AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs

Avant juillet 2013, la représentation politique des Français établis hors de France était fixée par la loi n° 82-471 du 7 juin 1982. Celle-ci avait instauré l'élection au suffrage universel direct d'une partie des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) 1 ( * ) , lui-même créé en 1948. La loi n° 2004-805 du 9 août 2004 a rebaptisé cette instance « Assemblée des Français de l'étranger » (AFE). Enfin, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a adjoint aux sénateurs représentant les Français établis hors de France, dont le principe avait été établi par la Constitution de la IV ème République et au nombre de douze depuis 1986, des députés, au nombre de onze depuis les élections législatives de 2012.

La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 a refondé dans son intégralité la représentation des Français établis hors de France, en créant au côté de l'AFE des conseils consulaires, nouvelles instances représentatives des Français établis hors de France. Selon son exposé des motifs, « ce projet de loi s'inscri[vai]t dans la poursuite de l'adaptation de la représentation des Français de l'étranger », et avait plus particulièrement pour objectif de « favoriser le développement de la démocratie de proximité ». Dans le droit fil des recommandations de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, la réforme engagée visait également à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France : sont désormais leurs électeurs les conseillers consulaires ainsi que les délégués consulaires élus concomitamment à cette seule fin, auxquels s'ajoutent les députés et les sénateurs élus hors de France.

Près de deux ans après l'examen parlementaire de ce texte, votre commission des lois a souhaité en évaluer la mise en application. Vos rapporteurs se sont attachés à établir ce bilan dans le respect des principes qui avaient été approuvés par le Parlement lors du vote de la réforme. Ce bilan vise donc à améliorer le système de représentation de nos compatriotes expatriés en apportant les correctifs dont la nécessité a été mise en lumière par la pratique. Il ne s'agit donc pas de chercher à remettre sur le métier cette jeune réforme, même si le texte finalement adopté n'a pas traduit toutes les attentes du Sénat quand bien même elles avaient été adoptées à l'unanimité, à l'instar de l'élection directe de l'AFE.

Sur le plan réglementaire, l'ensemble de mesures d'application de la loi ont été prises. Toutefois, vos rapporteurs relèvent que certaines dispositions réglementaires applicables à l'élection des conseillers consulaires organisée en mai 2014 n'ont été publiées qu'au début du mois de mars 2014 alors qu'en vertu de l'article 19 de la loi, les candidatures pour les élections consulaires devaient être déposées, au plus tard soixante-dix jours avant le jour du scrutin, soit à la mi-mars 2014. Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire a convenu de ce retard, l'expliquant par celui du processus législatif.

Présentée en conseil des ministres le 20 février, adoptée définitivement par le Sénat le 27 juin 2013, la loi a été promulguée le 22 juillet 2013 à la suite d'une saisine du Conseil constitutionnel qui a validé le texte avec une réserve d'interprétation 2 ( * ) . Le Gouvernement disposait ainsi de plus de temps pour l'adoption des mesures réglementaires que le Parlement n'en avait bénéficié pour voter cette loi.

Cette réforme modifie la composition, l'organisation et le fonctionnement des instances représentatives des Français établis hors de France. Lors de son examen, votre commission avait, suivant le rapporteur, veillé à bien distinguer les dispositions statutaires relatives à l'organisation et au fonctionnement de ces instances (titre I er ) des dispositions électorales fixant les modalités de désignation de leurs membres (titres II et III). Vos rapporteurs constatent que cette distinction a inspiré le pouvoir réglementaire dans l'édiction des mesures réglementaires puisque deux décrets ont été adoptés :

- l'un pour organiser les travaux des conseils consulaires et de l'AFE : le décret n° 2014-144 du 18 février 2014 relatif aux conseils consulaires, à l'Assemblée des Français de l'étranger et à leurs membres ;

- l'autre pour fixer les règles électorales : le décret n° 2014-290 du 4 mars 2014 portant dispositions électorales relatives à la représentation des Français établis hors de France.

Ces décrets n'ont pas été formellement soumis à l'AFE pour recueillir son avis. À l'occasion de l'examen parlementaire au Sénat, un amendement visant à recueillir l'avis de l'AFE sur les projets de décret avait été rejeté à la demande du Gouvernement. Le rapporteur avait cependant souligné que « l'actuelle assemblée et la nouvelle seront toutes les deux libres de se saisir de cette question et de faire des propositions », ne doutant pas « que l'Assemblée des Français de l'étranger, qui pourra encore se réunir au mois de septembre, travaillera sur le sujet pour formuler un certain nombre de propositions ».

Tel fut le cas puisque, lors de sa 19 ème session entre le 9 et le 14 septembre 2013, le projet de décret relatif au fonctionnement des instances a été présenté devant la commission des lois et règlements de l'AFE qui a émis des avis relativement critiques sur son contenu, donnant lieu à une résolution 3 ( * ) . En l'absence du projet de décret sur les dispositions électorales, elle a également émis trois autres résolutions, moins précises, sur les nouvelles règles électorales.

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté que le bilan des dispositions électorales était plus aisé à dresser que celui relatif au fonctionnement des nouvelles instances.

En effet, les règles électorales ont été, pour la quasi-totalité d'entre elles, appliquées en 2014. Au cours de cette année-ci, ont eu lieu l'élection des conseillers consulaires et des délégués consulaires le 25 mai 4 ( * ) , celle des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger le 22 juin, avant celle de la moitié des sénateurs représentant les Français établis hors de France le 28 septembre. À la suite d'annulations contentieuses, des élections partielles ont même été organisées pour pourvoir aux sièges devenus vacants.

En revanche, les dispositions relatives au fonctionnement des instances nécessiteront plusieurs années, voire l'exercice de plusieurs mandats, pour en apprécier correctement leur mise en oeuvre. Vos rapporteurs se borneront sur ce point à un bilan d'étape, la portée de l'application de ces dispositions relevant pour une large part de la pratique et de l'usage que les élus des Français de l'étranger en feront.

I. RECONNAÎTRE LE RÔLE ET LA LÉGITIMITÉ DES ÉLUS REPRÉSENTANT LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

Comme l'a indiqué à vos rapporteurs M. Christophe Bouchard, directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, l'application de la loi du 22 juillet 2013 a occupé largement l'administration consulaire au cours de l'année 2014, en raison de la mise en place des instances représentatives des Français établis hors de France. La première session de la « nouvelle » AFE à l'automne 2014 a ainsi été consacrée à la mise en place de ses organes internes, dont l'élection de son président et de son bureau. Rappelons que l'« ancienne » AFE était présidée par le ministre des affaires étrangères et que la « nouvelle » AFE issue de la loi du 22 juillet 2013 dispose d'un président élu parmi les siens. En outre, la « nouvelle » AFE ne comporte que des élus, contrairement à l'« ancienne » qui comportait des membres de droit et des personnalités désignées.

La première session a également permis l'élaboration du règlement intérieur qui a été adopté en mars 2015. Les dispositions réglementaires ne prévoyaient pas l'application de l'ancien règlement intérieur de l'AFE à la « nouvelle » AFE.

A. UN RÔLE POUR LES CONSEILLERS CONSULAIRES À MIEUX FAIRE CONNAITRE

1. Une représentation de proximité à ancrer dans la durée

Au cours des auditions organisées par vos rapporteurs, plusieurs personnes ont noté la difficulté pour nos compatriotes de distinguer la différence entre les anciens conseillers à l'AFE et les nouveaux conseillers consulaires. Certains élus, par la longévité de leur expérience dans ces mandats, ont ainsi pu témoigner que les conseillers consulaires jouaient en réalité le rôle des anciens conseillers à l'AFE, s'interrogeant dès lors sur l'utilité de la réforme. D'autres, au contraire, ont insisté sur l'évolution qu'appelait cette réforme dans l'exercice du mandat de conseiller à l'AFE pour ceux qui assumaient ce mandat en sus de celui de conseiller consulaire.

En tout état de cause, le nombre d'élus a augmenté au bénéfice d'une couverture démocratique plus importante des communautés françaises à l'étranger : aux 155 conseillers élus à l'AFE au sein de 52 circonscriptions ont succédé 443 conseillers consulaires élus dans 130 circonscriptions.

a) Une élection de proximité

L'étude d'impact déposé le même jour que le projet de loi pointait un « déficit de représentativité au niveau local ». L'instauration de conseillers consulaires, sorte de conseillers municipaux pour les Français expatriés, devait répondre au besoin manifesté par nos compatriotes de davantage de proximité de leurs élus.

Au terme de cette première année d'application, la réforme n'a pas encore pleinement atteint cet objectif. En réalité, le maillage plus fin des circonscriptions consulaires par rapport aux anciennes circonscriptions d'élection des conseillers à l'AFE a mécaniquement rapproché les élus des Français de l'étranger. Cependant, plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont relativisé ce constat général en soulignant la disparité de représentation au sein des circonscriptions consulaires. Plusieurs exemples cités démontrent que les élus sont, dans plusieurs cas, issus dans leur grande majorité du chef-lieu de la circonscription d'élection. Vos rapporteurs ont conscience qu'aucune réponse législative ne peut être apportée à cette difficulté, à moins d'envisager un système complexe qui retirerait en lisibilité ce qu'il ferait gagner en proximité.

b) Une articulation complexe entre circonscription d'élection, circonscription consulaire et pays

Certaines circonscriptions d'élection des conseillers consulaires regroupent plusieurs circonscriptions consulaires. Dans ce cas, les mêmes conseillers consulaires siègent auprès de plusieurs conseils consulaires puisque, comme le prévoit l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013, il existe un conseil consulaire « auprès de chaque ambassade pourvue d'une circonscription consulaire et de chaque poste consulaire ». Cette articulation n'a pas été parfaitement comprise dans l'ensemble des postes consulaires, surtout lorsqu'un même pays formant une seule circonscription d'élection comportait plusieurs circonscriptions consulaires en son sein. Ainsi, la Turquie qui forme une seule circonscription pour l'élection des conseillers consulaires dispose de deux conseils consulaires, l'un placé auprès de l'ambassade à Ankara, l'autre auprès du consulat général à Istanbul. Deux conseils consulaires, composés des mêmes conseillers consulaires, doivent ainsi être installés, chacun avec son propre vice-président élu. Il en est de même, par exemple, pour les élus de la circonscription de Vienne, qui doivent siéger dans les conseils consulaires de Bratislava, Vienne et Ljubljana.

L'article 5 de la loi du 22 juillet 2013 permet également, dans les conditions fixées par décret, à un arrêté du ministre des affaires étrangères de créer des conseils consulaires compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires. Cet arrêté a été pris le 20 mai 2014 5 ( * ) . De cette manière, par dérogation à l'article 3, un seul conseil consulaire siège pour l'ensemble des circonscriptions consulaires comprises dans les limites de la circonscription d'élection. Ainsi, un seul conseil consulaire sous la présidence de l'ambassadeur en Iran siège pour les circonscriptions consulaires de Téhéran, d'Islamabad, de Karachi, de Kaboul, de Bakou, d'Achgabat, d'Astana, d'Almaty, de Douchanbe et de Tachkent, rendant dans ce cas la proximité toute relative.

À cet égard, le cabinet du secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger a indiqué à vos rapporteurs que les conseillers consulaires pouvaient exprimer une demande tendant à modifier le regroupement de conseils consulaires mais cette modification ne serait envisageable que dans la mesure où l'évolution des besoins exprimés serait justifiée par un faisceau d'indices concordants (évolution du réseau consulaire, hausse des volumes d'activité, etc.).

A l'inverse, la modification de la compétence territoriale des conseils consulaires ne peut s'effectuer que dans la limite des circonscriptions d'élection définies par la loi, ce qui constitue, au demeurant, un obstacle à la modification, sur le plan réglementaire, des circonscriptions consulaires par le ministre des affaires étrangères. Par exemple, la circonscription consulaire de Madrid et celle de Barcelone forment deux circonscriptions d'élection aux limités établies dans la loi. Elles disposent chacune d'un conseil consulaire. Une évolution des zones de compétences respectives des consulats de Madrid et Barcelone aurait comme conséquence un chevauchement de compétences des conseils consulaires de Madrid et Barcelone, ce qui engendrerait de multiples complications, car deux conseils consulaires existeraient auprès du même poste consulaire, compétents chacun pour deux parties distinctes d'une seule et même circonscription consulaire.

2. Un rôle encadré des conseils consulaires

Lors de l'examen parlementaire, particulièrement au Sénat, la question du rôle et des pouvoirs des conseillers consulaires a été largement débattue. La loi du 22 juillet 2013, précisée par le décret du 18 février 2014, a retenu une compétence essentiellement consultative assortie d'un droit d'information, notamment matérialisé par le rapport annuel de l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire.

Le conseil consulaire dispose d'une compétence décisionnelle pour :

- l'aide aux Français expatriés afin d'acquitter leurs cotisations au régime social des Français de l'étranger (article D. 766-3 du code de la sécurité sociale) ;

- l'attribution des bourses scolaires accordées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) (article D. 531-45 du code de l'éducation) ;

- l'attribution d'allocation de solidarité versée dans le cadre de l'action sociale du programme budgétaire n° 151 Français à l'étranger et affaires consulaires de la mission Action extérieure de l'État .

Les élus consulaires qui ne sont pas élus à l'AFE n'ont pas la capacité de comparer le fonctionnement de différentes ambassades. Ainsi, les rôles qu'ils jouent dépendent très fortement des habitudes locales.

Concernant les bourses scolaires, la réforme qui a été mise en place en 2013 a donné un rôle très important au dialogue de gestion entre les ambassades et l'AEFE. Or, les conseillers consulaires devraient pouvoir suivre de manière précise l'ensemble de la campagne boursière, être informés des besoins que la première étude des dossiers par le consulat fait apparaitre, des étapes et du résultat du dialogue de gestion avec l'AEFE. Sans cette information, ils ne sont pas en mesure de jouer pleinement leur rôle lors de la réunion du conseil consulaire en formation de commission locale des bourses et restent souvent cantonnés à un rôle où l'administration consulaire leur demande de prendre la responsabilité « d'habiller Pierre en déshabillant Paul ».

Vos rapporteurs ont constaté également auprès de certains chefs de postes consulaires la tentation de réduire le conseil consulaire à ces formations décisionnelles strictement prévues par décret, sans laisser au conseil consulaire le soin d'exercer, dans ses autres formations consultatives, sa mission de veille, d'alerte et de conseil auprès des ambassades et des consulats.

Selon le sujet traité, le conseil consulaire se réunit selon une composition différente, les différentes formations pouvant se succéder au cours d'une même réunion. Comme le garantit l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013, « les conseillers consulaires sont membres de droit du ou des conseils consulaires constitués dans la circonscription électorale dans le ressort de laquelle ils ont été élus ». D'autres membres peuvent également composer les différentes consulaires, avec voix délibérative, le cas échéant, y compris lorsque le conseil consulaire est appelé à prendre une décision, comme pour l'attribution de bourses scolaires ou d'aides sociales.

En effet, au terme de débats nourris, le choix a été fait par le législateur de ne pas réserver la voix délibérative aux membres élus du conseil consulaire. En septembre 2013, l'AFE avait souhaité la suppression de la voix délibérative conférée aux membres non élus pour la compétence éducative ; la version finale du décret la maintient néanmoins. Cette situation suscite, sans surprise, de vives critiques de la part des représentants des élus des instances représentatives des Français établis hors de France entendus par vos rapporteurs. Ils ont l'impression d'être «  noyés » parmi des membres non élus, en étant mis sur le même plan, alors que leur présence résulte du suffrage universel tandis que la désignation d'autres participants relève de décisions administratives.

Certaines personnes entendues ont d'ailleurs souligné que l'existence de délégués consulaires, élus selon les mêmes modalités que les conseillers consulaires mais avec pour seule fonction de voter pour l'élection sénatoriale tous les trois ans, favorisait la confusion entre conseillers consulaires et délégués consulaires, réduisant d'autant le rôle que les premiers sont appelés à jouer comme représentant des Français expatriés.

3. Des relations extrêmement variables avec l'administration consulaire
a) Un facteur personnel beaucoup trop important

Lors des auditions menées par vos rapporteurs, il est ressorti, de manière constante et unanime, que la place institutionnelle accordée aux conseillers consulaires élus en mai 2014, les facilités accordées pour l'exercice de leur mandat et, de manière générale, leurs relations avec l'administration consulaire dépendaient étroitement de l'attitude adoptée par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire à leur égard.

Le cabinet du secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger formulait ce constat en ces termes : « les rapports entre les élus et les postes sont hétérogènes, comme avant la réforme ».

De multiples témoignages ont été relayés auprès vos rapporteurs, faisant état de situations extrêmement variables, pour ne pas dire, diamétralement opposées. Le comportement de l'administration oscille, selon les postes consulaires, entre une association spontanée des conseillers consulaires et la manifestation d'une hostilité. Certaines décisions vexatoires, comme le refus opposé à des élus de disposer pour quelques heures par mois d'un local pour assurer des permanences, ont été évoquées, sans que l'ignorance de la réforme ne puisse être invoquée pour justifier cette décision maladroite. Existe également une indifférence polie conduisant certains postes consulaires à s'acquitter envers les élus des Français de l'étranger de leurs obligations minimales prévues par la loi. Certains membres du corps diplomatique font ainsi le choix de ne pas présider personnellement le conseil consulaire, donnant ainsi l'impression d'un désintérêt.

La compétence, conférée au président du conseil consulaire, c'est-à-dire au chef de poste diplomatique ou consulaire, de convoquer le conseil consulaire se révèle aussi problématique, car aucune consultation préalable avec les élus n'est obligatoire. Or les élus exercent souvent des activités professionnelles, n'habitant pas toujours à proximité des consulats, et leur absence peut être sanctionnée financièrement.

Vos rapporteurs proposent que le président du conseil consulaire s'oblige à une concertation sur les dates possibles avant d'adresser une convocation et de rendre toujours possible pour les réunions où la présence des élus est exigée de réaliser la réunion par téléconférence 6 ( * ) .

b) Le cas emblématique du vice-président du conseil consulaire

L'article 3 de la loi du 22 juillet 2013 attribue la présidence du conseil consulaire à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire. Cependant, à l'initiative du Sénat, un vice-président est élu par et parmi les conseillers consulaires.

La fonction de vice-président est évoquée furtivement par le décret du 18 février 2014. Son article 10 se borne à indiquer que « l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, ou son représentant, président du conseil consulaire, est assisté par le vice-président ».

Ainsi, le pouvoir réglementaire n'a pas doté le vice-président de pouvoirs propres. Lorsque l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire est absent, le vice-président ne le supplée pas, la présidence restant exercée par un fonctionnaire représentant le président. De même, il n'existe aucune obligation pour le président d'associer le vice-président à la fixation de l'ordre du jour.

Il est également à noter que lorsque le conseiller consulaire ne compte qu'un seul conseiller consulaire, l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, ayant voix délibérative, a systématiquement gain de cause puisqu'en cas d'égalité des voix, il est prévu que le président du conseil consulaire a voix prépondérante en application de l'article 14 du décret du 18 février 2014.

Les membres de la commission des lois de l'Assemblée des Français de l'étranger ont ainsi regretté, devant vos rapporteurs, qu'un poids aussi important soit accordé au président du conseil consulaire par rapport aux élus, à commencer par le vice-président.

Cette situation est d'autant plus paradoxale que le législateur organique a interdit, à compter de 2017, l'exercice de la vice-présidence d'un conseil consulaire avec le mandat parlementaire 7 ( * ) , l'assimilant ainsi à une fonction exécutive locale. Par cohérence, vos rapporteurs estiment que , par souci d'équité, le législateur organique devrait, au même titre que les maires, ouvrir aux vice-présidents du conseil consulaire le droit de présenter un candidat à l'élection présidentielle, actuellement réservée aux conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger .

4. Des droits à faire valoir par les conseillers consulaires

Vos rapporteurs invitent les conseillers consulaires à s'emparer, dans le cadre de l'exercice de leurs mandats, des droits que le législateur leur a accordés lors de l'adoption de la loi du 22 juillet 2013 .

Tout d'abord, les conseils consulaires ne se résument pas aux instances décisionnelles, où d'ailleurs les conseillers consulaires sont minoritaires, mais aussi aux autres formations consultatives qui peuvent émettre des avis sur des sujets touchant à la vie quotidienne des Français de l'étranger : protection sociale, action sociale, emploi, formation professionnelle et apprentissage, enseignement français à l'étranger et sécurité.

En outre, l'épuisement du budget que gère le poste consulaire dans un domaine de compétence sur lequel le conseil consulaire dispose d'une compétence consultative n'a pas pour effet de priver le conseil de sa compétence. En d'autres termes, la suppression des crédits annuels en matière de formation professionnelle ou d'emploi n'empêche nullement les conseillers consulaires de débattre de cette politique publique ou de son inexistence.

De même, en matière d'aide sociale, le rôle du conseil consulaire ne s'arrête pas à l'examen des cas individuels. Il recouvre également, comme le prévoit l'article 10 du décret du 18 février 2014, la saisine pour avis des demandes et projets de subvention aux organismes locaux d'entraide et de solidarité et d'attribution d'allocations ou de secours aux Français âgés, handicapés ou indigents, régulièrement inscrits au registre des Français établis hors de France.

Un constat similaire peut être dressé en matière de sécurité. Entendu par vos rapporteurs, M. Didier Canesse, directeur adjoint du centre de crise du ministère des affaires étrangères soulignait ainsi que « les élus sont des interlocuteurs importants ». Il rappelait, à titre d'illustration, que, par une instruction d'octobre 2014, les postes consulaires avaient été invités à associer aux comités de sécurité les conseillers consulaires, en complément du conseil consulaire qui dispose d'une formation compétente en matière de sécurité. Pour M. Canesse, ces deux organes, comprenant les élus, ont un rôle complémentaire, le conseil consulaire restant une enceinte d'information.

Il convient aussi de souligner que de très nombreux conseillers consulaires regrettent de ne pas être mobilisés à l'occasion des conseils d'influence ou des conseils économiques qui sont réunis autour de l'ambassadeur. Pourtant, par leur présence souvent sur le long terme dans leur pays de résidence, les élus constituent une mine d'information qui mériterait d'être mieux reconnue par les postes diplomatiques. Cette remarque s'étend à l'utilité de procéder à une concertation systématique avec les conseillers consulaires lors de la négociation de convention bilatérale dans le domaine fiscal ou social.

Enfin, la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a adressé, en septembre 2014, une circulaire relative à l'organisation et au fonctionnement des instances relevant de I'AEFE 8 ( * ) . Lors de son audition par vos rapporteurs, Mme Hélène Farnaud-Defromont, directrice de l'AEFE, a indiqué avoir donné des consignes pour que tous les conseillers consulaires soient conviés par les établissements. Elle a néanmoins souligné que certaines vastes circonscriptions, comme Madagascar, rendent difficile pour les conseillers consulaires de siéger dans tous les conseils d'établissement en raison des distances, du coût de transport au regard du montant de leur indemnité, mais aussi de la programmation des conseils d'établissement.

Dans le cas comme celui de Madagascar, il aurait pu être retenu l'idée non pas d'une présence à l'ensemble des conseils d'établissements d'une circonscription de tous les conseillers consulaires mais d'une représentation du conseil consulaire, ce qui aurait pu répondre à la difficulté rencontrée dans de grandes zones. Vos rapporteurs invitent donc l'AEFE à ouvrir des nouvelles possibilités de représentation des conseils consulaires, plus adaptée à certaines circonscriptions.

Il a été confirmé à vos rapporteurs que le comité d'établissement est une instance qui existe dans l'ensemble des établissements homologués et que, par conséquent, la possibilité pour un conseiller consulaire de participer à un conseil d'établissement n'est pas limité par le statut de cet établissement (établissement en gestion directe, établissement conventionné, établissement partenaire).

Il convient aussi de souligner l'intérêt pour les gestionnaires des établissements d'associer les conseillers consulaires à leur gestion. Mieux ces derniers connaîtront leurs contraintes, mieux ils pourront relayer la situation locale auprès de l'administration et des responsables politiques.

En conclusion, vos rapporteurs ont constaté que les consignes relayées par l'administration centrale invitent, de manière univoque, à ménager une place aux conseillers consulaires et à leur permettre d'exercer leurs nouvelles attributions.

Il importe que les consignes claires de l'échelon central soient, d'une part, connues de l'ensemble des conseillers consulaires et, d'autre part, strictement appliquées par les chefs de poste.


* 1 Le CSFE comportait aussi des personnalités qualifiées nommées par le ministre des affaires étrangères ainsi que les parlementaires représentant les Français établis hors de France.

* 2 Conseil constitutionnel, 18 juillet 2013, n° 2013-673 DC.

* 3 Cette résolution a été adoptée par 97 voix contre 5 avec 15 abstentions.

* 4 Le même jour, était organisée l'élection des représentants français au Parlement européen qui, pour les Français établis hors de France, sont à nouveau rattachés depuis 2011 à la circonscription Île-de-France.

* 5 Arrêté du 20 mai 2014 portant aménagement de la compétence territoriale des conseils consulaires.

* 6 L'article 12 du décret du 18 février 2014 permet aux membres du conseil consulaire de participer aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, si le président du conseil consulaire en est d'accord.

* 7 L'article LO 141-4 du code électoral prévoit, dans sa future rédaction, que le mandat de député et, par renvoi de l'article LO 297 du même code, de sénateur est incompatible avec « les fonctions de président de l'Assemblée des Français de l'étranger, de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire ».

* 8 Circulaire n° 2261 de Mme Hélène Farnaud-Defromont du 23 septembre 2014 relative à l'organisation et au fonctionnement des instances des établissements d'enseignement français à l'étranger relevant de I'AEFE.

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