Seconde table ronde
Seconde table ronde
Le renouveau du tourisme dans les outre-mer
Un secteur pilote à structurer pour la mise en valeur
de patrimoines naturels et culturels exceptionnels



sous la présidence de Madame Karine Claireaux
Première séquence

Le tourisme dans les outre-mer
Un moteur pour l'innovation et un foisonnement d'initiatives pour
la mise en valeur de patrimoines naturels et culturels exceptionnels

Karine CLAIREAUX,
Sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon,
Présidente de la table ronde

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Je suis heureuse de prendre le relais de Jean-Pierre Philibert pour ouvrir notre seconde table ronde consacrée aux atouts de nos outre-mer et à la démonstration que le secteur du tourisme est un formidable outil de mise en valeur de leurs patrimoines naturels et culturels dont la diversité exceptionnelle fait la richesse et l'originalité de notre pays.

Dans sa dimension terrestre comme maritime la France, pour une large part grâce à ses outre-mer, présente une vaste palette de destinations tout autour du globe et chacune est capable d'offrir des prestations privilégiant le critère de l'authenticité et échappant à une comparaison avec les pays de l'environnement régional.

L'authenticité, recherchée par un public de plus en plus nombreux fatigué par la mondialisation et sa standardisation des produits, est la valeur de référence : l'authenticité est le sésame pour la mise en valeur tant des patrimoines naturels terrestres et marins que des patrimoines culturels liés à l'histoire des territoires et aux modes de vie des populations autochtones. Avec une douzaine de présentations, qui nous conduiront à opérer une rotation des intervenants pour laquelle je vous demanderai de faire aussi vite que possible car notre temps est compté, la première séquence de notre seconde table ronde est une magnifique invitation au voyage.

Et pour commencer, nous allons assister à une double démonstration de dynamique vertueuse avec la présentation de sites pilotes en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Laurent DARCY,
Directeur général adjoint du groupe Pacific Beachcomber

Au-delà du principe du SWAC ( Sea Water Air-Conditioning ), je vais évoquer le développement durable, bénéficiaire de nouvelles technologies et source d'expérimentations.

Le tourisme est un secteur dynamique, soumis à une forte concurrence au niveau mondial, d'où la nécessité de recourir à l'innovation technologique et de faire preuve de beaucoup de créativité. Le fil conducteur reste le développement durable. Au sein du groupe Pacific Beachcomber , nous avons la conviction que tout projet doit s'appuyer sur trois piliers - environnement, culture et société, économie - pour pouvoir durer et prospérer.

Ceci nous amène au cas de l'hôtel The Brando (ouvert en 2014) et du développement que nous avons mené depuis plusieurs années à Tetiaroa. Le projet a nécessité un temps de maturation très important. Nos discussions avec Marlon Brando ont commencé en 1999, le projet a continué à mûrir après sa mort en 2004 pour entrer dans une phase de réalisation active de près de huit ans. Le développement durable n'est pas un concept nouveau pour nous et concerne en réalité tout l'outre-mer français afin de faire face à la concurrence internationale qui nous presse tous.

À Tetiaroa, nous avions un grand nombre de défis à relever, notamment une nécessité d'autonomie en énergie renouvelable et l'objectif d'avoir une empreinte carbone neutre. Pour ce faire, nous avons recherché et mis en oeuvre des solutions à base de technologies innovantes, ce qui n'a pas toujours été aisé.

Pour l'anecdote, nous nous plaisons à souligner que le projet comporte une analogie avec le modèle très avant-gardiste de la voiture électrique Tesla : The Brando est à l'hôtellerie et au développement durable ce que Tesla est à l'automobile en quelque sorte... À Tetiaroa, les énergies renouvelables sont issues de panneaux photovoltaïques et de générateurs à base d'huile de coprah produite localement en Polynésie. En revanche, la climatisation par eau de mer des profondeurs n'est pas une source d'énergie mais un effacement de puissance, qui permet de diviser par deux nos besoins en énergie. La climatisation représente en effet pour nos hôtels la moitié des besoins de consommation d'électricité. Pour la gestion des différentes sources d'énergie renouvelable, des batteries de dernière génération, dites « batteries à flux », ont été installées.

Néanmoins, la haute technologie n'empêche pas la mise en place de solutions beaucoup plus conventionnelles, associées à une combinaison de bonnes pratiques pour parvenir à nos objectifs. Une approche diversifiée nous permet de traiter divers aspects (production d'eau, assainissement, tri et recyclage, compostage...) en combinant l'ensemble des métiers en parfaite complémentarité. À l'inverse de Bora Bora où l'assainissement et la production d'eau douce sont intervenus en 1990, nous devons assurer nous-mêmes l'ensemble des métiers correspondants et services à Tetiaroa.

Projection d'un film sur le SWAC 2 ( * )

La mise en oeuvre de la technologie du SWAC est une première mondiale polynésienne dont nous sommes fiers. Nous espérons qu'elle inspirera beaucoup d'autres opérateurs et communautés ultramarines françaises.

Une autre initiative s'appuyant sur une expérience pilote est l'installation à Tetiaroa d'une station de recherche scientifique chère à Marlon Brando. Ce développement dépasse d'ailleurs le cadre strict d'un développement hôtelier traditionnel. La station de recherche scientifique est gérée par Tetiaroa Society, association à but non lucratif ayant pour but de soutenir des programmes de recherche scientifique sur l'île dans les domaines aussi variés que celui de la biodiversité ou des patrimoines archéologique et historique, en utilisant des technologies de pointe.

À Tetiaroa, nous avons finalement réalisé la symbiose entre technologie et patrimoine naturel, et avons inscrit dans notre ADN l'expérimentation sous toutes ses formes. Le tourisme est l'un des secteurs désignés naturellement pour une telle démarche, en s'inscrivant dans la durabilité.

Corinne JUILLET,
Directrice adjointe France-Europe
de Nouvelle-Calédonie Tourisme Pointe sud

Présentation du site

Bienvenue en Nouvelle-Calédonie. Le projet du domaine de Deva est un bel exemple de développement touristique pleinement intégré dans son environnement naturel et humain. Il s'inscrit dans une vraie stratégie d'aménagement du territoire et de développement durable, associant à sa tête tous les acteurs locaux (institutions, population, entreprises privées) pour conjuguer développement économique, promotion culturelle et mise en avant du patrimoine culturel. Il participe au rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud de la Grande-Terre, tout en sublimant un site naturel exceptionnel.

Ce site, situé sur la commune de Bourail sur la Grande Terre, est à 170 kilomètres de Nouméa et à 100 kilomètres de Koné. Le domaine de Deva, propriété de la province Sud, présente de nombreux atouts. Sur sa superficie de 8 000 hectares, seulement 10 % seront aménagés tandis que l'espace restant sera dédié à la préservation et à la valorisation de l'environnement. On y trouve 10 % de la forêt sèche de Nouvelle-Calédonie, 13 kilomètres de plages de sable blanc bordant un récif et un lagon inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, une réserve naturelle marine, une faune et une flore riches avec une biodiversité et un taux d'endémisme exceptionnels. De plus, le patrimoine historique du site témoigne d'une longue histoire liée à plus de 3 500 ans de présence humaine, avec des vestiges archéologiques de poteries Lapita. Dans cette même région, se sont réfugiés les résistants kanak après l'insurrection de 1878.

Présentation du projet

Dans une volonté de favoriser le partenariat et une approche participative inédite, la province Sud a souhaité impliquer l'ensemble des populations locales, en créant la société d'économie mixte (SEM) Mwe Ara, qui regroupe la province Sud à hauteur de 26,5 %, le groupement de droit public local Mwe Ara (dont le statut juridique de propriété permet de regrouper des individus attachés entre eux par des liens coutumiers), la mairie de Bourail, la société de participation Bouraillaise de Deva (dont le capital est détenu par 600 bouraillais à la suite d'une souscription publique) ainsi que de Promosud (société de financement et de développement de la province Sud).

En outre, la gouvernance du Sheraton New Caledonia Resort & Spa est également partagée puisque l'actionnariat de l'hôtel est constitué à 85 % de la société des hôtels de Nouméa, à 10 % par le groupement de droit public local Mwe Ara et à 5 % par la société de participation Bouraillaise de Deva.

La SEM Mwe Ara est chargée d'assurer le développement touristique du site tout en conciliant les différents usages coutumiers, la nature, le tourisme et l'agriculture. Elle a également pour mission de favoriser la création d'emplois et les retombées économiques pour la région de Bourail dans une logique de préservation de l'environnement et de développement durable, de coordonner l'action des prestataires techniques et des entreprises, de permettre la réalisation des travaux d'infrastructures et de bâtiments, de gérer le domaine et de mettre en oeuvre le plan de gestion environnementale.

Le projet dans son ensemble représente un investissement de près de 20 milliards de francs CFP, soit environ 166 millions d'euros. Le domaine de Deva propose d'ores et déjà un Sheraton cinq étoiles de 180 clés réparties entre 60 bungalows, 40 suites et 80 chambres, intégrant une grande piscine, un spa, un kids'club et 3 restaurants. L'hôtel est ouvert depuis août 2014 et représente le plus grand projet hôtelier jamais réalisé en brousse (c'est-à-dire hors de Nouméa sur la Grande Terre). Le moteur de ce projet touristique est à la base des principales retombées économiques attendues pour la région de Bourail, avec notamment la création de 250 emplois directs et indirects.

À cet hôtel viendront s'ajouter sur le domaine un village-vacances de 45 bungalows d'une à trois chambres, 20 tentes safari Kruger, et 80 emplacements de camping aménagés. Un parc aquatique est également attendu sur le site.

Du point de vue des activités, un golf dix-huit trous attenant à l'hôtel est déjà ouvert. S'y ajoutent des parcours de VTT et de randonnée pédestre, des pistes de randonnée équestre, un centre de plongée bouteille et en apnée, des activités aériennes, de chasse et de pêche ainsi que d'autres sports maritimes. Les activités culturelles comprennent des visites en tribu kanak, la pratique de danses et l'écoute de contes, de même que l'observation de la faune et de la flore. Nous attendons encore la construction sur le site d'un sentier sous-marin et l'observation de la ponte et de l'éclosion des tortues marines du côté de la Roche Percée.

Du point de vue des activités tournées vers la terre, nous organiserons la reconstitution d'une tribu kanak traditionnelle, l'établissement d'un périmètre agricole respectant les traditions agro-pastorales de la région pour permettre à terme d'alimenter les infrastructures hôtelières en produits locaux et bio. Seront également construits un stock-yard , symbole de l'identité calédonienne et broussarde avec des activités de rodéo, une salle de vestiges archéologiques trouvés sur le site, un parcours de découverte de la biodiversité passant sur douze kilomètres de forêt sèche et humide, un laboratoire ornithologique, un sentier botanique... À noter également qu'un focus sera pratiqué sur le monde du rodéo et c'est en Nouvelle-Calédonie que vous pouvez rencontrer les seuls cow-boys français du Pacifique.

Il est possible de dresser un premier bilan de ce projet. Depuis dix mois d'exploitation de l'hôtel, les premiers résultats témoignent d'une réelle montée en puissance. 154 emplois directs ont d'ores et déjà été créés, représentant en masse salariale 314 millions CFP (2 632 000 euros). En outre, les recettes se sont élevées à 815 millions CFP (6 830 000 euros), dont 240 millions CFP (2 millions d'euros) entre octobre et décembre 2014. Ces résultats sont d'autant plus prometteurs qu'ils devraient augmenter avec la concrétisation de l'ensemble des autres composantes du domaine.

Deva s'inscrit pleinement dans son rôle de vaisseau-amiral du tourisme calédonien, dans l'intérêt supérieur du pays tel que déjà évoqué dans le plan de développement touristique concerté de Nouvelle-Calédonie dès 2005, et approuvé par l'ensemble des acteurs institutionnels du pays.

Je vous invite à venir découvrir ce très beau projet en plein épanouissement.

Laurent DARCY,
Directeur général adjoint du groupe Pacific Beachcomber

Ma seconde présentation concerne le tourisme comme mode de valorisation des patrimoines environnementaux, naturels et culturels ; elle est centrée sur le développement du groupe Pacific Beachcomber à Tetiaroa.

La diversification de l'offre touristique résulte de la valorisation des patrimoines à laquelle elle contribue. Il est nécessaire de s'appuyer sur des structures pérennes qui s'inscriront dans un projet de développement durable.

Tetiaroa Society est un vecteur de valorisation des patrimoines. La recherche scientifique permet de mieux faire prendre conscience à la communauté de certains enjeux. Le laboratoire dont nous disposons in situ attire des équipes de chercheurs en provenance d'établissements prestigieux du monde entier tels que l'université de Berkeley aux États-Unis, le Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (CRIOBE) et les plus hautes institutions de recherche françaises.

D'autres initiatives illustrent la symbiose entre tourisme et valorisation du patrimoine. En Polynésie, nous avons, à ses débuts, hébergé dans l'un de nos hôtels de Moorea l'association « Te mana o te moana » (l'esprit de l'océan). Celle-ci est aujourd'hui largement autonome et a mené des actions de recherche, de conservation et d'éduction.

À Tetiaroa, nous avons fédéré un grand nombre d'énergies politiques et associatives pour contribuer à la mise en place une zone de pêche réglementée visant à reconstituer la ressource halieutique.

Par ailleurs, Tetiaroa possède un grand nombre de sites archéologiques (« marae ») recensés depuis les années 1960 et même plus avant encore, dont beaucoup sont détruits par la nature ou perdus. Notre présence sur l'île a permis de remobiliser des scientifiques autour de programmes de recherche visant à la mise à jour de l'inventaire et à la restauration. L'expérience du visiteur est enrichie par des sentiers de découverte et des tours guidés.

Avec l'exemple de l'établissement d'un programme scientifique de surveillance des sites de ponte des tortues, il est constaté que notre présence sur l'île n'est pas incompatible avec la préservation de la biodiversité, bien au contraire. Cette surveillance aide à éliminer certaines formes de braconnage et à instaurer un code de bonne conduite pour certains visiteurs venus observer les oiseaux. Ces actions interviennent en collaboration avec les structures associatives pour un double bénéfice : valorisation de leur action et valorisation de notre fonds de commerce touristique.

Un dernier exemple plus original est celui de la lutte anti-vectorielle contre les moustiques. Notre développement à Tetiaroa nous a donné l'occasion de travailler avec l'Institut de recherche Louis Malardé de Tahiti, qui a réalisé des études de terrain à Tetiaroa avant de passer à une action de plus grande envergure. Les technologies employées avec succès sont nouvelles, consistant à lâcher des moustiques mâles stérilisants bloquant le processus de diffusion et de reproduction de cette espèce.

En définitive, à Tetiaroa, nous avons fait preuve de créativité et ainsi démontré que le développement touristique n'est pas incompatible avec la valorisation du patrimoine et la protection de la biodiversité.

CLAUDE RUPÉ,
Membre de l'inspection générale de l'Office national des forêts (ONF)

Je suppose que l'esprit qui a présidé à la constitution des tables rondes était de mêler des exposés très différents, ce qui est bien le cas. Je ne suis pas professionnel du tourisme mais gestionnaire forestier. Je vais donc vous parler de l'atout que constitue l'espace forestier pour le développement du tourisme dans les outre-mer.

Les forêts d'outre-mer représentent 9 millions d'hectares, soit 30 % de la forêt française, réalité généralement méconnue. Dans ce cadre, l'ONF intervient exclusivement dans les départements d'outre-mer et gère des forêts de l'État ou des collectivités, représentant 5 700 000 hectares.

L'enjeu forestier est double. Il s'agit, en premier lieu, de la préservation d'un environnement exceptionnel. En second lieu, la forêt est un atout pour l'attractivité du territoire ainsi que pour le développement du tourisme de nature. Nos actions en matière de tourisme de nature sont déjà anciennes et s'effectuent en partenariat étroit avec les collectivités locales. Par exemple, à La Réunion, les réalisations sont multiples. Le territoire dispose ainsi de plus de 1 000 kilomètres de sentiers de randonnée, tandis que le premier sentier de « grande randonnée » a plus de trente ans.

J'axerai mon propos sur quelques exemples dont les maîtres-mots sont l'adaptation, la cohérence et la recherche de qualité.

Elles concernent en premier lieu les équipements que nous avons récemment développés sur nos sentiers de découverte. Notre application dénommée « Sylvascope » nous a ainsi permis de créer des sentiers interactifs en Guadeloupe.

L'enjeu est d'adopter des moyens de communication actuels, à savoir des tablettes multimédias accompagnant les parcours de randonnée, permettant aux visiteurs de découvrir la flore et un certain nombre d'éléments patrimoniaux au travers d'autres vecteurs que les panneaux d'information. Quelques exemples sont visibles en métropole et nous venons d'adapter des équipements similaires en Guadeloupe. Pour l'heure, trois sentiers sont en cours d'équipement. D'ici deux mois, une adaptation sera disponible sur smartphones - alors qu'actuellement les matériels doivent être empruntés et restitués - pour permettre une découverte en toute autonomie.

La réalisation est partenariale, développée avec les accompagnateurs de moyenne montagne. Je n'en dirai pas davantage sur le sujet, sinon qu'il s'agit de participer à une structuration de ces équipements de pleine nature. Le produit est ainsi très complémentaire de l'excellent produit « rando-Guadeloupe » piloté par le Parc National, dans le cadre d'une offre rénovée. Dans cet exemple comme dans d'autres, les produits nature s'adressent tout autant au tourisme intérieur qu'au tourisme extérieur.

En deuxième lieu, je vais m'appuyer sur l'exemple des réalisations en Forêt domaniale du Littoral en Martinique.

Dans les Antilles, une partie majoritaire du trait de côte est constituée d'espaces encore naturels, gérés pour une part importante par l'Office national des forêts sachant que le Conservatoire du littoral en gère une autre partie. En matière de tourisme, ces territoires concentrent des enjeux importants de protection mais également de développement. Une action de partenariat déjà ancienne avec la région Martinique a abouti, il y a quelques années, à une typologie de ces sites. Ceux-ci sont déclinés en espaces sauvages, espaces de pleine nature, espaces-confort et sites phares (site des Salines en Martinique). Le souci est d'adopter une logique et une cohérence dans les équipements, basées sur cette typologie : cela va donc de l'absence d'équipements en site sauvage à des équipements plus lourds sur les sites de confort et les sites forts.

L'objectif recherché des équipements les plus importants répond à des principes simples : adaptation au site et réversibilité en privilégiant le matériau bois, séparation des flux et d'une manière générale recul des véhicules, protection des milieux naturels et information du public, accueil de tous les publics y compris des personnes à handicap. De manière générale, ces sites ont tous le label Handi-plages.

En conclusion, l'objectif recherché est donc, je le répète, la cohérence ainsi que la lisibilité globale de ces équipements. Le stade suivant de valorisation des réalisations passe par la collaboration avec les offices du tourisme ainsi qu'avec un certain nombre d'autres acteurs dont le rôle sera d'apporter une information globale sur les différents équipements disponibles.

Finalement, lorsqu'on recherche des éléments de différenciation en matière de tourisme outre-mer, on constate que la structuration du tourisme de nature est un atout fort des territoires. En effet, les espaces tropicaux dans lesquels il est possible de se promener en toute sécurité, en profitant d'équipements de qualité et suffisamment nombreux, ne sont pas légion. Il s'agit d'une véritable chance pour l'outre-mer.

Hilaire BRUDEY,
Président du Comité du tourisme des Îles de Guadeloupe (CTIG)

Mon intervention s'inscrit dans la suite de celle de mon prédécesseur, c'est-à-dire dans la valorisation du patrimoine naturel et de l'identité culturelle. Au vu des résultats des ébauches d'expériences que nous avons menées dans le passé, notamment auprès du grand public, nous avons décidé qu'il fallait faire autrement. C'est pourquoi avec l'académie de la Guadeloupe et le Comité du tourisme de la Guadeloupe, nous avons, après deux ans de gestation et de réflexion, élaboré la Valise Pédagogique destinée aux enfants de CM1 et CM2.

Présentation de l'expérience

Depuis l'an dernier, cette expérience est entrée en vigueur dans les cent premières classes du cycle 3 de Guadeloupe. La Valise a pour objectif d'apprendre aux élèves et enseignants de l'archipel de Guadeloupe - constitué de cinq îles : Basse-Terre, Grande-Terre, Marie-Galante, La Désirade et les Saintes - à travailler ensemble et à collaborer de façon pédagogique sur la notion : « Mon île je la connais, je la protège, je participe à son développement et j'en suis responsable. Le tourisme ? sé nous tout? ». Vous avez certainement vu sur les affiches ou le film institutionnels publicitaires la notion fortement développée selon laquelle le tourisme nous concerne tous.

La Valise est avant tout un outil ludo-éducatif à destination des élèves et des enseignants. Elle est composée d'une carte de la Guadeloupe servant de base de travail aux activités des enfants pendant l'année scolaire. Elle contient également une boîte de six puzzles avec les identités des différentes îles, des affiches thématiques sur la faune et la flore, des jeux de dominos... Pour bien identifier les classes, des tee-shirts ont été distribués à l'ensemble des élèves participant à l'opération. Un carnet de bord pédagogique à destination de l'enfant et de l'enseignant est inclus dans la valise. Par ailleurs, dans la mesure où la démarche s'inscrit dans la notion de développement durable et de valorisation du patrimoine, nous avons intégré à l'outil la charte Lanzarote de 1995. Cette charte fait l'apologie du développement durable et de ce qui est économiquement supportable sur une économie insulaire à présence touristique relativement importante.

L'élément majeur est caractérisé par le fait que l'ensemble du dispositif est disponible sur tablette numérique.

Bilan de la phase expérimentale

La composition de l'outil a nécessité une phase expérimentale sur les cent classes entre 2014 et 2015. La première phase opérationnelle a comporté un aspect interdisciplinaire, avec des résultats impressionnants. 100 % des enseignants ont utilisé le dispositif dans le cadre des arts visuels, 94 % en culture humaniste, 83 % en français pour les besoins notamment du langage oral, du vocabulaire et de la rédaction, 60 % en sciences expérimentales et 37 % en éducation musicale.

85 % des enseignants utilisent la tablette numérique, 83 % pensent que son utilisation est intuitive et 90 % des films sont étudiés en classe. Par ailleurs, 100 % des professeurs ont reconnu la bonne qualité des films et 65 % des pages du carnet de bord de l'élève sont complétées, ce qui démontre l'intérêt porté par les enfants. Les utilisations des tablettes par les élèves pour accéder à la carte interactive des îles ont atteint 95 %. De plus, 95 % ont utilisé les posters, 80 % ont porté le tee-shirt, 70 % ont utilisé les puzzles et 60 % ont joué aux dominos.

La phase expérimentale a en outre nécessité des sorties pédagogiques, 28 en Basse-Terre et 22 en Grande-Terre. Ces deux îles sont reliées par voie terrestre alors que les autres îles nécessitent des sorties par voie maritime et voie aérienne, ce qui implique un encadrement plus important de la part des enseignants et la mobilisation aller-retour pendant une journée entière. Les Saintes, la Désirade et Marie-Galante ont néanmoins été visitées.

Un autre aspect du bilan de la phase expérimentale a porté notamment sur la connaissance et les compétences acquises par les élèves. Il en ressort clairement que la Valise pédagogique constitue un outil efficace pour relancer la motivation des élèves, surtout ceux qui sont en situation de décrochage, et pour manipuler des outils informatiques (installation, réglage, etc.). La Valise contribue également au renforcement de l'autonomie, de l'esprit d'initiative et de l'estime de soi, et permet d'acquérir une rigueur et un esprit critique sur le projet individuel ou collectif. Aux dires des professeurs, les élèves ont véritablement pris conscience de la valeur de l'environnement, et seront certainement des ambassadeurs de la défense du patrimoine des îles de Guadeloupe. Ils ont appris à utiliser systématiquement le vocabulaire spécifique (touristique, cinématographique) à l'oral et à le réinvestir à l'écrit. Ils savent décrire une image et localiser un espace avec précision. Les élèves ont adopté une attitude responsable, et il a été manifeste de constater des différences de comportements avec les déchets dans la cour ou dans la rue.

De l'avis général des enseignants, l'opération a permis de renforcer la connaissance du patrimoine matériel et immatériel local, pour une meilleure transmission. Une enseignante a même affirmé connaître elle-même mieux son territoire, pour enseigner ensuite différemment.

Retombées médiatiques de l'expérience

Il a été surprenant de constater les retombées médiatiques de l'initiative, notamment dans les journaux télévisés de France Ô et dans la presse écrite nationale telle que Le Figaro. Nous avons reçu le prix spécial du jury aux Trophées de l'Écho touristique.

Notre plus grande surprise provient du fait que le CTIG ait été contacté par l'Association des États de la Caraïbe (AEC) pour examiner ensemble les conditions de mise en place dans la zone du même dispositif, transposé sur d'autres territoires. Le rectorat est aujourd'hui contacté dans le même sens par la Barbade et la Louisiane.

Conclusion

Nous avons pris la décision de généraliser le projet Valise pédagogique à l'ensemble des classes de CM1-CM2 de la Guadeloupe d'ici le 30 octobre prochain, soit 286 classes au total (270 dans le public et 16 dans le privé). L'effort a nécessité un engagement budgétaire important de la part du conseil régional de la Guadeloupe.

Le projet sera généralisé à la rentrée 2016-2017 notamment auprès des collèges.

Source : Publicis CaribeAD

Élisabeth BUTIN DE ROZIÈRES,
Chef de cuisine, Auteur et Animatrice de télévision

Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette réunion sur les enjeux du tourisme en outre-mer et la mise en valeur de leurs patrimoines naturels et culturels exceptionnels qui fait l'objet de la table ronde n° 2.

Qui peut encore douter que le tourisme est un vecteur de développement économique pour les outre-mer ? Personne.

Je vous ferai grâce des chiffres que tout le monde connaît : 10 % du produit intérieur brut (PIB), 24 000 emplois. À La Réunion, les recettes du tourisme dépassent celles de l'agriculture : 314,7 millions d'euros.

Et plutôt que de nous apitoyer, je m'inscris dans une démarche positive en proposant des actions concrètes qui pourraient être mises en place rapidement pour sortir de la crise dans les domaines de ma spécialité.

Nous disposons de tous les atouts pour réussir et faire du tourisme un secteur porteur d'avenir sur le plan économique. C'est une question de volonté politique.

Depuis 2007, j'ai soumis aux différents ministres qui se sont succédé à l'outre-mer un plan d'action simple pour préserver et promouvoir le patrimoine culinaire des outre-mer.

Il est temps de se retrousser les manches et d'agir.

Plusieurs rapports ont été faits sur le sujet - un chaque année en moyenne - :

- le rapport de Monsieur Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, que je salue également, au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, de mars 2011 à l'occasion de l'année des outre-mer ;

- le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) ;

- le rapport de la Cour des comptes de février 2014 ;

- et le dernier en date à la demande de Monsieur Laurent Fabius par le Conseil de promotion du tourisme et Atout France. J'ai moi-même été auditionnée au Quai d'Orsay.

Les rapports, une fois écrits, doivent pouvoir être suivis d'effets concrets.

Mais avant d'examiner les propositions que je formule concrètement il y a un préalable à observer : il faut que le tourisme soit en harmonie avec le milieu et la société au sein desquels il est appelé à se développer.

Ce que le sénateur Magras a appelé un « tourisme intégré ». Et l'idée « d'îles vertes », et pas seulement plages et cocotiers, me semble aller dans le bon sens.

Voilà ce que je vous propose, chaque destination d'outre-mer doit avoir un positionnement spécifique en fonction de ses propres atouts pour diversifier l'offre. C'est un vaste chantier à mettre en oeuvre qui devrait revenir au ministère des outre-mer, qui doit avoir un rôle d'incitateur et de coordonnateur.

Il y a urgence à intervenir car la situation se dégrade rapidement depuis l'année 2000 sous l'effet de la pauvreté de l'offre locale et de la régression du trafic aérien.

En Martinique, en mars 2015, a été mis en place un « schéma directeur de développement hôtelier et para-hôtelier », qu'il faudra appliquer.

À La Réunion, un comité d'orientation stratégique du tourisme (COST) est co-présidé par le préfet et le président du conseil régional.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, un programme opérationnel du tourisme a été créé.

Des accords avec des compagnies aériennes européennes, notamment la compagnie norvégienne, pour desservir la destination Guadeloupe ont été signés.

Je salue au passage le comité du tourisme des îles de Guadeloupe et Atout France à ce sujet.

À l'occasion de mon déplacement à New-York pour organiser le repas des soixante-dix ans de l'ONU, j'ai reçu dans ma chambre d'hôtel les représentants de la compagnie norvégienne et les responsables du comité du tourisme des îles de Guadeloupe pour lancer officiellement devant la presse américaine la desserte des Antilles.

Mais il faut faire davantage, et le tourisme métropolitain et européen est insuffisant.

Il faut renouer avec le tourisme d'Amérique du Nord qui est à seulement quatre heures d'avion. Ceci permettra d'atténuer les effets de la saisonnalité surtout si l'on cible la clientèle des seniors, disponible toute l'année.

Pour cela il faut repenser le parc hôtelier qui a rencontré d'énormes difficultés liées principalement à l'instabilité du secteur social. Des incitations, sous forme d'aides publiques, sont nécessaires, la défiscalisation ayant montré ses limites. Il faut s'inscrire dans une démarche de qualité, seule capable de drainer le tourisme de masse. Le parc hôtelier est obsolète. Je salue les efforts entrepris par mon ami Daniel Arnoux qui a rénové son établissement de Gosier.

Voilà ce que je vous propose, pour ce que je connais le mieux, à savoir la gastronomie qui fait partie du patrimoine culturel de nos territoires : un véritable plan de sauvetage qui aura des répercussions concrètes immédiates pour préserver et promouvoir nos patrimoines culinaires.

Vous savez tous que ce que l'on retient d'un pays que l'on découvre, c'est ce qu'on y a mangé. Il convient donc de préserver ce qui existe, de protéger notre patrimoine culinaire et de le promouvoir.

Il faut d'abord l'identifier : collecter et identifier les éléments qui le composent, en faire l'inventaire et dresser un état des lieux dans chacun de nos territoires :

- les pratiques culinaires ;

- les modes de conservation, de cuisson ;

- les recettes ;

- les tours de mains ;

- le savoir-faire ;

- les écrits et leurs auteurs ;

- les acteurs.

Il s'agit de constituer un fonds pour en assurer la conservation et permettre une meilleure transmission de nos savoir-faire, de nos coutumes.

Ce premier travail est un travail de réflexion et de recherche sur les sources, les influences historiques, les moeurs...

Une fois identifié, nous pourrons protéger ce patrimoine et le promouvoir. La promotion se fera localement et sur le plan national :

1) auprès des jeunes :

- il faut recruter des maîtres spécialisés dans les écoles : les jeunes ne connaissent ni les produits de leurs terroirs, ni la façon de les préparer. La cuisine créole n'est enseignée dans aucun des lycées professionnels d'outre-mer : c'est un comble !

- il faut organiser des ateliers de cuisine, des semaines du goût, des visites pédagogiques sur les sites, des stages, des apprentissages, des animations, des concours culinaires, des foires, des salons, des colloques, des émissions de télévision ;

- il faut créer un diplôme de spécialité créole dans nos écoles hôtelières, une filière diplômante à l'université sur l'histoire de l'alimentation sur le modèle de ce qui existe à l'université de Tours ;

2) auprès des professionnels :

- développons la formation continue, les stages et les séminaires ;

- ouvrons des cours de cuisine pour adultes, des stages, des séminaires et multiplions les échanges ;

- mettons en place un menu créole type destiné aux touristes auprès des restaurateurs adhérents à une charte.

Les acteurs institutionnels, les organisations professionnelles, les producteurs seront mis à contribution.

J'ai déposé auprès des ministres des outre-mer qui se sont succédé un plan détaillé qui reprend tous ces points et ce, depuis 2007. Aucun n'a répondu, sauf Monsieur Yves Jego qui n'a pas eu le temps de le mettre en place, victime d'un remaniement ministériel.

J'ai créé en 2015 le Salon de la gastronomie des outre-mer, dont on se demande pourquoi il n'a pas été créé plus tôt. C'est une vitrine exceptionnelle pour nos producteurs, nos transformateurs et nos restaurateurs. Je vous invite à consulter le site www.sagasdom.com pour ceux que cela intéresse. La deuxième édition aura lieu en 2016 du 12 au 15 février.

Un grand projet doit voir le jour prochainement à Paris-Rungis : la cité de la gastronomie ; et je peux vous annoncer que je m'emploie à ce que les outre-mer aient une place de choix parmi toutes les cuisines régionales françaises et toutes les cuisines du monde qui seront représentées.

L'outre-mer doit occuper la place qui lui revient.

À nous d'agir en responsables avec détermination et dévouement pour ce qui est notre richesse : notre culture et notre savoir-faire. Faisons en sorte qu'on ait envie de venir chez nous, goûter au charme de nos îles. Et prouvons à ceux qui en doutent que nous savons aussi recevoir.

Grégoire GUEDEN,
Directeur des rhums Clément, Chargé de mission de la Fondation Clément

Pour accompagner un bon plat, fût-il créole ou originaire de La Réunion, rien de tel qu'un bon rhum. Je vous en parlerai autour d'un échange d'expérience que nous menons en Martinique depuis une trentaine d'années, davantage qu'au travers d'un exposé très formel.

J'ai la chance de travailler pour le groupe privé GBH et d'avoir en charge ses activités rhum à la Martinique. Nous possédons en effet deux sites très importants : l'habitation Clément, sur la commune du François, et le site de la distillerie JM dans le Nord de la Martinique, sur la commune de Macouba. Nous sommes des producteurs et vendeurs de rhum mais non, a priori, des opérateurs de la culture. Pourtant nous sommes devenus par la force des choses, quarante ans après avoir fait l'acquisition de ces entreprises, opérateurs dans les secteurs du tourisme et de la culture. Rétrospectivement, tout ceci a beaucoup de sens pour une entreprise qui a besoin de promouvoir ses produits, son terroir et son origine. Ainsi, nous sommes amenés à parler autant de la Martinique que de nos produits, car mieux le territoire sera valorisé et plus nos produits le seront aussi. J'en veux pour exemple le whisky et l'Écosse, les vins de Bordeaux et la Gironde, la Champagne et le vin éponyme... Force est de constater, en tant qu'opérateur local, que les principaux vecteurs de développement sont ceux ayant trait au tourisme. Nous considérons par conséquent que le fait de prendre part à cette aventure constitue un acte citoyen et responsable. En enrichissant l'offre touristique de la Martinique, nous enrichissons à notre mesure l'attractivité de la destination.

Après nous être intéressés au rhum, nous avons opéré un certain nombre d'investissements à valeur plus patrimoniale que commerciale. En 1996, nous avons fait classer monument historique l'habitation Clément. Ce site, siège de l'entreprise, avait pour vocation d'accueillir notre activité économique plutôt que des touristes, mais nous avons pris conscience de l'opportunité de son ouverture au public. Cette ouverture enrichit l'offre touristique de la Martinique tout en faisant prendre de la valeur à notre marque. D'année en année, les partenariats avec le Comité du tourisme de la Martinique (CMT) se sont noués et nous sommes ainsi devenus l'un des sites les plus visités de la Martinique avec aujourd'hui plus de 100 000 visiteurs annuels. Ces visiteurs découvrent à la fois le patrimoine culinaire, au travers de la boisson, et le patrimoine historique de cette entreprise et de la famille Clément, très emblématique de la Martinique et toujours présente.

Nous nous sommes également intéressés à la nourriture spirituelle, en procédant à la promotion de la culture. Cette démarche s'est enchaînée assez naturellement avec la précédente, du fait de la volonté plus personnelle du propriétaire de l'entreprise de prendre part à une dynamique autour des artistes locaux. Le département de la Martinique étant, comparativement à d'autres départements, plus pauvre en termes d'infrastructures culturelles, nous avons décidé il y a quelques années d'y loger une fondation d'entreprise reconnue d'utilité publique, dont la vocation est de donner aux artistes un lieu d'exposition. La fondation n'est pas un musée mais agit dans une optique de mécénat, en aidant les artistes martiniquais, guadeloupéens, guyanais, originaires de toute la Caraïbe et même ceux qui étaient partis vivre en métropole ou aux États-Unis. Il est important de les faire revenir pour avoir des échanges d'expériences très diverses.

À ce jour, près de 140 artistes se sont produits à travers différentes expositions individuelles ou collectives. Sur notre site atypique, plus de 100 000 visiteurs se croisent chaque année et bénéficient d'une offre diversifiée : un produit, le rhum ; une histoire et un patrimoine, ceux de la Martinique et de l'entreprise ; une offre culturelle. Les artistes souvent surprenants disposent d'un lieu de liberté d'expression totale, ce qui constitue un atout pour la Martinique. Nos plages sont magnifiques, notre gastronomie est exceptionnelle, mais nous avons dans la zone Caraïbe des concurrents tout aussi bien dotés en gastronomie et en plages. C'est pourquoi nous devons prendre le pas sur nos voisins en jouant la carte de l'identité et de la culture française.

Le partenariat privé-public fonctionne bien et sera enrichi d'ici quelques mois d'un nouveau bâtiment de 1 500 mètres carrés pour accueillir des expositions encore plus vastes mais tout aussi magistrales que les précédentes. Je pense notamment à l'exposition Césaire, Lam, Picasso « Nous nous sommes trouvés », organisée en 2013 pour le centenaire de la naissance d'Aimé Césaire, et que nous avons fait venir du Grand Palais. Notre nouveau bâtiment sera inauguré en janvier 2016 et représentera une belle vitrine culturelle pour la commune du François. Il sera inauguré par l'exposition du peintre haïtien Hervé Télémaque, qui vient juste d'être démontée du Centre Pompidou. C'est vous dire la qualité de l'offre culturelle qui sera proposée aux touristes et à la population martiniquaise.

Danièle LE NORMAND,
Présidente de La Saga du Rhum,
Directrice générale adjointe du groupe Isautier

Mon intervention se veut pragmatique et traduira en quelques minutes la logique qui m'a amenée à créer le musée « La Saga du Rhum » à La Réunion, sur le fondement de la conviction que le rhum de La Réunion est une part de notre patrimoine et qu'il faut le partager et le valoriser.

En tant que réunionnaise, j'adore mon île que je considère comme la plus belle, et dès lors je souhaite que le monde entier la découvre et s'émerveille de ce qui en fait une île unique, comme l'a si bien chanté Jacqueline Farreyrol.

Mais comment caractériser cette unicité exceptionnelle sans trahir l'authenticité qui fait de La Réunion une île à part ?

Cheffe d'entreprise passionnée du secteur touristique, je considère le tourisme comme le pilier incontournable d'une croissance économique organisée et d'un épanouissement social au regard de tous les emplois qui y sont associés. Mais à condition d'inscrire la vision du tourisme dans une stratégie de territoire, ce que nous permet notre statut, notre géographie, notre relief, notre géologie, notre histoire mais aussi et surtout les Réunionnais !

Cette stratégie de territoire demeure bien difficile à définir et surtout à partager. Pourtant, choisir de combiner la différenciation pour construire une destination pertinente, de garantir la cohérence de l'offre produits pour tenir les promesses, et bien sûr de valoriser les atouts du territoire dans une logique entrepreneuriale d'excellence, c'est possible.

Le projet de territoire touristique, c'est l'affaire de tous, État, collectivités locales, institutions et associations, acteurs privés, sous réserve de comprendre que nous avons un patrimoine riche, très diversifié, et qu'il faut développer dès aujourd'hui nos projets car chaque jour qui passe est un jour perdu.

C'est dans cet état d'esprit qu'en 2003, convaincue de la puissance historique de La Réunion sur la route des Indes et des épices aux XVIII e et XIX e siècles, de la force évocatrice du rhum dans l'imaginaire des voyageurs du monde, de la dimension économique et internationale de ce produit, j'ai porté la création d'un musée du rhum de La Réunion.

Les études de faisabilité ont conduit à identifier que, dès la prise de possession de La Réunion en 1665, la canne à sucre y a été introduite pour produire de l'arack pour les marins. Dès lors, toutes les recherches sur le rhum à La Réunion ont convergé autour d'un produit noble né de l'agriculture si essentielle en économie insulaire, des savoir-faire industriels qui ont forgé l'excellence du produit et les reconnaissances mondiales d'hier et d'aujourd'hui, d'une histoire humaine qui, du peuplement à maintenant, a fait de ce territoire une île unique. La Saga du Rhum était née, ou presque, avec l'énergie de vouloir partager nout' patrimoine.

En quelques mois, de mai à décembre 2003, la décision a été prise de créer un équipement touristique culturel muséal et les trois distilleries, sortant de leur business « classique », se sont engagées sans hésitation.

C'est un investissement lourd de 2,4 millions d'euros qui a été réalisé, soutenu par 760 000 euros de subventions régionales et européennes, mais sans défiscalisation car il était impossible d'apporter la preuve à l'avance que le musée recevrait majoritairement des touristes.

Business plan à l'appui, l'aventure a démarré réellement en 2008, le chikungunya étant passé par là en 2005-2006 avec ses menaces sur la fréquentation touristique de La Réunion. La Saga du Rhum a généré dès l'ouverture le recrutement de huit salariés, aujourd'hui ils sont douze dont des historiens de niveau BAC + 5 et même une jeune ethnologue réunionnaise !

Si le chiffre d'affaires est toujours insuffisant pour l'équilibre du musée malgré ses 36 000 visiteurs qui sont à 82 % des touristes, la boutique de la Saga témoigne d'un dynamisme remarquable et confirme que le rhum de La Réunion a une identité, fait rêver, passer de bons moments, découvrir l'excellence d'un produit de tradition, plonger dans l'histoire de notre île. C'est un vrai patrimoine, tout en constituant aussi un vrai pilier économique, troisième produit d'exportation de La Réunion en valeur.

En attendant de pouvoir vous accueillir sur site pour une visite, je vous remercie de votre attention.

Claude SUZANON,
Président du Parc amazonien de Guyane

La photographie du fromager de Saül qui nous a permis de remporter le concours du plus bel arbre de l'année 2015 sous l'égide du magazine Terre Sauvage symbolise, à elle seule, « la porte d'entrée » du Parc amazonien de Guyane (PAG). Saül est pourtant une île posée au milieu de la forêt amazonienne et de la Guyane. Seul l`accès aérien est possible mais les possibilités offertes pour le développement touristique sont fortes.

Le tourisme est, bien entendu, l'une des voies vers lesquelles se tournent les collectivités et le Parc amazonien de Guyane. Saül, qui fait partie du « coeur de Guyane », est donc l'exemple d'un tourisme dit d'opportunité. Le PAG incite les opérateurs à développer une véritable identité, à la fois « propre au village » mais également liée à la symbolique « porte d'entrée du Parc ».

Un patrimoine naturel exceptionnel

L'enjeu que représente pour la Guyane le développement d'un tourisme durable au sein du Parc amazonien apparaît comme une évidence : nous disposons en effet d'un patrimoine naturel exceptionnel, reconnu sur le plan scientifique au niveau international, et nous avons la chance de pouvoir témoigner d'un patrimoine culturel traditionnel totalement vivant et multiple, notamment celui des populations amérindiennes et bushinengué.

Nous avons une responsabilité dans la préservation d'un tel niveau de biodiversité pour les générations futures : maintien des équilibres, patrimoine génétique, lutte contre les changements climatiques, substances encore méconnues pour la pharmacopée et la médecine...

Des cultures vivantes

Les particularités territoriales de la Guyane appellent à des échanges multiculturels accompagnés par le PAG, entre les bassins de vie, entre les zones sud et nord, entre les écarts et les bourgs, entre les fleuves majeurs que sont l'Oyapock et le Maroni.

La démarche du parc se base sur une participation des populations dans l'identification des besoins à travers une approche participative, dans l'intégration des projets de développement économique durable au sein des stratégies développées avec les collectivités, et dans une mise en oeuvre où les micro-entreprises et les agents du parc sont pour partie issus des communautés.

Des savoirs et savoir-faire traditionnels

La protection et la valorisation des savoirs et savoir-faire utilitaires, artisanaux, agricoles, en matière de chasse et de pêche, ne sont pas que patrimoniales : elles contribuent au développement par l'association des pratiques traditionnelles et des techniques modernes, elles valorisent les usages et les usagers.

Le contexte guyanais : une surface de 3,4 millions d'hectares en bordure d'Amazonie.

C'est le plus grand parc national des pays européens et le deuxième du monde. Situé à 7 000 km de Paris et à 1 500 km des Antilles, une superficie supérieure à la Belgique, le PAG partage 450 km de frontière avec le parc national brésilien des montagnes Tumucumaques formant ainsi 7,1 millions d'hectares d'espaces amazoniens protégés. Le PAG est un extraordinaire réservoir de biodiversité et de stockage de carbone. Mais des contraintes existent, notamment, l'isolement et l'accès aux services pour les populations.

Le Parc amazonien de Guyane

Je voudrais rappeler quelques dates :


• 4 juin 1992 : Sommet de Rio - protocole d'accord État-collectivités locales pour la création d'un parc national dans le sud de la Guyane ;


• 2006 : nouvelle loi sur les parcs nationaux qui vise à prendre en compte le développement économique durable du territoire et à associer davantage les collectivités locales ;


• 27 février 2007 : décret de création du Parc amazonien de Guyane.

Le PAG dont l'activité a démarré en 2007 est le fruit d'une longue histoire : il a en effet fait l'objet d'une longue maturation et d'une phase de concertation importante auprès des populations. L'intégration était un facteur de réussite primordial du fait d'un nécessaire rééquilibrage socio-économique des zones habitées concernées par son emprise. Au niveau national, il représente un enjeu fondamental du fait de sa superficie et de sa situation géophysique si particulière.

En effet le PAG fait partie des parcs de nouvelle génération dont l'objectif est :

- de préserver les patrimoines naturels dans un esprit de responsabilité et d'attractivité mondiales ;

- de valoriser les savoirs et savoir-faire, en respectant les modes de vie et la transmission des cultures traditionnelles ;

- de développer durablement les territoires par l'artisanat, l'agriculture vivrière et l'écotourisme ;

- d'impliquer les populations locales, en promouvant l'écoute et le partage.

Un enjeu économique et social important

La mise en valeur raisonnée de ce patrimoine présente un enjeu économique et social important du fait d'un nécessaire rééquilibrage du développement des zones isolées de l'intérieur de la Guyane, qui elles-mêmes croissent sur le plan démographique et pour lesquelles une ouverture vers l'extérieur est nécessaire, voire inévitable, tout en sachant préserver les patrimoines. Il y a là une démarche originale où la notion de développement durable prend tout son sens :

L'écotourisme : un défi pour les populations

Le positionnement du Parc amazonien, conformément à la Charte du PAG (2014), consiste à :

« Orienter les activités qui se développeront et accompagner la mise en place à terme d'un tourisme par, pour et avec les populations actuelles et les générations futures » (Charte du PAG, 2014), dans le cadre d'un développement durable, c'est-à-dire avec un écotourisme :


• choisi, maîtrisé et mis en oeuvre par la population ;


• valorisant les savoirs, savoir-faire et les valeurs des communautés ;


• adapté aux modes de vie et respectueux des milieux ;


• éco-responsable et intégré ;


• professionnalisé et viable économiquement.

L'évolution de la clientèle touristique au niveau local national et international joue en faveur de la Guyane : le tourisme de découverte fait place au tourisme de farniente , le tourisme d'aventure est plébiscité par les médias et les usagers de caméras d'action, la curiosité des Guyanais eux-mêmes les poussent à découvrir l'intérieur.

L'isolement et les moyens de communication parfois plus complexes qu'ailleurs mais parfaitement surmontables sont des contraintes pour les hébergeurs qui deviennent des qualités pour les visiteurs.

Le PAG s'inscrit dans une démarche de développement d'un écotourisme durable : conception de circuits, cartographie touristique, formation des opérateurs, aménagements, toujours avec l'aide des collectivités et des populations locales, en favorisant le renforcement de compétences, créant de la valeur ajoutée, aidant à l'installation de micro-entreprises créatrices d'emplois et d'autonomie.

Destination Maroni : savoirs et savoir-faire moteur de l'écotourisme et du développement

Avec une position centrale sur le fleuve Maroni, des communautés de cultures très différentes (Amérindiens, Bushinengué, Créoles, Métropolitains...) peuvent apprendre à apprécier leurs traditions respectives, vivantes, tout en favorisant le développement de l'économie locale et la reconnaissance sociale des savoirs traditionnels. Les effets induits sont nombreux : en dehors de l`événement lui-même, la sauvegarde du patrimoine culturel, respectant la gestion rationnelle des ressources naturelles et la consolidation des circuits de commercialisation sont complémentaires à l'offre du tourisme nature.

Une valorisation locale des savoir-faire : un marché artisanal à portée régionale à Maripasoula

L'objectif du marché est multiple :

- fournir une reconnaissance des savoirs et savoir-faire artisanaux, culinaires, considérés comme appartenant au patrimoine vivant ;

- constituer un appui à la structuration des filières ;

- acquérir une renommée pour améliorer la fréquentation ;

- être un lieu d'échanges interculturels de première importance ;

- et développer des portées à caractère commercial.

Le marché artisanal de Maripasoula est devenu le rendez-vous incontournable de l'année pour la commune. Ayant pour objet de valoriser les savoir-faire, de favoriser la micro-entreprise, il devient un événement touristique (pour le tourisme local en grande partie) qui encourage les visiteurs à découvrir cette partie de la Guyane, voire à approfondir sa connaissance par des excursions.

Les attentes sont nombreuses pour que cet événement régulier puisse déboucher sur de solides filières de développent économique que le PAG accompagne.

La co-construction de carbets traditionnels fonctionnels

Les carbets ont une fonction vitale pour la vie communautaire et favorisent une transmission intergénérationnelle des savoirs et savoir-faire amérindiens. Ils font également vivre la tradition et préservent la mémoire.

En pays amérindien également, les évolutions générationnelles fragilisent, à travers la modernité, les savoir-faire traditionnels, les repères ancestraux, les principes de communication et de transmission au sein de la communauté ou de la famille. Les carbets traditionnels qui servent à la fois à la prise de décision communautaire, aux fêtes et à l'accueil des visiteurs (dont les touristes de passage), malgré leur fonction vitale, ont tendance à disparaître faute d'entretien du fait des coûts.

La démarche vise à relancer la restauration ou la co-construction de carbets fonctionnels avec les communautés elles-mêmes, la transmission intergénérationnelle des savoirs et savoir-faire amérindiens permettant aux anciens d'apprendre la construction traditionnelle aux jeunes. Il s'agit de faire vivre la tradition et de préserver la mémoire.

Ces restaurations, où les populations autochtones sont motrices, participent à la diversification de l'offre touristique, au-delà du classique hébergement ou du bivouac aménagé, par l'accueil directement au sein des communautés.

Une valorisation locale des savoirs : l'utilisation de la toponymie dans la cartographie :

- favorise un dialogue entre les populations, les scientifiques, les techniciens. C'est un élément du patrimoine et des savoirs ;

- propose une restitution cartographique à la pointe du progrès ;

- vise une intégration des données dans la cartographie nationale IGN ;

- a pour ambition de proposer une approche ethnologique du développement.

La toponymie joue un rôle fondamental dans la conservation de la connaissance. Ce fut une des premières tâches du Parc que de recenser, parfois sous différentes langues, les noms de lieux afin de mieux comprendre l'environnement dans lequel vivent les communautés et les perceptions qui sont les leurs.

Notre système d`information géographique est un outil de travail moderne fondamental qui permet entre autres la restitution cartographique, intègre la toponymie. L'illustration cartographique peut aussi devenir un outil de dialogue avec les populations résidentes notamment par l'intermédiaire de nos chargés de développement local.

Étant très utile également pour la cartographie touristique, nous espérons pouvoir convaincre l'IGN de participer à son intégration sur sa collection Top 25 à destination du tourisme pédestre comme fluvial et l'intégrer dans nos différents produits.

Le « Coeur de Guyane » : l'innovation pour une nouvelle offre touristique

Nous proposons un tourisme adapté grâce à :

- l'innovation technologique par la numérisation des sentiers via l'application NaviRando ;

- l'innovation organisationnelle qui vise à dépasser les contraintes de la chaine d'accessibilité ;

- l'innovation sociale en améliorant l'accessibilité des personnes en situation de handicap.

Le projet « Amazonie pour tous », développé par le PAG avec la commune de Saül a pour but de permettre l'accès de sentiers de découverte, y compris aux handicapés moteurs et aux non-voyants. Il a été nécessaire en 2014 d'identifier la nature des parcours, les faisabilités d'accès, les outils d'accompagnement, et de lancer une phase test en situation. Les usagers ont pu donner leurs impressions et recommandations. Cette aventure leur apporte une assurance peu commune qui leur sert très directement par la suite dans leur vie quotidienne. Elle est facteur d'autonomie et de dynamisme autour du principe de la découverte.

Nous travaillons sur la qualité et la cohérence de l'offre en améliorant les synergies entre les hébergements, la restauration et le guidage.

Communication et promotion du territoire

« Randonnées et itinéraires dans le Parc amazonien de Guyane » : Geotrek

En 2015 l'équipe du PAG avec ses consultants spécialisés passe au stade de la mise en exploitation interface de découverte en ligne et prochainement hors ligne.

L'objectif, sur ces parcours identifiés et aujourd'hui aménagés, est d'apporter un outil supplémentaire d'autonomisation, avec une application géo-référencée sur smartphone offrant à l'usager, non voyant en l'occurrence, des informations sur l'itinéraire et les obstacles remarquables.

La numérisation des caractéristiques physiques puis le test en situation avec six usagers non voyants auront lieu au début du mois d'octobre.

À partir de cette opération expérimentale, cette aventure technique et humaine (n'oublions pas le formidable accueil des populations de Saül et les échanges qui encouragent le rapprochement avec les visiteurs valides comme non valides), il sera nécessaire de valoriser l'offre avec les partenaires publics, associatifs et privés et de dupliquer le principe sur d'autres lieux et avec d'autres types de découverte avec les randonnées en kayak, par exemple.

Marque et contrat de destination

La réflexion collective inter-parcs autour de la marque « Esprit Parc national » par usages catégoriels (restauration, Produits, découvertes, savoir-faire) doit être approfondie, favorisée par la signature de contrats de destination à visibilité internationale (2015-2018) et l'établissement d'un schéma régional de développement du tourisme et des loisirs.

Le parc a pour rôle de catalyser les initiatives entre les opérateurs publics, privés et associatifs, pour préserver les ressources et les patrimoines tout en les valorisant pour un développement socio-économique durable.

Apportant ses connaissances et garant de l'intérêt général, il tient compte des éléments directeurs établis par les collectivités territoriales et locales (le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs conformément au SRDE définit le tourisme comme un axe économique primordial), et des besoins exprimés par les populations.

Le tourisme, encore embryonnaire, est en progression constante mais demande à se structurer et les contrats de destination et contrats territoriaux devraient pouvoir y aider.

Perspectives à court et moyen terme

Il nous faut favoriser :

- un tourisme choisi par les communautés d'habitants (Charte de bonne conduite) ;

- un co-développement transfrontalier avec le réseau des aires protégées ;

- des contrats de destination à visibilité internationale dont la Guyane a été récemment lauréate (2015-2018) ;

- un renforcement des capacités locales (organisation, formations professionnelles) ;

- le tourisme de niches : tourisme aventure, tourisme sportif, tourisme de haute qualité environnementale ;

- un accès au tourisme international continental et une offre complémentaire à l'écotourisme sud-américain ( package partagé sur deux pays frontaliers soit Guyane/Brésil ou Guyane/Suriname).

Le PAG, d'une action ponctuelle justifiée par ses premières années d'existence et d'insertion dans les communautés, va s'intégrer dans cette structuration progressive du secteur touristique, en apportant de nouveaux outils d'innovation dont je vous ai présenté quelques exemples, et en favorisant une diversification de l'offre participant à la mise en valeur du territoire.

Le Parc interviendra progressivement dans les différents niveaux de la filière, en tenant compte des spécificités territoriales, mais en mettant toujours les populations autochtones au coeur de l'action, au bénéfice du rapprochement de toutes les communautés.

Crédits photographiques de gauche à droite : Danse Pacou à Trois Sauts - Guillaume Feuillet / Parc amazonien de Guyane (PAG) - Franchissement de saut sur le site de Gaan Chton (Abattis Cottica) - Guillaume Feuillet / PAG - Flamants - PAG - Arbre Fromager de Saül - Henri Griffit / PAG - Fabrication de ciel de case - Jody Amiet / PAG - Sous-bois et jaguar - Claude Suzanon - Marché artisanal de Maripa-Soula - Claudia Berthier / PAG - Toucan Araçari vert - Tanguy Deville / PAG - Coq de roche - Stefano Unterthiner / PAG - Lossin Félichi, sculpteur de Tembé - Guillaume Feuillet / PAG - Transmission des savoirs à Trois Sauts - Guillaume Feuillet / PAG - Sous-bois - PAG - Pangi Uman Festi - Guillaume Longin / PAG - Fleurs de Chawari - Guillaume Feuillet / PAG

Jeanne LOYHER,
Directrice régionale des sociétés de dialyse Réunion-Mayotte

En 2010, plus d'un Français sur dix déclare ne pas partir en vacances pour des raisons de santé selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC). Les patients insuffisants rénaux sont les premiers concernés de par la lourdeur de leur traitement.

Réel enjeu de santé publique, l'insuffisance rénale chronique (IRC) est définie comme la destruction progressive et irréversible des deux reins. La maladie évolue, le plus souvent, silencieusement sur plusieurs années (entre cinq et trente ans) jusqu'à la phase de l'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). À ce stade, les seuls traitements possibles sont la dialyse ou la greffe, imposant alors, un traitement en centre de dialyse à raison de trois fois par semaine.

Cette pathologie, particulièrement présente à l'île de La Réunion, dont la population s'élève à 844 994 personnes, a deux causes principales que sont le diabète et l'hypertension.

Quelques chiffres clés :


• près de 3 600 Réunionnais sont touchés par l'IRC ;


• 220 dialysés pour 100 000 habitants, soit un taux de prévalence quatre fois supérieur à celui de la métropole ;


• 2 000 Réunionnais suivis pour IRC avant le stade terminal ;


• 1 631 personnes au stade terminal IRCT ;


• 270 malades inscrits en liste d'attente pour une greffe.

Parallèlement à ce constat, dans son rapport remis en juin aux ministres de la santé et des affaires étrangères, Jean de Kervasdoué évoque la possibilité d'un chiffre d'affaires de deux milliards d'euros et de plus de trente mille emplois d'ici cinq ans pour la France en matière de tourisme médical.

Afin d'apporter une réponse à cette problématique, Madame Jeanne Loyher, directrice régionale des sociétés de Dialyse Réunion-Mayotte propose un projet inédit pour l'outre-mer, « Dialyses & Croisières d'outre-mer », afin de permettre à tous de voyager à bord d'un navire permettant la réalisation de dialyses.

Pour construire ce projet, Jeanne Loyher s'appuie sur ses expériences de directrice régionale des sociétés de dialyse Réunion-Mayotte, de conseillère municipale de Saint-Denis en charge du développement économique et des affaires internationales et européennes, et d'expert visiteur pour la Haute autorité de santé, ainsi que sur l'étude de différentes expériences réalisées à l'étranger.

C'est en s'appuyant sur les valeurs d'humanisme, d'amour de La Réunion et de développement des activités économiques qu'est née l'idée de créer une offre de tourisme médical, solvable et originale, à La Réunion, au travers de la mise en place d'une offre de croisière accessible à tous.

Ce nouveau programme de croisières s'adresse donc aux patients dialysés et à leurs familles, au départ de La Réunion, afin de leur permettre de découvrir la zone de l'océan Indien en toute sécurité.

En partenariat avec les associations et centres de dialyse, mais aussi dans le cadre d'un jumelage avec la Chine, ce projet permettra de contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie, mais également de donner l'opportunité de quitter l'île grâce à une logistique et moyens techniques appropriés.

La couverture médicale et paramédicale est bien entendue assurée dans les normes et réglementation en vigueur.

Concrètement, au travers de navires de nos partenaires, seront équipés cinq générateurs en osmose individuelle (trois sont nécessaires pour les douze patients, ainsi que deux générateurs de secours), trois lits, du matériel à usage unique.

En termes de moyens humains, les séances de dialyse à bord sont encadrées par notre équipe médicale et paramédicale internationale en provenance de centres de dialyse certifiés ISO, composée d'un cadre infirmière responsable et de deux infirmières ou infirmiers spécialisés.

Cette logistique embarquée nous permettra de traiter du lundi au samedi de six heures à seize heures, douze patients par semaine à raison de trois dialyses hebdomadaires pour chaque patient.

Les séances de dialyse se déroulent par groupes de trois personnes, les lundis, mercredis et vendredis pour les uns et les mardis, jeudis et samedis pour les autres.

Le programme est communiqué à l'avance afin de choisir le groupe qui correspond le mieux aux habitudes de chacun sachant que, dans la mesure du possible, les séances de dialyse sont organisées lorsque le navire est en mer pour permettre aux patients de profiter des escales et des excursions.

Les supports de communication (livret d'accueil/plaquette information etc..), feront l'objet d'une traduction en anglais, français, chimaoré, arabe et chinois.

En conclusion, ce nouveau concept différenciant de tourisme médical participera de la légitime place de premier plan de la France en matière d'attractivité touristique, à partir de l'outre-mer, et permettra enfin à des patients dialysés de profiter d'une offre de loisirs contribuant à améliorer leurs conditions de vie.

Comme ceux-ci le disent souvent : « Voyager, partir en vacances est une manière de préserver son autonomie. C'est pour nous un signe de liberté, indispensable à l'équilibre psychologique . »

Josiane KAEMO
Directrice des opérations d'accueil des croisiéristes à Lifou,
province des Îles Loyauté, société Mejine Wetr

Avant de vous exposer notre projet, je souhaite vous présenter la délégation qui m'a accompagnée, avec, à sa tête, notre Grand Chef Pascal Sihaze. Monsieur Philippe Gomès, député de Nouvelle-Calédonie, est également présent. J'appelle aussi Jennifer Seagoe, présidente de la chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle-Calédonie, grâce à qui nous sommes parmi vous aujourd'hui. Nous allons, conformément à notre tradition, remettre la coutume au Président de la Délégation sénatoriale.

La coutume est remise à Michel Magras.

Philippe GOMÈS, député de la deuxième circonscription de Nouvelle-Calédonie

Au nom de l'ensemble de la délégation de Nouvelle-Calédonie issue de l'Île de Lifou, je vous présente un geste que nous appelons chez nous « la coutume ». Il s'agit d'une manière de saluer ceux qui nous accueillent tout en disant notre identité, nos traditions et notre culture. Nous accomplissons toujours ce geste avec humilité, en nous abaissant devant la personne vers laquelle nous venons. Selon la tradition également, nous attendons un petit mot de retour.

Michel MAGRAS, président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, sénateur de Saint-Barthélemy

Je dois vous avouer que je ne m'y attendais pas et que c'est très émouvant... Je vous remercie très sincèrement d'avoir ajouté ce geste à cette belle journée qui nous rassemble. Je pense que toute la salle ressent la même émotion que la mienne actuellement. Je vais en retour remettre au Grand Chef la médaille de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer. Telle est aussi notre manière de vous témoigner notre reconnaissance.

La médaille du Sénat est remise au Grand Chef Pascal Sihaze.

Josiane KAEMO, directrice des opérations d'accueil des croisiéristes à Lifou, province des Îles Loyauté, société Mejine Wetr

C'est avec respect et humilité que nous allons vous présenter le tourisme de croisière de Lifou, des îles Loyauté et de la Nouvelle-Calédonie. Le projet a été initié par notre Grand Chef Paul Sihaze en 1995. Le développement économique sur des terres coutumières n'est jamais facile. La vision, la coordination et la volonté sont les trois axes qui animent la hiérarchie coutumière et les acteurs du terrain. Notre concept touristique est basé essentiellement sur le tourisme culturel, privilégiant le contact humain et les échanges avec la population locale.

La Nouvelle-Calédonie est composée de trois provinces : la Province Nord, la Province Sud et la Province des Îles Loyauté. L'île de Lifou, la plus grande des îles Loyauté, est peuplée de 9 200 habitants. Elle est divisée en trois districts. Chaque district fonctionne sous l'autorité d'un grand chef.

Le district de Wetr est composé de dix-sept tribus, le district de Gaïca de quatre tribus et le district de Lossi de seize tribus. Chaque tribu est placée sous l'autorité d'un petit chef.

Les districts sont régis par la coutume et organisés autour d'un Conseil de district dont les membres sont les petits chefs des tribus.

Le conseil de district de Wetr regroupe les dix-sept petits chefs des tribus.

Pour réfléchir et suivre la mise en oeuvre des orientations en matière de développement économique, social et culturel il a été créé un comité de développement à côté du Conseil de district.

C'est sur la base de ce schéma d'organisation que s'est développé le tourisme de croisière.

Les premières discussions ont commencé en 1978 mais la première escale n'a été réalisée qu'en 1995. L'accueil des touristes a lieu au Nord du district, sur le site touristique d'Easo, dans la tribu de Easo.

Le tourisme de croisière a aujourd'hui vingt années d'expérience, avec 5 bateaux en 1995 et 127 en 2015 et un programme allant jusqu'en 2024.

Les retombées annuelles s'élèvent à près de 200 millions de francs Pacifique et bénéficient à l'île de Lifou dans son ensemble. Lifou est la troisième destination préférée des croisiéristes dans le Pacifique et la première source de rentrées directes de devises australiennes en Nouvelle-Calédonie. Les gains bénéficient principalement aux transporteurs et aux petits prestataires de services. La société qui gère cette organisation redistribue 80 % de ses revenus à la population, les 20 % restants étant destinés à son fonctionnement. Elle emploie dix salariés et fait travailler 120 prestataires de services. Les touristes paient directement les prestations en dollars aux prestataires sur le site.

En 2010, le Comité de développement du Wetr a décidé de réaménager le site de Easo, devenu vétuste.

Ce projet vise à améliorer et à diversifier l'offre touristique. L'aménagement est composé de cases de bois et de paille, comme dans les villages mélanésiens. La création d'un village sur le site permettra de faire connaître aux visiteurs le mode de vie traditionnel. Ainsi, deux sites composent l'ensemble du complexe touristique : le site de croisière et le village mélanésien.

Trois structures juridiques ont été créées pour adapter la structure coutumière aux normes modernes de l'économie : le groupement de droit particulier local (GDPL) Mejeiwetr , réunissant les petits chefs du district, la société Mejine Wetr qui prend en charge l'exploitation et la SAS Wetre qui assure la gestion du site.

Sur un prévisionnel de 100 à 127 bateaux jusqu'en 2024, nous visons l'amélioration des prestations existantes, les propositions de nouvelles activités, la diversification sur d'autres filières touristiques, l'augmentation des retombées et du nombre de prestataires. Le nombre de salariés passera de 10 à 50, tandis que celui des prestataires de services devrait atteindre l'objectif de 150.

À travers le tourisme de croisière, le grand chef a souhaité premièrement que les sujets de son district mais plus généralement les populations de l'île puissent tirer des ressources mais que les gens continuent à vivre leurs traditions et coutumes sur leurs terres d'origine.

Le choix sur le tourisme de croisière est basé sur le concept du partage des valeurs culturelles et des traditions de la coutume.

Grâce à la mobilisation de tous, et à la maitrise d'un développement qui n'aliène pas les populations, Lifou est appelée à devenir l'une des destinations les plus prisées au monde.

CARTE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Source : Gay J.-Ch., 2014, La Nouvelle-Calédonie, un destin peu commun, Marseille, IRD Éditions

CARTE DE L'ÎLE DE LIFOU

Source : Chauvin C. et Gay J.-Ch., 2014, Le DVD des communes de la Nouvelle-Calédonie,
Marseille, IRD Éditions

Olivier BERNARD,
Président de l'association Rames Guyane

La Guyane souffre malheureusement d'un déficit d'image en termes de tourisme, ce qui est injuste mais bien réel. Nous ne possédons pas d'eaux cristallines, de lagons ou de cirques, mais avons d'autres atouts, mis en valeur notamment au travers du sport. La Guyane est le seul territoire continental d'outre-mer, avec de très grands fleuves qui produisent énormément d'alluvions rendant très difficile la navigation des bateaux et autres paquebots. L'association Rames Guyane a décidé de transformer ces inconvénients en avantages. À territoire atypique, course atypique. Nous sommes écologistes, n'occasionnons aucun rejet, et partons du berceau de l'humanité pour rejoindre le poumon de la terre.

En tant qu'ancien skipper et président de Rames Guyane, il m'est toujours difficile de retranscrire mon ressenti. J'ai traversé l'Atlantique à la rame en solitaire sans assistance et sans escale, reliant deux continents comme un trait d'union historique. Chaque fois que nous présentons la course dans un salon, les questions sur l'Amazonie française fusent, mêlant la curiosité et l'incrédulité. Nous nous retrouvons alors en situation de VRP, vendant la course et, à travers elle, la Guyane et ses spécificités. La caravane « Rames Guyane » d'une centaine de personnes va dépenser sur tout le territoire, en attendant les skippers, environ 200 000 euros. 80 % du budget de l'organisation rejoint le territoire, ce qui représente un million d'euros.

À ce jour, l'association Rames Guyane, association loi de 1901, est parvenue à multiplier chaque euro investi par vingt, selon les enquêtes Médiamétrie.

Le tourisme est pour nous une affaire quotidienne pour tous. Il n'y a pas que le spatial qui puisse favoriser le développement de l'économie guyanaise. Et ce n'est pas un hasard si le comité du tourisme guyanais est notre partenaire. Cette course ne demande qu'à grandir et à s'internationaliser. Pour l'anecdote, c'est un espagnol, Antonio de la Rosa, qui a remporté l'édition 2014, provoquant de ce fait un grand intérêt des médias de l'autre côté des Pyrénées. L'idée d'en faire un événement international majeur, comparable à la Route du Rhum , semble se concrétiser aujourd'hui puisque nous avons reçu des pré-inscriptions d'équipes canadiennes, espagnoles et italiennes.

Nous sommes persuadés que Rames Guyane deviendra l'une des vitrines de notre département, tant sportive que touristique, car il ne faut pas oublier que nous parlons là de la seule course au monde du genre, réservée aux amateurs et accessible à tous.

Voici un prétexte supplémentaire de venir découvrir ce superbe département, bien loin des clichés servis par les médias, et de profiter d'une de ses réalités : l'hospitalité guyanaise.

J'ai plaisir d'offrir le DVD de la course à Madame la présidente.


* 2 Cf. DVD annexé aux actes du colloque.

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