CHAPITRE III - REPLACER VNF SUR UNE TRAJECTOIRE FINANCIÈRE SOUTENABLE

La loi de 2012 a été inscrite dans la perspective d'une ambition fluviale renouvelée passant par une mise à niveau des moyens de production de VNF. Le regroupement des personnels auquel elle a procédé a été accompagné d'engagements portant sur le niveau du capital qui serait engagé pour moderniser l'infrastructure fluviale, dans le dessein de restaurer la fonction de production de l'établissement.

Pour être mis en oeuvre en toute cohérence, ce schéma doit reposer sur des améliorations effectives de la combinaison productive, qui ne sauraient se résumer à des restrictions de personnels, mais supposent plutôt des adaptations qualitatives pour en accroître l'efficience.

Au-delà, il convient que VNF dispose d'une base financière robuste. Ceci implique une optimisation de la programmation des investissements fluviaux qui, on l'a déjà exposé n'engage pas que VNF mais concerne principalement la capacité du pays à formuler et mener à bien ses choix stratégiques pour le transport fluvial.

Il faut aussi surmonter les handicaps financiers qui pèsent sur VNF ce qui suppose d'apporter des solutions à une série de vulnérabilités financières.

Fondamentalement, l'équation financière de VNF est appréhendée dans un contexte où le modèle économique de la voie d'eau resterait inchangé, sans capacité de produire des recettes (péages) couvrant ses coûts. Il s'agit alors d'optimiser les soutiens publics en explorant deux pistes complémentaires : la réduction pérenne des coûts d'exploitation récurrents ; la maximisation des produits du domaine fluvial disponible que la loi de 2012 a entendu favoriser.

Pour devoir être explorées, ces deux opportunités présentent des limites et appellent quelques précautions.

I. POUR UNE RÉELLE AMÉLIORATION DE LA COMBINAISON PRODUCTIVE DE VNF

Compte tenu de la nature de son activité et des orientations stratégiques qui sont les siennes, il est logique d'attendre que VNF et ses personnels réalisent des progrès d'efficacité.

Cette attente ne conduit pas à préconiser une réduction comptable des effectifs mais plutôt à atteindre des objectifs qualitatifs permettant à VNF d'améliorer son efficience dans un contexte d'amélioration de son offre de services.

Le niveau des investissements est une variable cruciale qui doit permettre d'améliorer l'efficience et d'améliorer la situation financière de VNF mais sous la condition d'une structure d'emplois mieux adaptée aux missions de VNF.

A. EXPLORER LES PISTES DES GAINS D'EFFICACITÉ DES PERSONNELS PLUTÔT QU'APPLIQUER UNE GESTION COMPTABLE DES EFFECTIFS

Les dépenses de VNF sont pour les deux tiers des dépenses de fonctionnement et pour un tiers des dépenses d'investissement. Compte tenu du programme d'investissement qu'il serait souhaitable de mettre en oeuvre, la recherche d'économies sur la section de fonctionnement est une piste naturelle.

Elle doit être explorée mais dans la perspective de gains d'efficience plutôt que dans celle, comptable et non sans dangers d'une réduction mécanique des effectifs.

Les économies sur les coûts récurrents de VNF doivent être poursuivies en fonction des capacités de l'établissement à satisfaire une offre de service adaptée à la demande de fluvial.

1. La mise en oeuvre de la loi a permis de mieux mesurer les composantes des coûts budgétaires des services rendus par VNF et de situer le niveau relatif des coûts salariaux que les évolutions du plafond d'emplois ne paraissent pas avoir impactés
a) La réforme a permis de mieux mesurer le poids des dépenses de fonctionnement et le niveau des coûts salariaux

Les dépenses de fonctionnement de VNF ont évolué sur un rythme soutenu : entre 2005 et 2012, elles ont augmenté de 28,1 % soit davantage que l'inflation.

Les dépenses de fonctionnement représentaient en 2011 de l'ordre de 39 % des dépenses totales de VNF.

La masse salariale de VNF était alors évaluée à 24,1 millions d'euros correspondant aux seuls emplois de l'établissement (et incluant le montant de l'intéressement versé en 2011 - qui avait été inhabituellement bas). En 2012 , elle s'établissait à 27,6 millions d'euros .

Cette situation d'ensemble n'était donc qu'apparente puisque les personnels des services de navigation oeuvrant pour VNF n'étaient alors pas rémunérés par celui-ci.

La loi a eu pour effet de transférer à VNF la charge de la paye de ces agents.

Le ministère évaluait le coût des 4.230 ETPT mis à disposition de VNF à 185 millions d'euros en 2011, si bien qu'au total on peut considérer que les coûts salariaux mobilisés du fait des missions de VNF s'élevaient à 209,1 millions d'euros en 2011.

Consécutivement à l'entrée en vigueur de la loi, les dépenses de fonctionnement de VNF ont connu en 2013 un fort ressaut.

Elles sont passées de 135,8 à 353,1 millions d'euros (+ 217,3 millions d'euros), soit une multiplication par plus de 2,5 du budget de fonctionnement. La part des dépenses de fonctionnement dans le budget de VNF a subi les effets de cette réorganisation et s'élève désormais à 62,6 %.

La masse salariale représente 40,1 % du total des dépenses sur la base d'un budget 2013 arrêté à 230 millions d'euros de salaires et traitements pour un plafond d'emplois de 4 703 ETP dont 4 314 correspondant aux agents des services ministériels. Elle mobilise 65 % des dépenses de fonctionnement.

Elle dépasse de loin les ressources propres de VNF même si on considère comme telle la taxe hydraulique, ce qui est purement conventionnel.

b) Jusqu'à présent les évolutions du plafond d'emplois n'ont pas eu d'effets significatifs sur les coûts salariaux

La gestion du personnel de VNF a été placée depuis les années 2000 sous le sceau des processus mis en place pour limiter la croissance des dépenses publiques, en particulier celles correspondant aux coûts du travail.

Cette orientation a été sans effets sur le niveau des effectifs propres de VNF mais a exercé quelques effets notables sur les agents des services de navigation mis à disposition de VNF. Les premiers ont augmenté de 7,7 % entre 2006 et 2013 (+ 28 unités) tandis que les seconds baissaient de 11,7 % (- 560 emplois).

Les tableaux ci-dessous détaillent l'évolution des effectifs mis à disposition de VNF.

LES EFFECTIFS MIS À DISPOSITION DE VNF (PLAFOND D'EMPLOI)

LES EFFECTIFS PROPRES DE L'ÉTABLISSEMENT

L'accentuation de la baisse des plafonds d'emplois en fin de période semble en partie apparente puisqu'elle résulte largement des effets du décroisement des compétences en matière de police de l'eau qui en 2008 mobilisaient 147 emplois équivalents temps plein (ETP).

Cependant, les réductions d'effectifs autorisés à VNF atteignent 227 unités depuis 2008 soit une baisse de 5,1% sur cinq ans.

Elles ont été réalisées grâce à la réduction des emplois de catégorie C (- 503 emplois) et du nombre des vacataires (- 76 emplois sont une baisse de plus de 30 %).

De leur côté des emplois de catégories A et B ont progressé, respectivement de 24 et 19 emplois.

Étant donné la croissance du trafic au cours de cette période, de l'ordre de 5,8 %, les gains de productivité du travail demandés à VNF ont été substantiels avec environ 11, 1 % de gains d'efficience pour les seuls emplois « transférés ».

Finalement les effectifs totaux mobilisables par VNF auront connu un recul de 217 emplois (- 4,9 % entre 2008 et 2013).

Cette performance apparaît cependant relative.

Il faut d'abord souligner qu'elle ne porte pas sur des personnels réellement employés par VNF mais sur des plafonds d'emplois.

Or, comme les effectifs de VNF ne saturaient pas les plafonds d'emplois, des vacances d'emplois devant être chroniquement observées, la baisse des autorisations d'emplois n'a pas été suivie d'une réduction effective de ceux-ci.

Au demeurant, en gardant à l'esprit les incertitudes de méthode liées aux informations partielles transmises sur ce point, par rapport à 2011, la masse salariale réelle de VNF affiche une progression apparente significative.

Par ailleurs, ces évolutions peuvent être mises en regard des scenarios d'emplois explorés par l'IGF dans son rapport de 2009 sur VNF.

Trois scénarios à 2013 avaient été envisagés en fonction du niveau de l'investissement :

- un scénario « maximaliste » correspondant aux travaux programmés par VNF (scénario 1) ;

- un scénario « volontariste » ambitieux mais modulé en fonction des enjeux des voies d'eau (il comprenait une partie des investissements de Seine Nord Europe)  (scénario 2) ;

- un scénario « tendanciel « basé sur le maintien des capacités d'investissement de VNF (scenario 3).

Ces scénarios d'investissement étaient croisés avec des hypothèses portant sur l'évolution du périmètre du réseau exploité par VNF réseau constant, fermetures de 23 et 27 voies respectivement.

Les réductions d'emplois associées se lisent dans la matrice ci-dessous.

SIMULATION DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ EN FONCTION DU PÉRIMÈTRE DU RÉSEAU ET DU SCÉNARIO D'INVESTISSEMENT

1

2

3

Réseau constant

432

351

285

23 voies

531

451

413

27 voies

682

611

591

En prenant en considération les effets sur l'emploi de l'amélioration de l'offre de service et de la réorganisation territoriale de VNF qui s'annulent à peu près, on observe que si l'évolution des plafonds d'emplois de VNF n'en a pas été très éloignée, elle n'a pas atteint la cible la plus basse visée par l'IGF.

Cet écart peut s'expliquer par les retards pris par le programme d'investissement, en particulier par l'automatisation des ouvrages de navigation mais sans doute aussi par les coûts d'administration entraînés par une réforme qui a gonflé le budget géré par VNF de 65 %.

c) Les évolutions des coûts salariaux sont tributaires de paramètres multiples et doivent être appréciées et conduites à l'aune de contraintes de fonctionnement plutôt que sur des bases étroitement comptables

Il paraît important de dépasser une approche comptable toujours trop restrictive et de mentionner certaines variables de bonne gestion des personnels.

Les scenarios explorés par l'IGF mettent en évidence les gains d'effectifs associés à l'investissement et la sensibilité des dépenses de personnel au périmètre du réseau géré par VNF.

(1) Les investissements

À l'évidence les investissements permettent d'éviter des coûts d'exploitation récurrents, considération qu'il faut garder à l'esprit au moment des choix budgétaires portant sur les capacités d'investissement de VNF.

Les gains d'efficience des personnels attribuables aux investissements dans les simulations de l'IGF s'élèvent entre 6,4 % (scénario 1) et 9,7 % (scénario 3).

La modernisation des ouvrages, en particulier la substitution d'ouvrages automatiques à des ouvrages manuels, l'introduction de techniques de télé-service, l'augmentation de la robustesse du réseau, qui devrait réduire les besoins de maintenance sont constitutifs d'une mise à niveau du capital technique qui ne saurait être sans effets sur le contenu en emplois traditionnels de VNF.

Les simulations de l'IGF montrent que les économies budgétaires réalisées sur les emplois peuvent aller jusqu'à autofinancer les investissements dans les scénarios 1 et 2 selon une temporalité brève (12 ou 10 ans respectivement). Étant donné la durée de vie des investissements, ceux-ci, qui sont nécessaires à la viabilité du transport fluvial, même s'ils ne s'accompagnent pas de recettes nouvelles, en ressortent budgétairement justifiés.

Ce résultat doit sans doute être pris avec certaines précautions. Ainsi, dans la simulation de l'IGF les « gains » d'emplois sont quasiment linéaires. Ce résultat n'est pas acquis et, plus largement, il faut considérer que, si l'amélioration des fonctionnalités des ouvrages de navigation peut permettre de diminuer les effectifs dédiés à l'exploitation, il restera à prévoir un volant incompressible d'emplois afin d'en assurer la maintenance dans les conditions exigeantes permettant à l'ambition d'élever l'offre de service des voies navigables de se concrétiser.

Néanmoins, il est assez important pour apporter une justification supplémentaire à une stratégie offensive de remise à niveau de la voie d'eau qui, compte tenu des hypothèques pesant sur les recettes de VNF, peut constituer une voie crédible pour remettre l'établissement sur une trajectoire budgétaire équilibrée, condition essentielle de sa pérennité et de l'ambition fluviale du pays.

(2) Le périmètre du réseau

De son côté, l'effet sur les effectifs de VNF d'éventuelles modifications apportées au périmètre du réseau est conséquent.

Dans le scénario tendanciel, les fermetures simulées entraînent des réductions d'emplois de 128 ou 306 unités selon qu'elles portent sur 23 ou 27 voies, soit une réduction des emplois de 2,9 à 6,9 %.

Vos rapporteurs s'en remettent à ces estimations en imaginant que les coûts fixes du maintien en bon état hydraulique des voies en question ont été pris en compte, considérant que cette partie de la simulation ne saurait relever d'une science exacte. Par ailleurs, il faudrait prendre en considération les effets économiques induits de ces fermetures que les simulations de l'IGF avaient négligés.

Pour autant, les bilans des couvertures des coûts par grande catégorie des voies navigables fournis par VNF suggèrent des pistes de réflexion.

Sur des données remontant à 2008, les coûts du petit gabarit ressortent comme supérieurs à ceux du grand gabarit, avec pour les premiers un coût total de 188,5 millions et pour le second de 117,7 millions d'euros. Cet écart se retrouve dans une proportion encore supérieure pour les coûts variables qui sont plus de deux fois supérieurs sur le petit gabarit (72,9 millions d'euros contre 35,7 millions).

Ces données sont un peu succinctes pour apprécier finement les coûts des voies gérées par VNF mais l'établissement n'a pas pu en fournir de plus précises, ce qui est regrettable au vu des responsabilités de VNF, qui paraît cependant avoir amélioré significativement ses outils de pilotage à plusieurs titres.

Elles semblent refléter la répartition des effectifs dans les différentes directions territoriales de VNF qui est loin d'être proportionnée aux enjeux du trafic.

La confrontation de la répartition des effectifs par circonscription territoriale de VNF et du seul transport fluvial de marchandises - qui ne tient pas compte des flux de passagers dont la répartition territoriale est propre - montre des écarts considérables.

POSITIONNEMENT TERRITORIAL DES EFFECTIFS ET RÉPARTITION DU TRANSPORT FLUVIAL DE MARCHANDISES

Effectifs (en % des effectifs hors siège)

(en % du total trafic)

Centre-Bourgogne

14

0,5

Nord-Pas-de-Calais

12,5

10,1

Nord-Est

20,9

7,6

Rhône-Saône

17,7

9,2

Bassin de la Seine

24,9

53,2

Strasbourg

11

13,9

Sud-Ouest

7,1

NS

On sait que les orientations arrêtées ne comportent pas de réduction du périmètre du réseau, ce qui limite les économies envisageables. Pour autant, la modulation de l'offre de service en fonction des enjeux du transport fluvial représente une alternative qui doit avoir des effets sur le positionnement des agents.

En toute hypothèse, vos rapporteurs considèrent que VNF devrait rechercher une plus grande cohérence entre le positionnement de ses personnels et les enjeux de l'exploitation du réseau.

(3) « Enrichir » les emplois

La répartition catégorielle des agents de VNF reflètent leur répartition fonctionnelle. VNF compte environ 2 300 agents d'exploitation et 1 000 agents de maintenance.

Les premiers sont principalement chargés de la manoeuvre des ouvrages de navigation, particulièrement nombreux et d'utilisation souvent manuelle. Ils exercent des métiers pénibles et parfois risqués.

Les seconds sont sollicités par des opérations de maintenance inopinées qui sont souvent rendues nécessaires par des installations fluviales fragilisées par le temps et une conception ancienne.

Les fonctions d'ingénierie sont nettement moins dotées. Le « management de projet » ne réunit qu'environ 90 personnes tandis que seule une quarantaine d'agents seraient chargés de l'ingénierie et de la maîtrise d'ouvrage. Une forme de sous effectifs doit être constatée pour ces missions avec des incidences regrettables puisqu'elle peut conduire à des externalisations coûteuses et à une perte de contrôle des projets les plus significatifs.

Par ailleurs, l'intention du législateur de dynamiser l'approche entrepreneuriale de VNF n'a pas encore reçu semble-t-il les prolongements nécessaires en termes d'équipes dédiées.

Cette structure d'emplois est appelée à évoluer à mesure que le programme d'investissement de VNF sera mis en oeuvre, à la fois comme une conséquence naturelle de l'augmentation d'efficacité induite par la mise à niveau du capital technique installé sur la voie d'eau et comme une condition même du bon déroulement des opérations d'investissement.

Mais, si la réorganisation de la maintenance vers une maintenance plus préventive peut accélérer les gains d'efficacité du personnel, cette évolution se heurtera à certaines limites. Non seulement, comme cela a déjà été indiqué, il conviendra de positionner les équipes de maintenance de sorte qu'elles puissent intervenir en bon temps, mais encore il faut prévoir que la période transitoire où les maintenances curatives continueront à être des nécessités puisse être longue, à mesure du déroulement des opérations de consolidation des ouvrages du réseau. Cette durée dépendra du rythme des investissements et de l'ampleur du périmètre du réseau.

En toute hypothèse, la structure des emplois de VNF devrait évoluer pour tenir pleinement compte des investissements réalisés et des objectifs fixés par la loi et les contrats passés entre l'État et l'établissement.

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