PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Les contrats de plan État-régions souffrent d'une absence de stratégie nationale et d'une articulation insuffisante avec les fonds européens et d'autres programmes sectoriels . De plus, l' insuffisante définition des priorités accentue la tendance au saupoudrage des crédits et conduit à un impact limité des CPER sur le développement des territoires , surtout en zone rurale. Enfin, le pilotage des contrats est défaillant , en raison notamment d'un système de suivi incomplet par le logiciel Présage. Dans ce contexte, il s'agit de tirer les conséquences des observations de la Cour des comptes pour le suivi et l'exécution des futurs contrats de plan . C'est pourquoi, au moment où la nouvelle génération est négociée, trois axes d'amélioration sont proposés :

1. Définir un cadrage stratégique des CPER . Ce premier axe appelle l'organisation d'un débat suivi le cas échéant d'un vote au Parlement, conduisant à fixer les orientations stratégiques de la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire, dans lesquelles les CPER devraient s'inscrire. Ce cadrage doit également permettre de préciser les finalités poursuivies par les crédits ouverts au titre des CPER.

2. Établir un ciblage rigoureux des CPER et mieux les articuler avec les autres politiques publiques . D'une part, ce deuxième axe nécessite une plus grande sélectivité dans le choix des opérations, la subordination de toute opération à la définition d'un échéancier de réalisation physique et financière et, enfin, la concentration des volets territoriaux et des contrats interrégionaux sur un nombre limité de thématiques structurantes. D'autre part, l'articulation des CPER avec les programmes nationaux sectoriels à vocation territoriale doit être recherchée.

3. Améliorer le pilotage des CPER . Ce troisième axe implique que le comité national de suivi et les comités régionaux se réunissent au moins une fois par an. Il nécessite surtout que l'État et les régions améliorent la fiabilité et la cohérence des indicateurs financiers et physiques nécessaires au suivi. Il convient donc de lever les incertitudes liées à la mise au point du nouvel outil informatique (Synergie) pour le suivi commun des fonds européens et des CPER (calendrier de déploiement, coûts, financement, engagement des partenaires à l'utiliser). La question du coût des nouveaux systèmes informatiques doit faire l'objet d'une vigilance toute particulière, compte-tenu du risque de dérapage relevé par la Cour des comptes. En outre, il convient prendre en considération, lors de la révision des contrats à mi-parcours, les résultats des évaluations, de manière à abandonner certaines opérations et à redéployer les crédits ainsi libérés.

I. L'HISTOIRE DES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS

A. LES ORIGINES DES CPER

1. Une création par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification

D'ardente obligation, le Plan national , mis en place pour la première fois en 1947 et ayant pour objet la planification quinquennale de l'activité économique et la conduite de grands travaux d'infrastructures , est devenu de plus en plus indicatif au cours des années 1970 et 1980 avant d'être tout simplement abandonné 2 ( * ) . Parallèlement, la France a fait le choix volontariste de recourir à de nouveaux instruments de planification territoriale , en vue de répondre à la critique du caractère centralisé de la planification.

Les régions, établissements publics dont l'aménagement du territoire est l'une des missions essentielles depuis la loi du 5 juillet 1972 3 ( * ) , deviennent, par la loi du 2 mars 1982 4 ( * ) des collectivités territoriales dotées d'un exécutif. Avec ce nouveau contexte institutionnel, l'aménagement du territoire , auparavant réservé à l'action de l'État, est devenu une compétence de plus en plus partagée avec les pouvoirs locaux et, en particulier, les régions.

Selon les termes de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification 5 ( * ) , qui a créé les contrats de plan État-Région (CPER), « le plan de la région détermine les objectifs à moyen terme du développement économique, social et culturel de la région pour la période d'application du plan de la nation » et « le contrat de plan conclu entre l'État et la région définit les actions que l'État et la région s'engagent à mener conjointement par voie contractuelle pendant la durée du plan » 6 ( * ) .

Ces contrats visent donc, à l'origine, l'établissement d'un cadre de référence pour la mise en cohérence des orientations stratégiques de l'État et des régions . Dans ces documents, l'État et les régions s'engagent réciproquement sur la programmation et le financement pluriannuels de projets tels que la création d'infrastructures ou la modernisation d'équipements.

L'association de deux financeurs publics doit permettre, au-delà même de la cohérence accrue des actions menées par chacun, un plus grand effet de levier pour des investissements de grande envergure et donc coûteux.

2. L'ambiguïté constitutive des CPER

La loi du 29 juillet 1982 précitée confiait aux CPER le rôle de mise en oeuvre au niveau régional du Plan de la nation. Mais le Plan ayant perdu son rôle pivot au cours des trente dernières années, avant de disparaître purement et simplement, ces contrats souffrent d'une ambiguïté constitutive : d' instruments de déclinaison de la planification nationale , comme le prévoyait logiquement la loi, ils sont devenus des cadres de contractualisation des engagements financiers de l'État et des régions .

Comme l'a indiqué notre collègue Charles Guené lors de l'audition pour « suites à donner » qui s'est tenue au Sénat le 15 octobre 2014 : « tous semblent s'accorder sur l'ambiguïté du fonctionnement des CPER. Peut-être cela résulte-t-il d'un péché originel : ceux-ci ne sont-ils pas issus de l'union d'un Plan en fin de vie et d'une décentralisation naissante ? ».

En dépit de cette ambiguïté, la négociation puis la signature des contrats de plan restent des événements importants de la vie politique et administrative locale . En revanche, bien que devant s'inscrire en théorie dans une stratégie nationale définie par l'État et soumise au vote du Parlement, les CPER n'ont jamais fait l'objet d'un vote, ni même d'un débat , dans les assemblées parlementaires.


* 2 Préparé en 1992, le projet de onzième plan, prévu pour couvrir la période 1993-1997, ne sera pas adopté. Le Commissariat général du Plan (CGP) disparait quant à lui en 2006, année de création du Centre d'analyse stratégique (CAS), transformé en 2013 en Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). La fin de l'oeuvre de « reconstruction du pays » et les mutations de l'économie ont fait perdre de leur pertinence aux plans nationaux, auxquels il était de plus reproché leur rigidité et leur caractère centralisé.

* 3 Loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions.

* 4 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 5 Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

* 6 Cf. article 11 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1982 précitée.

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