C. DES OUVERTURES DE CRÉDITS CONCENTRÉES SUR LA DÉFENSE ET L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE, QUI FINANCENT POUR PLUS DE MOITIÉ DES DÉPENSES DE PERSONNEL

1. La répartition des crédits par destinataires : des besoins concentrés sur l'enseignement scolaire et la défense
a) Dix missions bénéficient d'ouvertures de crédits, six seulement d'ouvertures nettes

Dix missions voient des crédits supplémentaires ouverts par le présent projet de décret d'avance, dont la répartition est précisée dans le tableau ci-après.

Répartition des ouvertures de crédits du présent projet de décret d'avance, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement

(en millions d'euros, classement par ordre croissant en AE)

Intitulé de la mission

Crédits ouverts (AE)

Crédits ouverts (CP)

Recherche et enseignement supérieur

1,8

1,8

Sécurités

5,6

13,9

Régimes sociaux et de retraite

8,1

8,1

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

10,6

10,6

Culture

21,1

21,2

Justice

38,3

38,2

Égalité des territoires, logement et ville

54,0

54,4

Enseignement scolaire

327,3

327,3

Travail et emploi

483,8

20,0

Défense

783,3

773,3

Total

1 733,9

1 269,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

Les ouvertures sont, de même que les annulations, fortement concentrées : à elles seules, les missions « Défense », « Travail et emploi » et « Enseignement scolaire » représentent 92 % des autorisations d'engagement ouvertes .

Répartition des autorisations d'engagement ouvertes par le présent projet de décret d'avance

(en pourcent)

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

De même, en crédits de paiement, comme le met en évidence le graphique ci-après, 87 % des crédits ouverts le sont au titre de la défense ou de l'enseignement scolaire.

Répartition des crédits de paiement ouverts par le présent projet de décret d'avance

(en pourcent)

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

Ces ouvertures doivent cependant faire l'objet d'une analyse croisée avec les annulations effectuées : le solde des ouvertures et des annulations laisse ainsi apparaître que six missions seulement connaissent des ouvertures supérieures aux annulations . Ainsi, la mission « Travail et emploi », qui connaît des ouvertures importantes en autorisations d'engagement, voit, au total, ses crédits réduits de plus de 30 millions d'euros en autorisation d'engagement.

Solde des ouvertures et des annulations de crédits du présent projet de décret d'avance, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement

(en millions d'euros, classement par ordre croissant en AE)

Intitulé de la mission

Solde en AE

Solde en CP

Aide publique au développement

- 228,7

- 9,5

Recherche et enseignement supérieur

- 191,3

- 262,5

Écologie, développement et mobilité durables

- 83,3

- 90,6

Sécurités

- 65,5

- 63,9

Missions contributrices nettes

Travail et emploi

- 30,3

- 157,2

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

- 8,9

- 9,3

Medias, livre et industries culturelles

- 8,9

- 8,9

Administration générale et territoriale de l'État

- 5,5

- 5,5

Justice

- 4,2

- 19,8

Conseil et contrôle de l'État

- 0,4

- 0,4

Régimes sociaux et de retraite

8,1

8,1

Missions receveuses nettes

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

10,6

10,6

Culture

21,1

21,2

Égalité des territoires, logement et ville

54,0

54,4

Défense

210,6

210,6

Enseignement scolaire

322,4

322,4

Total

0,0

0,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

b) Certains programmes auraient pu être financés par virement de crédits

L'article 12 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que « des virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère ». Toutefois, l'article 12 précité limite le montant des virements de crédits à 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes.

Si le recours à un virement de crédits ne pouvait donc permettre de financer à lui seul la totalité des besoins de crédits supplémentaires , il aurait pu suffire pour certains programmes . Comme le montre le tableau ci-après, les besoins étaient en effet inférieurs à 1 % des crédits pour l'ensemble des programmes faisant l'objet d'ouvertures sur la mission « Enseignement scolaire » qui relèvent du ministère de l'Éducation nationale, ainsi que pour le programme « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi », rattaché au ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Le recours au décret d'avance pour des montants parfois faibles relativement à ceux des crédits des ministères concernés laisse à penser que ces derniers ne disposent d'aucune marge de manoeuvre permettant de procéder à la couverture des dépenses supplémentaires par la fongibilité ou les virements de crédits.

Rapport entre les crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance et les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014

(autorisations d'engagement, en pourcent)

Intitulé de la mission, du programme, de la dotation

Numéro du programme

Part CP ouverts DA/ CP ouverts LFI

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

0,33 %

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

206

1,14 %

Dont titre 2

2,01 %

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

215

0,67 %

Dont titre 2

0,77 %

Culture

0,82 %

Création

131

1,34 %

Patrimoines

175

1,50 %

Défense

1,99 %

Préparation et emploi des forces

178

3,45 %

Dont titre 2

2,06 %

Équipement des forces

146

0,07 %

Dont titre 2

0,35 %

Egalité des territoires, logement et ville

0,67 %

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

177

4,14 %

Enseignement scolaire

0,50 %

Enseignement technique agricole

143

0,54 %

Dont titre 2

0,85 %

Enseignement scolaire public du second degré

141

0,42 %

Dont titre 2

0,42 %

Enseignement scolaire public du premier degré

140

0,83 %

Dont titre 2

0,83 %

Enseignement privé du premier et du second degrés

139

0,45 %

Dont titre 2

0,50 %

Justice

0,49 %

Accès au droit et à la justice

101

4,32 %

Administration pénitentiaire

107

0,69 %

Dont titre 2

1,11 %

Recherche et enseignement supérieur

0,01 %

Enseignement supérieur et recherche agricoles

142

0,58 %

Dont titre 2

0,94 %

Régimes sociaux et de retraite

0,13 %

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

198

0,20 %

Sécurités

0,08 %

Sécurité civile

161

2,58 %

Dont titre 2

1,81 %

Sécurité et éducation routières

207

2,05 %

Dont titre 2

3,26 %

Travail et emploi

0,18 %

Accès et retour à l'emploi

102

0,28 %

Total pour les missions concernées

0,66 %

Dont titre 2

0,89 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

2. La répartition des crédits par nature : la part prépondérante des dépenses de personnel et d'intervention
a) 54 % des crédits de paiement destinés aux dépenses de personnel : un dérapage inquiétant

Les crédits de paiement ouverts par le présent projet de décret d'avance sont pour plus de la moitié destinés à financer des dépenses de personnel , principalement au titre de l'enseignement scolaire et la défense. Les ouvertures de crédits de titre 2 s'élèvent au total à 689 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et concernent douze programmes de six missions , soulignant le caractère généralisé des tensions pesant sur l'exécution des dépenses de personnel.

Répartition des ouvertures de titre 2 du présent projet de décret d'avance

(en millions d'euros et en pourcent)

Intitulé de la mission, du programme, de la dotation

AE ouvertes

CP ouverts

AE ouvertes - titre 2

CP ouverts - titre 2

Part des ouvertures de titre 2 (AE)

Part des ouvertures de titre 2 (CP)

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

10,6

10,6

10,6

10,6

100,0 %

100,0 %

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

206

5,7

5,7

5,7

5,7

100,0 %

100,0 %

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

215

4,9

4,9

4,9

4,9

100,0 %

100,0 %

Défense

783,3

773,3

321,3

321,3

41,0 %

41,5 %

Préparation et emploi des forces

178

776,5

766,5

314,5

314,5

40,5 %

41,0 %

Equipement des forces

146

6,8

6,8

6,8

6,8

100,0 %

100,0 %

Enseignement scolaire

327,3

327,3

327,3

327,3

100,0 %

100,0 %

Enseignement technique agricole

143

7,3

7,3

7,3

7,3

100,0 %

100,0 %

Enseignement scolaire public du second degré

141

129,0

129,0

129,0

129,0

100,0 %

100,0 %

Enseignement scolaire public du premier degré

140

159,0

159,0

159,0

159,0

100,0 %

100,0 %

Enseignement privé du premier et du second degrés

139

32,0

32,0

32,0

32,0

100,0 %

100,0 %

Justice

38,3

38,2

22,3

22,3

58,3 %

58,4 %

Administration pénitentiaire

107

22,3

22,3

22,3

22,3

100,0 %

100,0 %

Recherche et enseignement supérieur

1,8

1,8

1,8

1,8

100,0 %

100,0 %

Enseignement supérieur et recherche agricoles

142

1,8

1,8

1,8

1,8

100,0 %

100,0 %

Sécurités

5,6

13,9

5,6

5,6

100,0 %

40,1 %

Sécurité civile

161

2,9

11,3

2,9

2,9

100,0 %

26,1 %

Sécurité et éducation routières

207

2,6

2,6

2,6

2,6

100,0 %

100,0 %

Total

1 733,9

1 269,0

688,9

688,9

39,7 %

54,3 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance)

En ce qui concerne l'enseignement scolaire, les hypothèses sur lesquelles a été construite la budgétisation pour 2014 se sont révélées globalement trop favorables , tout autant concernant le glissement vieillesse technicité (GVT) que les retenues pour faits de grève ou encore l'exécution 2013. Le dérapage des dépenses de personnel de la défense est quant à lui lié aux opérations extérieures ainsi qu'aux dysfonctionnements récurrents du logiciel « Louvois ».

Les principales causes des besoins en dépenses de personnel financés par le présent projet de décret d'avance

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général)

Dans l'un comme dans l'autre cas, les risques avaient été identifiés par la Cour des comptes dès son rapport de juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques 6 ( * ) . Les besoins supplémentaires constatés s'expliquent ainsi par des causes déjà identifiées et l'on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles les crédits nécessaires n'ont été prévus ni en loi de finances initiale, ni dans la loi de finances rectificative de cet été, alors même qu'il s'agit de dépenses inéluctables pour lesquelles le choix d'une mise sous tension accrue des gestionnaires ne présente pas d'intérêt.

b) Les dépenses d'intervention : une sur-exécution systématique de certains dispositifs qui appelle à des réformes

Le présent projet de décret d'avance ouvre 527 millions d'euros au titre de dépenses d'intervention . Comme le montre le graphique ci-après, ces crédits ont vocation à financer principalement les contrats aidés et l'allocation spécifique de solidarité , ainsi que l'hébergement d'urgence .

Répartition des autorisations d'engagements ouvertes par le présent projet de décret d'avance au titre des dépenses d'intervention

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après le projet de décret d'avance)

Votre rapporteur général ne peut que constater l'absence de maîtrise du dynamisme de certaines dépenses d'intervention par le Gouvernement, dont l'augmentation s'avère presque systématiquement supérieure en exécution à celle programmée en budgétisation : le présent projet de décret d'avance vient, une nouvelle fois, le confirmer .

Si la hausse des besoins au titre des contrats aidés, qui constitue une dépense discrétionnaire, relève d'une décision politique d'augmentation du nombre de contrats conclus, l'augmentation des prestations dites « de guichet » paraît d'autant plus inquiétante qu'elle ne fait pas écho à une volonté politique - fût-elle critiquable - mais bien à une dynamique incontrôlée de ces dépenses .

3. Des dérapages récurrents qui soulignent la nécessité de réformes de structure

Les ouvertures auxquelles procède le présent projet de décret d'avance doivent être lues de façon conjointe avec celles du projet de loi de finances rectificative : les dispositifs de solidarité nécessitent l'ouverture de 501 millions d'euros en crédits de paiement en loi de finances rectificative. Au total, les dépenses obligatoires que sont les dépenses de personnel et « de guichet » pèsent ainsi pour plus de 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement sur les besoins constatés en fin de gestion.

Concernant les dépenses d'intervention, votre rapporteur général constate que ce sont, encore une fois, les mêmes dispositifs pour lesquels des ouvertures sont nécessaires : l'hébergement d'urgence est ainsi systématiquement sur-exécuté par rapport aux prévisions, et les contrats aidés avaient déjà nécessité en 2013 l'ouverture de crédits supplémentaires dans le décret d'avance pris en novembre. La hausse continue de ces dépenses dans des proportions importantes n'est pas compatible avec la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. Il est donc indispensable d'engager des réformes de structure qui doivent notamment porter sur les critères d'éligibilité, les montants et les modalités d'attribution des aides.

Les dépenses de personnel n'apparaissent, quant à elles, pas maîtrisables en l'absence d'une réflexion sur les effectifs de l'État .


* 6 Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2014, pp. 90 et 91.

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