par le service économique régional de Singapour dans « Horizon ASEAN », novembre 2012

En 2000, la classe « moyenne » (personnes vivant avec plus de 2 dollars par jour) était estimée à 38% de la population de ces cinq Etats. 10 ans plus tard, elle en représentait 60%. Par exemple, l'Indonésie est marquée par une forte consommation intérieure, portée par une démographie dynamique et l'émergence d'une classe moyenne aisée. Aux Philippines, l'économie est directement tirée par la consommation des ménages et le développement des services.

PROGRESSION DES « CLASSES MOYENNES » PAR PAYS
(PLUS DE 2 DOLLARS PAR JOUR)

Source : Direction générale du Trésor, « La progression des classes moyennes, facteur d'attractivité pour la région », Service économique régional de Singapour, août 2012, http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/377424

Globalement, en 20 ans, le PIB moyen par habitant a triplé dans la zone, tandis que la consommation privée quadruplait.

À ce rythme de croissance, la taille du marché sud-est asiatique pourrait atteindre 1 600 milliards de dollars 10 ( * ) en 2015.

C'est proportionnellement plus que la Chine et l'Inde. En valeur absolue, si les « classes moyennes » sont moins nombreuses dans l'ASEAN qu'en Chine, leur nombre est comparable à celui de l'Inde, pourtant deux fois et demie plus peuplée. En prolongeant la tendance, la classe moyenne devrait compter 416 millions de personnes en 2015.

Rien qu'en Indonésie , la consommation a augmenté en moyenne de 15% par an au cours des cinq dernières années. Les projections économiques tablent sur l'émergence d'une classe moyenne de 45 millions de personnes aujourd'hui, 85 millions en 2020 et 135 millions en 2030 .

Naturellement il faut garder à l'esprit deux éléments :

. D'une part, la définition de la « classe moyenne » est sujette à caution, dans la mesure où le seuil d'entrée retenu dans les calculs internationaux (2 dollars par jour) est bas, et mesure plus le seuil de la sortie de la pauvreté que celui de l'accession à une réelle capacité de consommation ;

. Ensuite, les situations sont très diverses d'un pays à l'autre. En Malaisie et en Thaïlande, par exemple, l'émergence des classes moyennes consuméristes est une réalité massive. Dans d'autres pays comme les Philippines ou le Vietnam, et même en Indonésie, ce statut est loin d'être tout à fait universel. Ainsi, l'écart de consommation moyen est de un à dix entre la Malaisie (dépenses mensuelles d'un ménage : 680 dollars) et le Vietnam (niveau mensuel moyen des dépenses d'un ménage : 60 dollars).

Si l'on s'en tient à une définition plus restreinte des « classes moyennes », centrée sur les classes moyennes supérieures (de 10 à 20 dollars par jour) à aisées (plus de 20 dollars par jour), on observe une croissance encore plus rapide. Ces tranches représentent, en Malaisie et en Thaïlande, respectivement 17% et 4% de la population pour les classes moyennes supérieures et 13% et 3% pour les classes aisées. La proportion est moindre en Indonésie, avec des classes moyennes supérieures et aisées de 8,2% et 1,9% de la population totale, mais en nombre de consommateurs, leurs poids est significatif (respectivement 19,7 et 4,5 millions de personnes).

ÉVALUATION DES CLASSES MOYENNES SUPÉRIEURES ET DES CLASSES
AISÉES PAR PAYS
(DERNIÈRES DONNÉES DISPONIBLES : 2009)

Source : Direction générale du Trésor, « La progression des classes moyennes, facteur d'attractivité pour la région », Service économique régional de Singapour, août 2012, http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/377424

Si l'on réduit encore le champ d'étude pour n'analyser que les seuls ménages ayant les moyens d'acheter une voiture, la « classe moyenne » de l'ASEAN ainsi définie atteindrait 100 millions de personnes 11 ( * ) , dont la moitié en Indonésie.

En Indonésie, 60 millions de personnes, soit un quart de la population, prennent régulièrement l'avion chaque année. D'après McKinsey qui, dans un récent rapport, place à 200 dollars de dépenses mensuelles le seuil de la « classe moyenne », cette notion couvre 45 millions de personnes aujourd'hui rien qu'en Indonésie, qui seront 135 millions de personnes en 2030 (plus forte hausse du monde, après la Chine et l'Inde). Le Boston Consulting Group dénombre quant à lui 74 millions de « middle class and affluent consumers » en Indonésie, soit 30% de la population, qui devraient devenir 141 millions en 2020.

Quel que soit l'outil de mesure, les chiffres montrent un phénomène massif.

« Partageant un appétit de consommer, les ménages de la classe moyenne sont les véritables gagnants de la mondialisation. En effet, la libéralisation des échanges a allégé les impôts qui pesaient sur leurs achats de biens durables, la libéralisation financière a amélioré les revenus de leur épargne tandis que l'ouverture a creusé l'écart entre leurs revenus et ceux des classes moins éduquées », analyse ainsi 12 ( * ) M Jean-Raphael Chaponnière, économiste entendu par vos rapporteurs.

Aux « Galeries Lafayette » à Jakarta, le panier moyen d'achat est de 100 euros 13 ( * ) .

Cela n'empêche pas des inégalités criantes et des poches de grande pauvreté qui côtoient parfois la richesse la plus insolente. Le cas des Philippines est souvent cité, ainsi que celui, désormais, de l'Indonésie.

D'ailleurs les politiques sociales tentent, timidement encore, de favoriser une répartition plus égalitaire des revenus. La Malaisie a ainsi adopté un salaire minimum, l'Indonésie un système de sécurité sociale, et des hausses de salaires sont observées dans plusieurs pays.

Même s'il est donc encore trop tôt pour faire de la classe moyenne consumériste le principal moteur d'une croissance qui serait totalement endogène, on voit bien les évolutions qui se dessinent.

Bien que vulnérable à un retournement de conjoncture, bien qu'inégalement observée entre les différents pays, bien que touchant parfois une petite frange de la population, cette tendance est bel et bien une tendance de fond.

Elle s'accompagne tout naturellement d'une diversification de la consommation.

La part des dépenses qui augmente la plus vite est la part « hors subsistance » : santé, éducation, loisirs, télécommunications. Ainsi la part de l'alimentaire n'est plus que de 20% dans les dépenses des ménages en Malaisie et 35% en Thaïlande.

4. Un potentiel démographique qui représente aussi un défi

L'Asie est jeune ; sa population croît rapidement et des pays comme l'Indonésie, le Vietnam ou les Philippines sont ou seront demain des géants démographiques, avec, suivant certaines projections, respectivement près de 400, 100 et 200 millions d'habitants en 2050.

ÉVOLUTION DE LA POPULATION EN ASIE DU SUD EST

Source : Banque asiatique de développement, www.adb.org/statistics

Dans plusieurs États -notamment aux Philippines, en Indonésie et au Vietnam- la croissance démographique va continuer d'être vive dans les décennies à venir, puisque l'Indonésie pourrait compter jusqu'à 370 millions d'habitants en 2050, les Philippines 180 millions et le Vietnam plus de 100 millions.

SCÉNARIOS D'ÉVOLUTION DE LA POPULATION EN ASIE DU SUD EST

Population 2009

Population 2050

Age médian

bas

moyen

haut

2010

2050

Indonésie

241

277

321

370

27

38

Philippines

93

136

157

181

22

31

Vietnam

89

90

104

120

28

46

Thaïlande

66

54

62

71

35

51

Myanmar

51

50

58

68

27

40

Cambodge

14

19

22

25

Malaisie

28

36

42

48

Source : Présentation de M. J R Chaponnière aux membres de la commission

Source : ONU world population prospects 2012, cité par le service économique régional (SER) de Singapour

La question est surtout centrale aux Philippines , qui a un taux de croissance démographique parmi les plus élevés du monde, et qui conserve une proportion importante de sa population en situation de pauvreté (33% de la population vit sous le seuil de pauvreté), population qui plus est particulièrement exposée aux catastrophes naturelles.

5. Une priorité à l'éducation et à l'économie de la connaissance inégalement partagée

Comparée à l'Asie du Nord-Est, l'Asie du Sud-Est a globalement sous-investi dans l'éducation et le capital humain . Même si ce décalage, qui reste l'un des principaux défis à relever, demeure important, cette tendance se retourne progressivement. C'est un des principaux enjeux du rattrapage économique des pays d'Asie du Sud-Est.

L'éducation devrait clairement devenir la priorité des nouveaux entrants dans la globalisation que sont le Cambodge, le Laos, la Birmanie ou le Vietnam. L'accès à l'éducation supérieure est un enjeu dans les pays où il n'est pas encore universel comme l'Indonésie, les Philippines, la Thaïlande ou Brunei. 14 ( * )

Singapour , pôle d'excellence en matière scientifique, est naturellement en tête au sein de la région, avec les deux tiers de sa population ayant atteint un niveau d'études supérieures et un tiers du budget consacré aux dépenses d'éducation. Deux des trois universités singapouriennes figurent chaque année en bonne place dans les classements mondiaux.

La cité Etat -référence mondiale en la matière- cherche en permanence à promouvoir un environnement propice à l'innovation, basé sur la qualité des infrastructures et la présence de nombreux chercheurs internationaux, auxquels les laboratoires singapouriens offrent des conditions de travail avantageuses. La recherche privée est très active. Quant aux autorités, elles ont une stratégie de création d'un « hub » de connaissances, à rayonnement international, en particulier dans les secteurs des technologies de l'information et de la recherche biomédicale.

Le nombre de chercheurs à Singapour a crû de 50% depuis 2000, atteignant le chiffre record de 6 173 chercheurs pour un million d'habitants 15 ( * ) .

En Malaisie , les autorités ont affiché dès les années 1990 la volonté d'une économie qui soit basée sur le savoir. Les dépenses pour le développement de l'enseignement supérieur atteignaient 19% 16 ( * ) du total des dépenses d'éducation en 2009 (soit près de 6% du PIB). Le taux de scolarisation dans le supérieur est passé de 26% en 2000 à 40% en 2010. Le nombre de brevets déposés y est élevé : 10 brevets déposés pour 1 million d'habitants.

MALAISIE : PRIORITÉ À L'INNOVATION

Depuis 20 ans, recherche et innovation sont prioritaires dans les plans quinquennaux malaisiens. Les autorités souhaitent en effet bâtir une économie de la connaissance pour permettre au pays de sortir de la trappe à revenus intermédiaires et rejoindre les économies à hauts revenus d'ici 2020.

En 2010, le gouvernement a dévoilé son « nouveau modèle économique » fondé sur la recherche de gains de productivité. Ce programme, qui s'inscrit dans les 10 ème et 11 ème plans (2011-2020), est concrétisé par le « Programme de transformation économique ». Les projets du 10 ème plan font une large part aux nouvelles technologies et à l'innovation. Le lancement du 10 ème Plan a vu les créations de l'Unité Spéciale Innovation (UNIK), chargée de concevoir une stratégie nationale de l'innovation et de commercialiser les résultats de la recherche publique. Autre maillon essentiel du dispositif public, créé en 1994, le Malaysian Industry Government Group for High Technology (MIGHT) rassemble des acteurs de la recherche et des industries de pointe et est chargé d'évaluer les programmes de compensations industrielles. Le pays est doté de nombreuses structures de recherche (20 universités et 27 instituts de recherche publics, un bon nombre d'universités privées dont certaines étrangères) et de valorisation.

On constate naturellement de fortes disparités au sein de la région. Ainsi les Philippines , le Vietnam ou l' Indonésie par exemple, ne fournissent pas le même effort en matière d'innovation et d'éducation supérieure. La part du PIB consacrée à la recherche n'y dépasse pas 0,2%.


* 5 Key indicators for Asia and the Pacific 2013

* 6 Voir « Economic outlook for Southeast Asia », 2014, http://www.oecd.org

* 7 Voir notamment l'étude de la banque asiatique de développement : http://www.adb.org/features/middle-income-trap-holds-back-asias-potential-new-tiger-economies-12-things-know

* 8 Source : « Horizon ASEAN », mai 2013, Direction Générale du Trésor, « Échanges de services, l'ASEAN en avance sur la Chine ».

* 9 C'est l'analyse du service économique régional de Singapour, disponible dans « Horizon ASEAN », janvier 2014, dont sont tirées les analyses figurant dans ce paragraphe.

* 10 Calcul du service économique régional de Singapour de la Direction Générale du Trésor (novembre 2012).

* 11 Chiffre cité par JR Chaponnière « La résilience économique de l'ASEAN », l'Asie du Sud Est 2013, IRASEC, les Indes savantes

* 12 Dans « L'Asie du Sud-Est 2013 », IRASEC, les Indes savantes, « la résilience économique de l'ASEAN »

* 13 Source: entretiens à Jakarta

* 14 Sophie Boisseau du Rocher : «  The EU's strategic offensive with ASEAN : Some room left but no time»

* 15 Source : chiffres UNESCO, cités par l'étude précitée du Service économique régional de Singapour sur l'innovation

* 16 Chiffre : « La compétitivité des pays de l'ASEAN-6 », note du service économique régional de Singapour, octobre 2012

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