CONTRIBUTION DE JEAN-YVES LECONTE, SÉNATEUR (SOC.) DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

Des risques de contraintes trop lourdes sur les opérateurs de l'Internet.

La lutte contre le terrorisme, comme plusieurs autres motifs d'ordre public ou d'intérêt général, peuvent conduire les États à imposer des contraintes aux opérateurs internet. Mais cette démarche est porteuse de risques, car si les contraintes sont trop fortes, alors les opérateurs ou les acteurs de l'internet se déporteront dans d'autres pays ou bloqueront l'usage en France de dispositifs et logiciels, tel Skype, accessibles ou utilisables ailleurs dans le monde.

Ainsi la volonté d'imposer dans les propositions 37 et 38 du rapport une obligation de décryptage des données transmises ou d'imposer l'application de la loi française à des entreprises à l'étranger, alors que ce n'est pas toujours techniquement possible sans lourdes contraintes sur le réseau, peut produire des effets négatifs.

Concernant le cryptage, celui-ci est utilisé pour sécuriser des données par de très nombreuses entreprises. C'est une pratique courante à l'heure du « Cloud ». La qualité du cryptage est une condition de la sécurisation des informations et données de l'entreprises et donc du secret des affaires. Si les opérateurs devaient avoir l'obligation de pouvoir transmettre aux autorités les données échangées sous forme décryptées alors ils devront avoir connaissance eux-mêmes des clefs permettant de décrypter les données qu'ils transmettent, ce qui fragiliserait la sécurité du cryptage. Ils pourraient aussi empêcher la circulation de données cryptées sur leurs réseaux, ce qui conduirait à une fragilisation de la sécurité des entreprises les utilisant.

Il est important d'avoir en tête que si l'on souhaite que la France dispose de moyens performants pour se protéger des cyberattaques et suivre ce qui peut menacer la sécurité sur internet elle doit être à la pointe de l'innovation. Elle ne doit donc pas se doter de régulations de l'Internet qui conduiraient les opérateurs à limiter leur présence en France ou à réduire les services offerts aux clients français pour se conformer à leurs obligations légales. Sur le long terme notre capacité à peser sur la régulation d'Internet dépendra de la maîtrise technique du web que nous conserverons en France. Une régulation trop directement restrictive bloquerait l'innovation, ferait partir les talents et fragiliserait à termes notre capacité à nous protéger./.

ANNEXES

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Liste des personnes entendues

Liste des déplacements

Compte-rendu de la table ronde « Internet et terrorisme djihadiste »

Compte-rendu de la table ronde sur la lutte contre le terrorisme djihadiste avec des ambassadeurs de pays européens

Étude de législation comparée

Présentation statistique du contentieux du terrorisme djihadiste

Présentation du dispositif légal français de lutte contre le terrorisme

Présentation du programme américain de surveillance du financement du terrorisme (TFTP)

Présentation du programme d'Interpol sur les armes à feu

Extrait des conditions d'utilisation des principaux réseaux sociaux concernant les contenus inappropriés

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 30 octobre 2014

M. Bernard BAJOLET , directeur général de la sécurité extérieure

Mardi 4 novembre 2014

M. Alain ZABULON , coordonnateur national du renseignement

Mercredi 5 novembre 2014

M. Patrick CALVAR , directeur général de la sécurité intérieure

Mercredi 12 novembre 2014

M. Olivier REILLON , chef du bureau du renseignement pénitentiaire (ministère de la justice)

M. Jean-Baptiste CARPENTIER , directeur du service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN)

M. Laurent FABIUS , ministre des affaires étrangères et du développement international

Mercredi 19 novembre 2014

M. Evence RICHARD , directeur de la mission interministérielle chargée du fichier sur les données des passagers aériens « Passenger Name Recorder (PNR) »

M. David SKULI , directeur central de la police aux frontières (PAF)

Jeudi 20 novembre 2014

M. Bernard CAZENEUVE , ministre de l'Intérieur

M. Bernard SQUARCINI , ancien directeur central du renseignement intérieur

M. Pierre N'GAHANE , secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD)

Jeudi 27 novembre 2014

M. Mourad BENCHELLALI , ancien détenu français du camp de Guantanamo

M. Gaïdz MINASSIAN , chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS)

Mardi 2 décembre 2014

M. Loïc GARNIER , chef de l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT)

M. Serge GUILLEN , ancien sous-directeur de l'information générale (SDIG) au sein de la Direction centrale de la sécurité publique du ministère de l'Intérieur

Jeudi 4 décembre 2014

M. Jean-Yves LE DRIAN , ministre de la défense

M. Christophe GOMART , directeur du renseignement militaire

Mercredi 10 décembre 2014

Présentation technique relative au blocage des sites Internet et au retrait de contenus à caractère terroriste par des experts de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC)

Démonstration relative à l'exploitation des réseaux sociaux pour le recrutement au djihad par M. Gurvan KRISTANADJAJA , journaliste web-data au site d'information RUE 89

Mardi 16 décembre 2014

Mme Dounia BOUZAR , directrice du Centre de prévention des dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI)

Mercredi 17 décembre 2014

M. René BAILLY , directeur du renseignement de la Préfecture de police

M. Marc TRÉVIDIC , juge d'instruction au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris

Mardi 20 janvier 2015

M. Jérôme LÉONNET , directeur central adjoint de la sécurité publique au ministère de l'Intérieur, chef du service central du renseignement territorial (SCRT)

M. Jean-Marie DELARUE , président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

M. Farhad KHOSROKHAVAR , directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Mercredi 21 janvier 2015

Colonel Pierre SAUVEGRAIN , sous-directeur de l'anticipation opérationnelle (SDAO) au sein de la direction générale de la Gendarmerie nationale

Mme Myriam BENRAAD , politologue, spécialiste de l'Irak et du monde arabe

Jeudi 22 janvier 2015

M. François MOLINS , procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, et Mme Camille HENNETIER , vice-procureur chargée de la lutte anti-terroriste

Mme Isabelle FALQUE-PIERROTIN , présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Mardi 27 janvier 2015

Mme Christiane TAUBIRA , Garde des sceaux, Ministre de la justice

Mercredi 28 janvier 2015

Table ronde « Internet et terrorisme djihadiste »

Première partie : La propagande terroriste sur Internet

Mme Catherine CHAMBON , sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité à la direction centrale de la police judiciaire

M. Benoît TABAKA , secrétaire général de l'Association des services de l'internet communautaire (ASIC)

MM. Yann BONNET , rapporteur général du Conseil national du numérique (CNNum), et Charly BERTHET , rapporteur

Deuxième partie : L'utilisation d'Internet à des fins d'organisation par les groupes terroristes

M. Philippe CHADRYS , sous-directeur chargé de la lutte anti-terroriste à la direction centrale de la police judiciaire

M. Marc ROBERT , procureur général près la cour d'appel de Versailles

M. Jérémie ZIMMERMANN , membre de « La Quadrature du Net », association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet

Mardi 3 février 2015

M. Pierre CONESA , ancien haut fonctionnaire du ministère de la défense, spécialiste des questions stratégiques internationales

Mme Céline BERTHON , secrétaire générale du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN)

M. Jean-Marc BAILLEUL , secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI)

Mercredi 4 février 2015

M. François-Bernard HUYGUE , chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste en sciences de l'information et de la communication

M. Djelloul SEDDIKI , directeur de l'Institut de théologie Al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris, chargé de la formation des imams et des aumôniers

Mme Adeline HAZAN , contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Mardi 10 février 2015

Mme Erin SALTMAN , chercheur associé à la Fondation Quilliam, think tank britannique spécialisé dans la lutte contre l'extrémisme

M. Alain GRESH , journaliste au Monde diplomatique, spécialiste du Moyen-Orient

Jeudi 12 février 2015

Mme Najat VALLAUD-BELKACEM , ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Moulay El Hassan EL ALAOUI TALIBI , aumônier national musulman des prisons

Mardi 17 février 2015

Table ronde de droit comparé sur la lutte contre le terrorisme djihadiste

M. Thomas PRÖPSTL , consul de l'ambassade d'Allemagne en France, accompagné de Mme Annegret KORFF , fonctionnaire de liaison à la direction de la coopération internationale auprès du ministère de l'intérieur allemand

Mme Anne Dorte RIGGELSEN , ambassadeur du Danemark en France

M. Ramón de MIGUEL , ambassadeur d'Espagne en France, accompagné de M. Javier Puga LLOPIS , premier secrétaire de l'ambassade d'Espagne en France

M. Ed KRONENBURG , ambassadeur des Pays-Bas en France, accompagné de Mme Monique CORTEN , conseiller chargé de la sécurité et de la justice, magistrat de liaison

Sir Peter RICKETTS , ambassadeur du Royaume-Uni en France, accompagné de M. Ananda GUHA , conseiller à la justice et aux affaires intérieures et M. Aurélien GAMET , conseiller affaires politiques et relations avec les élus.

M. Olivier SCHRAMECK , président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

Mercredi 18 février 2015

Audition conjointe

M. Claude ARNAUD , maire de Lunel

M. Gilles GASCON , maire de Saint-Priest

Audition conjointe

M. Jérôme CLERC , sous-directeur adjoint de l'accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail au sein de la Direction de la sécurité sociale

Mme Virginie MAGNANT , adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale au Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (DGCS)

M. Vincent BILLEREY , chef du bureau des minima sociaux à la DGCS

M. Daniel LENOIR , directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et Mme Sylvie LE CHEVILLIER , sa directrice de cabinet

M. Jérôme RIVOISY , Directeur général adjoint en charge de la maîtrise des risques de Pôle Emploi

Jeudi 19 février 2015

M. Serge BLISKO , président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)

M. Guillaume POUPARD , directeur général de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI)

M. François GARAY , maire des Mureaux

Contribution écrite de M. Jean-Luc MARRET , maître de recherche à la Fondation de la recherche stratégique

LISTE DES DÉPLACEMENTS

11 décembre 2014

VISITE DU CENTRE NATIONAL D'ASSISTANCE ET DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION (CNAPR) - UNITÉ DE COORDINATION POUR LA LUTTE ANTITERRORISTE (UCLAT) - MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Entretien avec :

- M. Loïc Garnier, chef de l'UCLAT

- M. Jean-François Gayraud, adjoint au chef de l'UCLAT

- Mme Valérie Szabo, commandant de police

- Ecoutants du numéro vert

Du 06 janvier au 09 janvier 2015

DÉPLACEMENT EN TURQUIE

1 - Ankara

Entretien à l'ambassade de France à Ankara sur l'état de la coopération avec les services turcs (services des liaisons techniques, renseignement, attaché de défense et chancellerie)

Dîner de travail avec Laurent Bili, ambassadeur de France en Turquie et ses équipes

Réunion avec la Commission des affaires intérieures de la Grande Assemblée nationale de Turquie (Président de la commission : M. Mehmet Ersoy)

Déjeuner de travail avec des représentants du ministère des affaires étrangères turc (M. l'ambassadeur Tunç Ügdül, direction générale de recherche et des affaires de sécurité du ministère des affaires étrangères, Mme Fatma Ceren Yazgan, ministre plénipotentiaire, direction générale adjointe de sécurité et de renseignement du ministère des affaires étrangères, M. A. Alper Yüksel, président de la première chambre, direction générale adjointe de sécurité et de renseignement, Mme Esra Dogan Grajover, chef de bureau à la direction générale adjointe de sécurité et du renseignement et M. Taner Akgün, troisième secrétaire de la première chambre, direction générale adjointe de sécurité et du renseignement) ; des représentants de l'état-major (colonel Levent Kaya, directeur du bureau des frontières, chef de bataillon d'infanterie Duran Boyaci) ; un représentant de la direction générale des migrations (M. Murat Ögdü, directeur de la sûreté de deuxième niveau de la police) ; un représentant de la direction générale de la sûreté (M. Engin Dinç, président du bureau du renseignement)

Entretien à l' ORSAM (Centre des Etudes Stratégiques sur le Moyen-Orient)

Entretien avec les responsables de la lutte contre le terrorisme et des représentants des Ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Belgique en Turquie

2 - Gaziantep

Visite du camp de réfugiés d'Elbeyli à Kilis en présence des représentants du HCR et du représentant du ministère des affaires étrangères turc, M. Yunus Bayrak. Entretien avec le représentant du haut-commissariat aux réfugiés à Gaziantep

Entretien avec M. Veysel Dalmaz, Gouverneur coordinateur pour les réfugiés syriens et M. Yunus Bayraq, représentant du Ministère des affaires étrangères

Entretien avec M. Veysal Dalmaz, Gouverneur coordinateur en charge des réfugiés syriens

Déjeuner de travail avec M. Jéremy Nagoda, représentant du service européen d'action extérieure (SEAE) à Gaziantep et M. Fabrice Bossolini, coordinateur de France Expertise international.

3 - Istanbul

Entretiens au Palais de France à Istanbul avec Mme Muriel Domenach, Consule générale de France à Istanbul, et ses équipes

16 janvier 2015

MAISON D'ARRÊT DE FLEURY-MÉROGIS

Présentation générale de l'établissement par M. Hubert Moreau, chef d'établissement

Entretien avec le personnel de la cellule du renseignement

Échanges avec les différents intervenants (aumônerie, service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), cellule sécurité et direction)

Entretien avec les organisations syndicales (UFAP, FO et CGT)

19 janvier 2015

DÉPLACEMENT À STRASBOURG

Entretien avec M. Stéphane Bouillon, préfet du Bas-Rhin, préfet de la région Alsace, et ses collaborateurs

Entretien avec des membres de la DDSI, du SDRT et du groupement départemental de gendarmerie

Entretien avec Mme Pierrette Gunther-Saës, secrétaire générale adjointe de la communauté urbaine de Strasbourg (CUS), et Mme Christine-Louise Sadowski, responsable du contrat intercommunal de prévention et de sécurité de la communauté urbaine de Strasbourg (CIPS CUS)

Entretien avec les représentants de la grande mosquée de Strasbourg

M. Ali El Jarroudi, président de la Grande Mosquée

M. Fouad Douai, gérant de la SCI

M. Saïd Aalla, association espace européen des cultures arabo musulmanes

M. Mohammed Moussaoui, imam de la Grande Mosquée

M. Saliou Faye, imam de la mosquée de la Meinau

M. Rudi Wagner, président de l'association Eveil Meinau

Entretien avec M. René Gutman, grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin

Entretien avec des membres de la direction de l'administration pénitentiaire :

Mme Valérie Decroix, directrice interrégionale des services pénitentiaire

M. Alain Reymond, directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg

M. Chaib Choukri, aumônier musulman régional

Entretien au lycée Mathis avec :

Mme Michèle Weltzer, directeur académique des services de l'éducation nationale du Bas-Rhin

M. Denis Feidt, proviseur

Mme Jeannine El Allali, conseillère technique assistante sociale

Mme Michèle Voltz, Projet éducatif départemental, prévention de la violence

5 février 2015

DÉPLACEMENT À BRUXELLES

Entretien avec M. Frédéric Veau, préfet, chef du service Justice Affaires intérieures à la Représentation permanente de la France

Entretien avec MM. Mathias Ruete, directeur général « Migration et Affaires intérieures » de la Commission européenne, et Luigi Soreca, directeur en charge des questions de sécurité au sein de la direction générale

Déjeuner au Parlement européen avec des députés européens de la commission LIBE : M. Claude Moraes, président de la commission, M. Timothy Kirkhope, rapporteur sur le PNR, Mme Cornelia Ernst, Mme Sylvie Guillaume, Mme Birgit Sippel, M. Augustin Diaz de Mera et M. Axel Voss

Entretien avec M. Gilles de Kerchove, Coordonnateur européen pour la lutte contre le terroriste

Entretien avec M. Frédéric Baab, représentant de la France au sein du collège d'Eurojust.

Du 23 au 25 février

DÉPLACEMENT AUX ÉTATS-UNIS

Entretien avec M. Gérard Arrau, ambassadeur de France aux États-Unis, et ses collaborateurs

Entretien avec des membres du centre national de lutte contre le terrorisme (NCTC) dépendant du bureau du directeur national du renseignement (ODNI)

Entretien avec M. John O. Brennan, directeur de l'agence centrale de renseignements (CIA)

Entretien avec le sénateur Christopher Murphy (démocrate, Connecticut), ranking member du sous-comité sur le contre-terrorisme du comité des Affaires étrangères du Sénat

Entretien avec des membres du bureau fédéral d'investigations (FBI)

Présentation du Patriot Act au ministère de la Justice par :

M. Brad Wiegmann, Deputy Assistant Attorney General for Law & Policy, National Security Division

M. Chris Hardee, Chief Counsel for Policy, Office of Law & Policy, National Security Division

Mme Virginia Vander Jagt, Deputy Chief, Policy, Office of Law & Policy, National Security Division

M. Dylan Cors, International Director, Office of Law & Policy, National Security Division

M. Jeff Breinholt, Counsel, Office of Law & Policy, National Security Division

M. Kenneth Harris, Acting Deputy Director, Office of International Affairs, Criminal Division

Entretien avec le sous-secrétaire au Trésor par intérim pour le terrorisme et le renseignement financier, M. Adam J. Szubin

Entretien avec M. Thomas C. Krajeski, ambassadeur pour la lutte contre les combattants étrangers

Entretien avec le colonel Ronald Ocker, chef du Joint Interagency Task Force National Capital Region (JIATF NCR)

Entretien sur la déradicalisation dans les prisons au Bureau fédéral des prisons (département de la justice) avec :

M. Randy Eternick, administrator, Intelligence/Counter Terrorism Branch

M. H.A. Beard, Jr, assistant administrator, Intelligence/Counter Terrorism Branch

Entretien avec M. Peter T. King, membre de la Chambre (républicain, New York), président du sous-comité sur le terrorisme du comité de la Chambre sur la Sécurité intérieure

Entretien avec M. Bill Keating, membre de la Chambre (démocrate, Massachusetts), ranking member du sous-comité sur le terrorisme du comité des Affaires étrangères de la Chambre

COMPTE-RENDU DE LA TABLE RONDE
« INTERNET ET TERRORISME DJIHADISTE »

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MERCREDI 28 JANVIER 2015

Première partie : La propagande terroriste en ligne : apologie et incitation au terrorisme sur Internet et sur les réseaux sociaux

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Cette table ronde, consacrée à la question de la propagande djihadiste sur Internet, constitue la première audition ouverte au public de notre commission d'enquête, qui a jusqu'ici travaillé à huis clos. Le hasard du calendrier fait coïncider cette réunion avec le lancement en ligne de la campagne gouvernementale de contre-discours antiterroriste.

Il s'avère en effet qu'une large part de la conversion, de l'endoctrinement et de la propagande se fait en ligne. La loi du 13 novembre 2014 comporte différentes dispositions destinées à lutter contre l'apologie et l'incitation au terrorisme sur Internet - délits qui relèvent maintenant du code pénal -, notamment par le blocage de sites à la demande de l'administration. Le décret d'application de ce dernier dispositif n'étant pas encore paru, il est encore trop tôt pour en faire un bilan. Les événements de ces dernières semaines laissent cependant penser que, s'agissant des réseaux sociaux en particulier, le problème ne sera pas résolu sans de nouvelles mesures prises conjointement par les pouvoirs publics et par les entreprises d'internet.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Catherine Chambon, MM. Benoît Tabaka, Charly Berthet et Yann Bonnet prêtent serment.

Mme Catherine Chambon, sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité à la police judiciaire . - Le triptyque conversion, endoctrinement et propagande correspond en effet à un mouvement de fond que l'on constate depuis quelques années sur Internet. Si le phénomène a conservé des proportions modestes pendant plusieurs années, on a observé une montée en puissance lente, progressive et constante du prosélytisme en ligne, au travers de sites dédiés et portant des messages de plus en plus virulents. En 2014, 1,2 % des 137 000 signalements effectués sur la plateforme Pharos correspondaient à ce mouvement.

Ce début d'année 2015 a marqué un tournant. Nous avons constaté, au cours des trois premières semaines de janvier, une explosion de l'implication des réseaux sociaux. Nous dénombrons chaque année une cinquantaine de sites web incitant au terrorisme (pour le web, et non le deep web ) ; pour les réseaux sociaux, nous avons compté plus de 6 000 signalements par jour à propos de messages ou de posts ! C'est une nouveauté par rapport à ce que nous avions précédemment observé : pendant la période qui a fait suite aux événements terroristes, les réseaux sociaux sont devenus le moyen de communication le plus usité. Cependant, la visibilité de la population qui encourageait à réagir à ces événements est ensuite revenue à des proportions beaucoup plus normales, quoiqu'en légère hausse. Nous sommes donc confrontés à une problématique qui a émergé brutalement avant de reculer tout aussi soudainement, sans toutefois s'éteindre.

La visibilité que nous avons sur ce phénomène résulte de plusieurs canaux. En premier lieu, une veille citoyenne est assurée par les trente millions d'internautes qui, au cours de leur navigation, se heurtent à des contenus qu'ils considèrent comme illicites. 56 % des 137 000 signalements que j'évoquais tout à l'heure portaient sur de l'escroquerie. D'autres informations nous sont transmises par les enquêteurs spécialisés à l'occasion de leurs recherches ou par les services spécialisés dans la veille.

En 2015, l'activité dont nous aurons à connaître devrait se stabiliser autour de 240 000 à 250 000 signalements. Au cours des premières semaines, une part non négligeable de ces signalements porte sur l'incitation à la haine raciale ou l'apologie du terrorisme.

S'agissant du dispositif de blocage et de déréférencement, dont la pertinence apparaît maintenant en pleine lumière, nous nous sommes organisés pour pouvoir le mettre en oeuvre dans les meilleurs délais à compter de la publication des décrets d'application. Il s'agit pour nous d'appliquer à la fois les dispositions relatives à la pédopornographie et au terrorisme. L'OCLCTIC et la sous-direction que je représente ont vocation à endosser en la matière le rôle d'autorité administrative, chargée de mettre en oeuvre le dispositif à partir des signalements émanant notamment de la veille citoyenne. Nous avons procédé à un recrutement spécifique pour travailler sur ce point, qui est, comme vous le savez, techniquement complexe. Nous devons en effet observer rigoureusement le principe de subsidiarité, ce qui implique une organisation technique particulière, et permettre à la CNIL d'exercer son contrôle.

L'application du principe de subsidiarité implique de se pencher sur la nature du signalement, sa qualification juridique (en fonction de son contenu), l'envoi d'une information aux fournisseurs d'accès concernés et, parallèlement, la saisine de l'éditeur et de l'hébergeur. Ceux-ci disposent alors d'un délai de 24 heures pour faire cesser l'infraction. Dans l'hypothèse
- vraisemblable, dans la mesure où la plupart des sites sont situés à l'étranger - d'un silence de leur part, il revient aux fournisseurs d'accès de procéder au blocage. Dès lors, le contenu visé ne sera plus accessible aux internautes naviguant à partir d'une adresse IP française ; ceux-ci seront redirigés vers une page d'accueil à vocation pédagogique de rappel à la loi ou d'incitation à se tourner vers une prise en charge médicale, dans le cas de la pédopornographie. Ces pages de redirection sont en cours d'élaboration.

Si la pertinence de ce dispositif ne fait pas débat auprès des services de police, elle a été plus contestée par certains médias ou spécialistes de l'internet. À mon sens, sa visée est avant tout prophylactique : il est nécessaire d'empêcher la population, et notamment les plus jeunes, d'accéder à ces contenus pernicieux et de prévenir un dérapage qui pourrait être mal maîtrisé par l'environnement social ou familial. Il est bien sûr possible de contourner le blocage, le moyen le plus simple étant d'utiliser une adresse IP étrangère. Le blocage effectué au niveau des fournisseurs d'accès permet cependant de toucher les 80 % de la population qui ne sont pas particulièrement férus de technologie.

Le dispositif a pour deuxième fonction de protéger les victimes, qu'il s'agisse du terrorisme ou de la pédopornographie. La vidéo montrant l'assassinat sauvage d'Hervé Gourdel a ainsi été retirée, à la demande de la sous-direction, quelques minutes seulement après sa publication sur Internet. Ce retrait dépendait de la bonne volonté de YouTube, qui y a cependant procédé, compte tenu de la sauvagerie de son contenu. La vidéo a ensuite été diffusée de manière de plus en plus distante, et a constamment été signalée par les internautes, ce qui prouve que leur vigilance n'a pas faibli jusqu'à ce qu'elle soit difficilement accessible - par login et mot de passe, ou dissimulée dans le deep web .

L'un des avantages du dispositif Pharos réside dans le fait que le signalement des contenus se fait avec les droits de l'internaute, ce qui permet d'y accéder, le cas échéant, avec ses identifiant et mot de passe.

Ce dispositif pourrait également être perturbant pour le prosélytisme passant par les réseaux sociaux. Les messages diffusés sur Facebook ou sur Twitter renvoient en effet bien souvent à des sites Internet : dès lors que ceux-ci ne sont plus accessibles, l'internaute est nécessairement moins exposé à la propagande.

Nous allons commencer avec un nombre relativement faible de sites à fermer - une dizaine -, que nous soumettrons, s'agissant du volet terroriste, à l'Uclat, afin à la fois de garantir la pertinence de nos choix et de ne pas risquer de compromettre des enquêtes en cours. Nous testerons l'efficacité du dispositif prévu dès la publication du décret, et serons en mesure de l'adapter et de l'ajuster dans les jours qui suivront.

M. Benoît Tabaka, secrétaire de l'Association des services de l'internet communautaire (ASIC). - L'ASIC, créée en 2007, regroupe ce que l'on appelle couramment les hébergeurs ou les plateformes, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs qui assurent le stockage de contenus (vidéos, messages postés sur des réseaux sociaux, petites annonces, blogs) à la demande d'internautes. Elle compte une vingtaine de membres, dont certains sont étrangers de dimension internationale (Microsoft, Facebook), d'autres français avec une présence internationale (Dailymotion, Priceminister).

Certains réseaux terroristes utilisent des plateformes pour diffuser leurs contenus. Le signalement de ces contenus répond au régime prévu par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) - ce texte a donc un peu plus de dix ans, ce qui est long à l'échelle des évolutions d'Internet -, qui transposait elle-même une directive relative au commerce électronique. Cette loi a instauré un régime de responsabilité des hébergeurs. Le principe fixé est clair : dès lors qu'un hébergeur se voit signaler un contenu manifestement illicite, il est tenu de procéder à sa suppression dans un bref délai. Plusieurs centaines de condamnations ont été prononcées en France sur le fondement du manquement à cette obligation (selon un panorama dressé par Nicolas Poirier).

Une question se pose : revient-il à l'hébergeur d'apprécier le caractère illicite des contenus publiés sur sa plateforme ? Autrement dit, comment doit-il réagir face aux signalements qui lui parviennent ? Dans sa décision relative à la LCEN, le Conseil constitutionnel a estimé que l'hébergeur est tenu à la suppression et engage sa responsabilité dès lors que lui est signalé un contenu manifestement illicite. A l'inverse donc, s'agissant des contenus dont il est difficile, pour un non expert, de déterminer le caractère illégal
- notamment s'agissant des cas de contrefaçons de droits d'auteur -, la responsabilité de l'hébergeur ne peut être recherchée et il revient au juge de statuer sur la suppression du contenu. Les juges et la doctrine se sont accordés pour considérer que les contenus manifestement illicites recouvraient notamment les contenus pédopornographiques, les messages à caractère raciste et antisémite ou encore la provocation à la haine. On peut cependant considérer que la notion demeure floue et son périmètre mal défini.

La première des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est donc celle de la qualification juridique des contenus qui nous sont signalés. La qualification d'apologie du terrorisme, récemment modifiée, est en effet très large. S'agissant de la vidéo de l'assassinat du policier, la qualification d'acte de barbarie s'imposait sans problème particulier ; cependant, dans la plupart des cas, les acteurs se trouvent désemparés, d'autant qu'ils ne disposent pas toujours d'un service juridique très pointu.

Nous sommes également confrontés à un problème de qualité des signalements. Pour qu'un signalement puisse être traité de manière efficace, il doit à la fois mentionner le contenu visé et la raison pour laquelle il est considéré comme illégal. Or, la plupart des internautes n'ont pas de compétences juridiques spécifiques.

Nous ne sommes pas opposés au blocage administratif de sites Internet, qui fait partie de l'arsenal juridique permettant aux pouvoirs publics de lutter contre telle ou telle infraction - je pense par exemple à la compétence de l'ARJEL en matière de jeux en ligne. Nos inquiétudes portent sur la méthode employée, et notamment sur le fait que la procédure ne prévoit pas l'intervention d'un tiers. Nous craignons notamment les « effets de bord » et le surblocage, c'est-à-dire une pratique qui conduise à bloquer dans les faits davantage de contenus qu'initialement visé. Dailymotion s'est ainsi récemment retrouvé intégralement bloqué en Inde dans le cadre de la mise en oeuvre d'une procédure similaire.

En tant qu'intermédiaires, il nous est difficile de déterminer si un contenu est manifestement illicite ou non. Il nous faut des moyens suffisants, notamment linguistiques, pour s'assurer qu'on comprenne bien le message diffusé. On espère que PHAROS et l'OCLITC aura les moyens suffisants pour traiter ces signalements. Il y a aujourd'hui des capacités d'amélioration. Le cadre juridique aujourd'hui nous semble flou.

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Pour nous, ce qui est manifestement illicite est très clair. J'espère que le débat éclairera ce problème qui pour nous, n'en n'est pas un. Nous avons eu aussi des hésitations au moment du vote de la loi du 13 novembre 2014.

Yann Bonnet, rapporteur général du Conseil national du numérique . - Le Conseil national du numérique est une commission consultative indépendante qui formule des avis sur toute question ayant un impact numérique. Nous sommes constitués paritaires de trente membres bénévoles, dont des enseignants et des chercheurs. Nous avons été saisis par M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, en juin 2014, à propos de l'article 9 (devenu article 12) du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Nous avons conduit quinze auditions avec des sociologues, des représentants associations de victimes, mais aussi des magistrats et des représentants de la société civile.

Depuis les événements des 7, 8 et 9 janvier derniers, nous débattons beaucoup sur le rôle d'internet dans les phénomènes de radicalisation. Internet n'est qu'un maillon et son rôle ne doit pas être surestimé. Or, les processus de radicalisation ont des facteurs multiples. Une seule vidéo ne peut pas radicaliser une personne. Internet est un catalyseur, un accélérateur des processus d'endoctrinement. Nous pensons que la propagande terroriste à des fins de recrutement intervient dans un processus lent et progressif de déstabilisation individuelle. Avant de passer à l'acte, il existe de nombreuses phases. Cela peut commencer sur des forums avec des contenus mettant en scène des victimes de conflits. Seuls les plus motivés sont orientés vers des sites de recrutement, qui sont en nombre restreint. Il faut donc distinguer les sites de recrutement, qui sont surveillés et qui peuvent être déréférencés et même bloqués, des réseaux sociaux où le blocage est difficile, voire impossible.

Charly Berthet, rapporteur du Conseil national du numérique . - Concernant le blocage administratif des sites faisant l'apologie du terrorisme prévu à l'article 12 de la loi du 13 novembre 2014, le conseil a émis un avis défavorable sur la mesure, à l'instar du Syndicat de la Magistrature, de la Ligue des Droits de l'Homme ou de la Quadrature du Net. Nous pensons que ces mesures sont techniquement inefficaces car facilement contournables par les internautes et les recruteurs. Le contenu n'est pas supprimé à la source mais simplement bloqué sur le territoire français. Les moyens de contournement sont légions. Je vous cite John Gilmore « Internet réagit à la censure comme une voiture qui change de voie face à un accident ». On ne peut pas tracer une ligne Maginot numérique aux frontières de l'Hexagone. Le public visé par cette mesure, les jeunes, savent déjà utiliser des outils de contournement, comme les VPN, un proxy ou TOR. Ils le font déjà pour contourner la HADOPI ou pour utiliser Netflix avant son arrivée en France.

Cela pourrait d'ailleurs être contreproductif. Cela pousserait à la clandestinité et rendrait le travail des enquêteurs plus difficile. Ces mesures sont inadaptées au regard du nombre restreint de sites de recrutement. Nous nous interrogeons sur la possibilité de se passer de l'office du juge alors qu'il existe des mesures d'urgence. Concernant les réseaux sociaux, nous pensons qu'il est illusoire de bloquer ces messages, sauf à recourir à un traitement massif et automatisé inenvisageable dans un État de droit.

Ces mesures sont potentiellement attentatoires aux libertés fondamentales en se passant des garanties du juge. Selon un juge antiterroriste, le caractère manifestement illicite des contenus est délicat à apprécier, notamment pour les textes écrits. On risque d'incriminer ce qui relève du délit d'opinion. Nous ne sommes pas opposés par principe au blocage, seulement au blocage comme seule solution et sans recours préalable au juge judiciaire. La multiplication des dispositifs de renforcement des dispositions antiterrorisme notamment sur Internet appelle une évaluation de l'efficacité des dispositifs de blocage.

Yann Bonnet, rapporteur général du Conseil national du numérique . - Enfin, nous vous proposons cinq pistes d'action.

En préalable, nous pensons qu'il faut mieux comprendre les processus sociaux complexe de la radicalisation et de préciser le rôle d'Internet. À cette fin, on pourrait créer un observatoire permanent qui regrouperait des acteurs du web, des associations de victimes, des sociologues et des experts. La création de ces commissions d'enquête prouve bien que ces mécanismes ne sont pas suffisamment connus.

Nous pensons qu'il est essentiel de nourrir un contre-discours, en s'appuyant sur la force de diffusion d'Internet. Nous avons rencontré l'association française des victimes du terrorisme qui réalise des vidéos qui donnent la parole aux victimes. Ces vidéos sont diffusées sur Internet, empruntant les mêmes canaux que la propagande. Il faut investir l'espace numérique. Il faut donner des armes de compréhension et des décryptages, à la manière de ce que fait le Gouvernement américain et, depuis aujourd'hui, le Gouvernement français. Il faut déconstruire la parole radicale sur Internet. On peut investir les plateformes internet par du contre-discours. On pourrait envisager une mobilisation des acteurs du Web, notamment les plateformes et les moteurs de recherche, pour soutenir les initiatives de contre-discours, à l'instar de ce qui a été réalisé il y a quelques mois avec les sites anti-IVG. Il faut étudier le financement d'espaces et de vidéos pédagogiques.

Parallèlement, on doit approfondir le travail sur l'éducation. On doit améliorer les discours de prévention auprès des futures générations. Il ne faut plus de discours verticaux mais faire des gens des acteurs de la prévention. Il faut inclure une dimension de citoyenneté numérique dans les cours d'éducation civique dispensés dans les collèges et les lycées. On pourrait utiliser le programme Safer Internet Day pour faire du 7 janvier une journée nationale de lutte contre le terrorisme.

Charly Berthet, rapporteur du Conseil national du numérique . - Une troisième piste consisterait à renforcer l'obligation de signalement qui est encore trop peu utilisée. Aujourd'hui, la propagation des contenus terroristes résultent de l'inefficacité des procédures de signalement en place. Ces dispositifs sont peu accessibles. Sur Facebook, il faut cliquer plus de cinq fois pour signaler un contenu et le formulaire est peu clair. Par ailleurs, on pourrait standardiser les formulaires de signalement sur le modèle de Youtube. Google search ne permet pas de signaler un contenu ou un lien sur Google Search. De plus, les décisions de suppression des contenus sont prises au cas par cas par les plateformes qui semblent y allouer des ressources limitées. Les plateformes ont des difficultés de s'adapter au droit et à la culture locales. Ainsi, une vidéo de Daesh a-t-elle été vue plus d'un million de fois sur Facebook sans être supprimée puisque la plateforme ne la pas jugée contraire à ses conditions générales d'utilisation (CGU). Le Conseil national du numérique appelle le législateur à renforcer les procédures de signalement, en s'inspirant du système PEGI des jeux vidéos. Facebook offre aujourd'hui des procédures de fastrack aux associations de lutte contre le racisme, qui permettent un accès privilégié aux signalements. Il faudrait généraliser ces procédés. Enfin, nous recommandons d'inviter les plateformes à travailler avec le gouvernement sur la notion d'apologie afin d'aider les équipes en charge du traitement des notifications.

Yann Bonnet, rapporteur général du Conseil national du numérique . - Un quatrième axe pourrait être la régulation communautaire. Le Conseil national du numérique appelle à inventer de nouvelles formes de régulations en amont de la procédure judiciaire. Côté signalement, il faut donner aux utilisateurs les moyens de se protéger eux-mêmes. On peut envisager de déléguer la modération aux utilisateurs qui effectuerait une sorte de contrôle décentralisé des contenus. Wikipédia illustre ces procédures de vigilance décentralisées. D'après les études, les actes de vandalisme sont corrigés en moyenne en deux jours avec une médiane à 11 minutes. Côté sanctions, plutôt que de chercher à atteindre une judiciarisation illusoire de tous les échanges, nous sommes d'avis de penser les sanctions à l'intérieur même des plateformes. Les sanctions appliquées par les plateformes devraient être pédagogiques et clairement proportionnées et graduées : messages d'avertissements privés, publics, gel du profil pour une période plus ou moins longue, accompagnée d'un message public, utilisation du compte pour diffusion des contre-discours, fermeture définitive du compte. Cela serait plus efficace qu'une menace lointaine du juge puisque ces sanctions s'exercent sur le capital social d'un individu, au coeur de la stratégie des diffuseurs.

Charly Berthet, rapporteur du Conseil national du numérique . - Enfin, nous pensons qu'il faut renforcer la coopération internationale pour réduire le phénomène de compétition des législations. L'implication des États est inégale. La coopération devrait être renforcée auprès des États récalcitrants, avec les États-Unis par une révision de l'AMLAT et enfin une coopération renforcée avec les plateformes internationales pour ne pas se priver de l'audience française.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Beaucoup de questions se posent à nous. J'érige un postulat : Internet ne saurait être un espace de non-droit. J'ai été heureux de votre intervention, Madame Chambon.

Certaines déclarations du Conseil national du numérique me laissent pantois. Je vous cite : « Les plateformes présentent des difficultés pour s'adapter au droit. » Sans doute, mais il existe un code pénal dans ce pays et il s'applique. On ne peut prendre comme excuse une difficulté à s'adapter au droit. Vous avez dit à la fin qu'il faudrait « plutôt que de se référer à des sanctions judiciaires se référer à des sanctions à l'intérieur des plateformes ». Cela veut dire qu'il y a une communauté internet qui s'autorégule et que, d'une certaine façon, vous pensez qu'aucune loi externe ne peut véritablement être à 100 % efficace ce qui ne laisse que l'autorégulation du système. Si vous êtes un journaliste de la presse écrite et que vous publiez un article xénophobe, raciste ou apologétique du terrorisme, le code pénal s'applique immédiatement et vous êtes sanctionnés. Il n'y a aucune raison que cela ne soit pas la même chose sur Internet et sur les réseaux sociaux. Il y a la question de la mise en oeuvre. Il faut réagir rapidement. Vos propositions sont utiles. Je retiens votre proposition de signaler en un seul clic un contenu contraire aux lois. Le djihadisme se développe aussi par d'autres voies mais Internet est un vecteur important de radicalisation. Il faut de la pédagogie mais il faut aussi protéger. Je suis aussi pour la liberté mais la liberté s'exerce néanmoins dans le cadre de la loi, sinon il faut fermer cette maison ainsi que l'Assemblée nationale.

Il y a des messages qu'il faut supprimer très rapidement. Je pense que je parle pour la liberté. Toutes les voies de recours doivent être offertes aux citoyens, puisque nous nous inscrivons dans un État de droit, mais dans le même temps nous devons protéger les populations contre le danger que représente le djihadisme. Enfin, j'ai tendance à penser que les lois nationales ne suffiront pas et que l'Union européenne doit élaborer un cadre réglementaire, mais que des réglementations internationales doivent également être édictées, puisque ce débat a lieu dans de nombreux pays, qu'il s'agisse des États-Unis ou du Japon. Pour ma part, je ne suis pas prêt à accepter de renoncer à trouver des solutions.

M. André Reichardt, co-président. - L'un des intérêts d'Internet, c'est la rapidité avec laquelle les informations y sont diffusées, et à ce titre je suis en accord avec le rapporteur, sur un espace où l'information se diffuse aussi rapidement, il est nécessaire de pouvoir la retirer tout aussi rapidement. Je suis très sensible aux propositions que vous avez faites et en particulier celle qui viserait à pouvoir signaler un contenu illicite en un seul clic pour que le retrait du contenu puisse avoir lieu dans les meilleurs délais. Je suis, à ce titre, plutôt hostile à l'intervention de l'autorité judiciaire compte tenu des délais que cela induit nécessairement.

Par ailleurs, on constate qu'Internet est utilisé à des fins d'organisation par des groupes terroristes. Est-ce que l'ASIC a pris conscience de ce phénomène et n'y a-t-il pas matière à mettre en place une action de manière coordonnée entre les différentes plateformes ? Votre association est en effet parfaitement réactive quand il s'agit de porter une parole pour défendre vos intérêts, par exemple lors de la discussion du dernier projet de loi sur le terrorisme. Êtes-vous prêts à réagir de manière tout aussi efficace lorsqu'il s'agit de vous organiser pour lutter contre ce phénomène ? On ne peut que constater qu'un maillage des réseaux terroristes est en train de s'organiser via Internet. Ma question s'adresse d'ailleurs tout au autant au Conseil national du numérique, n'y a-t-il pas un moyen d'aider le Gouvernement à bâtir une stratégie numérique pour lutter contre les réseaux djihadistes au-delà de la problématique de l'élaboration d'un contre-discours ?

M. Alain Gournac. - A Monsieur Yann Bonnet, je voudrais préciser que cette commission d'enquête ne s'est pas constituée suite aux évènements tragiques de janvier 2015 mais a commencé ses travaux en octobre 2014 et qu'elle procède à des investigations en profondeur pour élaborer des propositions pleinement respectueuses des droits de l'homme. Par ailleurs, vous nous avez indiqué que le danger de la radicalisation ne provenait pas seulement d'Internet. Pour ma part, je ne suis pas d'accord avec vous puisque nous avons eu des témoignages nous indiquant que des personnes, peut-être en perte de repères, s'étaient radicalisées et étaient parties faire le djihad après avoir visionné une seule vidéo sur Internet ! Je considère donc qu'Internet joue un rôle très important dans les processus de radicalisation. Vous nous avez fait part de pistes de réflexion intéressantes même si je partage l'opinion du co-président en ce que l'intervention de l'autorité judiciaire me semble également porteuse de lenteurs.

Je suis également en phase avec notre rapporteur sur un point : la France ne saurait être un pays de non droit et Internet ne peut, à ce titre, s'affranchir du respect des lois de la République et nous devons trouver des solutions pour lutter contre la diffusion de ces contenus et de ces idées.

M. Michel Vergoz. - Je suis très inquiet de ce que nous avons vécu et de ce qu'on m'a fait découvrir sur Internet. À Monsieur Tabaka qui s'interroge sur le point de savoir s'il appartient à l'hébergeur d'apprécier le caractère manifestement illégal, je souhaite dire que ces propos m'ont choqué. Il me semble que quand la République est attaquée, tous les citoyens doivent se mobiliser. Il ne me semble pas que l'on procède à de la délation quand on signale des vidéos montrant des décapitations. Qu'un citoyen français s'interroge pour savoir si de tels contenus sont manifestement illégaux me semble être révélateur d'un grave problème.

Par ailleurs, je m'interroge sur le nombre d'hébergeurs français et je me demande, sans connaître particulièrement cette question, si, dans la mesure où ces hébergeurs se font concurrence, ils ne craignent pas de perdre des clients en s'érigeant en juges des pratiques de leurs clients. Il me semble que la République ne peut pas se relever si nous ne partageons pas un sentiment commun de responsabilité. Il ne me semble pas acceptable de laisser tout faire sur Internet pour des motifs économiques, je le dis avec gravité.

Madame Chambon, je souhaiterais savoir si vous êtes satisfaite du temps de réponse entre le signalement et le blocage ? Avez-vous déjà noté des dysfonctionnements, avez-vous déjà estimé qu'il aurait été possible, dans certains cas, d'aller plus vite ?

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Je précise que cette audition est ouverte à tous les Sénateurs dans la mesure où ce problème relève d'une question éminemment citoyenne, liée aux nouvelles technologies et aux nouvelles formes de délinquance. D'ailleurs, plus nous avançons dans nos réflexions, plus nous appréhendons la complexité du phénomène. Si cette audition est ouverte largement, c'est aussi pour permettre un large échange citoyen, comme l'a montré la mobilisation du 11 janvier, et favoriser une meilleure appréhension du phénomène et la définition de solutions adaptées. La multiplication des lois anti-terroristes au cours des 15 dernières années montre d'ailleurs que la seule solution sécuritaire ne suffit pas.

M. Claude Raynal. - Je partage certaines des interrogations de mes collègues par rapport aux présentations qui nous ont été faites. Le point qui m'apparaît le plus étonnant, c'est l'impression qu'il me reste à vous écouter, Messieurs, d'une certaine minimisation du sujet. J'aurais aimé que vous marquiez l'intérêt des questions que ce sujet pose et ne pas entendre un plaidoyer pour minimiser ce problème. J'aurais aimé entendre une implication plus forte et une plus grande volonté d'agir, malgré toute la complexité du sujet. J'ai été choqué par certaines expressions que vous avez utilisées, notamment le fait qu'il vous semble « impossible d'agir » sur les réseaux sociaux, ou encore l'évocation d'une « ligne Maginot numérique ». Vos propos me laissent à penser que vous ne cherchez pas de véritables solutions, or, j'aurais aimé vous entendre nous dire que vous y réfléchissiez.

Sur le sujet, et je rejoins le rapporteur et les co-présidents, la question est de pouvoir agir rapidement. Si l'on a recours au juge judiciaire, je le sais pour l'avoir été moi-même, je ne suis pas sûr que l'on soit dans une réponse adaptée à la nature du phénomène. Cela ne signifie pas pour autant que l'on ne doit pas prévoir l'intervention du juge, par exemple on pourrait envisager un blocage administratif et une intervention du juge ex-post en cas de contestation. La plateforme pourrait ainsi saisir le juge si elle considère que l'action rapide a été disproportionnée ou attentatoire aux libertés.

Je souscris pleinement à votre proposition de faciliter les signalements en un clic ou la nécessité de nourrir le contre-discours, même si cette action est plus complexe à mener. Sur la réponse internationale en revanche, je suis plus partagé, car il ne me semble pas opportun de renvoyer les solutions à la conclusion d'un accord international. Autant il m'apparaît important de prendre des initiatives à cet échelon, autant il ne me paraît pas souhaitable de se contenter d'affirmer que rien n'est possible au niveau national.

Mme Françoise Cartron. - Je m'intéresse à ce sujet et plus particulièrement à son volet éducatif qui m'interpelle et qui me semble interpeller l'école. Nous avons beaucoup évoqué le blocage de ces messages radicaux mais je voudrais avoir votre avis sur la démarche qui aboutit à ce type de messages car avant, dans la démarche de propagande, il y a des messages qui peuvent apparaître plus anodins et qui conduisent par la suite à de l'endoctrinement. Peut-être est-il nécessaire d'agir dès le début des premiers messages, pour autant que les parents et les enseignants soient sensibilisés à la prise en compte de ces questions dans le but d'intervenir en amont avant qu'il ne soit trop tard. Il me semble indispensable de former toutes les équipes éducatives pour qu'elles comprennent les méthodes de cet endoctrinement afin qu'elles puissent détecter très en amont les changements de comportement qui relèveraient d'un processus de radicalisation. Je serais en particulier intéressée d'avoir le point de vue de Madame Chambon sur cet aspect de la question.

Mme Catherine Chambon, sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité à la police judiciaire. - S'agissant des délais de réponse des plateformes de diffusion de vidéos suite à un signalement, je peux faire part de ma satisfaction tant en qualité de réponse qu'en rapidité de réaction. La plupart des vidéos qui ne sont pas sujettes à caution et qui sont manifestement illicites sont retirées des plateformes, qu'il s'agisse de Google, de Microsoft, de Dailymotion ou de WhatsApp, au bout de quelques minutes. Le système défini par la loi sur la confiance en l'économie numérique visant à faire jouer la responsabilité de l'hébergeur permet donc une véritable réactivité et des progrès importants ont été réalisés depuis la création de PHAROS.

La situation risque en revanche d'être plus problématique quand il s'agira de procéder à des blocages de sites en application de la nouvelle procédure résultant de la loi du 13 novembre 2014 puisque nous serons, dans la plupart des cas, confrontés à des hébergeurs étrangers. Or, dans de telles situations, l'hébergeur risque d'être peu coopératif et il disposera d'autres moyens de diffusion. J'ai donc, à ce stade, du mal à apprécier la rapidité avec laquelle ils répondront à nos sollicitations, d'autant que le blocage par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès à internet ne nous permettra plus de visualiser le site et nous serons dans l'impossibilité de vérifier que les hébergeurs ou les éditeurs ont retiré les contenus mis en cause.

Pour ce qui est des conditions d'hébergement, il est clair qu'il existe certains pays, qualifiés de « paradis » par certains intervenants, dans lesquels les conditions juridiques rendent difficile notre intervention et que ces hébergeurs accueillent des vidéos et des contenus qui sont illicites. Je pense pour ma part que la pression internationale, européenne et politique a un rôle à jouer compte tenu de son impact croissant. Si l'on se réfère notamment à la situation qui prévalait au début des années 2000, des progrès considérables ont été effectués en la matière : le poids politique a désormais une importance prééminente pour accompagner ces efforts et marginaliser ces États qui bâtissent des empires de non-droit.

Madame Cartron, je partage totalement votre analyse et cette approche nous a d'ailleurs orientés dans notre sélection des sites à bloquer compte tenu de la propagande que ces sites effectuent. Il y a en effet des alertes à mettre en place et le blocage en fait partie : c'est d'ailleurs à ce titre que l'interprétation et la qualification juridique des faits est la plus complexe à mettre en oeuvre et nous allons spécialiser les opérateurs de la plateforme de blocage afin qu'ils aient une approche juridique approfondie afin d'être en capacité de réaliser une pré-qualification solide, que nous garantirons par un processus de validation. Ces sites de propagande s'adressent à un large public pour l'attirer, en particulier les plus jeunes, vers des informations porteuses de valeurs, de repères et lui permettre d'avoir des discussions et des échanges qui seront en contradiction avec son environnement social, quel qu'il soit, ou scolaire, sphère dans laquelle l'analyse des signaux faibles n'est pas encore effectuée de manière pertinente. Or, cette analyse des signaux faibles dans le milieu scolaire est essentielle, qu'il s'agisse d'individus plus ou moins jeunes, et la formation des équipes éducatives à cette problématique ne me semble pas encore aboutie pour que ces signaux puissent être relayés. Il faudra à mon sens faire tomber une fracture qui peut exister entre les services de police, et leur approche nécessairement plus répressive, et le milieu éducatif qui est plutôt protecteur du milieu scolaire : il me semble dès lors souhaitable de créer des passerelles entre ces deux mondes, notamment en prévoyant des interventions des services de police dans les écoles pour des actions de sensibilisation afin notamment d'aider les équipes éducatives à savoir détecter ces signaux faibles.

Les personnes issues de milieux sociaux connaissant des difficultés sont plus réceptives à cette propagande qui finit par se transformer en endoctrinement. La difficulté peut, au fur et à mesure de cet endoctrinement qui devient moins visible, résider dans l'interprétation des textes que l'on trouve sur ces sites, textes qui ont cependant rarement un contenu pacifique. Ceci étant, il n'est pas interdit de faire preuve de discernement pour distinguer ce qui relève d'un discours religieux et ce qui relève d'un appel au djihad. Les phénomènes de conversion sont en revanche plus difficiles à détecter car ils sont souvent dissimulés et il y a une prise en charge dans une communauté virtuelle ou physique.

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - J'ai une précision à vous demander : en ce qui concerne la traçabilité des auteurs des mises en ligne, comment pourrait-on améliorer le dispositif ?

M. André Reichardt, co-président. - Pouvez-vous nous fournir la liste des pays qui constituent des paradis pour les hébergeurs qui abritent des contenus illicites ?

Mme Catherine Chambon, sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité à la police judiciaire. - Je pourrai vous fournir la liste par écrit pour l'information de la commission d'enquête.

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Je donne maintenant la parole au Conseil du numérique et à l'ASIC pour répondre aux interpellations dont vous avez fait l'objet par nos collègues.

M. Yann Bonnet, rapporteur général du Conseil national du numérique . -Madame la présidente, je suis désolé si nos propos ont provoqué une certaine incompréhension. Nous sommes bien conscients que la situation est critique et que l'État doit agir vite. Il est évident que des sites doivent être bloqués, déréférencés, qu'il y a des peines à prononcer...Nous n'y sommes pas opposés, bien au contraire ! Internet n'est pas un espace de non droit et nous devons faire en sorte qu'il ne soit pas perçu comme tel.

M. Charly Berthet, rapporteur du Conseil national du numérique . - Internet n'est pas une zone de non droit, effectivement. Je pense qu'il y a un peu d'incompréhension sur la réglementation communautaire : il ne s'agit pas de sortir Internet du droit... Il existe deux difficultés pour que le droit s'applique : d'une part sur les textes eux-mêmes, et d'autre part sur les difficultés d'appliquer les sanctions. Par exemple, il y a eu beaucoup d'apologie du terrorisme sur Internet et il n'y a eu qu'une cinquantaine de condamnations, ce qui illustre la déconnexion entre le droit et la réalité sociale. L'objectif du Conseil national du numérique est de compléter cette réponse pénale. Le Conseil national du numérique est attaché à conserver la place du juge, même s'il est conscient des lenteurs que cela entraîne nécessairement. C'est pourquoi il est proposé de réinvestir certaines procédures d'urgence aujourd'hui sous-utilisées comme le référé de la loi de la confiance dans l'économie numérique. Le Conseil national du numérique est favorable au développement de nouvelles procédures permettant de conforter la place du juge en augmentant sa rapidité d'action, comme pour lutter contre les sites Internet illicites proposant des jeux d'argent dans le cadre de l'ARJEL.

M. Benoît Tabaka, secrétaire général de l'Association des services de l'Internet communautaire (ASIC) . - Internet n'est en effet pas une zone de non droit. Les acteurs d'Internet ont plutôt tendance à dire qu'ils se situent dans le cadre du droit : depuis la loi de 2000 puis la loi de confiance pour l'économie numérique (LCEN), les dispositions législatives se sont superposées. Par exemple, le fait de commettre certains délits ou certains crimes par le biais d'Internet sont des circonstances aggravantes.

Je voudrais revenir sur la distinction licite/illicite en rappelant que lorsqu'on fait cette distinction on n'est plus dans l'appréciation des contenus. La question ne se pose plus : leur suppression est très rapide et très facile car pour l'ensemble des équipes concernées il n'y a aucun doute que le contenu est manifestement illicite. La particularité réside plutôt dans le problème de contenus beaucoup plus délicats à apprécier, notamment les textes écrits où il y a toujours la crainte du délit d'opinion. Ainsi, la question se pose quand quelqu'un met en ligne une vidéo pour la dénoncer.

Vous m'avez posé la question du nombre d'hébergeurs ; il est impossible de vous donner un chiffre, tellement cela regroupe de métiers et de compétences. Cela va de l'individu à de grandes multinationales.

Les plateformes doivent continuer à améliorer l'obligation de notification de contenus illicites mais il faut veiller à ce que cela ne noie pas les équipes. Aujourd'hui, nous avons des notifications dites « prioritaires » : celles provenant de la plateforme PHAROS. Dans ce cas, je tiens à souligner que nous ne nous posons même pas la question de savoir si c'est illicite ou non. Nous considérons que parce que c'est PHAROS qui nous le signale, c'est illicite. En revanche, lorsque le signalement provient d'un internaute, il y a nécessairement une étape pour apprécier la licéité du contenu.

Il faut donc améliorer la procédure de notification des contenus illicites en veillant à ce que les équipes de gestion augmentent en conséquence.

Il y a aussi tout un arsenal de contre-mesures, d'instructions à développer.

Parmi les travaux en cours, on peut citer la réflexion menée au niveau européen « in-hope ». D'autre part, l'ASIC a pris l'attache du ministère de l'intérieur la semaine dernière pour améliorer ce travail de détection.

Mme Nathalie Goulet , co-présidente. - Merci de nous avoir accordé ce temps. C'est important que chacun puisse juger la sensibilité de cette question : le législateur n'est pas le seul concerné, cela concerne aussi les citoyens, les fournisseurs d'accès à Internet, les utilisateurs d'Internet.

Je suis sensible à votre affirmation selon laquelle Internet n'est pas une zone de non droit. C'est important de le répéter car on n'a pas toujours cette impression.

Deuxième partie : L'utilisation d'Internet à des fins d'organisation par les groupes terroristes

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Nous allons commencer cette seconde table ronde qui se penchera sur l'utilisation d'Internet à des fins d'organisation par les réseaux djihadistes, qui est la suite du sujet précédent. Dans quelle mesure Internet et le web profond sont-ils utilisés pour recruter, communiquer et préparer les actions criminelles ? Les pouvoirs publics disposent de moyens pour mieux lutter contre ces phénomènes sur Internet. Nous avons voté un texte en novembre 2014, le Gouvernement a annoncé par ailleurs un certain nombre de mesures récentes et aujourd'hui, nous assistons au lancement du contre-discours sur Internet par le Gouvernement. Il s'agit de savoir de quels instruments juridiques nous aurions encore besoin.

Pour répondre à cette question très importante, nous accueillons M. Philippe Chadrys, sous-directeur chargé de la lutte anti-terroriste à la direction centrale de la police judiciaire, M. Jérémie Zimmermann, membre de « La Quadrature du Net », association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet et M. Marc Robert, procureur général près la cour d'appel de Versailles, auteur du rapport « Mieux protéger les internautes - rapport sur la cybercriminalité » remis à la garde des Sceaux, qui nous rejoindra dans quelques minutes.

Cette réunion est ouverte à la presse, fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, ce qui permettra à nos collègues de le voir plus tard.

Les règles applicables aux commissions d'enquête m'imposent de vous faire prêter serment et de vous informer que toute fausse déclaration vous expose à des sanctions pénales prévues aux articles 434-13 et 434-15 du code pénal.

M. Philippe Chadrys prête serment.

M. Jérémie Zimmermann prête serment

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Je vais donner la parole à M. Chadrys afin qu'il nous fasse un état des lieux de la législation applicable aujourd'hui, de ses préconisations et de la façon dont les enquêteurs sont outillés pour lutter contre les réseaux djihadistes. Auparavant je souhaiterais rappeler que notre commission d'enquête travaille sur le sujet du djihad depuis déjà plusieurs mois.

M. Philippe Chadrys, sous-directeur chargé de la lutte anti-terroriste à la direction centrale de la police judiciaire . - Bien que n'ayant pas une vision exhaustive du phénomène, je peux tout de même vous livrer quelques conclusions. En effet, en tant que responsable de la sous-direction à la direction centrale de la police judiciaire, mon travail est de diligenter des enquêtes judiciaires. Mais je peux vous livrer des réflexions, par le prisme des enquêtes que nous menons.

On constate, en premier lieu, qu'Internet et les réseaux sociaux sont omniprésents dans le cadre de notre lutte contre les organisations terroristes. C'est un lieu commun, mais il est aujourd'hui confirmé. C'est ce qui est illustré par le « djihad médiatique » : aujourd'hui les djihadistes ne recrutent pas, ce sont les djihadistes qui adhèrent. Il y a eu une évolution : une première génération de djihadistes recrutés par le biais des imams au sein des mosquées puis une deuxième génération constituée des djihadistes liés à Al Qaïda et, enfin, une troisième génération du djihad global et du djihad médiatique. Désormais, la communication n'est plus verticale mais horizontale, grâce à Internet, aux forums, aux réseaux sociaux, plusieurs niveaux de communication sont mis en oeuvre par les organisations terroristes.

Le premier niveau de la propagande est constitué des sites officiels des prédicateurs. On a beaucoup de mal à travailler dessus : ces sites sont instables, souvent en langue arabe.

Le deuxième niveau, constitué des forums et des organes médiatiques, nous intéresse plus. Chaque forum a des correspondants particuliers dans différents pays traitant de considérations économiques, religieuses, etc. Ces correspondants participent à la conception, à l'élaboration du message à faire passer - le djihad médiatique - et assurent le relais des organisations terroristes. Ils participent à la stratégie de diffusion.

Le troisième niveau de la propagande, les sites de distribution, vise à maintenir les informations liées au djihad et les diffusent vers le grand public. Ainsi, lorsque la vidéo de revendication de Amedy Coulibaly a été authentifiée et revendiquée par Daech, elle a été récupérée par un forum qui a effectué un mailing de masse à partir de dizaines d'adresses de comptes Facebook, notamment, créées pour l'occasion, afin de la diffuser massivement. Cet exemple précis montre bien comment fonctionne la communication de ces organisations terroristes : une fois authentifiée, la vidéo a été reprise et mise en ligne. Trois millions de mails ont été générés par cette plateforme. Cette troisième génération a changé ses méthodes de communication tout en maintenant le discours latent selon lequel la communauté musulmane sunnite est agressée et que la seule solution pour la défendre est le djihad.

Al Qaïda avait commencé une stratégie de « djihad médiatique » reprise et amplifiée par Daech qui a compris que la fonction de communication était un vrai métier : les vidéos qu'il diffuse sont très bien faites. Al Qaïda avait créé une revue, Inspire , en 2010 et tout y est déjà. Dans un de ces numéros, un article était intitulé : « Comment fabriquer une bombe dans la cuisine de votre maman ? ». En juillet 2014, Daech, de son côté, a créé Dabiq , une revue d'un niveau de perfection jamais atteint auparavant. Le but de ces publications est d'informer sur l'actualité des activités terroristes, de fournir des informations religieuses et d'être un vecteur de recrutement.

Les personnes que nous surveillons consultent régulièrement ces sites et ces revues. Al Qaïda et Daech ont compris qu'il fallait développer davantage ces vecteurs. Dabiq en est à son sixième numéro, en français. Les effets sont démultipliés par les réseaux sociaux, ce qui est une véritable nouveauté. On en a pris conscience en travaillant sur les filières syriennes. Sur Facebook et Twitter, toute la propagande islamiste circule très facilement et il est très difficile de la stopper. Je ne parle pas de Dailymotion et de Youtube qui sont un moyen pour les organisations terroristes de dupliquer les vidéos, ma collègue Catherine Chambon a déjà dû vous l'exposer. Les personnes surveillées sont très actives sur Facebook qui est le premier vecteur de communication et facilite les conversions et la radicalisation. J'ai ainsi un exemple d'une jeune fille de 14 ans qui se convertit en deux mois, se radicalise, projette un départ en Syrie puis, devant l'échec du départ, se rapproche d'autres jeunes filles qui envisageaient de commettre un attentat en région lyonnaise à l'aide d'armes légères.

Daech n'a pas besoin de microfinancement. Il y a toutefois un volet lié au financement : ainsi une association, « Perle d'espoir », utilisait Facebook et les réseaux sociaux pour collecter des fonds.

Les réseaux sociaux sont également un moyen de connexion entre les individus en France mais aussi avec les individus qui désirent rejoindre la Syrie. Les combattants ouvrent des comptes à leur arrivée, ce qui permet de relater la vie quotidienne, de montrer le butin récupéré, de donner des conseils pour rejoindre les combattants sur place, vantant la vie là-bas, et ce qu'il faut faire pour partir : le matériel à amener, la manière de s'habiller pour ne pas attirer l'attention, etc.

Dans la partie privée de ces réseaux, les utilisateurs échangent les numéros de téléphone et les noms de passeurs ainsi que les modes opératoires pour se rendre sur les zones de combat. C'est très facile d'y aller. Rapidement, ils utilisent Skype pour échanger les informations, de manière sécurisée. Tout futur djihadiste en attente de conseils trouve donc très facilement les éléments pour aller sur zone, de manière très attractive.

Tout cela est très bien fait et attire beaucoup de jeunes, notamment des jeunes filles : nous avons beaucoup de dossiers où des jeunes filles, via les réseaux sociaux, se sont faites « harponnées » par des combattants à la recherche d'une épouse. Ils se marient via Skype et rejoignent la zone de conflit. On a également une campagne de recrutement de Daech en direction de jeunes filles françaises musulmanes ou non, pour leur faire épouser des combattants en Syrie. C'est un phénomène nouveau : la radicalisation est très rapide, et c'est extrêmement compliqué à maîtriser.

En même temps, cela est une aide pour nous : nous utilisons ce que nous trouvons sur Internet. Cela permet de constituer des éléments de preuve pour pouvoir déférer les gens devant l'autorité judiciaire, pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, car dans le cadre des filières syriennes, nous n'allons pas sur zone. En effet, certains tiennent des journaux quotidiens, très circonstanciés, y compris sur la partie publique de Facebook.

Nous avons eu le cas précis d'un individu revenu en octobre. Il tenait un journal de bord, sur la partie publique de Facebook. C'est aussi une stratégie de Daech de laisser faire, dans un but de prosélytisme pour pouvoir recruter facilement les combattants et les faire venir. Les auditions des personnes revenues permettent d'établir que certains occidentaux ne font qu'administrer des sites sur place. Cela montre l'importance accordée par Daech et Al Qaïda pour l'information.

Nous rencontrons des limites dans nos investigations. Jusqu'à récemment, la loi ne nous permettait pas d'utiliser l'infiltration sur Internet pour rentrer dans les profils Facebook. Nous n'avions accès qu'à la partie publique. Désormais, nous avons la possibilité de constituer des « cyber patrouilles » ou des « cyber infiltrations » qui vont nous permettre d'infiltrer les profils Facebook. Dès lors nous constatons une légère désaffection pour Facebook depuis quelque temps où de moins en moins de choses sont publiées et il apparaît que, en contrepartie, Skype ou Twitter, pour lesquels nous avons moins de moyens d'action, deviennent les vecteurs de communication privilégiés. Cela nous force à spécialiser les gens. Nous constatons également une augmentation du cryptage des données ou un effacement total de certaines données sur les supports que nous saisissons. Cela a été le cas lors de l'affaire Nemmouche. Nous avons de plus en plus besoin du support des techniciens de l'OCLCTIC qui nous permettent de décrypter ou de retrouver des données. Mais cela se complique, notamment avec l'utilisation de l'Internet caché, « dark net ». A ce titre, l'annonce faite par Facebook de la possibilité d'utiliser le réseau social au sein du dark net va nous compliquer la tâche car toutes les données sont cryptées.

La nouvelle loi du 13 novembre 2014 a le mérite d'exister mais il faut la mettre en application et on ne pourra pas tout résoudre. On aura toujours une partie visible, volontairement diffusée par les organisations terroristes et une partie, beaucoup plus difficile à interpréter. Beaucoup d'individus ont compris qu'Internet et le téléphone portable n'étaient pas une bonne chose. Ainsi Nemmouche n'avait pas de compte Facebook ni de téléphone portable. Pour le « dark net », nous ne pourrons suivre les comptes Facebook ou Twitter des individus.

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - Je vous remercie. C'est la guerre de l'obus contre le blindage : chacun s'adapte à la riposte de l'adversaire et nous aurons donc toujours une longueur de retard. Mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas essayer de lutter par tous les moyens.

Les réseaux sociaux sont une question déterminante, c'est un vecteur naturel pour la propagande : c'est une évidence même si tout le monde n'est pas de cet avis.

Je donne la parole maintenant à M. Jérémie Zimmermann, pour qui Internet est davantage un réseau de liberté.

M. Jérémie Zimmermann, membre de « La Quadrature du Net », association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet -Madame la présidente, Monsieur le rapporteur, je ne suis plus le porte-parole de la Quadrature du Net mais j'en suis le co-fondateur, et je m'exprimerai à ce titre.

J'espère que le cynisme éventuel de certains de mes propos qui pourra transparaître dans mon discours ne sera pas interprété comme une apologie du terrorisme. Je ne sais pas si je dois me féliciter ou pas de participer à ce qui me semble être une formidable façon d'éviter de discuter des problèmes fondamentaux concernant les prisons, les banlieues, l'école publique, les pratiques actuelles de surveillance, tant Internet faisant l'objet de parfait bouc émissaire concernant la question du djihadisme et de la radicalisation...

Mme Nathalie Goulet , co-présidente . - ... Ce n'est pas du tout le cas. Pour nous Internet n'est qu'un élément parmi d'autres et non pas l'élément principal en tant que tel.

M. Jérémie Zimmermann . - Je n'ai pas cette impression lorsque j'écoute les déclarations politiques récentes, mais je vous accorde le bénéfice du doute.

Internet fait office de parfait bouc émissaire. Nous avons aujourd'hui un arsenal législatif issu d'un empilement de lois qui n'a pourtant pas permis d'arrêter les tueurs. La CNCDH l'a affirmé : l'empilement des lois liberticides encadrant Internet est un échec. Pour profiter de l'hystérisation du débat public, l'on va maintenant assister à un amalgame entre le terrorisme et la diffusion de propos de haine. Nous nous attendons à d'autres lois portant atteinte aux libertés fondamentales.

En réalité, il existe différents cas. D'abord, les djihadistes pas trop bêtes savent déjà qu'Internet et le téléphone mobile sont tracés et ne les utilisent pas. Certains échappent au suivi grâce à l'anonymisation et au chiffrement : on pressent d'ailleurs une initiative règlementaire contre ces techniques. Rappelons-nous les propos du PDG de Google : seuls les criminels se soucient de protéger leurs données personnelles. On évoque donc le « dark web » comme un espace sombre et dangereux alors qu'il est utilisé par des millions de dissidents à travers le monde ! En réalité il n'existe pas de dark web. Deux ordinateurs qui dialoguent ensemble sans intermédiaire, c'est en réalité la définition d'Internet. Évidemment, pour Google, Internet c'est plutôt : tout ce que Google peut aspirer et donner à la NSA.

Restent les djihadistes qui interviennent sans se cacher sur les sites. Le réflexe du Gouvernement, c'est alors le fait de donner au ministre de l'Intérieur la faculté de dire qui il faut censurer. J'ai l'intime conviction que cette manière d'agir est contreproductive. Ces sites sont en effet une mine d'or pour les services d'enquête et de renseignement. Les censurer aboutira seulement à rendre ces djihadistes plus intelligents en les forçant à contourner la censure.

Outre les sites qui seront censurés, les terroristes vont aussi sur les plateformes des réseaux sociaux. Le premier réflexe : la surveillance de masse, déjà pratiquée en France sous le couvert de ce vocable hypocrite de « a-légal ». Or une telle surveillance de masse est dénoncée par le Conseil de l'Europe et profondément attentatoire aux libertés. La tentation existe également de confier à Google et Twitter des missions de police. On transformerait ces acteurs en une milice privée. Ils détecteraient automatiquement des mots-clés et des comportements.

Tout ceci me semble faire le jeu des djihadistes en détricotant les normes fondamentales.

En conclusion, si l'on souhaite vraiment s'attaquer aux causes de ce problème, il faut non seulement s'intéresser à l'école, à la prison, à la banlieue, mais aussi à la surveillance massive qui n'est jamais justifiée. C'est en faisant toute la lumière sur ces pratiques de surveillance massive qu'on pourra débattre sereinement de la surveillance ciblée, qui peut être quant à elle justifiée et accomplie sous contrôle démocratique, notamment sous le contrôle du juge, ainsi que de l'infiltration. On pourra ainsi apprécier leur efficacité et faire confiance à ceux qui les mettent en oeuvre, pour enfin déboucher sur un débat serein relatif à l'accroissement des moyens dont disposent les enquêteurs dans le respect des valeurs démocratiques. Le seul moyen de faire un pied de nez à ceux qui nous attaquent, c'est de renforcer notre démocratie et le socle républicain.

La présidente donne la parole à M. Marc Robert, procureur général près la Cour d'appel de Versailles, après lui avoir fait prêter serment conformément aux règles applicables aux commissions d'enquête parlementaires.

M. Marc Robert, procureur général près la Cour d'appel de Versailles . - Je ne suis pas un spécialiste du terrorisme mais de la procédure pénale. Nous sommes parvenus après de nombreuses auditions à nous mettre d'accord sur un constat et des propositions. Nous devons établir une stratégie globale de lutte contre la cybercriminalité. Certaines de nos propositions peuvent toutefois intéresser directement la lutte anti-terroriste. La loi du 13 novembre 2014 a déjà intégré certaines de ces propositions, notamment au plan procédural : perquisitions, extension des enquêtes sous pseudonyme, etc.

Internet est utilisé par les djihadistes de plusieurs manières. Il existe d'abord des forums islamistes qui emploient des développeurs de plus en plus doués. En second lieu, les terroristes utilisent les réseaux sociaux. Chaque groupe ou brigade possède un compte alimenté par les djihadistes sur le terrain, ce qui, d'ailleurs, est très utile pour les enquêteurs. Nous nous posons la question de l'impact de ces messages. J'ai analysé les procès-verbaux d'auditions de personnes parties en Syrie et plusieurs font état de l'influence de ces sites. Toutefois, dans nombre de cas il existe les recruteurs qui ont physiquement rencontré les personnes radicalisées. La consultation d'Internet ne suffit peut-être pas.

Troisièmement, les individus utilisent leur compte sur les réseaux sociaux. Nous observons d'ailleurs une floraison de messages dans ce domaine depuis quelques semaines. Il n'y a pas de discontinuité en la matière avec le discours antisémite. C'est pourquoi il convient, selon moi, de se méfier des infractions visant seulement le terrorisme. C'est d'ailleurs le point de vue que j'avais exprimé lors de l'examen des dispositions de la loi du 13 novembre 2014 qui ont extrait les faits d'apologie du terrorisme de la loi sur la presse de 1881 : dans ce cas, pourquoi ne pas extraire également l'antisémitisme, la xénophobie, etc. ?

Quatrième phénomène : les attaques contre les systèmes de traitement automatisés de données (STAD). Ceci nous préoccupe particulièrement car cela concerne les grands services publics ou des opérateurs d'importance vitale.

Or, nous abordons la cybercriminalité de manière dispersée en France. La centralisation que nous avons en matière de cybersécurité avec l'ANSSI ne trouve pas d'équivalent dans ce domaine. Certes, en matière de terrorisme, ce problème est un peu estompé du fait de la centralisation au TGI de Paris. Toutefois, la situation pourrait être améliorée en concentrant également dans ce TGI les infractions d'atteinte aux STAD d'importance vitale. En effet, lors d'une attaque, on ne sait jamais tout de suite de quoi il s'agit : cela peut être une attaque terroriste.

L'OCLCTIC n'a pas la capacité d'absorber l'afflux de signalements. La plateforme PHAROS est « embolysée ». Les policiers et les gendarmes affectés à la surveillance d'Internet ne sont pas assez nombreux.

En outre, il faudrait faire évoluer le régime de responsabilité des hébergeurs et des intermédiaires sur Internet. Dans ce domaine, les choix ont été par trop hésitants et dénués de cohérence. Si la France a fait figure de précurseur avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004, certains prestataires ne jouent pas le jeu et il me semble qu'il convient de redéfinir un cadre global adapté aux évolutions en la matière. Il n'est pas question de remettre en cause l'irresponsabilité de principe des prestataires en la matière. Néanmoins, la coopération n'est pas assez efficace. En particulier, les prestataires de droit américain excipent sans cesse de leur extranéité et se cachent derrière la loi de 2004. Les autorités judiciaires sont confrontées à des refus d'exécution de réquisitions, ce qui les oblige à en passer par la coopération internationale, qui ne fonctionne pas. Or, ces entreprises réalisent des bénéfices considérables sur notre territoire. La seule solution me semble être la suivante : il faut que la loi prévoie expressément que les obligations qu'elle pose s'appliquent également aux prestataires étrangers ayant une activité même secondaire en France ou fournissant des services gratuits à des personnes situées en France. Les règles européennes ne s'opposeraient pas à de telles dispositions.

Je ne suis pas favorable à ce que ces prestataires jouent un rôle actif en matière de lutte contre le terrorisme sur Internet : c'est à l'État de faire la police du net. En revanche, lorsque le retrait d'un contenu est demandé par une autorité administrative ou judiciaire habilitée, il faudrait instituer une obligation de surveillance temporaire pour éviter l'effet « miroir » de la création d'un site parallèle. En outre, la loi de 2004 ne dit rien des moteurs de recherche : pourtant, le déréférencement sur les moteurs de recherche constitue un moyen simple et rapide d'agir en la matière. De même, il convient d'adapter le droit pénal. Il faut donner au juge des libertés et de la détention les mêmes pouvoirs qu'un juge des référés en la matière.

Enfin, je déplore qu'il n'y ait pas d'autorité de contrôle et de sanction. Nous proposons à cet égard la création d'une agence qui puisse faire l'interface avec les prestataires.

Je ne suis pas favorable à un droit d'exception. Cependant les policiers et les juges me disent que nos procédures ne sont pas efficaces même si nous avons essayé de les adapter à la lutte contre la cybercriminalité. Or beaucoup de pays ont fait des réformes d'ampleur et ont traité le sujet spécifiquement dans leur code pénal. Pour le moment, contentons-nous de mesurer les effets de la loi du 13 novembre 2014. Je souhaiterais néanmoins vous faire des propositions sur les questions d'application territoriale de la loi et concernant l'accès aux sites Internet consultés par un ordinateur qui est saisi. Enfin, le décret relatif à la captation des données informatiques est toujours en attente !

En résumé, hormis la question du prestataire, c'est moins des nouveaux moyens juridiques qu'il faut que donner davantage de moyens matériels et humains aux services spécialisés et une meilleure cohérence.

Mme Nathalie Goulet, co-présidente. - Monsieur le Procureur général, vous avez beaucoup parlé d'Europe. Je rappelle qu'après les attentats du début du mois, nous avons renforcé notre commission en ce domaine avec la nomination d'André Reichardt comme co-président en charge des questions européennes. Il est à la fois membre de la commission des affaires européennes et de la délégation du Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. J'aurai, par ailleurs, une question concernant les paradis numériques. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ? Quels sont ces pays ?

Monsieur Chadrys, le Gouvernement a annoncé des moyens nouveaux, tant en matière de recrutement que d'un point de vue financier. Vous paraissent-ils suffisants ? Enfin, comment se passe la collaboration entre vos services ?

Pour M. Zimmerman, j'aurai une question technique. Un journaliste de Rue89 est venu témoigner devant notre commission. Il s'est fait passer pour un jeune en manque de repères et l'algorithme de Facebook l'a orienté assez rapidement vers des djihadistes. Et, alors que ce journaliste pensait que Facebook n'était pas dangereux, il est arrivé à la conclusion inverse. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne techniquement cet algorithme et comment on pourrait éviter un tel cheminement ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je veux remercier Monsieur Chadrys pour son exposé extrêmement précis et qui nous sera précieux.

Je veux également remercier Monsieur le Procureur général pour ses réflexions et ses propositions. C'est vrai qu'il ne faut pas de justice d'exception. C'est vrai aussi qu'il faudrait quelque chose qui s'apparente au référé mais qui s'appliquerait à la cybercriminalité et, si je comprends bien, un certain nombre de règles propres à la cybercriminalité car tout n'est pas transposable.

Monsieur Zimmerman me plonge comme toujours dans beaucoup d'interrogations. En effet, je n'adhère pas à votre discours pour une raison fondamentale : pour vous, toute mesure encadrant Internet, limitative ou répressive, est une atteinte à la liberté.

En outre, j'ai été extrêmement choqué de la manière dont vous utilisez le mot « censure ». Sur la loi de programmation militaire, nous nous sommes efforcés de démontrer que l'article 13 devenu l'article 20 sur les données de connexion est protecteur des libertés et donne des garanties qui ne figuraient pas dans la loi précédente. Sur la loi antiterrorisme, c'est la même chose. Vous considérez que l'espace Internet est le souverain bien. Certaines personnes de bonne foi pensent aussi qu'Internet est un espace différent de la vie ordinaire. Par exemple, si certains propos sont tenus dans la presse, ils peuvent faire l'objet d'une condamnation. Les mêmes propos sur Internet ne feront l'objet d'aucune poursuite. Or, je ne vois pas pourquoi les règles seraient différentes.

Lorsque j'étais un jeune député et que je faisais des recherches pour préparer la discussion d'un projet de loi, cela me prenait un certain nombre d'heures. Aujourd'hui, je peux accéder aux mêmes informations en quelques clics. Je mesure à quel point il s'agit d'une amélioration. Mais dans le phénomène de radicalisation, il y a un certain nombre de facteurs et on est obligé de considérer qu'Internet joue un rôle majeur dans ce processus.

Monsieur Robert, il faut des règles européennes, voire mondiales. Certains disent que c'est impossible, mais je ne désespère pas qu'on arrive à un Internet espace de droit mondial.

M. Jean-Yves Leconte. - Monsieur Zimmermann, vous parlez de censure, alors que vous savez que le blocage administratif est contournable. Et ceux qui contournent ne sont pas sanctionnés, à la différence de ce qui se passe en Chine, par exemple. La comparaison avec des régimes autoritaires n'est pas valable.

Quand vous parlez des principes républicains et de la démocratie, je crois qu'il faut aller beaucoup plus loin. Internet remet en cause la souveraineté des États et d'une certaine manière leur faculté à faire appliquer une loi dans un espace donné. Or, il n'y a pas de démocratie sans souveraineté. Donc, il faut nous expliquer comment faire en sorte qu'il y ait une régulation dans cet espace qui remet en cause la souveraineté des États, qui sont les régulateurs en démocratie.

Par ailleurs, je voudrais vous demander de réagir à la dernière intervention. Ce qui me parait intéressant, c'est l'application de la règle du droit du pays du consommateur d'Internet. Comment la réaliser sur le plan technique ?

M. Michel Vergoz. - J'ai beaucoup appris lors de ce débat. Je n'ai pas de langue de bois : je suis très attaché à la liberté et j'ai peur d'être liberticide. J'ai besoin de vous, la République a besoin de vos compétences, Monsieur Zimmermann, mais je vous trouve excessif ! Toutes les libertés s'organisent. Les droits s'accompagnent de devoirs.

Vous avez manié l'ironie et le cynisme à dessein et vous m'avez choqué. Vous dites que certains terroristes sont bêtes. Je ne suis pas d'accord. Et ils sont méchants, ce sont des terroristes. Nous devons protéger nos concitoyens. Vous semblez proposer une solution qui n'est pas liberticide. Mais j'ai du mal à comprendre : où vous situez-vous ?

M. André Gattolin. - Je voudrais rappeler que dans le cadre de la commission des affaires européennes du Sénat, Colette Mélot et moi-même avons été chargés d'une étude sur la place d'Internet dans la lutte contre le terrorisme en Europe. Cette mission s'inscrit dans un ensemble de six groupes de travail qui ont pour but de faire des propositions pour renforcer la lutte contre le terrorisme en Europe.

Comme Jérémy Zimmermann, j'ai des grosses inquiétudes sur le profilage de masse. Je pense qu'il faut désormais s'orienter vers plus de qualitatif, un travail plus ciblé. Par ailleurs, le discours sur l'auto-régulation et la gouvernance d'Internet, c'est l'absence de politique ! Quand j'ai vu les Anonymous attaquer en masse des sites djihadistes, au nom de cette pseudo auto-gouvernance, je me suis inquiété. Internet permet en effet de surveiller et de capter un certain nombre d'informations sur les terroristes, mais on a perdu une source précieuse d'informations dans cette affaire.

Le terme de « cyberterrorisme » m'agace beaucoup. On confond l'action de terroristes qui se servent d'Internet pour faire passer leur message, les propagandistes (la « média-courroie de transmission », comme disait Lénine), et la question de la cybersécurité. Or, cette dernière me parait très importante.

Une société de ma circonscription, SIFARIS, assure la cybersécurité de Charlie Hebdo. J'étais dans les locaux peu après les attentats du 9 janvier et les attaques cyber se sont multipliées à un tel point que le prestataire hébergeur américain qui permettait de tenir les flux a jeté l'éponge.

D'une manière plus générale, on sait aujourd'hui qu'il y a un certain nombre d'attaques contre différents médias, mettant en cause leur capacité à diffuser de l'information. La multiplication de ces attaques pose la question de la liberté de la presse que nous devons défendre. Et cela passe peut-être par le fait d'assurer la cybersécurité des organes de presse.

Faisons attention aux mots que l'on emploie. Aujourd'hui, on accuse Internet comme on accusait les radios libres dans les années 80. Mais arrêtons de tirer sur les réseaux sociaux. Internet doit être encadré juridiquement comme tout autre secteur et je me retrouve dans les propos très pondérés de Marc Robert.

M. Michel Boutant. - Je m'exprime en tant que non spécialiste d'Internet. J'y trouve bien sûr beaucoup d'utilité, mais je comprends aussi que l'on puisse y voir, comme le disait Ésope, la meilleure et la pire des choses. La question centrale est celle de savoir où placer le curseur entre la garantie de la sécurité et la protection de la liberté. Faut-il aussi défendre la liberté du renard dans le poulailler ?

M. Philippe Chadrys. - Nous ne faisons pas de surveillance de masse, mais ciblons notre action sur certains profils ou sites. On constate en effet que dans 99 % des affaires de terrorisme djihadiste que nous traitons, Internet est utilisé comme vecteur, sous une forme ou sous une autre. Nous observons par ailleurs que de nombreux jeunes font leur culture religieuse exclusivement sur Internet ; très rapidement, en cliquant de site en site et de lien en lien, ils se retrouvent sur des sites djihadistes et, à partir d'un simple profil Facebook, se retrouvent en lien avec des terroristes. Certains organes de propagande de groupes terroristes ne vivent que grâce à des plateformes qui n'embrassent bien sûr pas les thèses djihadistes, mais dont les contenus se justifient par la liberté du net. Elles permettent ainsi à des contenus propagandistes d'exister et de se diffuser - c'est un simple constat, qui n'emporte pas de jugement de valeur.

J'en viens à votre question sur la collaboration entre les services de police. Pour les attentats de début janvier, trois services ont été saisis - la police judiciaire, la police judiciaire de Paris et la DGSI - et ont travaillé ensemble, sans difficulté, notamment sur Internet. Les renforts annoncés seront bien sûr les bienvenus, mais n'oublions pas que nos besoins de recrutement concernent surtout des compétences pointues sur les technologies de communication et de vrais spécialistes.

M. Jérémy Zimmermann . - Monsieur Vergoz, j'apprécie votre main tendue et je la saisis au vol. Vous qualifiez mes propos d'excessifs, vous y avez noté l'ironie que j'y ai volontairement placée peut-être par agacement d'entendre les mêmes débats qui instrumentalisent les peurs pour éviter de se poser des questions fondamentales et coûteuses au profit d'affichage politique.

Ce que je trouve excessif, moi, c'est la façon dont on décrédibilise souvent les discours portant sur les libertés fondamentales, tenus par ces « droits-de-l'hommistes ». Ce que je trouve excessif, c'est l'empilement de lois sécuritaires depuis quinze ans qui n'ont pas permis d'empêcher ces attentats. Ce que je trouve excessif, c'est l'emploi de la censure à tort et à travers des sites. Je parle bien de la censure car selon votre raisonnement, à partir du moment où quelques-uns pourraient échapper à la censure alors il n'y aurait pas de censure. Donc la Chine ne censure pas Internet. Donc l'Iran ne censure pas Internet. Donc le Pakistan ne censure pas Internet. Pour moi, lorsque l'exécutif prend la décision de rendre certains contenus inaccessibles, c'est la définition de la censure. Le blocage administratif n'est ni plus ni moins que de la censure. C'est la censure que je trouve excessive car en aucun cas, elle ne peut être proportionnée.

M. Jean-Yves Leconte . - Normalement la censure est efficace. Or là vous faites croire aux gens que ce que vous appelez censure est efficace. Or, ça ne l'est pas.

M. Jérémy Zimmermann . - Elle est efficace car elle touchera ceux qui n'ont pas la connaissance des outils de contournement et va renforcer les inégalités dans l'accès à Internet. Cette censure va entraîner systématiquement du surblocage, comme le notait l'étude d'impact de la LOPPSI. À l'époque, les socialistes étaient vent debout. Ensuite, ce que je trouve excessif, ce sont ces discours sur Internet comme une zone de non-droit. Or on défend les libertés. On essaye de nous faire passer comme un Far West à civiliser. Internet est un endroit où le droit s'applique. La localisation géographique de la chaise d'où vous consultez Internet détermine quelle législation s'applique. Il ne faut pas inventer des fantasmes de Far West. Ce que je trouve excessif, c'est cette tendance à l'autorégulation, ou l'autodiscipline : selon M. Robert, les acteurs d'Internet devraient surveiller leurs contenus pour éviter l'émergence de sites miroirs. Confier à des acteurs privés des missions d'inventaire, donc de surveillance, de dénonciation, potentiellement automatisées et par conséquent des missions d'effacement de contenus, donc l'exercice d'une censure, me semble rigoureusement incompatible avec l'État de droit et les principes les plus élémentaires de nos démocraties. Nous dénonçons régulièrement ces pratiques, auxquelles Youtube, Facebook, dans une moindre mesure Twitter, se livrent sans états d'âme lorsqu'il s'agit de faire plaisir à Hollywood, créant ainsi de graves entraves à la liberté d'expression alors qu'une génération entière s'exprime par le remix et la réutilisation d'images animées. D'ailleurs, sans faire un lien entre les deux puisqu'il y a trop de distance entre ces deux phénomènes, je note qu'une partie de cette génération se sent peut-être oppressée ou dénigrée par les pouvoirs publics. Cette notion d'auto-censure, d'auto-régulation, qui est dans l'air du temps, dont le Président de la République se faisait le défenseur lors de son intervention d'hier, ou encore le Premier ministre dans ses annonces du 21 janvier, me semble infiniment plus excessive que tous les propos, y compris les plus cyniques, que j'ai pu tenir aujourd'hui devant vous.

M. Michel Vergoz. - Vous êtes contre l'organisation des libertés !

M. Jérémie Zimmermann. - Absolument pas et j'y reviendrai dans la troisième partie de mon propos.

S'agissant de cette auto-régulation, la deuxième partie de mon propos concerne votre question, Madame la Présidente, sur les algorithmes utilisés par les réseaux sociaux et le fait de confier à des acteurs privés le soin de laisser à leurs ordinateurs de décider, d'imposer des comportements, ce que vous appelez l'encadrement des libertés, d'imposer des régulations, d'imposer de la surveillance ou des actes de censure. Ces algorithmes ne sont pas fiables, ils sont opaques, et ils répondent systématiquement à des impératifs économiques. Lorsqu'une entreprise doit choisir entre une action plus juste et une action plus rentable, on sait que sa nature la pousse à opter pour une action plus rentable.

Dans le cas de l'article de Rue89 auquel vous faites référence Madame la Présidente, il s'agit d'un journaliste qui cherchait à se faire passer pour un djihadiste et qui a utilisé les codes, utilisation de drapeaux ou de codes linguistiques, pour se faire reconnaître comme tel. La leçon à en tirer me semble être que des enquêteurs - dans le respect des valeurs démocratiques et avec une surveillance ciblée, ainsi qu'elles nous ont été présentées, et je veux bien le croire, par M. Chadrys comme étant les pratiques de la DCPJ- peuvent se livrer à l'utilisation de ces signaux et de ces codes, se faire passer pour un djihadiste sur les réseaux sociaux et infiltrer ces réseaux afin de les pister, de les surveiller et, mieux encore, de les appréhender. Cet exemple illustre pourquoi il serait extrêmement dangereux, voire contreproductif, de confier à ces mêmes algorithmes des missions qui relèvent de l'autorité judiciaire indépendante. Je ne dis pas que vous prônez une telle solution mais il me semble que cette idée est en filigrane des propos tenus par le Président de la République et le Premier ministre ou même ceux de M. Marc Robert.

J'en viens enfin à mon troisième point qui est de répondre à vos questions sur les mesures à prendre, selon moi, pour assurer la souveraineté des États et le respect du droit sur Internet. J'ai une réponse qui va peut-être vous paraître « vieux jeu » mais j'estime que cette mission appartient à l'autorité judiciaire et aux juges judiciaires indépendants et impartiaux. C'est la seule façon, dans un État de droit, de restreindre les libertés conformément à nos principes juridiques, notamment celui de proportionnalité. Je défends, comme une ligne infranchissable, le fait que dans un État de droit seul le juge judiciaire est habilité à restreindre les libertés fondamentales et cela dans le cadre de l'exercice du droit à un procès équitable qui implique la transparence des décisions, les audiences contradictoires, et les possibilités d'appel jusqu'aux plus hautes juridictions, y compris les juridictions européennes.

Nos principales propositions s'appuient donc sur l'intervention judiciaire comme seule autorité habilitée à restreindre les libertés ainsi que sur la nécessité de cibler et d'encadrer par des principes démocratiques la surveillance quand elle est mise en oeuvre. Je note d'ailleurs que le Président de la CNCIS partage cette position, à laquelle le Conseil de l'Europe fait écho. Je relève au passage que des textes de loi, en particulier la dernière loi anti-terroriste, ont été adoptés à de larges majorités par les deux assemblées parlementaires alors mêmes qu'ils faisaient l'objet de critiques de la part du Conseil national du numérique, de la Ligue des droits de l'homme, de Reporters sans frontières, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ou du Conseil de l'Europe sans même faire l'objet d'un recours auprès du Conseil constitutionnel, aucun groupe parlementaire n'ayant eu le courage politique de s'élever contre le discours ambiant, cédant ainsi à l'idée selon laquelle s'opposer au renforcement des dispositions sécuritaires c'est défendre les terroristes.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous n'avons pas saisi le Conseil constitutionnel d'un texte que nous avons voté et que nous estimions respectueux des libertés.

M. Jérémie Zimmermann. - La saisine du Conseil constitutionnel aurait pu constituer un gage de votre certitude quant au fait que ce texte respectait les libertés fondamentales.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Le Parlement a pour mission d'élaborer et de voter la loi.

M. Jérémie Zimmermann. - Le Parlement peut saisir le Conseil constitutionnel sans que cela remette en cause ses missions, mais je referme cette parenthèse que j'ai moi-même ouverte peut-être à tort.

En premier lieu, nous souhaitons que le juge judiciaire intervienne. En second lieu, nous sommes favorables à une surveillance ciblée et à une transparence sur les moyens utilisés. On nous donne des effectifs variables pour surveiller une personne, huit, seize ou vingt-quatre policiers par exemple, pour surveiller quelqu'un à plein temps. J'aimerais le croire, mais je sais que grâce à l' « IMSI Catcher » on peut surveiller automatiquement les individus. Il faut donc tout mettre sur la table ces moyens pour pouvoir décider. Cela ne me semble ni excessif ni délirant.

Il existe aussi des responsabilités institutionnelles, je pense notamment à l'éducation nationale, pour former l'esprit critique. L'exemple de la jeune fille de 14 ans me fait dire qu'il faut s'assurer, par le dialogue, qu'elle a bien pesé les différents aspects de la question. Je pense qu'il faut aussi poser la question de la déradicalisation, entreprise dans certains pays nordiques. Il y a aussi une responsabilité collective que nous devons avoir contre les idées de haine. Car il ne s'agit pas de s'attaquer aux effets mais aux symptômes. Il ne faut pas faire disparaitre les messages car ils resteront dans les esprits de ceux qui les émettent. Ce qu'on veut c'est combattre ces idées et c'est par la potentialité de participation dans la sphère publique que ce doit être fait : il existe des outils individuels pour détecter et combattre collectivement ces idées, sur le terrain. Ces actions concrètes, qui viendraient en complément des actions dans les banlieues, les prisons, en faveur de l'école publique républicaine et laïque, sont tout à fait compatibles avec la démocratie, protégeant et ne restreignant pas les libertés publiques, et contribueraient à bâtir une société plus cohérente et moins divisée, plus résiliente et plus démocratique que moins démocratique.

M. Marc Robert . - Je voulais simplement rappeler que la Cour européenne des droits de l'homme, par le biais des articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, a prévu, dans les termes les plus fermes, que si l'État a l'obligation de respecter ces droits, il a le devoir de protéger l'utilisateur contre les atteintes et contre les contenus illicites relevant d'Internet. Huit États ont été condamnés pour ne pas l'avoir fait. Au travers d'une quarantaine d'arrêts, la Cour a nettement dit que les discours incompatibles avec les valeurs proclamées et garanties par la Convention ne relevaient pas de la liberté d'expression et ne pouvaient prétendre bénéficier des garanties que la Convention comprend. Je vous renvoie sur ce point aux développements de notre rapport, sur l'ensemble des textes européens, l'ensemble des principes universels et l'ensemble des éléments de droit comparé. Je suis d'accord avec M. Zimmermann sur le point selon lequel le juge judiciaire, garant des libertés fondamentales, doit être au centre du processus. Je l'avais dit à la commission des lois du Sénat. Nous avions plaidé sur une solution en ce sens dans notre rapport.

Rapidement sur l'entraide pénale internationale, trois points. En premier lieu, n'encombrons plus l'entraide pénale internationale quand il s'agit de récupérer des données relatives à l'identité et au trafic. Très nombreuses, ce sont des données de base pour les enquêtes et de moindre gravité pour les libertés individuelles. Nous devons les obtenir de plein droit des prestataires techniques d'Internet. Mais il faut absolument maintenir au niveau européen l'obligation de stockage des données. Nous sommes très inquiets de ce qui s'est passé en Allemagne où la Cour constitutionnelle a voulu remettre en cause l'obligation de stockage. Certains pays nordiques vont dans le même sens. Or, si nous n'avons plus cette obligation pesant sur les prestataires, nous ne pourrons plus obtenir les informations auxquelles nous avons droit. Nous évoquons la possibilité de créer un Schengen de coopération simplifié en matière de cybercriminalité, notamment au plan européen pour obtenir les données de contenus et l'exécution de décision pour mettre un terme à des activités illégales. L'Europe est en pointe, elle fait un travail de coopération extraordinaire mais il reste des difficultés pour faire prendre en compte au niveau mondial la mesure de la menace, notamment par les USA.

Quant aux « cyber-paradis », ils existent. La liste est simple à trouver, n'importe quel service spécialisé conduisant des enquêtes sait quels sont les États qui ne répondent jamais et que les cybercriminalités utilisent pour domicilier leurs activités illégales. J'estime que c'est notre avenir, au même titre que l'évasion fiscale ou le blanchiment : si nous n'arrivons pas à mettre ces pays - qui en font une activité rémunérée - à la norme, notre action va connaitre des difficultés. L'ONU doit être plus mobilisée. Il faut convaincre les USA de prendre le taureau par les cornes.

Mme Nathalie Goulet. - Je vous remercie beaucoup, ainsi que les autres intervenants.

COMPTE-RENDU DE LA TABLE RONDE
SUR LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DJIHADISTE
AVEC DES AMBASSADEURS DE PAYS EUROPÉENS

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MARDI 17 FÉVRIER 2015

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Cette table ronde était prévue de longue date, avant les événements épouvantables de Copenhague. Nous voulions avoir un aperçu de la législation en place chez nos voisins, et le cas échéant de la législation additionnelle qu'ils ont dû prendre récemment. Nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes. Nous aimerions vous entendre sur les thèmes suivants : l'efficacité relative du tout répressif ; les moyens pour endiguer la propagande sur internet ; les problématiques spécifiques à chaque pays ; l'équilibre à trouver entre sécurité et liberté ; la coopération européenne ; le problème du droit d'asile ; le passenger name record (PNR) que chacun, dans les parlements nationaux, appelle de ses voeux, et qui devient un problème au Parlement européen pour des parlementaires des mêmes groupes politiques. Cette audition, publique, est retransmise sur Public Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Dans la situation angoissante qui est la nôtre, nous avons la certitude de devoir travailler ensemble. Quelles mesures de coopération urgente envisageriez-vous pour lutter contre le fléau du terrorisme ?

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Cette audition est ouverte aux autres sénateurs. Les présidents des groupes d'amitié ont été conviés ; Mme Bariza Khiari tient à s'excuser de son absence. Monsieur l'Ambassadeur du Royaume-Uni, je vous propose d'ouvrir cette discussion et j'ai une question à vous poser : une proposition de loi est en débat dans votre pays, elle concerne l'interdiction du retour sur le territoire des djihadistes pendant deux ans : mais s'ils ne sont pas chez vous, ils seront chez nous !

M. Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni en France . - Nous sommes tous confrontés à la même menace. Nous avons vécu des moments extraordinaires à Paris, avec la magnifique réponse faite par la France aux attentats. Nous avons vécu les drames en Belgique et à Copenhague. En 2005, les attentats dans le métro londonien, qui ont fait une cinquantaine de morts, ont attiré notre attention sur des gens nés et élevés dans notre pays, et radicalisés chez nous ; cela a incité notre gouvernement à augmenter les crédits des services de renseignement et à engager des modifications législatives.

Un mot sur le contrôle parlementaire et judiciaire : une commission sur le renseignement commune aux deux chambres de notre Parlement bénéficie de pouvoirs d'audition et de contrôle, avec accès à tous les documents sous condition de respecter le secret ; des juges contrôlent les actions des services et les décisions des ministres qui les autorisent.

Avant de traiter le symptôme, il faut traiter la radicalisation à la source. Notre législation et notre pratique ont beaucoup évolué pour la combattre dans les prisons, les mosquées et sur internet. Le programme de partenariat Channel regroupe la police et les associations au niveau local pour encourager les voix qui s'élèvent contre l'islam radical et pour aider les personnes vulnérables. Dans les prisons, notre Home office rassemble beaucoup d'informations sur les détenus susceptibles de radicaliser les autres ou de se radicaliser. Nous nous assurons que les aumôniers présentent une vision modérée de l'islam. Les surveillants sont aussi concernés, et l'accent est mis également sur l'éducation des prisonniers.

Daesh et les autres groupes utilisent très savamment internet pour leur propagande. Il faut identifier rapidement ces sites et agir avec les acteurs du web pour les supprimer. Nous avons noué des liens très étroits pour cela avec les fournisseurs de plates-formes, souvent en dehors de l'Europe. Une cellule spécialisée comparable à Pharos en France mène ce partenariat, qui fonctionne assez bien. Nous avons des interrogations sur une approche législative au niveau européen : cela ne fonctionnerait pas forcément mieux, face à des fournisseurs basés en dehors de nos frontières. L'urgence me semble au contraire de travailler avec le secteur sur une base volontaire. Nous avons néanmoins durci récemment les obligations des fournisseurs.

La répression vise soit à empêcher les personnes radicalisées de partir pour le Moyen-Orient, soit à les contrôler à leur retour. Depuis quelques semaines, la police peut retirer le passeport d'un individu à la frontière pour permettre une enquête policière ; une déchéance de nationalité peut être prononcée à l'encontre d'un individu ayant une autre nationalité, il peut alors être expulsé. S'il fait état d'une menace dans son pays pour contester son expulsion au titre de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, un réseau d'assurance avec des pays tels que l'Algérie, l'Éthiopie, la Jordanie, le Liban ou le Maroc nous permet de faire valoir devant nos tribunaux que sa sécurité ne sera pas menacée. Nous cherchons à élargir ce réseau. La décision est soumise au droit d'appel, et en particulier un tribunal spécialisé ayant accès à des données classifiées.

Le nouvel instrument auquel vous avez fait référence, et qui a eu des échos dans les médias est le temporary exclusion order - mandat d'exclusion temporaire - permettant au ministre d'interdire le retour sur le territoire britannique d'un citoyen britannique le temps de mettre en place un contrôle dès son arrivée. La presse a mal compris le délai de deux ans : c'est une durée maximale, mais le délai serait plutôt de quelques heures, pour que les forces de l'ordre puissent s'organiser dès qu'elles auront l'information par leurs homologues du pays voisin.

Les instruments de lutte contre la menace doivent évoluer au même tempo que la menace elle-même. L'utilisation des réseaux sociaux évolue très rapidement : nous devons être en mesure d'éviter qu'ils soient utilisés contre nous. Les mesures prioritaires me semblent être le PNR européen et l'échange de données dans l'espace intra-européen pour repérer les communications cachées dans les réseaux sociaux en coopération des acteurs du web .

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Je souhaiterais accueillir Son Excellence l'ambassadeur du Danemark, Mme Dorte Riggelsen, en lui exprimant nos condoléances, notre soutien et notre solidarité. Aujourd'hui, nous sommes tous danois, comme vous étiez Charlie il y a un mois.

Mme Anne Dorte Riggelsen, ambassadeur du Danemark en France . - Et française !

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Plus que jamais, nous nous sentons citoyens du monde : victime d'un ennemi commun contre lequel nous apportons aujourd'hui une modeste pierre.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Bravo !

Mme Nathalie Goulet , présidente . - L'organisation de l'islam est très différente au Royaume-Uni et en France. J'ai rencontré le procureur général à Londres, qui m'a parlé de l'obligation de prêcher en anglais. Comment coopérez-vous avec les communautés musulmanes - car elles sont diverses ? Le gouvernement a développé un programme « stop Djihad » sur un domaine « .gouv », ce qui pose un problème de crédibilité.

M. Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni en France . - Je ne suis pas un expert de ces questions : il n'y a pas en effet une communauté musulmane au Royaume-Uni, mais des communautés, ni structurées ni hiérarchisées, auxquelles il faut ajouter les imams des mosquées. Depuis les attentats de 2005, une structure gouvernementale encourage le dialogue et l'information pour mieux lutter contre les distorsions de l'islam, en particulier en prison. Nous construisons un « narrative » contre la radicalisation. Nous préférons le partenariat à la législation.

M. Ed Kronenburg, ambassadeur des Pays-Bas en France . - Nous avons connu un début d'année 2015 terrible ; hélas, le fléau n'est pas nouveau. Aux Pays-Bas, afin de renforcer la coopération des services de renseignement et de sécurité nationale, un coordinateur national de la lutte contre le terrorisme a été nommé depuis 2005 ; sa mission a été élargie en 2011 à la gestion de crise, la cyber-sécurité et la sécurité nationale, sous la responsabilité du ministre de la sécurité et de la justice. Son rôle est stratégique, l'opérationnel se situant au niveau des renseignements, de la police et de la gendarmerie. Il a élaboré un programme d'action fondé sur une approche intégrée du djihadisme, qui a été présenté à notre Parlement en août 2014.

Ce travail évolutif comprend 38 mesures pour trois objectifs : protéger la démocratie et de l'état de droit ; lutter contre le mouvement djihadiste aux Pays-Bas ; assécher le terreau de la radicalisation. Ce plan s'organise autour de cinq axes : réduire le risque d'apparition de combattants djihadistes ; intervenir en cas de départ pour le djihad ; lutter contre la radicalisation ; agir sur les réseaux sociaux ; développer échanges d'information et coopération.

Pour réduire les risques, nous avons choisi de placer tous les actes terroristes mais aussi leur préparation sous le coup de la loi. Un enquête judiciaire est ouverte pour toute participation à un groupement, qu'il lutte ou qu'il s'entraîne. Une trentaine d'enquêtes sont en cours, impliquant une soixantaine de personnes. Les détenus soupçonnés ou condamnés pour des actes terroristes sont placés dans des quartiers spécifiques. Le code pénal permet de placer sous surveillance durable les combattants revenant aux Pays-Bas. Nous examinons les façons dont la citoyenneté néerlandaise pourrait être retirée aux auteurs de délits terroristes, quand ils ont une deuxième nationalité ; la plupart des combattants seraient concernés. Les combattants rejoignant un réseau djihadiste sont inscrits sur la liste nationale du terrorisme : leurs moyens financiers sont gelés, les services financiers refusés et ceux, amis ou famille, qui mettent à leur disposition de l'argent sont passibles d'une peine. Une cinquantaine de personnes sont touchées.

En cas de suspicion de départ pour le djihad, une enquête judiciaire est ouverte. La carte d'identité et le passeport peuvent alors être déclarés expirés et l'entourage de la personne est mis au courant. C'est le cas pour 52 personnes. Si un mineur est impliqué, des mesures sont prises au titre de la protection des enfants.

La loi pénale néerlandaise ne connaît pas de délit d'apologie du terrorisme, mais l'incitation à la haine en public du fait de la race, la religion, les convictions, le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap est passible d'amende et de prison. Le recrutement pour le djihad est donc punissable. Ceux qui diffusent de la propagande djihadiste seront gênés dans leur activité, de manière pénale comme administrative. Les facilitateurs reconnus sont inscrits sur la liste nationale du terrorisme. Les prêcheurs qui appellent à la haine et la violence se verront refuser leur visa s'ils en ont besoin pour séjourner aux Pays-Bas. Nous avons une coopération étroite avec les imams.

Des quartiers spécifiques dans les prisons existent depuis 2005, offrant 13 places, occupées à 95 %, dans l'objectif d'empêcher le recrutement. Les détenus sont sélectionnés sur la base des comptes rendus de la police et du ministère public. Ils sont répartis dans deux établissements pénitentiaires équipés pour éviter toute activité terroriste. Ils sont soumis à un régime individuel. Le directeur décide dans quelle mesure ils peuvent participer aux activités communes ou individuelles, ou avoir des contacts avec des codétenus. Les contacts externes sont restreints et contrôlés. Nous explorons la possibilité de tailler un régime encore plus sur mesure pour mieux accompagner le retour du détenu dans la société.

La prévention est un élément clé. Dans les communes, les organisations communales et la police locale se concertent régulièrement avec les représentants formels des différents groupes religieux et les leaders informels. Ce suivi au quotidien puise dans le renseignement de l'intérieur des communautés. Tel imam incitant à la haine sera ainsi arrêté. Les services de notre coordinateur mettent des experts à disposition des communes classées prioritaires, qui reçoivent une subvention pour organiser un réseau de personnes clés afin d'améliorer les signalements précoces. Des consultations régulières ont lieu au niveau national sous la présidence du ministre de la sécurité et de la justice, avec le coordinateur, les services de renseignement, les ministres des affaires sociales et de l'intérieur et les maires des communes les plus touchées. Des intervenants dans les établissements scolaires forment les enseignants et développent des programmes éducatifs.

Nous avons créé le 1 er janvier dernier un centre d'expertise qui constitue un support pour les communes et les professionnels pour le signalement précoce de la radicalisation. La permanence nationale extrémisme reçoit les signalements, anonymes. Un réseau national indépendant en relation avec d'autres organisations sociales apportera également son aide aux familles dont un membre s'est radicalisé, est parti combattre ou en revient. Nous renforçons le contre-discours et consolidons la résilience contre la radicalisation et les tensions dans la société. Nous organisons dans les communes concernées des réunions sur l'enrôlement et les dangers en ligne. Le gouvernement encourage le débat sociétal sur les valeurs de l'État de droit.

Une équipe spécialisée de la police se consacre à la lutte contre la propagation de contenus djihadistes sur les réseaux sociaux, informant le ministère public des expressions condamnables qui y circulent. Nous explorons avec les opérateurs internet la possibilité de bloquer efficacement ces contenus. Les opérateurs qui, malgré les avertissements, continueraient à faciliter l'activisme des organisations djihadistes recensées seront poursuivis soit selon la directive européenne - en lien avec le dispositif pénal néerlandais de 2002 - soit selon une réglementation nationale restant à élaborer.

Le gouvernement soutient l'approche locale, comme je l'ai exposé. La coopération des services au niveau national est renforcée, priorité étant donnée à la détection des flux financiers et des voyages ; pour cela, les services doivent pouvoir consulter les données des compagnies aériennes. Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité des Nations unies, notre Premier ministre a appelé à un respect strict des sanctions onusiennes contre le terrorisme. Les Pays-Bas préconisent de restreindre les flux financiers terroristes dans un cadre européen. Le mois dernier, nous avons participé à une réunion à Londres sur les combattants étrangers. Nous participerons à la réunion qui aura lieu à partir de demain à Washington. La conférence au niveau ministériel sur le cyber les 16 et 17 avril à La Haye abordera le cyber-djihadisme. Pour combattre le djihadisme le plus efficacement possible, nous avons tous besoin des uns des autres.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Lorsque vous parlez de services financiers, vous entendez les allocations chômages, les allocations familiales... Comme nos voisins belges ?

M. Ed Kronenburg, ambassadeur des Pays-Bas en France . - Oui.

M. Ramón de Miguel, ambassadeur d'Espagne en France . - Je vous remercie de votre invitation, en ce moment crucial pour la sécurité en Europe et pour notre mode de vie. Le terrorisme international djihadiste utilise de nouveaux instruments pour recruter des combattants contre tous ceux que cette idéologie violente qualifie d'ennemis à abattre. Il construit son expansion internationale à travers des leaders charismatiques qui diffusent leurs messages d'une extrême cruauté sur internet, et en particulier sur les réseaux sociaux, prétendant terroriser la population et provoquer des attentats suicides. Non moins important est le phénomène des combattants terroristes rejoignant les scènes des conflits armés auxquels participent les organisations djihadistes, en particulier la Syrie et l'Irak. Cela représente l'une des plus importantes menaces pour la sécurité de toute la communauté internationale et celle de l'Union européenne en particulier : les combattants se forment là-bas au maniement des armes et à l'action violente.

Les attentats de Paris et de Copenhague et les tensions qui ont suivi dans plusieurs pays illustrent la nécessité de maintenir la lutte contre le terrorisme au premier rang de nos priorités. Cela exige un effort soutenu, de long terme, et en étroite coopération internationale. L'Espagne, pays victime du terrorisme pendant quarante ans, est particulièrement bien placée pour prendre des initiatives dans ce combat qui affecte aujourd'hui tous les pays européens. Je ne manquerai pas à cette occasion de remercier l'inestimable coopération des gouvernements successifs français dans la lutte contre le terrorisme de l'ETA. Dans ce moment historique, nous sommes mieux préparés grâce à cette expérience. Des mesures concrètes et immédiates s'imposent au niveau interne et la coopération au niveau international est indispensable. Dans le domaine européen, nous avons besoin d'une action commune renforcée qui compte avec le concours de tous les membres de l'Union et des États tiers importants.

Au niveau européen, la déclaration de Paris du 11 janvier dernier contient une liste détaillée de mesures à prendre contre les combattants djihadistes, ceux qui reviennent et les loups solitaires. L'analyse de la menace est claire et les mesures sont identifiées. L'Espagne considère comme de la plus haute importance la mise en place d'un PNR européen. Suite aux attentats de Paris, il semble que le Parlement européen se montre plus souple, envisageant une adoption vers la fin de l'année. Nous soutenons également la modification du règlement dit « code frontières Schengen », pour prévoir un contrôle systématique aux frontières extérieures pour les personnes jouissant de la liberté de circulation, sans que cela affecte les flux. Nous soutenons les propositions de la Commission européenne pour lutter contre le trafic illicite d'armes à feu. L'Espagne dirige le plan opérationnel traitant de cette question qui revêt un intérêt prioritaire. Elle s'engage à oeuvrer intensément dans ce domaine. Actuellement, cette action regroupe treize États membres. Je profite de cette intervention pour appeler les autres pays à nous rejoindre.

L'Espagne recherche aussi une homogénéisation des niveaux d'alerte terroriste pour donner aux citoyens un message de coordination claire dans l'Union européenne, faire connaître aux terroristes notre alliance pour les combattre, et faciliter les mesures pour contrecarrer leurs agissements. Nous sommes aussi convaincus du rôle important d'Europol dans la lutte contre les contenus terroristes sur le net, et sommes conscients qu'il faut trouver des solutions communes en ce domaine. Nous voyons d'un très bon oeil l'initiative de la Commission pour réunir dans un forum commun les États membres et les représentants de l'industrie d'internet. Nous soutenons des initiatives comme les projets « check the web » ou l'équipe de conseil en communication stratégique sur la Syrie. Face aux attentats, la mesure de l'action politique est l'immédiateté et l'efficacité des solutions apportées : c'est sur ce critère que nous jugerons nos opinions publiques et les pays amis. L'Espagne demandera que lors de la prochaine réunion du conseil Justice et affaires intérieures, un bilan de l'application de ces mesures soit présenté par les coordinateurs antiterroristes.

En Espagne, l'expérience de la lutte contre le terrorisme nous a donné une législation pénale efficace pour répondre au terrorisme en bande organisée, comme l'était celui de l'ETA ou des Groupes de résistance antifasciste du premier octobre (Grapo), dirigés par un ou plusieurs leaders, avec une structure claire, une répartition des rôles et une hiérarchie. La réponse pénale s'articulait autour de l'appartenance au groupe. L'axe était d'identifier le groupe et les actions commises par ses participants ou ceux qui apportaient leur collaboration. Le code pénal ne doit en aucun pas perdre de vue cette identification. Mais les nouvelles menaces exigent une actualisation de la loi pour prendre en compte le terrorisme individuel.

La lutte contre le terrorisme dépasse les divisions politiques classiques. Dans la ligne de l'accord pour les libertés et contre le terrorisme signée il y a quelques années par le président Aznar et le leader de l'opposition, M. Zapatero, le président Rajoy et le secrétaire général du parti socialiste M. Sanchez ont signé le 14 janvier 2015 un pacte contre le djihadisme sous ses nouvelles formes, loups solitaires, formation passive, autoradicalisation. Un projet de loi est en cours pour faire écho à la résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations-Unies du 24 septembre 2014 qui recense les principales menaces que le terrorisme international pose aux sociétés ouvertes, menaces qui mettent en péril les piliers de l'État, le droit et la démocratie.

En Espagne, des mesures ont été prises pour éviter la sortie des apprentis djihadistes et pour neutraliser la menace de ceux qui reviennent. Les ministres de l'intérieur et de la justice travaillent sur les nécessaires réformes législatives pour contrer ces menaces, bien différentes de celles qui ont frappé notre pays par le passé. Dans le cadre de la stratégie globale contre le terrorisme, un plan de lutte contre la radicalisation violente sera prochainement approuvé par le conseil des ministres : observer, évaluer et traiter la radicalisation et l'extrémisme violent.

Sur le plan opérationnel, le prosélytisme, le financement, la provocation et l'apologie du terrorisme sont étroitement surveillés. Il en va de même pour les combattants qui reviennent, pour les jeunes qui veulent partir. Nous portons une attention particulière aux prisons, comme à tous les lieux où pourrait se produire la radicalisation. Des réseaux de recrutement sont démantelés par la police. Enfin, comme en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique, notre ministère de l'intérieur étudie depuis deux ans d'éventuelles réformes du code pénal, du code de procédure pénale, de la loi sur le séjour des étrangers, du code civil.

Mme Anne Dorte Riggelsen, ambassadeur du Danemark en France . - Merci de m'avoir invitée à cette table ronde. Mon discours sera atypique car nous vivons des journées atypiques. Je suis profondément reconnaissante et émue face à la solidarité de la France envers le Danemark, après les attentats terroristes de ce weekend. Votre ambassadeur M. François Zimeray, présent au centre culturel où la première fusillade a eu lieu, est un ardent défenseur de la société danoise. Venu à vélo, il a dû repartir en voiture blindée. Mais il a eu ce message magnifique : restez sur vos vélos, nous a-t-il dit, conservez votre société ouverte et démocratique.

Les jours à venir seront difficiles : nous devons essayer de comprendre ce qui est arrivé. La police travaille toujours pour faire avancer l'enquête. Nous devons nous efforcer de continuer à vivre comme par le passé, même si nous découvrons que de nombreux Danois sont tentés par la cause djihadiste. Les terroristes doivent naturellement être punis mais certains peuvent sans doute être également sauvés. Le gouvernement danois tend la main à ceux qui s'engagent sur le mauvais chemin. Il leur offre le moyen de revenir dans notre société.

Comme vous l'avez lu dans la presse française il y a quelques semaines, la ville danoise Aarhus a, depuis 2007, lancé un dispositif pionnier pour prévenir la radicalisation. Il ne s'agit pas d'un remède miracle mais il a fait ses preuves dans cette ville de 300 000 habitants.

Nous devons nous interroger sur le paradoxe danois : notre politique d'intégration est ambitieuse, notre système répressif efficace, notre économie florissante, avec un taux de chômage, même chez les jeunes, très bas. Or, nous avons connu une crise majeure lors de la publication des caricatures en 2005 et notre pays fournit le troisième plus important contingent de combattants en Europe, en pourcentage de la population. Pourquoi ? Je vais tenter de répondre à titre individuel à cette question.

Le Danemark est un pays extrêmement libéral, au sens philosophique et non politicien du terme. Notre Constitution s'apparente plus à un texte poétique que juridique. En comparaison de la plupart des autres pays, nous avons peu de lois, qui se bornent à tracer les grandes lignes... sauf lorsqu'il s'agit de transposer la réglementation européenne ! Au Danemark, quasiment tout est permis. On a le droit d'être nazi, fondamentaliste et même fou car nous estimons que le pouvoir de l'argument est le seul qui vaille, sous réserve que le débat soit totalement libre.

Deux phrases, formulées par un des pères de notre Constitution, Frederik Grundtvig, résument ce mode de vie : « Le mal a tout autant le droit d'exister que le bien » et « Humain d'abord, chrétien ensuite ». Notre christianisme est un humanisme religieux.

Le second trait de caractère est plus difficile à décrire : la culture danoise est implicite. Comme notre législation ne règlemente pas les détails, les règles du jeu de notre société ne sont pas explicitées. Nous apprenons au sein de la famille comment nous comporter les uns à l'égard des autres, à travers le jeu dès le plus jeune âge. Les enfants entrent à l'école à sept ans pour les filles, huit ans en général pour garçons, moins précoces. Les compétences sociales occupent une place centrale : nous ne cherchons pas qui est le meilleur élève mais qui est le meilleur camarade. Les écoliers travaillent en groupe, les doués et les faibles ensemble. Le système de notation n'arrive que vers seize ans. Notre mode de vie est difficile à décoder. Nous nous tutoyons tous au Danemark et appelons les autres par leur prénom, y compris avec notre Reine ; mais nous sommes extrêmement pudiques sur notre vie privée. Notre taux de productivité est un des plus élevés au monde mais la journée de travail s'arrête à 16 ou 17 heures. Comment réussir dans la société danoise avec des règles si secrètes ? Le musée du quai Branly devrait organiser une exposition sur le Danemark, qui pourrait s'intituler « la société secrète »... Je ne crois pas que nous devions changer, mais il nous faudra comprendre à quel point nous sommes un peuple exotique.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Plus que jamais nous avons envie d'être danois, après vous avoir entendue.

M. Thomas Pröpstl, consul de l'ambassade d'Allemagne . - Les règles de notre code pénal sont un des piliers de la lutte contre le terrorisme : certains actes préparatoires constituant une menace grave pour la sécurité nationale sont passibles de sanction, tout comme la formation, l'appartenance et le soutien à des organisations terroristes nationales ou étrangères. Un article du code pénal définit le caractère répréhensible du séjour dans un camp d'entraînement terroriste. Il précise que des actes au stade préparatoire, notamment la détention et l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs ou d'autres substances dangereuses, de même que le fait de former ou d'être formé à l'utilisation de ces objets ou substances, ainsi que leur fabrication, acquisition ou détention sont passibles de sanctions. L'article 89 B du code pénal interdit de nouer des relations avec une organisation terroriste dans l'intention d'être formé à l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs ou de substances dangereuses. Un autre article interdit la diffusion par internet d'informations telles que des modes d'emploi pour fabriquer des explosifs et autres engins.

Le code pénal sanctionne aussi les organisations terroristes particulièrement dangereuses. Créer une organisation, en être membre, la soutenir, recruter des membres ou des sympathisants constituent des éléments matériels d'infraction. L'article 129 précise que ces sanctions valent aussi pour les organisations situées hors du territoire fédéral. Sont pareillement réprimés l'incitation à la haine raciale, l'apologie de la violence, les propos outrageants pour une communauté religieuse ou de pensée ainsi que le blanchiment d'argent.

Afin de transposer la résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations Unie, un projet de loi prévoit de sanctionner les personnes souhaitant quitter le territoire afin de participer à des actes violents à l'étranger ou d'être formées dans ce but.

Le projet de loi adopté par le gouvernement fédéral le 4 février prévoit de modifier l'article 89 A afin d'interdire les voyages entrepris avec une intention terroriste. Ce texte s'attaque aussi au financement du terrorisme, même lorsqu'il s'agit de très petites sommes. D'autres règles juridiques nouvelles concernent la recherche policière par recoupement, surveillance des télécommunications, infiltration d'agents, fichage des données de contrôle aux frontières,... Le maintien en observation sera possible pendant plus de 24 heures.

En Allemagne, la lutte contre les menaces terroristes incombe aux autorités de police des Länder ou, parfois, à la police criminelle fédérale. Les questions spécifiques, comme la sûreté aérienne, relèvent du niveau fédéral. La loi relative à l'Office fédéral de police criminelle et à la coopération entre la Fédération et les Länder en matière de police criminelle définit les compétences spécifiques des uns et des autres face aux menaces du terrorisme international.

La loi sur les passeports et les cartes d'identité permet d'interdire à un ressortissant allemand de sortir du territoire en cas de menace pour la sécurité nationale ou pour protéger d'autres intérêts fondamentaux de la République fédérale. Toute personne quittant le territoire national malgré le retrait de son passeport est passible de sanctions.

Un projet de loi modifiant le texte sur les cartes d'identité a été approuvé par le gouvernement fédéral en janvier : il autorise le retrait de la carte d'identité pour empêcher les personnes suspectes d'effectuer des déplacements à l'étranger. Comme pour le passeport, la délivrance d'une carte d'identité pourra désormais être refusée ou la carte retirée. Afin de garantir un contrôle efficace des interdictions de sortie, il sera délivré un document tenant lieu de carte d'identité.

L'article 54 de la loi relative au séjour des étrangers en Allemagne prévoit l'expulsion des citoyens étrangers, y compris les ressortissants de l'Union européenne, soutenant, appartenant ou ayant appartenu à une organisation terroriste ainsi que ceux ayant commis des actions terroristes. Un étranger pourra aussi se voir interdire la sortie du territoire allemand. Le ministre fédéral de l'intérieur peut prononcer l'interdiction d'associations apportant un soutien, de quelque nature que ce soit, à l'État islamique. Des sanctions pénales sont là encore prévues.

Créé en 2004, le Centre de défense commun contre le terrorisme fait office de bureau de coordination entre les autorités de sécurité de l'État fédéral et celles des Länder. Il renforce l'efficacité de la répression contre le terrorisme islamiste. L'Office fédéral pour la protection de la Constitution, le Service fédéral de renseignement, l'Office fédéral de police criminelle, la police fédérale de sécurité militaire, l'Office criminel des douanes, le parquet fédéral, l'Office fédéral d'immigration et des réfugiés ainsi que seize offices régionaux pour la protection de la Constitution travaillent en étroite collaboration avec ce centre situé à Berlin.

Le fichier informatique commun aux services de police et aux services de renseignement en Allemagne a un contenu et un objet strictement limités. Des fichiers antiterroristes ont été créés pour le terrorisme international en 2007 et 38 autorités de sécurité de l'État fédéral et des Lander y ont accès. Dans ce cadre est autorisé l'échange des informations sur des individus ou des organisations en lien avec le terrorisme international.

L'internet sert de plus en plus de plateforme de propagande et de laboratoire d'idées aux islamistes. Le Centre internet commun (GIZ) créé en 2007 à Berlin a pour mission de surveiller, d'analyser et d'exploiter les publications à contenu islamiste ou djihadistes afin d'identifier le plus tôt possible les structures et activités extrémistes et terroristes en ligne et de développer des contre-mesures.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Vos interventions ont démontré des convergences évidentes, mais la faiblesse des coopérations est manifeste, en dépit des efforts. Je signale que nous participons, nous parlementaires, à la réflexion. M. Legendre est chargé, à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, d'un rapport sur le terrorisme ; moi-même, à l'Assemblée parlementaire de l'Otan, je rédige un rapport sur le financement du terrorisme. Une question : comment surveillez-vous les flux financiers, qu'ils soient importants ou discrets, comme ceux sur Western Union, Fedex ou les crédits à la consommation ?

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - J'ai été touché par les propos convergents de nos hôtes. Comment ne pas approuver le plaidoyer pour la liberté de Mme l'ambassadrice du Danemark ? Nous devons faire front ensemble face à ceux qui n'aiment pas la liberté. C'est le paradoxe des démocraties, démunies devant le terrorisme... Abandonner nos principes démocratiques serait leur concéder la victoire. Le renforcement de l'Europe est nécessaire. Êtes-vous tous d'accord sur la nécessité absolue d'instaurer le PNR ? Que faire pour lutter contre les discours radicaux ? Prenons garde à ne pas stigmatiser les musulmans alors qu'ils condamnent, dans leur immense majorité, le terrorisme.

Tous les États prennent des mesures touchant l'internet, la Grande-Bretagne dialogue avec les majors du secteur. Est-il envisageable d'instaurer des règles européennes ? Je n'accepte pas qu'internet soit un espace de non-droit. Le problème est mondial ; des règles européennes conforteraient cependant notre position dans les enceintes internationales.

Mme Gisèle Jourda . - Grace à vous, mesdames et messieurs les ambassadeurs, j'ai senti battre le coeur de l'Europe. Quelle émotion ! On a tendance à rendre l'Union responsable de tous les maux, mais elle préserve les libertés fondamentales. Après l'Europe économique, nous devons construire l'Europe politique pour exterminer la maladie actuelle. Nous ne pouvons tolérer que ce fléau se répande dans nos pays.

J'approuve bien sûr le PNR et l'harmonisation des dispositifs. Ne soyons pas frileux, affirmons notre identité. L'Union ne devrait-elle pas nommer un coordinateur européen contre le terrorisme ? Enfin, revisitons Schengen pour répondre à la menace actuelle, quitte à le rétablir à l'identique une fois la paix revenue.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Merci pour votre intervention  et votre participation à notre réunion. Nous tenions à ouvrir cette audition au-delà des membres de la commission d'enquête.

M. Michel Forissier . - Je remercie les ambassadeurs pour la clarté de leur propos. Face à la menace terroriste, nos démocraties sont bien vivantes.

Sénateur et maire d'une ville de l'agglomération lyonnaise, j'entends des gens expliquer le djihadisme par la situation sociale : au Danemark, il n'y a pas de chômage, or il y a quand même des terroristes ! J'estime que la réponse au djihadisme doit être européenne ; elle passe par une coordination de nos pays. Il faut rendre les échanges de renseignements systématiques. Il faudrait une avancée européenne, afin de ne pas avoir à revenir sur la liberté de circulation.

M. Alain Gournac . - Cet échange a été fructueux. Y a-t-il beaucoup d'imams dans les prisons anglaises ? Acceptez-vous que vos lieux de culte soient financés par des pays étrangers ? Nous avons été frappés par l'attaque terroriste au Danemark mais nous avons été surpris qu'une manifestation se tienne pour soutenir... le tueur ! Des jeunes, interviewés par des journalistes, ont justifié cette attaque. Comment votre pays, un grand pays de liberté, peut-il réagir ?

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Vos pays forment-ils les imams ? Les Britanniques ont imposé les prêches en anglais. « Le texte dans le contexte », nous a dit le responsable de la formation des imams à la Grande Mosquée de Paris...

M. Peter Ricketts . - Ex-coordinateur des renseignements, je vous assure que les renseignements circulent très bien entre les services européens, mais hors cadre officiel de l'Union européenne. Nous sommes favorables au PNR pour mieux contrôler les vols européens. Nous devons également lutter contre les trafics d'armes lourdes et les flux financiers, même si les petits mouvements sont difficilement détectables. Lorsque les groupes terroristes sont interdits, nous pouvons tarir leurs sources de financement.

Les aumôniers sont plus nombreux dans nos prisons que dans les prisons françaises ; nous les payons, mais je ne suis pas certain que nous les formions. Nous leur demandons de prêcher en anglais. Nous formons le personnel pénitentiaire afin qu'il repère les comportements à risque. Bien sûr, nous disposons aussi d'informateurs car les prisons sont une pépinière de radicalisation.

Pour internet, notre expérience nous a montré que des accords avec les grands fournisseurs d'accès sont tout à fait possibles. Ce que nous avons fait pour lutter contre la pédophilie en ligne peut être reproduit contre les sites radicaux. Depuis 2010, nous avons obtenu la suppression de 78 000 sites ou contenus radicaux. Les grands fournisseurs ont leurs valeurs ; et ils savent qu'il n'est pas forcément bon commercialement d'héberger des terroristes. Enfin, je ne sais pas si nous acceptons que des lieux de culte soient financés par l'étranger.

M. Ed Kronenburg . - Heureusement, la coopération européenne existe, même si nous ne savons pas tout.

Nous avons créé aux Pays-Bas une financial intelligence unit qui combat le financement du terrorisme et qui partage des renseignements confidentiels avec des banques.

Des religieux protestants, catholiques, musulmans, humanistes, juifs, bouddhistes et hindouistes se rendent dans les prisons hollandaises dont, bien sûr, des imams qui sont payés par l'État. Il en va de même dans l'armée.

Les communes hollandaises travaillent beaucoup sur le contre-discours, notamment avec le corps enseignant. Ainsi, elles expliquent la façon dont les jeunes sont recrutés, elles démasquent les manipulations et décrivent les expériences vécues par ceux qui sont partis faire le djihad. Nous coopérons avec la communauté musulmane qui prend une part active dans ce combat.

Les lieux de culte peuvent être financés par des pays étrangers.

M. Ramon de Miguel . - Nous contrôlons les flux financiers grâce à un organisme qui ressemble beaucoup à Tracfin. Le nouvel article 176 du code pénal instaurera des peines dissuasives. Des pays étrangers, notamment l'Arabie Saoudite, peuvent financer des mosquées en Espagne, mais nous n'autorisons pas de constructions nouvelles dans tout le pays. Nous ne formons pas les imams, mais nous prêtons attention à ce qui se passe dans les prisons et nous écartons les plus radicaux.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Comment les sélectionnez-vous ?

M. Ramon de Miguel . - Les services de renseignement connaissent leur métier. Notre tâche est plus simple que la vôtre car la communauté musulmane espagnole est moins importante qu'en France.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Nos amis britanniques ont recruté des imams comme consultants au sein du Home office ...

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Les ambassadeurs des Pays-Bas et de Grande-Bretagne approuvent le PNR. Qu'en est-il de l'Espagne ?

M. Ramon de Miguel . - Mon pays soutient ce projet.

Mme Anne Dorte Riggelsen . - Le Danemark est favorable au PNR mais cette réforme est bloquée au Parlement européen, même après Charlie.

Comme vous tous, nous surveillons les flux financiers grâce à notre Financial intelligence unit mais les questions posées sont-elles les bonnes ? Il existe des liens entre le banditisme et même les délits banals et la radicalisation. Posons-nous les bonnes questions, sauf si nous préférons regarder ailleurs... Nous gagnerions à faire une étude précise sur Schengen, afin que les eurosceptiques n'aient pas le champ libre pour réclamer la fin de la libre circulation.

Le Danemark s'est interrogé sur la formation des imams. La majorité de mes compatriotes souhaitent une éducation dispensée au Danemark, car l'éducation est l'ADN du Danemark. Les imams qui vont dans les prisons sont payés par l'État. Davantage d'Europe ? Sans doute, même si 49 % des Danois y sont réticents. Et puis, plus d'Europe, mais pour quoi faire ? Privilégions les solutions locales. Enfin, nous acceptons que les lieux de culte soient financés par des pays étrangers.

M. Thomas Pröpstl . - Nous voulons tous renforcer la coopération européenne et internationale en matière de lutte contre le terrorisme. Nous disposons d'un bon document de départ avec la déclaration commune du 11 janvier des ministres de l'intérieur de plusieurs pays européens et des ministres de la justice des États-Unis et du Canada. Diverses mesures importantes sont prévues, dont la mise en place du PNR, soutenu bien sûr par l'Allemagne, et la lutte contre la radicalisation, le trafic d'armes et le contrôle d'internet. Notre pays a créé une université turco-allemande qui encourage la coopération entre communautés. Les lieux de culte peuvent être financés par des pays étrangers.

Le Gafi définit les normes internationales pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Mme Nathalie Goulet , présidente . - Merci à tous pour du temps que vous nous avez consacré et pour la qualité de vos témoignages.

ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Février 2015

NOTE

sur

La lutte contre les réseaux terroristes « djihadistes »

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Allemagne - Australie - Belgique - Pays-Bas

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Cette note a été réalisée
à la demande de

Madame Nathalie GOULET, Sénateur de l'Orne,

Présidente de la Commission d'enquête sur l'organisation et les moyens

de la lutte contre les réseaux djihadistes

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

LC 254

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

SOMMAIRE

Pages

SYNTHÈSE 382

MONOGRAPHIES PAR PAYS 383

ALLEMAGNE 384

AUSTRALIE 388

BELGIQUE 392

PAYS-BAS 395

ANNEXE 1 : PLAN ANGLAIS DE LUTTE CONTRE LE RADICALISME : 415

ANNEXE 2 : DOCUMENTS UTILISÉS 423

SYNTHÈSE

Cette note concerne les modalités de la lutte contre les réseaux terroristes « djihadistes ». Elle prend pour base les exemples relatifs à l'Allemagne, l'Australie, la Belgique et les Pays-Bas.

À la différence des autres notes de législation comparée, elle n'étudie pas de façon minutieuse le régime juridique applicable à cette lutte. Ceci s'explique parce que la multitude des dispositions concernées interdit toute démarche systématique de ce type.

En revanche, elle tente de rendre compte, de façon synthétique, en prenant pour base des informations diffusées par les gouvernements des pays considérés, des grands axes des politiques de lutte contre le terrorisme « djihadiste ».

En pratique, lorsque l'une de ces politiques a fait l'objet d'une présentation par les autorités compétentes, celle-ci est reprise à l'instar de celle élaborée par le Gouvernement des Pays-Bas à l'intention du Parlement de ce pays pour laquelle une traduction non officielle est proposée infra .

Cette note comprend enfin, une annexe 1, qui reprend le texte communiqué à la Commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes au sujet du plan anglais de lutte contre le radicalisme.

MONOGRAPHIES PAR PAYS

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ALLEMAGNE

La recherche n'a pas permis d'identifier de « plan djihadisme » autre que les deux projets de loi en cours de discussion en Allemagne. Cette note s'attachera donc à présenter les grands traits de l'« arsenal » répressif antiterrorisme.

La répression des infractions terroristes repose notamment sur :

- les articles 89a, 91, 129a et 129b du code pénal ;

- des textes en cours d'examen ;

- et un panel de dispositions issues de diverses lois relatives à la sécurité.

1. Les articles 89a, 91, 129a et 129b du code pénal

Le dispositif répressif en matière de terrorisme se compose notamment de :

- l'article 89a du code pénal réprimant la préparation d'actes de violence mettant gravement en danger l'État ;

- l'article 91 du même code, lequel punit le fait de donner des instructions écrites incitant une personne à commettre des actes de violence mettant gravement en danger l'État ;

- l'article 129a, qui réprime la formation, la participation, le recrutement et le soutien à une association terroriste ;

- et l'article 129b, selon lequel les dispositions de l'article 129a relatif aux associations terroristes s'appliquent également à celles à l'étranger lorsque les faits ont été commis dans le champ d'application géographique de cette loi, que l'auteur ou la victime des faits est de nationalité allemande ou que les auteurs se trouvent en Allemagne.

Un projet visant à introduire un nouvel article 89c pour compléter ce dispositif est en cours d'examen (voir infra ).

2. Le projet de loi visant à modifier la loi sur la carte d'identité par la création d'une « carte d'identité de substitution » et la loi sur le passeport

Composé de 3 articles, ce projet de loi a été déposé mi-janvier au Bundestag et discuté en première lecture le 30 janvier 2015.

Son article 1 modifie la loi sur la carte d'identité en introduisant une « carte d'identité de substitution » (Ersatz-Personalausweis) ne permettant pas de quitter l'Allemagne.

Une personne peut se voir refuser ou retirer une carte d'identité lorsque :

- elle appartient ou soutient une association terroriste ;

- elle utilise la violence illégale contre le corps ou la vie (rechtswidrig Gewalt gegen Leib oder Leben) comme moyen de faire valoir ses intérêts politiques ou religieux au plan international ;

- ou encore lorsqu'elle soutient ou incite délibérément à une telle utilisation de la violence.

Dans ce cas, le demandeur se voit délivrer une « carte d'identité de substitution » valable au plus trois ans. Lorsque les conditions ayant conduit à la délivrance d'une telle carte ne sont plus réunies, le détenteur en est informé immédiatement et reçoit, sur demande, une carte d'identité classique.

La « carte de substitution » n'est plus valide si le détenteur a quitté le territoire pour se rendre dans un pays alors que cela lui est interdit 417 ( * ) .

L'article 2, quant à lui, modifie la loi sur le passeport. Ce dernier n'est plus valide si des dispositions tendant à son retrait pour des motifs liés à la mise en danger de la sécurité intérieure, extérieure ou de tout autre intérêt considérable (erheblich Belang) de l'Allemagne ou en vertu de l'article 89a du code pénal sont prises contre le détenteur, et que celui-ci n'a pas remis son passeport et a réussi à se rendre à l'étranger.

La mise en danger de la sécurité intérieure, extérieure ou de tout autre intérêt considérable de l'Allemagne signifie que le détenteur :

- appartient à ou soutient une association terroriste ;

- ou utilise la violence illégale contre le corps ou la vie comme moyen de faire valoir ses intérêts politiques ou religieux au plan international, ou encore s'il soutient ou incite délibérément à une telle utilisation de la violence.

Si la personne était en possession d'un passeport soumis à des restrictions de lieu ou de durée, et qu'elle a enfreint ces restrictions, par exemple en se rendant dans un pays « interdit » en vertu des conditions d'octroi du titre, ce passeport n'est également plus valide.

3. Le projet de loi modifiant la poursuite de la préparation d'actes de violence mettant gravement en danger l'État

Ce texte, annoncé par le ministre de l'Intérieur lors de la première lecture au Bundestag de la loi visant à modifier la loi sur la carte d'identité par la création d'une « carte d'identité de substitution » et la loi sur le passeport, et proposé par le ministre de la Justice, a été rendu public le 4 février 2015.

Il tend à compléter l'article 89a précité. Commet un acte préparatoire de violence mettant gravement en danger l'État (Vorbereitung einer schweren staatsgefährdenden Gewalttat) celui qui quitte le territoire afin de :

- commettre un acte de violence mettant gravement en danger l'État ;

- ou de former des personnes à la commission d'un tel acte.

Il insère également dans le code pénal un article 89c relatif au financement du terrorisme. Aux termes de celui-ci, constitue un délit le fait de contribuer à réunir, collecter ou mettre à disposition des avoirs financiers, pour une autre personne dont on sait qu'elle va les utiliser pour financer un acte à visée terroriste, ou pour soi-même.

4. Les autres mesures visant à lutter contre le djihadisme

Le magazine « Le Parlement » (Das Parlament) consacre son numéro du 19 janvier 2015 aux lois relatives à la sécurité adoptées en Allemagne depuis les attentats du 11 septembre 2001. Celles-ci ne sont pas à proprement parler des lois visant à lutter contre le problème du « djihadisme », toutefois certaines mesures, régulièrement reconduites, sont toujours en vigueur. On en citera deux à titre d'exemple.

Le « paquet » sécuritaire dit « catalogue d'Otto » (Otto-Katalog) , du nom d'Otto Schily, un ministre de l'Intérieur fédéral, confie à l'homologue du service des Renseignements généraux (Bundesamt für Verfassungsschutz) et à la police criminelle fédérale des pouvoirs accrus pour l'acquisition d'informations auprès des entreprises de téléphonie, des banques ou de la poste. Initialement adoptées pour une durée limitée, ces mesures ont été reconduites jusqu'en 2015.

La loi sur les données antiterrorisme de 2006 a prévu la constitution d'une base de données utilisable par 38 autorités de sécurité différentes, tant au niveau fédéral qu'au niveau des Länder . En 2013, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a exigé que des améliorations soient apportées à cette loi, afin de mieux protéger les honnêtes citoyens.

Enfin, depuis le 1 er janvier 2012, le Centre d'information sur la radicalisation (Beratungsstelle Radikalisierung) , issu du sommet pour la prévention (Präventionsgipfel) de 2011 met en oeuvre ses activités au sein de l'Office fédéral sur les migrations et les réfugiés. Il dispense des conseils et répond aux questions de personnes (parents, amis, autorités, professeurs) confrontées à la radicalisation d'un proche. Il peut également les aiguiller vers des spécialistes ou vers d'autres personnes connaissant une situation similaire.

La consultation est privée. Les informations ne sont pas transmises à des autorités de sécurité, sauf s'il s'avère, au fil de la discussion, que l'enfant, élève ou ami en voie de radicalisation représente un danger pour les autres.

L'accès à cette aide est gratuit. Un numéro de téléphone et un courriel sont mis à disposition des personnes souhaitant y avoir recours.

AUSTRALIE

On présentera ici :

- les chapitres de la loi modifiant diverses lois relatives au contre-terrorisme pour y inclure des dispositions spécifiques aux « combattants étrangers » ;

- et les grands thèmes de cette stratégie exposés par le Gouvernement lors des débats au Parlement.

1. Les dispositions de la loi modifiant la législation applicable contre le terrorisme

L'Australie a adopté, le 30 octobre 2014, une loi modifiant diverses lois relatives au contre-terrorisme pour y inclure des dispositions spécifiques aux combattants étrangers (foreign fighters) .

Les axes développés dans ce texte concernent :

Des dispositions diverses contre le terrorisme inclues dans le premier titre. Celui-ci modifie plusieurs lois en vigueur pour y inclure de nouvelles dispositions, notamment en matière de passeports : une personne pourra voir son document de voyage australien saisi pour une durée de 14 jours. De plus, le ministère des Affaires étrangères ne sera pas tenu de notifier à une personne une décision de retrait ou un refus de délivrance de passeport si cela est essentiel à la sécurité de la nation ou nuirait à une enquête pour infraction terroriste. D'autres lois sont également modifiées, telles que celle contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme de 2006 ou celle sur le code criminel.

La suppression des prestations sociales (titre 2).

Le versement de ces prestations pourra être interrompu pour des raisons de sécurité.

Le renforcement des pouvoirs de détention du service des Douanes (titre 3).

L'annulation de visas pour des raisons de sécurité.

Cette annulation surviendra lorsqu'une personne hors de l'Australie et ne détenant pas la citoyenneté australienne représente un risque direct ou indirect pour la sécurité nationale (titre 4).

L'identification de personnes lors des formalités d'immigration (titre 5).

L'identification de personnes entrant ou quittant l'Australie grâce au système APP (Advance Passenger Processing) (titre 6).

Et la saisie de faux documents (titre 7).

2. Les débats au Parlement

Lors de la seconde lecture du projet de loi, le représentant du Gouvernement, M. le Sénateur Brandis, a indiqué que ce texte « amélior[ait] la capacité de nos agences de sécurité et renforc[ait] les lois contre le terrorisme, déjà robustes, de l'Australie dans plusieurs secteurs clés ». En particulier, il :

- élargit les critères, simplifie le processus de listing des organisations terroristes et clarifie les infractions associées ;

- préserve et améliore des mesures clés contre le terrorisme qui étaient sur le point d'expirer ;

- fournit aux agences chargées de l'application de la loi les outils nécessaires pour enquêter, arrêter et poursuivre ceux qui soutiennent les conflits à l'étranger ;

- met à jour les infractions criminelles ;

- renforce la protection aux frontières australiennes ;

- et il limite les moyens de voyager pour combattre à l'étranger ou de soutenir les combattants étrangers.

• Le texte élargit les critères, simplifie le processus de listing des organisations terroristes et clarifie les infractions associées, afin de clarifier la notion d'incitation à un acte terrorisme (advocating a terrorist act) pour couvrir les circonstances dans lesquelles une association promeut ou encourage, directement ou indirectement, la commission d'un tel acte.

• Il allonge le délai de validité et renforce des mesures clés contre le terrorisme , telles que les ordonnances de contrôle (control orders) , les ordonnances de détention préventive ( preventative detention orders) , le droit, pour la police, d'arrêter, de rechercher et de saisir (police stop, search and seizure powers) et le droit, pour l'organisation australienne de sécurité, d'interroger et de détenir (ASIO questioning and detention powers) . Ces mesures sont prolongées pour une durée de 10 ans.

• Il fournit aux agences chargées de l'application de la loi les outils nécessaires pour enquêter, arrêter et poursuivre ceux qui soutiennent les conflits à l'étranger , la notification d'un mandat de perquisition pouvant, en particulier, être différée pour éviter notamment la destruction de preuves ; le seuil permettant l'arrestation sans mandat pour infraction terroriste étant abaissé de la « croyance raisonnable » (reasonable belief) à la « suspicion raisonnable » (reasonable suspicion) , et la collecte et l'admissibilité des preuves trouvées à l'étranger étant améliorées.

• Il met à jour la liste des crimes afin de répondre à la menace constituée par les « combattants étrangers » contemporains. Une nouvelle incrimination pour incitation au terrorisme est créée, aux termes de laquelle toute personne commet une infraction dès lors qu'elle conseille, promeut, encourage ou exhorte intentionnellement à la commission d'un acte ou d'une infraction terroriste. En outre, une nouvelle incrimination est applicable en ce qui concerne l'accès à des « zones déclarées » (declared area) 418 ( * ) . Elle vise le cas où une personne entre dans une « zone déclarée » dans laquelle des organisations terroristes sont actives, sauf dans un but légitime (legitimate purpose) 419 ( * ) . Toute personne suspectée d'entrer dans une « zone déclarée » pour combattre devra apporter la preuve du caractère « légitime » de son voyage dans cette zone ;

• Il renforce la protection aux frontières australiennes . Le pouvoir de rétention des douanes est accru. Une personne pourra désormais être retenue si l'agent a des motifs raisonnables (reasonable grounds) de suspecter qu'elle a l'intention de commettre une « infraction fédérale » (Commonwealth offence) ou constitue une menace pour la sécurité nationale ou celle d'un pays étranger. Le contrôle des passagers arrivant ou quittant le territoire australien sera accru, les données personnelles pouvant être utilisées à des fins d'identification des personnes qui pourraient attenter à la sécurité de l'Australie ou d'un pays étranger. Enfin, l'organisation australienne de sécurité pourra recommander l'annulation de visa pour une personne se trouvant à l'étranger si elle considère qu'elle représente un risque pour la sécurité ;

• Il limite les moyens de voyager pour combattre à l'étranger ou de soutenir les combattants étrangers . L'organisation australienne de Sécurité (Australian Security Intelligence Organisation - ASIO) pourra demander l'invalidation des documents de voyage, s'agissant des Australiens, et saisir les passeports étrangers. Enfin, les prestations sociales (welfare payments) seront suspendues pour les personnes présentant un problème de sécurité (persons who might prejudice the security of Australia or a foreign country) afin de s'assurer que « le Gouvernement ne soutient pas par inadvertance des particuliers adoptant une conduite considérée comme préjudiciable à la sécurité nationale de l'Australie » (the Government does not inadvertently support individuals engaged in conduct that is considered prejudicial to Australia's national security) .

BELGIQUE

On étudiera dans cette notice les douze mesures contre la radicalisation et le djihadisme annoncées le 16 janvier 2015 et des actions antérieures à celles-ci : le plan « R » de 2005 et le dispositif prévu par la circulaire du 25 septembre 2015.

1. Les 12 mesures contre la radicalisation et le djihadisme

Lors d'une conférence de presse, le 16 janvier 2015, le Premier ministre belge a annoncé douze mesures contre le radicalisme et le djihadisme, à savoir :

- l'extension des infractions terroristes et l'adaptation de la législation pour une sanction plus effective, par l'insertion d'une nouvelle infraction terroriste relative au déplacement à l'étranger à des fins terroristes dans le code pénal (le ministre de l'Intérieur pourra prendre une mesure administrative en retirant à un terroriste potentiel sa carte d'identité et son passeport) (n° 1) ;

- l'extension de la liste des infractions donnant lieu à l'utilisation des méthodes particulières de recherche (art. 90 ter du code d'instruction criminelle 420 ( * ) ) : incitation au terrorisme, recrutement et formation et déplacement à l'étranger à des fins terroristes, sur autorisation préalable du juge d'instruction (n° 2) ;

- l'élargissement des possibilités de retrait de la nationalité, qui pourra être prononcé par le juge à la suite de certaines infractions et des crimes ayant trait au terrorisme et au radicalisme (n° 3) ;

- le retrait temporaire de carte d'identité, le refus de délivrance et le retrait de passeports quand la personne concernée constitue un risque pour l'ordre public et la sécurité. Le ministre des Affaires étrangères pouvant d'ores et déjà ordonner le retrait de passeports, cette faculté sera élargie de sorte que le ministre de l'Intérieur puisse aussi ordonner le retrait de cartes d'identité, en accord avec le parquet fédéral, pour éviter que les personnes concernées partent vers des pays dont l'accès est possible sans passeport. Munis d'une carte de remplacement, les intéressés pourront continuer d'utiliser les fonctions nationales de la carte d'identité électronique (n° 4) ;

- le gel des avoirs nationaux grâce au mécanisme prévu par la loi pour identifier les personnes impliquées dans le financement du terrorisme (n° 5) ;

- la révision de la circulaire « foreign fighters » du 25 septembre 2014 relative à la gestion de l'information et aux mesures de suivi concernant les combattants étrangers ( foreign fighters ) qui séjournent en Belgique : simplification des structures actuelles, répartition plus claire des tâches entre les services et systématisation dans la façon dont s'opèrera le suivi (n° 6) ;

- l'optimisation de l'échange d'information entre les autorités et les services administratifs et judiciaires (n° 7) ;

- la révision du plan « R » de 2005 contre la radicalisation (n° 8) ;

- la lutte contre la radicalisation dans les prisons par une meilleure détection des détenus radicalisés et de ceux qui encouragent la radicalisation, par la formation du personnel pénitentiaire et la collaboration avec les conseillers islamiques (n° 9) ;

- la réforme des structures du renseignement et de la sécurité et la création d'un Conseil national de sécurité, constitué des membres du cabinet restreint 421 ( * ) et des ministres de la Défense et de la Justice (n° 10) ;

- l'appel à l'armée pour des missions spécifiques de surveillance (n° 11) ;

- et le renforcement de la capacité d'analyse de la sûreté de l'État (n° 12).

La mise en oeuvre effective de ces mesures est prévue, selon les déclarations du ministre de l'Intérieur belge, de façon :

- immédiate s'agissant des 3 dernières d'entre elles ;

- à horizon de la fin du mois de janvier 2015 pour le dépôt des projets de lois relatifs aux 5 premières mesures et à la mesure n° 9 ;

- et à horizon de la mi-février 2015 pour le dépôt des projets de loi relatifs aux mesures n os 6, 7 et 8.

2. Les révisions du plan « R » de 2005 et de la circulaire du 25 septembre 2014

Parmi les douze mesures précitées, deux sont destinées à réviser des actions préalablement mises en oeuvre, à savoir :

- le plan national pour la lutte contre le radicalisme, dit plan « R » de 2005, qui n'a pas été rendu public. D'après un document rédigé par le comité d'experts sur le terrorisme (CODEXTER) du Conseil de l'Europe 422 ( * ) , « ce plan prévoit des mesures proactives, préventives et répressives pour combattre entre autres les causes du radicalisme et du terrorisme islamistes. Il s'articule sur sept piliers :

1. les sites internet radicaux,

2. les émissions de radio et de télévision,

3. les imams et prédicateurs extrémistes,

4. les centres culturels et les associations sans but lucratif,

5. les groupes radicaux,

6. les centres de propagande,

7. les prisons.

Pour chaque thème, un plan d'action individuel a été élaboré par un service pilote représenté dans une unité de coordination nationale. Elle implique une évaluation de la situation, une définition des objectifs et une description des moyens pour atteindre ces objectifs ainsi que les organismes impliqués dans la réalisation de ces objectifs » ;

- et la circulaire du 25 septembre 2014 relative à la gestion de l'information et aux mesures de suivi concernant les combattants étrangers (foreign fighters) qui séjournent en Belgique. Il s'agirait d'une circulaire des ministres de l'Intérieur et de la Justice.

Le contenu de ces plans ne semble pas avoir été rendu public, comme l'observait Mme Zakia Khattabi, députée, lors d'un échange de vues le 21 janvier 2015 à la Chambre des Représentants sur la lutte contre le terrorisme et le radicalisme : « Il est difficile de se prononcer sur certaines mesures proposées, faute de documents. Le plan de 2005 contre la radicalisation va être révisé, mais ce plan est secret. Je vois mal de quoi nous allons pouvoir débattre. Nous vous avons demandé une copie de la circulaire «Foreign Fighters«; on ne sait pas en quoi elle consiste » 423 ( * ) .

PAYS-BAS

PROGRAMME D'ACTION DÉMARCHE INTÉGRALE « DJIHADISME »

NB : Le document Actie Programma Integrale Aanpack Jihadisme dont la traduction - non officielle - figure infra a été adressé le 29 août 2014 à la Seconde Chambre des États-Généraux, homologue de l'Assemblée nationale française, par le ministère de la Sécurité et de la Justice des Pays-Bas.

Il est disponible sur le site Rijksoverheid.nl

VUE D'ENSEMBLE SUR LES MESURES ET ACTIONS

Introduction

La menace qui émane du djihadisme et la prévention des attentats nécessitent une action puissante, offensive et large, par laquelle sont combattus aussi bien le noyau dur des djihadistes que la diffusion d'idées violentes, par une action pénale et par une action administrative. Dans la lutte contre le mouvement djihadiste, il est important de prévenir la nouvelle croissance de ce phénomène par la lutte contre la radicalisation et la destruction du « terreau » 424 ( * ) qui y est favorable.

Le but du présent programme d'action est triple : protéger la démocratie et l'État de droit, lutter contre et affaiblir le mouvement djihadiste aux Pays-Bas, et supprimer ce qui constitue un « bouillon de culture » pour la radicalisation.

Dans le programme d'action sont indiquées les mesures déjà en vigueur, les mesures qui sont renforcées et les mesures nouvelles.

Les mesures de ce programme se divisent en cinq groupes :

I. Réduction du risque constitué par les personnes qui partent faire le djihad

Les risques qui émanent des personnes qui partent faire le djihad sont limités par tous les moyens possibles : mesures pénales, administratives et sociales destinées à agir contre ces personnes afin qu'elles ne puissent pas occasionner d'autres dommages.

II. Interventions concernant les voyages à l'étranger

On évite les voyages potentiels ou on les rend plus difficiles.

III. Radicalisation

a. On s'attaque aux recruteurs, les propagateurs de l'idéologie sont troublés dans leurs activités, dont la portée est limitée, et l'on dit « stop » à la diffusion du message radical.

b. La radicalisation est signalée, combattue, on lutte contre l'apparition de nouveaux adeptes du mouvement djihadiste et les « prises de parole contraires » au djihadisme sont stimulées.

c. Les tensions sociales sont combattues car elles peuvent constituer un « bouillon de culture » pour la radicalisation.

IV. Réseaux sociaux

La diffusion de contenus djihadistes « on line » appelant à la haine ou violents est combattue.

V. Échange d'information et coopération

Afin d'optimiser l'efficacité des organisations concernées, on investit dans la connaissance, la compétence et les relations de coopération au niveau local, national et international.

Un glossaire comprenant une description de tous les termes et abréviations pertinents est joint au programme.

RÉDUCTION DU RISQUE CONSTITUÉ PAR LES PERSONNES
QUI PARTENT FAIRE LE DJIHAD

Limitation des risques par tous moyens possibles résultant des personnes qui vont faire le djihad.

Renforcement :

1. Une enquête pénale est lancée à l'encontre des personnes reconnues en tant que voyageant à l'étranger et s'affiliant à un groupement de lutte terroriste.

a. La participation à la lutte terroriste et le fait de suivre un entraînement terroriste sont pénalement sanctionnés (code pénal articles 134a et 140a).

b. La compétence de droit international est mise en oeuvre de façon optimale afin de poursuivre les Néerlandais qui commettent des délits/crimes internationaux dans des zones de combat.

c. En cas de suspicion suffisante, un signalement international est opéré en vue de leur arrestation.

d. Les personnes qui voyagent à l'étranger dans ce but sont, en principe, à leur retour, arrêtées et poursuivies (prise en considération du principe d'opportunité).

Mesure existante :

2. Les suspects et les condamnés pour un crime/délit terroristes sont directement placés dans le « quartier » des terroristes ( terroristen afdeling , TA), conformément à la réglementation en vigueur.

Les détenus qui, pendant leur détention, en radicalisent ou en recrutent d'autres, sont placés dans le « quartier » des terroristes.

Mesure existante :

3. Dans le cadre du droit pénal existent diverses possibilités afin de placer, pour une longue durée, sous surveillance les personnes qui reviennent [du djihad].

a. Le juge peut prononcer un emprisonnement total ou partiel avec sursis durant lequel le détenu est soumis à une période de probation et à des conditions spécifiques.

b. Lorsque le juge a prononcé un emprisonnement ferme de plus d'un an, des conditions particulières peuvent être imposées à la personne concernée dans le cadre de la mise en liberté conditionnelle.

Nouveauté :

c. Le projet de loi n° 33816 (déposé devant l'homologue de l'Assemblée nationale française) prévoit d'instituer une mesure destinée à influer sur le comportement à long terme et à limiter la liberté. Elle serait applicable aux délinquants contre les moeurs et aux délinquants violents. La mesure serait imposée pour un certain nombre d'années, mais pourrait être prolongée à chaque échéance.

d. On étudie la question de savoir si le « dispositif concernant les malfaiteurs systématiques (stelselmatig) » peut aussi être mis en oeuvre à l'encontre des personnes qui reviennent et qui sont condamnées pour un seul délit.

Nouveauté :

4. Les personnes dont on sait qu'elles sont parties à l'étranger et qui s'affilient à un groupement de lutte terroriste perdent la nationalité néerlandaise.

a. La modification de la loi sur la citoyenneté néerlandaise portant extension des possibilités de retrait de la citoyenneté néerlandaise en cas de délit terroriste est aujourd'hui déposée.

b. En outre, la loi sera encore renforcée pour permettre que, sans condamnation pénale préalable, la citoyenneté néerlandaise soit retirée aux personnes qui, volontairement, se mettent au service militaire d'un groupe de lutte terroriste.

c. Ceci vaut seulement pour les personnes qui voyagent à l'étranger, lesquelles sont titulaires de davantage de nationalités que la seule nationalité néerlandaise. La plupart des personnes qui partent à l'étranger aujourd'hui possèdent une double nationalité (néerlandaise et d'un État non membre de l'Union européenne).

d. Les personnes qui partent à l'étranger qui perdent la nationalité néerlandaise sont signalées comme étrangers indésirables (pour l'espace Schengen) et sont déclarées indésirables (article 67 Vw). Ceci se produit sur la base d'un rapport administratif des services de renseignement et de sécurité (AIVD, MIVD) adressé au Service d'immigration et de naturalisation (IND) d'où il résulte que l'intéressé constitue un danger pour la sécurité nationale.

Renforcement :

5. Les personnes connues comme étant parties, lesquelles n'ont pas une nationalité de l'UE, sont déclarées « étranger indésirable » pour l'espace Schengen.

a. S'il s'agit d'un statut « de séjour », le Service d'immigration et naturalisation (IND) le retire.

b. S'il est en outre question d'une personne qui revient [de Syrie], l'intéressé est déclaré indésirable et expulsé.

Nouveauté :

6. Les personnes connues comme étant parties, lesquelles ont une ou plusieurs nationalités (non néerlandaises) et qui s'affilient à une organisation de lutte terroriste sont signalées aux autorités des États dont relève(nt) cette/ces nationalité(s).

Ceci se produit lorsque l'avis résulte de la pratique en vigueur d'échange d'information, en prenant en compte l'ordre juridique national et international, et à l'exception des pays où une loi ou une réglementation obligatoires l'interdit.

Renforcement :

7. Les personnes qui partent au sujet desquelles existe une supposition fondée d'affiliation à une organisation terroriste voient leurs documents de voyage signalés en vue de les déclarer périmés ou de les refuser.

Les services européens de poursuite et de contrôle des frontières reçoivent la compétence de confisquer les documents de voyage néerlandais qui leur sont signalés.

Renforcement :

8. Les personnes connues comme étant parties qui s'affilient à une organisation de lutte terroriste sont inscrites sur la liste nationale du terrorisme.

a. Tous les avoirs sont gelés. Tous les services financiers sont refusés.

b. Quiconque - y compris les amis et la famille - met directement ou indirectement à disposition de l'argent encourt, de ce fait même, une sanction pénale.

Renforcement :

9. Les personnes connues comme étant parties se voient, conformément aux règles en vigueur, directement exclues de la base de données d'enregistrement des personnes. Il est mis fin au versement d'éventuelles allocations financières et financements d'études. Les lois en la matière sont adaptées, en tant que de besoin.

a. L'instance de qualification telle que la police ou l'AIVD (service de renseignements généraux et de sécurité) informe la commune de la personne connue comme voyageant à l'étranger.

b. La désinscription de la base de données a pour effet juridique que les versements, les allocations financières et le financement des études prennent fin. En tant que de besoin les lois nécessaires sont adaptées. Si nécessaire, le versement des allocations est immédiatement stoppé.

Renforcement :

10. Les moyens destinés à commettre des attentats sont rendus plus difficiles d'accès aux personnes malveillantes.

a. La disponibilité des produits utilisés pour fabriquer par soi-même des explosifs est limitée. Les personnes qui interviennent sur le marché de ces produits doivent par conséquent communiquer les transactions suspectes, les disparitions et les vols de ces produits. Les autres États membres de l'UE prennent des mesures comparables sur la base du règlement 98/2013.

b. La police des feux d'artifice est renforcée en insistant sur l'action à la source. C'est pour cela que l'on s'engage au niveau européen dans un renforcement des règles concernant la vente de feux d'artifice professionnels.

c. Le partage d'information, la poursuite et l'acquisition de renseignements en matière d'acquisition ou de tentative d'acquisition de moyens de commettre des attentats sont intensifiés, notamment en ce qui concerne la possibilité de se procurer des armes à feu dans le « circuit » criminel et le mélange de ce circuit avec les réseaux djihadistes.

De façon permanente, on enquête en collaboration avec la défense, les services de renseignements généraux et la police nationale sur les moyens et méthodes destinés à des attentats commis ou à commettre, et on étudie si des mesures complémentaires sont nécessaires.

Nouveauté :

11. Mesures administratives de réduction des risques émanant des personnes qui partent faire le djihad.

a. Un projet de loi provisoire relatif aux compétences administratives est préparé pour diminuer le risque et la survenance de faits graves sanctionnés pénalement par des combattants terroristes qui sont revenus aux Pays-Bas.

b. On réfléchit à des mesures provisoires telles qu'une obligation périodique de se présenter, l'interdiction d'avoir certains contacts, la collaboration pour le relogement, etc. Ceci en visant à prévenir, outre une plus forte radicalisation des personnes qui reviennent, une diffusion plus large de leurs idées et du recrutement.

Les personnes qui partent à l'étranger et celles qui en reviennent sont prises en charge pénalement ou administrativement. Si une personne qui a « perdu ses illusions » ou qui a été traumatisée veut quitter le mouvement djihadiste, elle peut demander cette prise en charge.

Mesure existante :

12. Assistance consulaire des ambassades néerlandaises dans les pays limitrophes.

Il s'agit du soutien à l'occasion du contact ou de la reprise du contact avec la famille et de l'obtention de l'assistance aux personnes qui veulent sortir du mouvement djihadiste.

Nouveauté :

13. Vers la création d'une mesure d'aide à la sortie du djihadisme aux Pays-Bas.

Les personnes qui veulent sortir du djihadisme sont, sous de strictes conditions, accompagnées au moyen de cette mesure de sortie. En outre, on leur offre, entre autres, une (meilleure) perspective d'avenir. Le soutien par un moyen d'aide psychologique peut en faire partie.

INTERVENTIONS CONCERNANT LES VOYAGES À L'ÉTRANGER

Prévention ou fait de rendre plus difficiles les voyages à l'étranger

Renforcement :

14. En cas de suspicion raisonnable de voyage à l'étranger, l'action publique est mise en mouvement.

a. Le voyageur à l'étranger potentiel est arrêté comme suspect.

b. Une enquête pénale est lancée à l'encontre des voyageurs à l'étranger potentiels si lors des départs qui sont sur le point de survenir il s'avère que le voyageur a l'intention - dans le cadre d'une organisation terroriste ou non - de se rendre coupable à l'étranger de faits liés au terrorisme sanctionnés pénalement.

c. S'il résulte des circonstances qu'il s'agit d'un voyage potentiel dont le but est de s'affilier à un groupe de combat terroriste la personne concernée est signalée en vue d'être arrêtée puis arrêtée par la gendarmerie (KMar) lors du contrôle frontalier.

Renforcement :

15. En cas de suspicion fondée de voyage à l'étranger, les documents de voyage sont signalés afin d'être déclarés périmés ou d'être retirés (y compris les cartes d'identité).

a. Les passeports sont déclarés périmés sur la base de l'article 23 de la loi sur les passeports en cas de suspicion fondée selon laquelle un individu commettra à l'étranger des actes constituant une menace pour les Pays-Bas.

Nouveauté :

b. Le voyage avec une carte d'identité néerlandaise hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen (Islande, Norvège et Liechtenstein) est rendu impossible du fait d'une interdiction de sortie concernant ceux dont le passeport a été déclaré retiré ou expiré pour cette raison.

Renforcement :

16. Lorsqu'il y a lieu de supposer un voyage, l'entourage immédiat du voyageur est prévenu.

Le maire alerte et protège l'environnement direct des personnes concernées dans le but de prévenir le voyage à l'étranger.

Mesure existante :

17. Lorsqu'il y a lieu de supposer un voyage à l'étranger concernant un mineur, les mesures de protection des mineurs sont appliquées.

Le Conseil de Protection des enfants met en oeuvre -si le droit pénal des enfants s'applique- une enquête en cas de supposé voyage d'un mineur. Le conseil peut, sur la base d'une enquête, demander au juge de placer un mineur sous surveillance, le cas échéant provisoire, ou de le placer hors de son domicile, ou encore de prendre des mesures adaptées.

RADICALISATION : ACTION CONTRE LES PROPAGATEURS
ET LES RECRUTEURS

Action destinée à troubler les recruteurs, les facilitateurs et les propagateurs de propagande djihadiste

Renforcement :

18. En matière de recrutement pour la lutte armée, le droit pénal s'applique.

L'enrôlement ou le recrutement de personnes pour le djihad violent est puni en vertu du code pénal. Il s'agit, en particulier, du recrutement d'une personne pour un service de guerre à l'étranger ou de lutte armée, puni par l'article 205 Sr, ainsi que de la participation et de la coopération à l'entraînement au terrorisme, punies par l'article 134a Sr.

Renforcement :

19. L'intervention pénale contre les appels à la haine et à la violence dans un cadre extrémiste constitue une priorité.

a. Ceci vaut pour les expressions qui sèment la haine, peu importe à l'égard de quel groupe ou de quelle communauté de croyance. On peut faire face à la glorification de la lutte armée avec le dispositif juridique existant.

b. Le fait de montrer des drapeaux d'organisations terroristes qui utilisent la violence contre certains groupes de personnes est, lorsqu'il est combiné avec d'autres expressions de soutien, passible de sanctions pénales en vertu des articles 137c à 137e y compris, du code pénal. Le ministère public interviendra, par conséquent, contre cela. Une expertise nationale est organisée par laquelle les unités sont appuyées dans cette action.

Nouveauté :

20. Mesures destinées à troubler l'activité des facilitateurs et des propagateurs de propagande djihadiste.

a. Les producteurs et les diffuseurs de propagande djihadiste en continu et « off line » sont identifiés (voir aussi mesure 30). Cette information est activement partagée avec les instances compétentes en matière de traitement (telles que les parties dans les « concertations locales sur les cas » et les prestataires de services concernés.

b. À côté de l'action pénale, des mesures administratives sont prises pour déranger (recherche de fraude au logement ou aux allocations, signalement de nuisances ou signalement concernant la protection de la jeunesse). En outre, on explore le point de savoir si un projet de loi peut, également, être adopté dans le contexte de ce programme d'action, pour permettre à la commune de fixer des obligations de comportement dans ses appartements à louer ou à acheter (amende, charge imposée par l'administration).

c. On étudie le fait de savoir si les personnes qui sèment la haine peuvent être repoussées hors des zones locales à risques par l'extension de la loi portant mesures particulières concernant la problématique des grandes villes (loi « Rotterdam ») en ce qui concerne l'attribution sélective de logement en raison du comportement occasionnant un surcroît de charges, ou du comportement criminel, dans certaines zones déterminées. Le « screening » a lieu sur la base de la condamnation ou sur la base des enregistrements de la police en ce qui concerne le fait de semer la haine, l'appel à la violence et d'autres condamnations pénales.

d. Les facilitateurs qui sont reconnus en tant que tels sont inscrits sur la liste nationale du terrorisme (voir aussi mesure 8).

e. On réfléchit également au fait de savoir si le projet de loi visé à la mesure 11 offre des possibilités complémentaires de contrôle administratif pour déranger les diffuseurs et les facilitateurs.

f. Les prédicateurs issus de pays nécessitant un visa qui appellent à la haine et à la violence se voient refuser un visa.

g. Dans la lutte contre la propagation du message djihadiste par des prédicateurs radicaux, on collabore étroitement avec les mosquées et les imams néerlandais.

Lutter contre la radicalisation

Signaler la radicalisation, mettre en oeuvre une nouvelle prévention de l'adhésion au mouvement djihadiste et stimuler la prise de parole qui lui est contraire.

Lutter contre les tensions sociales parce qu'elles peuvent être un « bouillon de culture » pour la radicalisation.

On travaille avec les professionnels situés en première ligne dans toutes sortes de disciplines et avec la société civile au sens large.

Renforcement :

21. Collaboration avec la communauté islamique.

a. Les imams néerlandais et les administrateurs de mosquées sont des alliés dans la lutte contre les extrémistes qui détournent leur foi, trompant et abusant leurs enfants.

b. Une réflexion périodique avec les imams concerne les thèmes suivants :

i. Action contre la radicalisation : signalement précoce, expression contraire pluriforme, rôle social des imams et lien avec la société et l'administration.

ii. Éducation : formation au Coran (plus grande transparence et fait de parvenir à un bon climat pédagogique), renforcement du soutien informel à l'éducation et aux dilemmes tournant autour de la formation de l'identité.

iii. Lutte contre la discrimination, l'islamophobie et la haine contre les musulmans.

22. Renforcement des réseaux existants de « personnages-clés » locaux et nationaux.

a. Au plan national, une personne de confiance soutient les « personnages-clés » issus de la communauté musulmane, qui expriment une voix différente et prennent position contre le djihadisme. Ils reçoivent un entraînement aux médias et un soutien.

b. On fournit un appui aux « personnages-clés » qui sont menacés et, là où le besoin s'en fait sentir, ceux-ci sont pris en charge par le système « Surveiller et protéger ».

c. Les réseaux locaux de « personnages-clés » qui, dans chaque commune, permettent de parler des sujets sensibles (tels que l'aliénation, la radicalisation et l'entrée en djihad) sont développés et entraînés.

23. Mesures de soutien aux citoyens concernés.

a. Un point national est créé pour recueillir les déclarations relatives à toutes les formes d'extrémisme et de djihadisme. Les citoyens qui sont préoccupés et les professionnels qui se trouvent en première ligne peuvent déclarer de façon anonyme leurs sérieuses préoccupations concernant la radicalisation, le recrutement et le djihadisme. Les déclarations sont évaluées et traitées de façon appropriées (par l'instance la plus pertinente).

b. Un équipement de soutien sur l'exemple allemand (« Hayat ») au moyen de laquelle les membres d'une famille, les amis ou les personnes liées d'une autre manière (par exemple les professeurs) des individus radicalisés, en voie de radicalisation ou des personnes qui partent à l'étranger sont soutenus et, s'ils le souhaitent, peuvent être mis en contact avec des personnes qui se trouvent dans la même situation.

c. Le « réseautage » entre les jeunes et leurs éducateurs est renforcé. À cette fin une offre professionnelle de formation d'éducateur accessible à tous est stimulée (tant pour les questions générales d'éducation, que, de façon spécifique, des questions plus « taboues » d'éducation, tel que le fait de rendre possible de parler de la radicalisation et du cheminement vers le djihad).

Renforcement :

24. Soutien aux institutions d'enseignement.

a. Les institutions d'enseignement d'où proviennent des signaux ou dont on sait qu'il y existe une présence de personnes dans un réseau djihadiste ou des institutions d'enseignement qui formulent une demande dans ce sens sont soutenues. Les experts dans ce domaine et les inspecteurs « de confiance », des inspections de l'enseignement soutiennent ces établissements d'enseignement. Ces établissements sont informés et conseillés sur la problématique et l'action possibles. La reconnaissance, le traitement et le fait de rendre, le cas échéant, les jeunes capables de se défendre, sont ainsi facilités.

b. Sur les sites internet des établissements d'enseignement, une information sur la radicalisation est mise à jour.

c. Pour favoriser la citoyenneté active et l'intégration sociale des élèves et des étudiants, les établissements d'enseignement sont davantage soutenus lors de la conception de l'éducation à la citoyenneté qu'ils dispensent.

d. Les établissements d'enseignement ont pour mission générale de stimuler la citoyenneté. Les pouvoirs publics prendront des mesures si les administrateurs ou d'autres responsables des établissements d'enseignement soutiennent publiquement des groupements terroristes.

Nouveauté :

25. Fondation d'un centre d'expertise sur les tensions sociales et la radicalisation

a. Le centre d'expertise renforce la position d'information et le « réseautage » de l'État et des communes sur les tensions sociales et la radicalisation.

b. Le signalement précoce et le suivi de la radicalisation et des tensions sociales est intensifié, en particulier en direction des quartiers qui ont le plus gros potentiel de conflit.

c. Le centre d'expertise fournit un soutien pratique aux communes et aux établissements sociaux lors de la radicalisation et des tensions sociales.

Renforcement :

26. Action visant les jeunes en voie de radicalisation dans les secteurs locaux à risque

d. Une communauté « en ligne » composée de parties prenantes s'oriente sur une action efficace et un accès à une image mise à jour de la radicalisation et des déclencheurs de tensions sociales. Grâce à cela, les structures locales sont mieux en mesure de signaler et d'interpréter des signaux pour le besoin d'interventions possibles qui y ont trait.

e. Une plateforme de connaissance « prévention de la radicalisation et des tensions sociales dans le domaine social (jeunesse, éducation par les parents et par l'école) » accroîtra la base de connaissances parmi les professionnels, permettant une action plus précise et adéquate en cas de signaux de désocialisation.

f. Une recherche approfondie prouve qu'il y aura davantage de compréhension des facteurs déclencheurs dans les groupes vulnérables à la radicalisation et à l'influence des développements nationaux et internationaux dans le domaine des tensions sociales.

Renforcement :

27. Mobilisation des « prises de parole » contraires au djihadisme émanant de la société et renforcement de la résistance morale à la radicalisation et aux tensions.

Nouveauté :

a. Créer une possibilité de stimuler les « prises de parole » contraires au djihadisme et renforcer la résistance de l'État de droit. Il s'agit d'initiatives à petite échelle destinées à diffuser des messages alternatifs aussi bien par les réseaux locaux que par des réunions et les réseaux sociaux.

b. Exemples d'initiatives qui peuvent être soutenues :

i. Réunions d'information locales destinées aux communautés concernées sur le recrutement et les dangers « on line » pour les jeunes.

ii. Initiatives sociales destinées à démasquer les manipulations djihadistes et à en affaiblir le message idéologique.

iii. Diffusion d'information qui montre des expériences négatives, du point de vue de ceux qui les ont subies, liées au djihadisme, depuis l'étranger (par exemple expériences de repentis).

iv. Initiatives visant à intensifier le dialogue entre les communautés sur la radicalisation et le comportement transgressif.

c. Connexion avec des « prises de parole contraires » islamiques. La communauté musulmane est stimulée afin de rendre accessible à des groupes néerlandais les propos par lesquels des savants étrangers dotés d'une autorité s'expriment contre le djihadisme.

d. Via les autorités nationales et locales, on communique sur les informations ou les rumeurs trompeuses. Les inexactitudes factuelles sont corrigées dans la propagande djihadiste en procurant une compréhension des objectifs, des options et de la mise en oeuvre de la politique des autorités néerlandaises, nationales et internationales.

e. Les personnes qui se trouvent au centre de la société civile (personnes placées en première ligne, imams, agents de quartier, personnel chargé de la formation, organisations sociales) sont soutenues par cette information factuelle dans les entretiens qu'elles mènent avec les jeunes susceptibles d'être saisis par la radicalisation.

Renforcement :

28. Débat social sur les limites de l'État de droit.

Afin de ne laisser aucune chance à la diffusion de l'extrémisme, il est important que les valeurs sous-jacentes à l'État de droit soient partagées et exprimées. Ceci exige un effort permanent de toutes les personnes concernées dans le cadre duquel un espace est donné à d'autres expressions. Le Gouvernement stimule les initiatives sociales sur les normes qui entrent en conflit, les limites de l'État de droit et la convivence avec les personnes différentes.

RÉSEAUX SOCIAUX ET INTERNET

Lutter contre la diffusion de contenu radicalisant, appelant à la haine et djihadiste.

Nouveauté :

29. Lutte contre la diffusion de contenu radicalisant incitant à la haine djihadiste.

a. Les citoyens concernés peuvent signaler les contenus djihadistes (terroristes, appelant à la haine et glorifiant la violence) sur Internet et les réseaux sociaux.

b. Les producteurs et les diffuseurs de propagande djihadiste « en ligne » et de plateformes numériques dont ceux-ci abusent sont identifiés.

c. Cette information est activement partagée avec les instances compétentes pour agir et les fournisseurs de services concernés (parmi lesquels les services Internet).

d. Une équipe spéciale de la police nationale lutte contre le contenu djihadiste « en ligne ». Cette équipe renseigne le ministère public sur les propos susceptibles de faire l'objet d'une condamnation pénale (tombant sous le coup d'une incrimination pénale). Lorsque l'application du code de conduite volontaire ne conduit pas à la suppression, une injonction pénale peut s'ensuivre. Dans le projet de loi sur la cybercriminalité - III, il est proposé de perfectionner cette procédure.

e. Cette équipe se met d'accord avec les entreprises du secteur de l'Internet sur les modalités d'un « blocage » efficace et se charge de la création des références pour l'appréciation des contenus contraires à ses conditions d'utilisation.

f. Les entreprises du secteur Internet qui persévèrent après avoir été averties en facilitant des organisations terroristes inscrites sur une liste, par la diffusion de contenu djihadiste font l'objet de mesures, soit sur la base de l'application du règlement UE n° 2580/2001, en lien avec la règle nationale relative à la sanction du terrorisme de 2002, soit sur la base de la réglementation nationale à édicter ultérieurement.

g. L'équipe spécialisée suit l'évolution de façon indépendante mais travaille de façon étroite avec le centre d'appel citoyen en ligne (on line burgermeldpunt) .

h. Une liste actualisée des sites web djihadistes en ligne (réseaux sociaux) est publiée. Cette liste peut, entre autres, être utilisée par les communes, les professionnels et les parents pour alerter leur environnement.

Échange d'information et collaboration

Optimiser l'efficacité des organisations concernées en investissant dans la connaissance, l'expertise et les liens de coopération au niveau local, national et international.

Niveau local

Mesures existantes :

30. Le Gouvernement soutient l'action locale dans des secteurs prioritaires.

a. Dans toutes les communes concernées des Pays-Bas ont lieu des échanges de vues pluridisciplinaires dans lesquels les professionnels placés « en première ligne » partagent, à partir de leur expertise, de l'information sur les signaux de radicalisation djihadiste, le voyage à l'étranger et le retour pour obtenir une interprétation « partagée ». Ils établissent aussi un plan d'intervention individuel. Les interventions à réaliser dépendent des cas et varient en intensité, en forme, en mesure de contrainte. Elles sont mises sur pied là où elles portent le plus d'effet.

b. Le coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité (NCTV) met des experts à la disposition des communes concernées. Les experts soutiennent les communes dans l'interprétation des phénomènes de djihadisme. Le coordinateur national stimule le signalement précoce, la possibilité d'intervention et renforce les réseaux pertinents.

c. Sous la présidence du ministère de la Sécurité et de la Justice (VenJ) s'accordent régulièrement : le coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité (NCTV), le chef des renseignements généraux Hoofd (AIVD), le ministère des Affaires sociales et de l'Emploi (SZW), le ministère de l'Intérieur (BZK) et les maires des communes les plus concernées dans l'action au niveau local.

31. Poursuite de la coopération entre l'État et les communes concernées.

a. L'État et les communes concernées concluent un accord pour la prévention de la radicalisation et le contrôle des tensions sociales. Dans cet accord est déterminée « l'approche intégrée » ainsi que la collaboration entre les communes, les partenaires locaux (Bien-être, Affaires sociales), les établissements d'éducation et la police.

b. Le ministère des Affaires sociales et de l'Emploi (SZW) crée une équipe commune aux administrations pour la prévention de la radicalisation et des tensions sociales, laquelle supervise l'application de mesures dans le domaine de la lutte contre la radicalisation et les tensions sociales. L'équipe se compose des ministères et communes concernés.

Niveau national

Renforcement :

32. Renforcement de la coordination de l'exécution.

a. Les renseignements généraux (AIVD), le coordinateur national de la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité (NCTV), la police, le ministère public et les communes partagent toute l'information pertinente et disponible pour définir et suivre l'intervention la plus efficace (relative au renseignement, au droit pénal et à l'administration), sans préjudice des chaînes de commandement, des structures et des cadres légaux.

b. La « boîte d'information antiterroriste "CT" » soutient ces échanges d'informations. Elle est renforcée afin d'obtenir une image nationale du mouvement djihadiste.

c. La police nationale organise une équipe nationale pour les interventions particulières et à grande échelle « NSGBO » de coordination. Le NSGBO rassemble avec les SGBO des unités, le total des expertises déjà existantes, des mesures et des suites à donner si un attentat est commis.

d. Afin d'obtenir une coordination optimale de la mise en oeuvre des mesures dans ce programme d'action, un aperçu central des mesures prises au niveau des personnes, actualisé, est mis à jour par le coordinateur national de la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité (NCTV).

Renforcement :

33. Mettre en première ligne l'action financière contre le djihadisme.

a. L'unité de recherche financière (FIU) des Pays-Bas donne priorité au suivi financier « de plus près » des djihadistes et facilitateurs possibles et suit les relations financières selon les besoins du ministère public et des services chargés des poursuites.

b. Cette unité (FIU des Pays-Bas) établit des profils pour répondre aux besoins des structures tenues de communiquer des informations ainsi que des indicateurs de risques, afin de pouvoir détecter les possibles transactions financières des djihadistes et des facilitateurs.

Nouveauté :

34. Renforcement de la détection des mouvements de voyage des djihadistes.

Les données relatives aux réservations et aux enregistrements émanant des compagnies aériennes ne sont pas systématiquement utilisées pour détecter les voyageurs du djihad. C'est pourquoi la connaissance des mouvements de voyage des djihadistes à partir de, au sein de et vers l'Europe, ne peut être actuellement ni réalisée de façon suffisante, ni effectuée à temps.

a. Afin de pouvoir détecter les djihadistes, les données concernant les réservations et les enregistrements doivent pouvoir être demandées par la police nationale, l'AIVD, la Maréchaussée royale et les douanes. Pour obtenir ceci, il est indispensable que les sociétés de transport aérien actives aux Pays-Bas communiquent en définitive, de façon structurelle, aux autorités toutes les données relatives aux réservations et enregistrements. Dans ce cadre, on collaborera de manière étroite avec le secteur du transport aérien. À cette fin on aura recours à :

i. Un portail technique réalisé afin que, au moyen d'un seul équipement, on puisse accéder aux et demander les données relatives aux réservations et aux enregistrements.

ii. Par l'intermédiaire d'un projet de loi, une compétence légale spécifique sera créée afin de pouvoir réunir les données issues de la surveillance aérienne concernant des réservations et des enregistrements.

Celles-ci pourront être utilisées seulement pour la lutte contre les délits terroristes (en vertu de la décision-cadre 2002/475 /JBZ en matière de lutte contre le terrorisme) et des formes les plus graves de criminalité (tel que décidé dans la décision-cadre 2002/584/JBZ concernant le mandat d'arrêt européen et la procédure de remise entre les États européens), ainsi que pour ce qui concerne les crimes de guerre.

iii. Les Pays-Bas et quatorze autres États, qui développent en ce moment les mêmes mesures, mettent en place, aussi vite que possible, l'échange des données de voyages relatives aux djihadistes.

b. Dans l'attente de la discussion par le Parlement d'un projet de loi concernant l'élargissement des compétences pour réunir et utiliser les données concernant les réservations et les enregistrements, l'équipement technique sera développé dès à présent. Ceci se passe avec les fonds européens déjà accordés et sur la base des cadres légaux existants. Ainsi, à bref délai, une amélioration dans la détection des personnes qui partent faire le djihad peut être préparée.

Renforcement :

35. Accroissement du renforcement de la compétence opérationnelle.

a. Dans les instances compétentes, des équipes spécialisées sont mises en oeuvre, lesquelles sont dotées d'une connaissance et d'une compétence dans l'action contre le djihadisme. De telles équipes sont actives auprès de Reclassering Nederland (pour les personnes sortant de prison) et du Conseil de protection de l'enfance. Le coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité (NCTV) a développé, sur son site, des éléments d'éclairage ciblés et des formations spécialisées et les a mis sur son site web dans un dispositif appelé « boîte à outils extrémisme ».

b. Le coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité (NCTV) créera une filière de formation accréditée pour les collaborateurs des instances et des organisations qui luttent contre le djihadisme.

c. Les travailleurs placés « en première ligne » dans les communes les plus concernées ont été entraînés à la reconnaissance de la radicalisation djihadiste et à la façon de la traiter.

d. Le manuel de l'action administrative pour les communes où des mesures et des interventions possibles sont données est mis à disposition via le site Internet du coordinateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité (NCTV).

e. L'expertise sur le comportement et les trajets des voyages des terroristes est fournie par la gendarmerie royale, la police nationale et les douanes.

Niveau international

Renforcement :

36. Intensification de la coopération internationale de l'action dans le domaine des personnes qui partent faire le djihad.

a. Les Pays-Bas sont actifs dans le « peloton de tête » de l'Union européenne contre les personnes partant faire le djihad. Le plan d'action européen récemment établi est mis en oeuvre. Le coeur de ce plan tend à veiller au partage d'informations sur les personnes qui partent en voyage.

b. Les Pays-Bas continuent à jouer, parmi les membres du Forum global antiterrorisme (GCTF), avec le Maroc, le rôle directeur le plus important.

c. L'AIVD a, dans le domaine de l'entrée en djihad en Syrie et après le retour de Syrie, au plan international, un rôle de leader au sein du Groupe européen contre le terrorisme. À l'initiative du chef des renseignements généraux (AIVD), une union pour une collaboration étroite a été formée entre un certain nombre de services de renseignement et de sécurité européens.

Renforcement :

37. Optimisation des systèmes de signalement existants.

Elle concerne tant la déclaration que le signalement et l'utilisation dans la pratique opérationnelle. Le but est, entre autres, de découvrir et de poursuivre au pénal les Néerlandais qui commettent des délits/crimes internationaux dans les zones de combat, de les reconnaître à temps et de pouvoir les poursuivre pénalement. On recourt aux moyens ou actions de signalisation suivants :

a. Système d'information de Schengen (SIS-II) :

i. La fréquence du signalement des personnes qui vont faire le djihad est augmentée par toutes les instances européennes : toutes les personnes qui remplissent les critères de risque sont signalées.

ii. Le SIS-II est couplé avec le registre national de poursuite (OPS). Ainsi sont, entre autres, signalées, par le contact avec la police, les personnes qui vont faire le djihad au niveau international.

iii. Le « peloton de tête » de l'UE propose à la Commission européenne d'ajouter une nouvelle catégorie dans le SIS-II concernant les personnes partant faire le djihad.

b. « Interpol, documents de voyage volés et perdus » (SLTD) :

i. Tous les passeports qui sont retirés afin d'être déclarés périmés sont signalés au SIS-II dans le « SLTD » d'Interpol.

ii. L'utilisation du « SLTD » s'ajoutera aux contrôles « standard » aux frontières.

Renforcement :

38. Renforcement de l'échange d'information proactif.

Les Pays-Bas déploient des efforts afin de favoriser un échange d'information systématique et proactif entre les États européens sur les voyages terroristes :

a. Au niveau européen sont créées les conditions opérationnelles d'un échange d'information international efficace.

b. Une coopération intensive a lieu avec les États associés, les États-Unis d'Amérique, le Canada et l'Australie.

c. Une déclaration commune d'intention est établie pour faire face au besoin d'échange proactif d'information entre les États associés comme cela est prévu dans le « peloton de tête » de l'Union européenne précité.

ANNEXE 1
PLAN ANGLAIS DE LUTTE CONTRE LE RADICALISME :

Les combattants à l'étranger - Notes pour l'intervention de Sir Peter Ricketts, Ambassadeur du Royaume-Uni en France, devant la commission d'enquête du Sénat sur les réseaux djihadistes.

Les événements de Paris ont mis en relief le besoin qui est le nôtre de collaborer entre européens pour faire face et s'opposer à l'extrémisme et au terrorisme sous toutes leurs formes et pour en venir à bout, tout en relevant la tête pour prendre fait et cause en faveur de nos valeurs fondamentales. Je suis heureux que le Royaume-Uni collabore aussi étroitement avec la France dans la lutte contre le terrorisme. Cette relation nous est extrêmement précieuse. Comme vous, nous sommes confrontés à toute une série de menaces sérieuses pour notre sécurité nationale, menaces qui émanent de ceux qui sont allés combattre à l'étranger comme de tous ceux qui tirent leur inspiration de groupements tels qu'ISIL et Al Qaeda.

Le problème ne cesse de s'aggraver de jour en jour. Bien que nous ne publiions pas d'éléments d'information sur les combattants à l'étranger comme on le fait en France, nous estimons que ce sont plusieurs centaines de ressortissants britanniques qui se sont rendus dans la région pour rejoindre des groupes terroristes, et qu'ils sont pour le moment jusqu'à 300 à être revenus au Royaume-Uni.

Certains de ces individus peuvent être revenus désabusés - ou même traumatisés - par ce qu'ils ont vécu là-bas, mais bon nombre d'entre eux constituent une menace continuelle. Pour les organismes chargés de notre sécurité nationale, garder à l'oeil ces combattants qui reviennent constitue un défi de première grandeur. Ces derniers mois, nos services ont déjà déjoué un certain nombre d'attentats fomentés par des djihadistes.

Naturellement, cela ne représente que la partie visible de l'iceberg. Nous sommes aussi préoccupés par la radicalisation d'individus vulnérables à travers les mosquées, le système pénitentiaire ou tout simplement à travers Internet, avec les risques que cela va vraisemblablement poser pour les intérêts du Royaume-Uni, que ces individus restent sur le territoire britannique ou à l'étranger.

C'est sur ce problème que se concentre une part importante de la stratégie anti-terroriste du Royaume-Uni. Notre législation en la matière est d'une large portée, puisqu'elle inclut aussi le financement du terrorisme et sa promotion ou son apologie. Une bonne part de la législation que nous avons mise en place vise des types d'action bien déterminés, et nous bénéficions à cet égard de l'expérience qui a été la nôtre en Irlande du Nord. Nous avons procédé à des ajustements majeurs dans notre panoplie antiterroriste depuis le 11 septembre et aussi depuis les attentats du 7 juillet 2007 à Londres. Les activités de nos services de renseignement sont placées sous la tutelle des Commissaires du renseignement et de la Commission parlementaire du renseignement et de la sécurité, et elles sont encadrées par des règles législatives qui sont en parfaite conformité avec les engagements du Royaume-Uni en matière de droits de l'homme. Cela comprend des directives très explicites pour la conduite de nos agents de renseignement dans leur travail au jour le jour.

La plus récente de nos lois antiterroristes - la loi de 2015 sur le contre-terrorisme et la sécurité - est entrée en vigueur la semaine dernière et se concentre sur le problème des individus partis combattre à l'étranger. Il s'agit d'une législation importante puisqu'elle va rendre plus difficile la possibilité de partir combattre à l'étranger et de revenir ensuite au pays. Elle va nous rendre mieux à même de surveiller et de contrôler les agissements de ceux qui constituent une menace, tout en nous aidant à mieux combattre l'idéologie qui nourrit, appuie et entérine le terrorisme.

Cette législation nous permet aussi de prononcer des ordonnances d'exclusion temporaire qui vont gêner le retour au Royaume-Uni de ressortissants britanniques soupçonnés d'avoir participé à des activités terroristes à l'étranger. Cela ne veut pas dire que ces individus vont devenir un problème pour d'autres pays. Nous allons collaborer étroitement avec nos partenaires, y compris la France, pour organiser le retour au Royaume-Uni de ce type d'individus dans des conditions sûres et bien maîtrisées. Nous ne nous attendons qu'à un nombre très réduit de cas de ce genre chaque année.

Nous avons aussi renforcé les possibilités qui étaient déjà les nôtres de confisquer les passeports à la frontière et de restreindre à titre temporaire les activités des individus préoccupants qui cherchent à quitter le Royaume-Uni pendant que des enquêtes plus poussées sont menées. Notre ministre de l'Intérieur est aussi habilité à déplacer ceux qui tombent sous le coup de mesures de prévention et d'investigation du terrorisme - comme le font en France les mesures d'assignation à résidence - et d'exiger d'eux qu'ils se soumettent à des entretiens avec des agents de probation et autres au titre de la prise en charge de la situation individuelle de ces individus.

Notre législation s'adapte aussi aux mutations actuelles du milieu terroriste, et notamment aux moyens par lesquels les terroristes communiquent entre eux. Nous allons améliorer les capacités qui sont celles de la force publique pour identifier le module informatique précis à partir duquel une communication a été envoyée sur Internet ou qui a fourni l'accès à un service de communication en ligne. Cela veut dire, techniquement parlant, que nous cherchons à pouvoir accoler une adresse Internet à un individu.

La capacité d'accès aux communications et leur interception ont un rôle crucial à jouer si nous voulons que nos services de sécurité et de renseignement combattent la délinquance et protègent le public. L'été dernier, le parlement britannique a adopté une loi sur la conservation des données et les pouvoirs d'investigation. Nous considérons qu'en l'absence de cette loi, il y aurait eu des lacunes majeures dans nos pouvoirs d'investigation et que des vies auraient été mises en danger.

Cette loi prévoit explicitement que quiconque fournit un service de communication à des clients résidant au Royaume-Uni (et quel que soit le pays à partir duquel est fourni ce service) - est tenu de se conformer aux exigences légitimes posées par la loi de l'an 2000 sur la règlementation des pouvoirs d'investigation.

La loi de 2015 se substitue en outre aux règlementations en vigueur selon lesquelles les entreprises domiciliés au Royaume-Uni peuvent être obligées de conserver certains types de données relatives à leurs communications pendant des périodes allant jusqu'à 12 mois, afin qu'elles puissent ultérieurement être communiquées aux autorités publiques et être utilisées comme éléments de preuve.

La loi de 2015 prévoit aussi des garanties supplémentaires s'agissant de l'utilisation des pouvoirs d'investigation, qui s'ajoutent à un dispositif déjà très strict, en réponse aux critiques émises par la Cour européenne de Justice. En parallèle avec cette loi, le gouvernement met en place un ensemble de mesures pour garantir que les droits du public à la sécurité et au respect de la vie privée sont également protégés.

Le Royaume-Uni s'est, depuis bien des années, engagé dans la prévention en amont, y compris par des programmes de déradicalisation et en encourageant le public à s'élever contre les discours de haine diffusés par les terroristes. Nous avons maintenant décidé de faire de Channel («le Canal») - un programme facultatif organisé par la police, les associations et les collectivités locales à l'intention des personnes exposées au risque de radicalisation - une obligation légale pour les institutions publiques, afin qu'il soit généralisé à l'ensemble du territoire.

À travers la nouvelle législation, nous avons aussi élargi le domaine de compétence de l'Observatoire indépendant de la législation sur le terrorisme et nous avons permis la mise en place d'un Conseil du respect de la vie privée et des libertés publiques destiné à l'appuyer.

Je voudrais m'étendre sur deux aspects de la politique antiterroriste britannique qui ont aussi figuré en bonne place dans le débat sur les mesures à prendre en France à la suite des attentats de Paris: les moyens de lutter contre la radicalisation, tant en prison que par le biais d'Internet.

Pour lutter contre la menace posée par l'extrémisme islamique ces dernières années, notre Service national d'encadrement des délinquants (NOMS) a mis en place un vaste programme pour faire face aux comportements déviants et pour empêcher les autres de se radicaliser en prison. Cela comporte des échanges de renseignements effectifs et bien développés entre toutes les autorités publiques, ainsi que des dispositifs de notification bien organisés au sein même des prisons, afin de fournir un état détaillé des risques, ce qui nous permet d'encadrer étroitement les détenus préoccupants.

Dans nos prisons, nos aumôniers musulmans ont un rôle crucial à jouer pour garantir que les détenus ont une bonne compréhension de leur foi comme pour relever et redresser toute dénaturation de celle-ci. C'est vers eux que peuvent converger les questions de nature théologique, ce qui peut empêcher d'autres détenus musulmans de s'arroger une autorité religieuse qu'ils ne détiennent pas. Ces aumôniers sont encouragés à mettre en question les déformations et les dérives, et à prendre le contre-pied des discours extrémistes.

Le travail infatigable et la vigilance des gardiens de prison, s'agissant de la détection précoce des risques, ont eux aussi un rôle crucial à jouer dans la réussite de notre programme anti- extrémiste. Nous fournissons aux personnels exposés à des condamnés extrémistes une formation spéciale en matière de renseignement. Tous les gardiens, lors de leur recrutement, sont systématiquement formés à détecter les symptômes d'extrémisme.

Une vaste gamme de mesures concernant les détenus extrémistes a été mise en place. Elle comprend notamment :

- la bonne évaluation des risques présentés par les délinquants impliqués dans des activités extrémistes afin d'établir la motivation, la capacité et les intentions sous-jacentes de la délinquance extrémiste ;

- une large gamme d'interventions et programmes pédagogiques en matière de comportement, de théologie et de motivations visant les ressorts de la délinquance extrémiste. Il s'agit notamment du dispositif pédagogique Tarbiyah qui doit permettre aux détenus musulmans de mieux comprendre leur religion, et de s'en prendre dès le début aux questions qui débouchent sur des dérives en matière d'interprétation des préceptes religieux. Ce sont plus de 2 200 détenus qui jusqu'à présent ont bénéficié de ce programme ;

- l'observation et l'évaluation constantes par des personnels spécialisés, y compris les aumôniers, pendant toute la durée de la peine des condamnés susceptibles d'être attirés dans l'extrémisme.

L'abondance de la propagande liée au terrorisme à laquelle les particuliers peuvent accéder via Internet, et notamment les réseaux sociaux, a atteint des dimensions sans précédent. Il s'agit pour une bonne part d'éléments de communication sophistiquée émanant de groupements comme ISIL qui encouragent les personnes vulnérables à se rendre dans des zones de conflit comme la Syrie et l'Irak. Le Royaume-Uni se focalise sur l'impératif qu'il y a à éliminer sans délai les contenus en ligne de type terroriste, et de collaborer avec les professionnels du secteur informatique pour s'assurer que ces contenus sont bien éliminés. Cela veut dire que l'on restreint l'accès aux contenus de nature terroriste et extrémiste et que l'on renforce la capacité des groupements de la société civile à promouvoir des solutions de remplacement positives. Les partenaires étrangers du Royaume-Uni se sont montrés sérieusement intéressés par l'approche qui est la nôtre pour réduire le risque posé par les contenus en ligne de nature terroriste et extrémiste.

Nos relations avec les plateformes de réseaux sociaux s'améliorent, avec pour effet la suppression plus rapide d'une plus grande quantité de contenus. J'ai été heureux d'apprendre que nous avons agi en liaison avec les autorités françaises et que nous avons réussi à assurer la suppression de certains contenus en ligne relatifs aux attentats de Paris.

Il nous faut, toutefois, en faire davantage. Au Royaume-Uni, l'Unité de lutte contre le terrorisme sur Internet (CTIRU) - analogue au PHAROS - collabore avec les grands réseaux sociaux et elle a réussi à faire supprimer plus de 72 000 contenus de type terroriste depuis février 2010. Nous n'obligeons pas les entreprises à supprimer ces contenus. Les plateformes coopèrent de leur plein gré.

À la suite des attentats de Paris, les Ministres de l'Intérieur de l'UE se sont montrés réceptifs à l'idée que les États-membres devraient examiner la possibilité d'établir une unité européenne fondée sur le modèle de la CTIRU pour porter certains contenus à l'attention des réseaux sociaux aux fins de suppression. Pareille unité pourrait être créée au sein d'Europol. Cela réduirait notablement la possibilité d'accès aux contenus terroristes et extrémistes en langue anglaise comme dans d'autres langues. Nous serions heureux que vous manifestiez votre soutien et votre participation pour que cela devienne une réalité.

Vu le bilan positif, jusqu'à présent, de l'approche britannique, nous ne croyons pas qu'une législation à l'échelle européenne s'impose nécessairement. Nous avons réussi à encourager les plateformes à supprimer des contenus en s'appuyant sur leurs propres conditions générales de fourniture de services plutôt qu'en recourant à la législation et, vu le caractère d'urgence d'une riposte, nous proposons d'adopter la même approche à l'échelle de l'UE. Des mesures législatives prendraient davantage de temps et pourraient avoir des conséquences pour la liberté d'expression.

Je voudrais conclure en énumérant succinctement devant vous les principales dispositions de la panoplie institutionnelle britannique qui ont suscité tant d'intérêt en France - la déchéance de nationalité et les mesures d'expulsion/éloignement avec garanties.

Notre Ministre de l'Intérieur est habilité à déchoir, par décret, toute personne de sa nationalité britannique sous toutes ses formes si elle est impliquée :

- dans des activités contraires à la sécurité du pays, y compris l'espionnage et les agissements terroristes visant notre pays ou une puissance alliée ;

- dans des comportements inacceptables tels que l'apologie du terrorisme ;

- dans des crimes de guerre ;

- dans des activités criminelles graves et dans le crime organisé.

Lorsque l'on cherche à priver un individu de la nationalité britannique au motif que cette déchéance «relève de l'intérêt public», la loi exige que cela ne puisse se faire que si l'individu concerné ne se retrouve pas apatride. Cela signifie, pratiquement, que l'individu doit détenir à la fois la citoyenneté britannique et celle d'un autre pays, de sorte qu'une fois déchu de la nationalité britannique il se retrouve citoyen seulement de cet autre pays et ne devienne pas apatride du fait de la perte de la nationalité britannique.

Une fois déchu, l'individu concerné est soumis au régime de l'immigration et il peut être déporté ou expulsé du Royaume-Uni, ou empêché d'y revenir si la déchéance est prononcée alors qu'il se trouve à l'étranger.

L'individu dispose d'un droit d'appel contre cet avis, qui peut se fonder tant sur sa légalité que sur la nature des arguments sur laquelle se fonde la décision ministérielle. L'exercice par un individu de ce droit d'appel n'empêche pas que, tant que l'appel est pendant, il puisse être frappé d'une mesure de déchéance, ni que celle-ci soit suivie de mesures de la part des services d'immigration.

Lorsqu'un individu prétend qu'il existe un risque pour ses droits fondamentaux (par exemple au titre de l'art. 3 de la Convention européenne des droits de l'homme) nous pouvons recourir à l'expulsion/éloignement avec garanties pour éloigner les personnes hors du territoire britannique en conformité avec les engagements internationaux qui sont actuellement les nôtres.

Les garanties que nous obtenons signifient qu'il n'existe aucune raison sérieuse pour croire qu'un individu risque d'être effectivement exposé dans son pays à des traitements contraires à ces droits fondamentaux.

Nous avons négocié des accords de garanties avec l'Algérie, l'Éthiopie, la Jordanie, le Liban et, plus récemment, avec le Maroc. Nous avions aussi conclu un accord avec la Libye à l'époque de Kadhafi mais il a été rejeté par les tribunaux britanniques - qui n'étaient pas certains que l'on pouvait compter sur ce régime pour tenir ses engagements - et qui n'est pas utilisé en ce moment.

Les individus concernés seront en droit de faire appel contre la mesure d'expulsion/éloignement devant un tribunal administratif spécial, le SIAC, devant lequel nous pourrons recourir à des éléments d'information réservés - c'est-à-dire des éléments de preuve comportant des informations «sensibles» émanant souvent des services de renseignement. Les individus concernés ne pourront pas avoir accès à ces informations secrètes, mais ils auront la possibilité de designer des «défenseurs spéciaux » approuvés par les services de sécurité pour les représenter lors de ces audiences à huis clos.

Jusqu'à présent, ce sont 12 personnes qui ont été éloignées du Royaume-Uni en vertu de ces compétences, y compris Abou Qatada. Celui-ci a fait appel devant la Cour européenne des droits de l'homme mais le concept même de d'expulsion/éloignement avec garanties a reçu l'aval de Strasbourg.

ANNEXE 2 : DOCUMENTS UTILISÉS

ALLEMAGNE

• Textes législatifs et règlementaires

Strafgesetzbuch

code pénal

Gesetz über Personalausweise und den elektronischen Identitätsnachweis (Personalausweisgesetz - PAuswG)

loi sur la carte d'identité

Paßgesetz (PaßG)

loi sur le passeport

Entwurf eines Gesetzes zur Änderung des Personalausweisgesetzes zur Einführung eines Ersatz-Personalausweises und zur Änderung des Passgesetzes

projet de loi visant à modifier la loi sur la carte d'identité par la création d'une « carte d'identité de substitution » et la loi sur le passeport

Entwurf eines Gesetzes zur Änderung der Verfolgung der Vorbereitung von schweren staatsgefährdenden Gewalttaten

projet de loi modifiant la poursuite de la préparation d'actes de violence mettant gravement en danger l'État

• Autres documents

Das Parlament, n°4-5, 19.01.2015

le Parlement, n o 4-5 du 19 janvier 2015

Glaube oder Extremismus ? Die Beratungsstelle Radikalisierung, 2013

croyance ou extrémisme ? publication du centre d'information sur la radicalisation, 2013

Site du Centre d'information sur la radicalisation

AUSTRALIE

• Textes législatifs et règlementaires

Counter-Terrorism Legislation Amendment (Foreign Fighters) Act 2014

loi modifiant diverses lois relatives au contre-terrorisme (combattants étrangers), 2014

• Autres documents

Speech of Senator Brandis, Counter-Terrorism Legislation Amendment (Foreign Fighters) Bill, second reading

discours du sénateur Brandis lors de la seconde lecture du projet de loi modifiant diverses lois relatives au contre-terrorisme (combattants étrangers)

BELGIQUE

• Autres documents

Conférence de presse du Gouvernement du 16 janvier 2015

Conseil de l'Europe, comité d'experts sur le terrorisme, profils nationaux relatifs à la capacité de lutte contre le terrorisme, Belgique, février 2014

Chambre des Représentants, compte-rendu analytique de la séance du 21 janvier 2015

PAYS-BAS

• Autres documents

« Actie programma integrale aanpack jihadisme »

programme d'action démarche intégrale « djihadisme »

PRÉSENTATION STATISTIQUE
DU CONTENTIEUX DU TERRORISME DJIHADISTE

Le terrorisme djihadiste est presque exclusivement réprimé sur le fondement de la participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ainsi, on peut déduire le nombre de condamnations définitives concernant le terrorisme djihadiste du nombre de condamnations définitives prononcées sur l'unique fondement de la participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, les autres contentieux tels que celui des membres d'ETA étant quasi-exclusivement poursuis au visa de plusieurs chefs de prévention.

Sous cette hypothèse, les condamnations pour des faits liés au terrorisme djihadiste représentent ¼ des condamnations en matière terroriste.

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

AM terrorisme (délits)- infraction unique

17

21

19

29

24

16

12

6

11

16

AM terrorisme (crimes) - infraction unique

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

TOTAL

17

21

19

29

24

16

12

6

11

16

Pourcentage total des AM

36,95%

31,34%

21,34%

40,84%

25%

18,82%

21,42%

10,71%

14,10%

19,75%

La totalité des condamnations pour le seul délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme a donné lieu au prononcé d'une peine d'emprisonnement. Dans 92% de ces condamnations, l'emprisonnement prononcé a été, en tout ou partie, ferme.

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

AM terrorisme (délits)- infraction unique

17

21

19

29

24

16

12

6

11

16

Emprisonnement

17

21

19

29

24

16

12

6

11

16

Dont ferme (tout ou partie)

17

21

17

25

22

15

12

6

9

13

Dont sursis total

0

0

2

4

2

1

0

0

2

3

Quantum emprisonnement ferme (mois)

48,7

60,6

44,8

58,8

40,9

24,6

42,5

33,0

27,4

42,9

Par ailleurs, on remarque une certaine augmentation des condamnations prononcées du chef de financement du terrorisme, qui concernent tous les contentieux terroristes. Les chiffres de 2013 résultent de la condamnation de 10 personnes impliquées dans le financement du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (M.I.O ), inscrit sur la liste de l'ONU des organisations affiliées à Al Qaïda et de 10 activistes du Parti des travailleurs des Kurdistan (PKK) impliqués dans la collecte de fonds ou Kampanya orchestrée au profit de l'organisation sur le secteur de Marseille.

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total financement et non-justification de ressources d'entreprises terroristes (délits)

0

4

2

0

9

24

6

17

6

23

TOTAL

0

4

2

0

9

24

6

17

6

23

PRÉSENTATION DU DISPOSITIF LÉGAL FRANÇAIS
DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Le dispositif légal français de lutte contre le terrorisme est pleinement en conformité avec les dispositions du paragraphe 6 de la résolution 2178 (2014) du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Celui-ci prévoit que l'ensemble des États membres doivent veiller à ce que leur qualification des infractions pénales dans leur législation permette de réprimer les comportements suivants :

« a)- Leurs nationaux ou résidants qui se rendent ou tentent de se rendre à l'étranger dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d'y participer ou de dispenser ou de recevoir un entraînement au terrorisme.

b)- La fourniture ou la collecte délibérées par leurs nationaux ou sur leur territoire de fonds que l'on prévoit d'utiliser ou dont on sait qu'ils seront utilisés pour financer les voyages de la personne visée dans l'hypothèse précédente.

c)- L'organisation délibérée de tels voyages, y compris le recrutement. »

Plusieurs dispositifs veillent à la répression de ces comportements :

• L'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, défini par l'article 421-2-1 du code pénal, permet en effet de réprimer la participation à un groupement formé en vue de la préparation d'actes de terrorisme ;

• L'article 113-13 du code pénal qui spécifie que loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français ;

• Le délit de financement d'une entreprise terroriste de l'article 421-2-2 du code pénal réprime d'une peine de 10 ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende les personnes qui soutiennent, par l'apport de fonds, les activités terroristes.

Outre la prise en compte du mobile terroriste dans certaines infractions de droit commun telles que les vols, les recels, les infractions à la législation sur les explosifs et les armes, ou les meurtres en relation avec une entreprise terroriste, le dispositif légal français de lutte contre le terrorisme est complété par plusieurs infractions spécifiques :

• Le délit de non justification de ressources défini par l'article 421-2-3 du code pénal ;

• Le délit de recrutement terroriste défini par l'article 421-2-4 du code pénal ;

• Le délit de provocation directe à des actes de terrorisme ou l'apologie de ces derniers, défini par l'article 421-2-5 ;

• Le délit de l'article 421-2-6 qui permet de réprimer un projet terroriste qui serait fomenté par un individu isolé :

• Le crime de terrorisme écologique, défini à l'article 421-2 du code pénal.


* 417 Voir l'intervention de M. Thomas de Maizière au Bundestag (c ompte rendu des débats du 30 janvier 2015 , p. 7944).

* 418 Le ministre des Affaires étrangères doit déclarer, par un texte de nature législative (legislative instrument) les zones couvertes par une interdiction de s'y rendre sauf motif légitime lorsqu'il estime qu'une organisation classée comme terroriste est engagée dans une activité hostile dans la zone concernée. Cette déclaration ne peut pas couvrir un pays entier.

* 419 Aux termes de l'article 119.2, une personne a un motif légitime d'entrer dans une zone déclarée si elle y pénètre uniquement pour apporter une aide de nature humanitaire, pour satisfaire une obligation judiciaire, pour mener à bien une mission officielle pour l'Australie, pour un pays étranger ou pour les Nations-Unies, pour réaliser des reportages journalistiques, pour effectuer de bonne foi une visite familiale ou pour tout autre motif prévu par la loi.

* 420 Cet article est relatif à l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et télécommunications privées.

* 421 Le cabinet restreint, ou Kern , se compose du Premier ministre et de ses Vice-Premiers ministres, quel que soit le ministère dont ils sont en charge.

* 422 Conseil de l'Europe, Comité d'experts sur le terrorisme, profils nationaux relatifs à la capacité de lutte contre le terrorisme, Belgique , février 2014, p. 5.

* 423 Chambre des Représentants, Compte rendu analytique de la séance du 21 janvier 2015, après-midi, p. 27.

* 424 L'expression « voedingsbodem » peut aussi être traduite par « bouillon de culture ».

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