Deuxième séquence


Un soutien public indispensable à l'épanouissement d'un secteur appelé
à jouer un rôle pivot dans le développement des territoires

Nicolas DE SÈZE,
Directeur général
de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM)
et de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM)

Je suis d'autant plus heureux d'être parmi vous cet après-midi que cette conférence marquera en quelque sorte le « dernier acte » de ma mission à la tête des instituts d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et d'émission d'outre-mer (IEOM). À compter de demain matin, 1 er octobre, je serai en effet remplacé par Hervé Gonsard, que le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a désigné pour me succéder à la tête des instituts d'émission. Hervé Gonsard est parmi nous et je voudrais vous dire que je suis particulièrement heureux de lui transmettre le flambeau d'une part car lui et moi entretenons depuis longtemps une relation de grande estime, de confiance et d'amitié, d'autre part car il a toutes les qualités requises pour pleinement réussir dans la mission qui lui est ainsi confiée au service des outre-mer français.

J'en viens maintenant au thème de mon intervention. L'IEDOM et l'IEOM ont récemment consacré une série de publications au secteur du tourisme, dans le cadre de leur mission d'observatoire économique et financier.

Secteur emblématique des économies ultramarines, le tourisme a rencontré ces dernières années des difficultés qui ont remis en question le modèle touristique proposé dans les outre-mer français. Je me propose donc de reprendre ces différents éléments pour dresser un rapide panorama du secteur.

Le diagnostic peut se résumer comme suit :

- dans un contexte de progression régulière du tourisme mondial, la concurrence régionale se renforce ;

- le poids du tourisme dans les économies ultramarines reste globalement modeste ;

- la demande touristique adressée aux outre-mer français est stagnante ;

- la clientèle est trop peu diversifiée ;

- enfin, l'offre est confrontée à des difficultés : les capacités se sont réduites, les structures financières des établissements sont fragiles.

Évolution du chiffre des « arrivées de touristes internationaux »
(en millions)

Source : Organisation mondiale du tourisme (OMT)

Comme l'illustre ce graphique, le tourisme mondial a connu une progression régulière au cours des vingt-cinq dernières années. Le chiffre de ce qu'on appelle, dans le jargon de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), les « arrivées de touristes internationaux » (qui constitue l'unité de mesure classique) a franchi le seuil du milliard en 2012, cette dynamique étant impulsée par les pays avancés, mais aussi et surtout par les pays émergents.

Arrivées de touristes internationaux dans la zone Caraïbes en 2014
(en milliers - hors croisiéristes)

Source : Carribean Tourism Organisation

Les Caraïbes ont bénéficié de cet essor du tourisme mondial. Elles reçoivent près de vingt-cinq millions de visiteurs par an. Mais, comme on le voit sur ce graphique, la concurrence est vive, avec la montée en puissance de destinations telles que la République Dominicaine ou Cuba, mais aussi Sainte-Lucie ou La Barbade. À noter également que les Caraïbes sont la première destination de croisière au monde.

Arrivées de touristes internationaux dans la zone océan Indien en 2014
(en milliers - hors croisiéristes)

Sources : World Tourism Organisation et sources nationales

L'océan Indien reçoit un peu plus de douze millions de visiteurs par an (en incluant l'Afrique du Sud). Ici aussi, la concurrence est vive, avec des destinations telles que les Maldives, Maurice ou les Seychelles.

Arrivées de touristes internationaux dans la zone Pacifique en 2014
(en milliers - hors croisiéristes)

Sources : World Tourism Organisation

La zone Pacifique reçoit elle aussi un peu plus de douze millions de visiteurs par an (en incluant l'Australie et la Nouvelle-Zélande). Parmi les petites îles de cette région, Guam et Fidji sont les destinations les plus dynamiques.

Part des outre-mer français dans la fréquentation touristique (2014)

Au total, on voit que dans chacune des trois zones la part des outre-mer français dans la fréquentation touristique totale de la zone est relativement faible : 5 % dans les Caraïbes, 4 % dans l'océan Indien et 2 % dans le Pacifique.

Part du tourisme dans l'emploi salarié marchand
(moyenne 2008 - 2012)

Sources : Base de données Séquoia de l'Acoss et des Urssaf, INSEE, ISEE, ISPF

Deuxième constat : la part du tourisme dans l'économie des outre-mer français est plus faible que ce que l'on imagine généralement et ses retombées économiques restent globalement modérées, hormis les cas particuliers de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et, dans une moindre mesure, de la Polynésie française.

Le tourisme représente 9 % des effectifs salariés en moyenne dans les départements d'outre-mer (DOM), soit un chiffre proche de la métropole (8,1 %). Ce chiffre monte à 16 % pour la Polynésie française, à 28 % pour Saint-Martin et à 37 % pour Saint-Barthélemy.

Part du secteur hébergement-restauration dans la valeur ajoutée
(moyenne 1993 - 2007)

Sources : INSEE, ISEE, ISPF

Autre indicateur, la part dans la valeur ajoutée : dans la plupart des géographies, elle est assez proche de celle de la métropole (2,4 %), mais la Guadeloupe (4,7 %), la Martinique (3,7 %) et la Polynésie française (3,6 %) se situent au-dessus.

Arrivées de touristes internationaux dans les outre-mer français
(en milliers - hors croisiéristes)

Sources : INSEE, CMT, IRT, ISEE, ISPF

Troisième constat : le nombre de touristes de séjour stagne depuis les années 2000. Cette situation s'explique par des facteurs structurels tels que l'émergence d'une nouvelle concurrence ou le vieillissement des installations, mais aussi par des facteurs conjoncturels tels que la crise du chikungunya à La Réunion, les cyclones, les conflits sociaux aux Antilles ou la dégradation de la conjoncture en métropole.

Nuitées hôtelières dans les outre-mer français
(en milliers)

Sources : INSEE, ISEE, ISPF

Ces mêmes facteurs expliquent la forte diminution du nombre de nuitées d'hôtels en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion.

En Polynésie française, après une baisse sur plusieurs années, il s'est un peu redressé à partir de 2010, essentiellement à la faveur d'un allongement de la durée moyenne de séjour.

Sources : INSEE, CMT, IRT, ISEE, ISPF

Quatrième constat : la faible diversification de la clientèle.

Comme on le voit sur le graphique de gauche, le pourcentage de touristes en provenance de la métropole est très élevé dans les DOM (jusqu'à 95 % pour la Guadeloupe), induisant une forte dépendance à l'égard de la conjoncture métropolitaine.

Le graphique de droite montre que dans certaines géographies, la part du tourisme dit « affinitaire » (hébergement chez des parents ou amis) est élevée puisqu'elle atteint 45 % à La Réunion et même 71 % à Mayotte. D'un certain point de vue, le tourisme affinitaire est un atout car il traduit l'attachement au territoire d'origine et le maintien des liens familiaux et sociaux. Mais le revers de la médaille - si je puis dire - est qu'il s'agit d'un tourisme moins « dépensier ».

Un très bref focus pour vous signaler la publication toute récente d'une étude sur le tourisme à La Réunion, sous le titre : « la clientèle locale, soutien du tourisme réunionnais ». Cette étude montre notamment qu'à La Réunion, le tourisme dit « interne » représente une dépense de 1,2 milliard d'euros pour 2010, correspondant à 60 % de la dépense touristique totale sur le territoire.

Source : INSEE

Cinquième constat : l'offre hôtelière est en difficulté. L'amélioration des taux d'occupation des hôtels (graphique de gauche) s'explique largement par la réduction du nombre de chambres (graphique de droite).

Sources : IEDOM - FIBEN

Le chiffre d'affaires du secteur de l'hébergement-restauration a connu des évolutions contrastées, en lien avec les « chocs » déjà évoqués tels que le conflit social aux Antilles ou la crise du chikungunya à La Réunion.

Concernant la rentabilité, le graphique de droite montre que :

- les entreprises du secteur de l'hébergement sont moins rentables dans les DOM qu'en métropole, avec un taux de marge médian de 13,4 % aux Antilles et 24,5 % à La Réunion contre 27,5 % pour la métropole. Cette moindre rentabilité s'explique notamment par l'importance des frais de personnel, le surcoût des matières premières et les contraintes liées à la saisonnalité de l'activité ;

- les entreprises du secteur de la restauration affichent de meilleures performances avec un taux de marge de 33,8 % à La Réunion et de 18,5 % aux Antilles contre 13,4 % en métropole. Cette bonne orientation semble s'expliquer par une proportion plus élevée de structures de restauration rapide dans les DOM.

Les prêts bancaires aux entreprises du secteur de l'hébergement-restauration représentent une part limitée des encours bancaires totaux en 2014. Cette faiblesse s'explique par l'absence de nouveaux grands projets.

On voit d'ailleurs que les encours de prêts sont en baisse dans la plupart des géographies, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Guyane.

Source : CMT Source : IRT Observatoire

Face aux difficultés rencontrées par les établissements hôteliers, on a vu se développer une offre d'hébergement « alternative», de type location ou villages vacances, dont la montée en puissance est une tendance lourde de la dernière décennie, reflétant plus généralement l'évolution des modes de « consommation » des touristes.

Ce bref panorama rejoint les nombreux rapports déjà publiés sur le sujet quant aux perspectives envisageables :

- augmenter la dépense moyenne par touriste. On notera à cet égard l'ampleur du tourisme de croisière, qui a enregistré encore en 2014 de forts taux de progression à la Guadeloupe (+48 %) ou à la Martinique (+71 %) ;

- réduire la dépendance à l'égard de la clientèle métropolitaine en se tournant aussi vers d'autres clientèles, ce qui suppose par exemple de faciliter l'obtention d'un visa pour les visiteurs étrangers qui y sont soumis ;

- viser le qualitatif : le déficit de compétitivité lié au coût relatif du travail par rapport aux destinations concurrentes incite à adopter une stratégie de « niches », privilégiant l'accueil et les services et tirant parti des exceptionnels atouts culturels et environnementaux des outre-mer français. C'est d'ailleurs tout l'esprit du titre même de cette conférence : « Une bannière verte et bleue pour un renouveau du tourisme dans les outre-mer ».

Nicolas VION,
Président du Groupement hôtelier et touristique guadeloupéen (UMIH Guadeloupe),
Président de la Commission tourisme
de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM)

Il n'est pas contestable que les défis environnementaux et climatiques jouent aujourd'hui un rôle majeur pour la planète, pour les espèces vivantes, pour l'économie, pour le tourisme, et particulièrement dans nos outre-mer. Cependant, pour les adhérents de la commission tourisme de la fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM), un tourisme durable, c'est d'abord un tourisme qui dure et qui, fondamentalement, assure sa survie.

Après les nombreuses fermetures d'entreprises et d'hôtels dans l'ensemble de nos outre-mer, le secteur ne cesse de souligner ses inquiétudes face à une concurrence internationale âpre. Nous sommes confrontés dans nos environnements géographiques respectifs à des salaires de 10 à 15 fois inférieurs aux nôtres. Le coût du travail et le poids des normes, pour ne citer que ces deux paramètres, mettent notre compétitivité en réel danger. La Martinique vient de voir fermer ces trois dernières années neuf sites hôteliers pour 1 200 chambres et 625 emplois, suivant en cela la Guadeloupe qui a connu la disparition sur dix ans de plus de 2 000 chambres et 1 200 emplois.

A contrario , nos concurrents développent leurs offres d'hébergements hôteliers.

À titre d'information, la revue Hospitality publie le 31 août 2015 que :

« Cuba souhaite renforcer ses infrastructures d'hébergement, notamment son hôtellerie. Le ministère du tourisme de l'île caribéenne a annoncé son intention de développer 85 000 chambres au cours des cinq prochaines années, et 110 000 d'ici l'année 2030. Le ministère du Tourisme du pays a en effet annoncé son objectif ambitieux d'atteindre les 85 500 chambres hôtelières aux standards internationaux en opération d'ici l'année 2020, contre près de 61 200 aujourd'hui. 66,5 % de cette offre est positionnée sur les segments quatre et cinq étoiles.

Il s'agit pour le ministère de développer un secteur porteur pour l'économie cubaine, dont les revenus sont en progression. Sur les six premiers mois de l'année 2014, le tourisme a en effet rapporté plus de 1,3 million de dollars à l'économie nationale (près d'un million d'euros), soit 11,6 % de plus qu'au cours de la même période en 2013.

Plusieurs investisseurs internationaux s'intéressent au marché hôtelier cubain, comme Melià Hotels International qui est déjà bien implanté dans la destination avec 26 établissements et 11 155 chambres. Le groupe hôtelier espagnol prévoit en effet d'étendre sa présence sur l'île avec l'ouverture du Melià Jardines de Rey dans l'archipel des Cayos . »

Nous ne doutons pas que ce colloque contribuera à donner une visibilité spécifique à nos outre-mer et permettra de souligner les fragilités et les contraintes que nous rencontrons. Il nous faut mettre l'accent sur les effets vertueux de l'activité touristique dans nos outre-mer, en matière de préservation et de mise en valeur des patrimoines naturels et culturels de nos différents territoires, tout en mettant en exergue des solutions possibles pour remédier à nos difficultés. La compétitivité du secteur touristique domien est la clef de voûte de l'édifice. Il convient d'agir sur le coût du travail dans les départements d'outre-mer (DOM), situés dans un environnement géographique très concurrentiel mais aussi à développer un levier de type « congé Solidarité » qui offre la possibilité d'une retraite anticipée pour le personnel vieillissant et parfois insuffisamment formé, au profit de créations d'emploi pour des jeunes.

Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le développement inquiétant de l'économie grise, autrefois appelée économie informelle, avec une prolifération de gîtes, de chambres chez l'habitant, de tables d'hôtes qui ne perçoivent pas la TVA à reverser à la collectivité, ne collectent pas la taxe communale de séjour, ne paient aucune taxe (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - CVAE - par exemple), ont très peu d'emplois déclarés et ne cotisent donc pas au système de protection sociale et de retraite, ce qui conduit plus tard à la prise en charge par la collectivité de ces emplois « gris ». Ajoutons que cette économie favorise des paiements en espèces qui échappent bien souvent aux déclarations de revenus et à l'impôt.

Le secteur a besoin de s'appuyer sur des dessertes aériennes plus ouvertes sur le monde et plus accessibles, sur des aides à l'investissement et au fonctionnement, sur un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) renforcé dans l'outre-mer d'au moins 10 points pour permettre une meilleure compétitivité, des investissements, et des créations d'emplois.

Sa survie et son développement demandent une application spécifique du régime de taxation des taxes de séjour communales à l'outre-mer, avec une suppression à minima en basse saison (du 15 avril au 15 novembre) et une taxation au « réel », sur des bases raisonnables quant au taux et à la période pour tenir compte de la saisonnalité, et avec équité sur un même territoire pour tous les types d'hébergement, ce qui est très loin d'être le cas actuellement. Il est également nécessaire de favoriser l'implantation dans les DOM d'organismes de formation d'envergure internationale allant a minima jusqu'au niveau master, de réexaminer les conditions d'accès à la plage et d'adaptation de la loi Littoral. Régler les problèmes d'adduction d'eau en Guadeloupe, celui des déchets et les questions foncières, serait utile. Mais s'il suffisait de changer la propriété foncière et immobilière de l'hôtellerie comme l'avancent certains, pour résoudre les problèmes d'exploitation, ce serait merveilleux !

Il est vrai qu'on peut toujours faire mieux. C'est indéniable, des progrès doivent être réalisés dans les outre-mer, mais il faut analyser les responsabilités partagées, publiques et privées.

Que faire quand rien n'est prévu en matière de tri sélectif au plan territorial ? De nombreux touristes qui nous rendent visite sont offusqués de cette situation. Que faire quand le réseau de distribution publique de l'eau est si vétuste en Guadeloupe, que l'État autorise des « tours d'eau » avec coupures périodiques des communes et des entreprises ? Croyez-nous, des clients d'hôtels privés d'eau et ne pouvant prendre de douches ne sont pas contents et vont véhiculer une image qui n'est pas vraiment favorable à la fréquentation touristique.

Lors des remises en eau, se produisent parfois des surpressions qui endommagent les réseaux privés et vont jusqu'à provoquer des dégâts des eaux. Bien sûr, l'hébergeur peut toujours installer des citernes tampon de stockage. Mais tout cela a des coûts non négligeables alors que l'hôtellerie est déjà en difficulté !

Nous voulons espérer que la nouvelle unité de production d'eau potable du Moule prévue à Dévarieux-Boisvin en Guadeloupe va soulager la population de Grande-Terre, qu'elle annonce la fin des tours d'eau et qu'elle effacera définitivement les privations d'eau auxquelles sont condamnés nos touristes aujourd'hui, comme les populations d'ailleurs.

Que faire quand, en dix ans, le coût moyen tout compris hors taxe (HT) du m 3 d'eau a augmenté en Guadeloupe de 48,52 % ? Il est passé de 3,42 euros en 2004 à 5,07 euros au 31 décembre 2014. Espérons que ce prix ne continuera pas d'augmenter ! S'il y a un problème de gestion de l'eau en Guadeloupe, est-ce aux professionnels d'en assumer la charge financière ?

Les hébergeurs touristiques et les populations sont, malgré tout, conscients des efforts à accomplir et c'est ainsi que certains ont mis en oeuvre :

- la récupération des eaux pluviales ;

- le remplacement de leurs climatiseurs par des appareils dernière génération ;

- une isolation thermique et phonique, moins énergétivore ;

- une lutte anti-vectorielle, en particulier contre le moustique tigre pour se prémunir contre la dengue et le chikungunya.

Cependant les professionnels qui participent à cette démarche vertueuse ressentent parfois quelque solitude et injustice quand ils constatent le peu de moyens mis en place pour les aider quand d'autres bénéficient au cas par cas de remises de dettes sociales et fiscales très importantes de plusieurs millions d'euros, ou d'effacements de taxes de séjour pour plus de 400 000 euros (cas de Gosier en Guadeloupe), correspondant à quatre années de taxation, alors que dans le même temps, cette même commune double la taxe de tous les autres hôteliers qui maintiennent leurs emplois et essaient de s'en sortir.

Quand on nous annonce 27 mesures gouvernementales pour le tourisme d'ici 2020, devons-nous y croire et serons-nous tous encore là ?

La lutte anti-vectorielle devient une préoccupation tant, mondialement, les maladies transmises par les insectes en général et par les moustiques en particulier gagnent en importance. En combinaison avec une augmentation du trafic des biens et des personnes, a été mis en évidence un besoin d'évaluation du risque et de protection accrue des personnes. Le secteur touristique y est particulièrement sensible.

Pour y remédier, Avia-GIS, une entreprise belge, développe, avec l'aide de l'Agence spatiale européenne, « SmartSenZ (™) » un service de lutte de précision pour complexes hôteliers en zone tropicale. Le système est basé sur l'intégration en temps réel d'informations obtenues par satellite et par un réseau de senseurs au sol avec une connaissance détaillée des environs des hôtels.

Trois régions ont été choisies pour en faire la démonstration : les Caraïbes, l'Afrique australe et l'Asie du Sud-Est. Le Groupement hôtelier et touristique guadeloupéen (GHTG) a été le premier à souscrire à cette initiative et les opérations y démarrent en novembre 2015. Les hôtels qui participent sont « La Maison Créole 3* », « La Créole Beach 4* », « Le Canella Beach 3* » et « Le Fort Royal Resort 3* ». L'Afrique du Sud, où une mission de reconnaissance est actuellement sur le terrain, et la Thaïlande suivront en début 2016. Le but de cette démonstration, qui durera un an, est de tester l'efficacité du service en milieu opérationnel. Après une année de tests intensifs, le lancement commercial du service est prévu pour 2017-2018.

Le tourisme est un moteur de l'économie transversale, dont la réussite dépend étroitement du contexte socio-politique. Tant au niveau national que dans les territoires, le tourisme peut et doit jouer un rôle de levier majeur dans l'économie du pays, grâce à sa capacité d'entrainement sur différents secteurs d'activité (Bâtiment, Agriculture, Pêche, Artisanat...), à son intérêt en termes d'aménagement du territoire et à son poids dans l'équilibre de la balance des paiements.

Ce secteur affiche mondialement une telle perspective de croissance, qu'une récession potentielle ne vient pas à l'esprit. De plus, il s'agit d'un secteur d'exportation original, dans lequel les clients se déplacent, et non les marchandises, ce qui peut favoriser les échanges culturels et l'épanouissement de populations qui n'ont pas encore beaucoup voyagé.

En termes de ratio touriste/habitant, en 2013, la France a accueilli 84,7 millions de touristes qui ont dépensé environ 140 milliards d'euros. Les médias font état d'une année 2015 qui dépassera les 85 millions de touristes. On peut cependant déplorer que les chiffres statistiques officiels pour 2013 ne prennent pas en compte les onze départements et collectivités d'outre-mer (DCOM). Pour une population de l'Hexagone, au 1 er janvier 2013 de 63,7 millions d'habitants, cela représente un ratio pour la métropole de 1,3 touriste par habitant en 2013.

L'ensemble de nos départements et régions d'outre-mer (DROM) et collectivités d'outre-mer (COM) ont une population de 2,7 millions d'habitants (4,2 % de la population totale), dont 2,1 millions d'habitants dans les cinq DOM, Ils ont accueilli 2,4 millions de touristes en 2013, soit un ratio de 0,9 touriste par habitant, plus faible d'environ un tiers par rapport au ratio hexagonal.

On peut, à y regarder de plus près, nuancer ce ratio global qui atteint 32,1 à Saint-Barthélemy, contre 0,2 à Mayotte, mais il apparait à l'évidence que nos destinations ultramarines peuvent et doivent faire mieux.

Avec 10 712 établissements dans l'hôtellerie-restauration fin 2011 (Insee) et 18 094 salariés dans le domaine du tourisme lato sensu , les quatre DOM « historiques » représentent moins de 2 % du nombre de salariés français dans le secteur contre 2,9 % de la population. Ils demeurent en retrait par rapport à des régions métropolitaines orientées vers le tourisme, comme la Corse ou Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Le rapport est ainsi de 1 à 2 entre La Réunion et la Corse, en ce qui concerne le ratio salariés par population ; il est de 1 à 3 entre la Guyane, qui connaît le plus faible ratio de France, et la région PACA.

Le niveau du coût du travail limite enfin les créations d'emplois dans le secteur : 1,69 salarié par établissement dans les DOM, contre 3,05 en moyenne dans l'Hexagone, soit un ratio de seulement 55 % pour les DOM par rapport à l'Hexagone.

En conclusion de ces quelques chiffres, retenons que :


• le ratio touristes par population est jusqu'à 2,6 fois plus faible dans nos DOM que dans l'Hexagone ;


• le nombre de salariés pour 1 000 habitants, globalement de 9,7 dans les quatre DOM contre 14,5 dans l'Hexagone, est dans le secteur du tourisme 1,5 fois plus faible. Pourtant, ces territoires ont un fort taux de chômage et ont besoin de créations d'emplois. En outre, les métiers de services, et l'hôtellerie en particulier, sont fortement consommateurs de main-d'oeuvre et peuvent permettre de réduire fortement le chômage.

Comment interpréter le fait que les Chinois viennent de décider en 2014 d'investir un milliard de dollars à Antigue pour un complexe de 167 hectares et qu'ils n'investissent rien dans les DOM ? Notre compétitivité serait-elle en cause ? Pour analyser notre déficit de compétitivité, il est intéressant d'analyser les dettes sociales et fiscales.

Elles représentaient en 2009 pour la Guadeloupe et la Martinique 26 % du chiffre d'affaire annuel de l'hôtellerie avec 10 % de dettes sociales et 16 % de dettes fiscales, endettement qui s'est aggravé depuis 2009 avec une hausse de 49 % des dettes sociales et 88 % des dettes fiscales, selon le GIHDOM (Groupement des Investisseurs Hôteliers des DOM).

Elles conduisent, en 2015, à l'annulation, non généralisée à l'ensemble de la profession, de certaines dettes pour des entreprises spécifiques. Cela se fait en particulier au détriment de celles qui n'ont pas de dettes et qui s'acquittent de leurs obligations.

La presse s'est fait l'écho de la décision du conseil municipal du Gosier en Guadeloupe qui a délibéré en 2015 sur l'abandon de la dette du groupe Fabre - Domergue pour une valeur de 408 597,97 euros, soit environ quatre années de taxe de séjour, créant par ce fait une concurrence déloyale dans le secteur des hébergements.

Le total des abandons de créances pour ce groupe hôtelier représenterait 50 millions d'euros ? Il est incompatible avec les articles 92 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE). Ces abandons de créances ont-ils fait l'objet d'une notification à la commission européenne ? Comment celle-ci aurait-elle pu les accepter ?

Ces aides faussent injustement la concurrence et permettent à la puissance publique de choisir les entreprises qu'elle veut sauver et celles qu'elle abandonne à leur triste sort. Sur quels critères ?

Quels sont les problèmes structurels du tourisme ultramarin ?

Le premier réside dans le coût excessif du travail par rapport à notre environnement géographique, avec un temps de travail nettement inférieur à nos concurrents, et à un coût bien supérieur. Nos voisins travaillent en général 48 heures avec des salaires 10 à 15 fois inférieurs aux nôtres. En Guadeloupe, le temps annuel de travail dans l'hôtellerie est de 1 540 heures contre 1 755 heures en métropole (voir annexes). Si on ne peut qu'être fier du système social français, qu'il n'est pas dans nos intentions de remettre en cause, il faut cependant insister sur la nécessaire compétitivité des entreprises touristiques françaises et l'obligation d'abaisser le coût du travail, donc les charges, pour maintenir ce secteur majeur d'activité et soutenir l'emploi.

Dans l'hôtellerie, la rémunération annuelle est supérieure dans les DOM de 30 % à celle de l'Hexagone (13 e mois, prime d'ancienneté, bonus employeur), le temps de travail inférieur de 13 % (35 heures contre 39 heures dans l'Hexagone et 16 jours fériés-chômés contre 11 dans l'Hexagone) à celui de l'Hexagone. L'activité est aussi marquée par une forte saisonnalité qui devrait conduire à une ouverture saisonnière, et non toute l'année, étant donné que d'avril à novembre, le résultat brut d'exploitation par nuitée est négatif. Les pertes en basse saison sont parfois plus importantes que les bénéfices de la haute saison. Au final, le secteur est structurellement déficitaire.

Le chiffre d'affaires réalisé par salarié est inférieur de 33 % à celui réalisé dans l'Hexagone. La productivité par salarié est inférieure à celle de l'Hexagone.

En outre, les mesures réelles d'aide à la rénovation, jugées lourdes et difficiles d'application, sont insuffisantes. Il n'y a pas d'application globale généralisée au plan national, de la taxe de séjour communale au réel, ce qui conduit à des surcoûts très pénalisants avec le forfait. Il est manifestement nécessaire d'adapter à l'outre-mer la réglementation sur les taxes de séjour et, si celles-ci sont maintenues, d'en modifier les seuils beaucoup trop hauts, ainsi que la période de perception, et de généraliser la perception au réel.

Les taxes de séjour devraient être supprimées dans l'outre-mer compte tenu du contexte économique, des nombreuses fermetures d'établissement, du taux de chômage, de la concurrence géographique proche.

Est-il normal d'appliquer actuellement une même réglementation du taux de taxe pour une commune de 10 millions d'habitants ou de moins de 1.000 habitants ?

Propositions :


• supprimer la taxe de séjour communale dans les outre-mer
;


• subsidiairement, au cas (espérons improbable à terme) où elle persisterait, modifier les textes réglementaires afin de :

- modifier les fourchettes hautes et basses d'application de la taxe de séjour existante par catégorie de classement d'établissement en modulant ces valeurs hautes et basses pour tenir compte de la population communale, par exemple, communes de moins de 1 000 habitants, de 1 000 à 10 000, de 10 000 à 50 000, de 50 000 à 100 000, et au-delà ;

- permettre à chaque contribuable relevant de cette taxe de séjour communale d'opter pour le RÉEL . Dans le cas de la déclaration à l'impôt sur le revenu (IR), le contribuable peut déduire forfaitairement ses frais professionnels. Cependant s'il le préfère, il peut déduire ses frais réels. C'est son choix et son DROIT, s'il estime que le forfait ne lui est pas favorable. De même, dans le domaine touristique, chaque établissement relevant de cette taxe doit pouvoir choisir librement le RÉEL, s'il estime que le FORFAIT qui devrait TOUJOURS être plus favorable que le réel, ne l'est pas.

Il est notoire en Guadeloupe que des communes refusent d'appliquer le RÉEL au profit d'un appel de taxe au FORFAIT qui est jusqu'à 35 % supérieur à ce qu'est le réel collecté.

Force est de constater également que le climat social est instable et souvent réfractaire au dialogue.

Enfin, l'influence des médias sur l'image de nos destinations est trop souvent négative. Ainsi, la crise du chikungunya a été très largement médiatisée à l'époque pour La Réunion, alors que personne n'a parlé de l'île voisine de Maurice où la situation sanitaire était la même. En conséquence, l'île de La Réunion s'est vidée de ses touristes. Il en a été de même lors de la crise « Requins ».

Quelles solutions concrètes pour faire face aux problèmes structurels du tourisme ultramarin ?

Les professionnels du secteur reconnaissent que des efforts non négligeables ont été accomplis par le passé, notamment au travers des lois dites Pons (1986), Perben (1994), Girardin (2003), LODÉOM (Loi d'orientation pour le développement économique de l'outre-mer du 27 mai 2009)

Toutefois, les efforts doivent être parachevés, sous peine de voir notre tourisme domien péricliter comme « peau de chagrin ». Rien ne sera possible si nous ne sommes pas compétitifs.

À cet égard, soulignons le rôle majeur que joue la loi LODÉOM, dont les applications disparaissent au 1 er janvier 2017. Que se passera-t-il ensuite ? Si les réductions de charges ne sont pas reconduites, voire améliorées, de nombreuses structures fermeront encore.


• Des propositions diverses ont été évoquées dans le passé. Je citerai notamment la mise en place d'une zone franche d'activité pour le tourisme avec :

- une exonération totale et pérenne des taxes foncières et de la contribution économique territoriale (CET) ;

- une exonération totale de l'ensemble des charges sociales patronales pendant un temps déterminé avec retour progressif au régime général, dans le cadre d'une adaptation des dispositifs de droit commun (contrat de génération) et dans la perspective de la mise en oeuvre, outre-mer, du pacte de responsabilité voulu par le Président de la République ;

- une application d'une TVA à taux zéro comme en Guyane ou à Mayotte, ou au taux réduit de 2,10 % pour l'hébergement et la restauration, à condition d'une visibilité et d'un engagement dans le temps de cette mesure ;

- la mise en place d'une TVA non perçue récupérable sur l'ensemble des approvisionnements des hôtels et restaurants ;

- une exonération de l'ensemble des charges patronales sur l'emploi des artistes ;

- une exonération des redevances SACEM, qui « tuent » les initiatives culturelles (diffusions audio et vidéo dans les chambres, bars, restaurants, halls d'accueil, et animations musicales des sites recevant du public).


• Il a également été question d'adapter aux DOM le CICE avec un taux majoré adapté.

Ainsi, la FEDOM propose une majoration partagée entre les secteurs éligibles à la LODÉOM, avec une prime particulière pour le secteur du tourisme, soit :

- pour les salariés éligibles au CICE, 6 % ;

- pour les salariés éligibles à la LODÉOM, 9 % ;

- pour les salariés éligibles aux secteurs prioritaires de la LODÉOM, hors tourisme, 13 % ;

- pour les salariés du tourisme (dont hôtellerie), 19 %.

L'annonce présidentielle d'un CICE à 9 % sur deux ans (7,5 % en 2015 et 9 % en 2016) représente un indéniable effort budgétaire de 160 millions d'euros en année pleine (2016), mais pour les secteurs exposés et surexposés, cela reste très insuffisant.

Enfin nous ne pouvons qu'agréer les déclarations d'intention faites par la ministre des outre-mer, Madame George Pau-Langevin, et le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui ont présidé fin juillet 2015 la dernière séance du Conseil de promotion du tourisme, consacrée aux destinations d'outre-mer. En complément des travaux menés depuis dix mois au sein du Conseil de promotion du tourisme, cette séance avait l'ambition de réaffirmer la place de premier plan qu'entendent tenir les outre-mer pour contribuer à l'attractivité touristique de la France.

Le rapport, présenté par les députés Gabriel SERVILLE et Maina SAGE, établit un constat clair : quoiqu'il soit identifié comme un véritable levier de développement et de croissance, « le tourisme n'a pas encore, dans l'ensemble des outre-mer, la place stratégique qui devrait être la sienne ».

Ce rapport a le mérite de compiler des propositions qui se sont fait jour au fil des dernières années, formulées, pour la grande majorité d'entre elles, par les professionnels du secteur. On remarquera d'ailleurs que les autorités de Guadeloupe ont déjà mis en oeuvre nombre de ces idées. Ainsi, le Comité du tourisme des Îles de Guadeloupe (CTIG) a pris, depuis un bon moment, le virage numérique et décroché d'ailleurs plusieurs distinctions dans ce domaine. Ce même CTIG s'est aussi attaché à promouvoir notre destination sur son marché régional, jusqu'aux États-Unis. (Arrivée prochaine, en décembre 2015, de la compagnie aérienne Norwegian Airlines en provenance de Boston, Washington et New York). Rappelons enfin que la région, dans le cadre du schéma régional de développement économique (SRDE), a identifié le tourisme comme l'une des priorités et mis en oeuvre un schéma de développement et d'aménagement touristique.

Enfin, il nous faut insister sur les lois, décrets et règlements parfois très pénalisants pour le tourisme.

Prenons l'exemple du décret n° 2015-1077 du 26 août 2015. Ce nouveau décret sur l'octroi de mer est une « bombe » sur la notion de transformation.

En effet, l'article 2-III dispose que : « au sens de l'article 2 de la loi du 2 juillet 2004 1 ( * ) susvisée, constitue une transformation toute modification de l'état d'un bien, qu'il y ait ou non un changement de position tarifaire, à l'exception des opérations de conditionnement ou de manutention ».

Cet article est un mauvais coup porté à la profession.

Il vise directement à contrecarrer toutes les décisions remportées depuis cinq ans dans les activités de restauration, de BTP, etc... par rapport à l'activité de production. En d'autres termes, la douane a fait « passer » un texte qui implique que toute modification, aussi mineure soit-elle, vaut transformation.

Ceci emporte un effet immédiat et implique que toutes les activités de restauration, BTP, automobile et autres, vont être considérées comme des activités au sens du décret, dès lors qu'un bien est à peine effleuré ! Dans l'activité de restauration cela va coûter des centaines de milliers d'euros par an. Ce sont encore des charges supplémentaires pour nos entreprises, ce qui va nous conduire à augmenter les prix et donc contribuer à « la vie chère », alors que nous devons déjà compter avec les coûts liés aux frais d'approche et de stockage, et avec la perte de marchandises stockées.

Ce qu'il faut dire en outre, c'est que de nombreuses mesures mises en place jusqu'à aujourd'hui pour réduire les charges dans l'hôtellerie et la restauration, sont, de fait, « gommées » par de nouvelles taxes : taxe de séjour communale dont la révision des plafonds conduit de facto à son doublement, (décret n° 2015-1077 du 26 août 2015). Certaines communes augmentent en 2015 leurs taxes locales (Foncières, CVAE, ...) de 10 % !

Ajoutons encore que la situation de l'économie touristique et hôtelière de Saint-Martin est un peu le prototype des difficultés concurrentielles que subissent l'ensemble des destinations ultramarines puisque, sur ce territoire, la concurrence ne se trouve pas à 8 000 km, pas à 500 km.... mais sur le trottoir d'en face, qui vend le même « produit » car les plages, les sites, les activités, les commerces, sont accessibles à tous, quel que soit le « côté » de l'île qu'ils ont choisi, en l'absence de frontière et de distance, mais en subissant des charges, des contraintes et des réglementations incomparablement plus favorables ! Un peu comme si la rive droite de Paris était exonérée à peu près de toutes charges, taxes, règles ou normes et que la rive gauche restait soumise à l'ensemble des réglementations franco-européennes !

Bien que ces deux entités, française et néerlandaise, commercialisent en haute saison dans des proportions sensiblement identiques, ces recettes assurent une profitabilité bien plus faible en partie française. En basse saison, la partie française ne peut descendre sa tarification pour être concurrentielle au niveau de la partie néerlandaise.

Cette difficulté se retrouve dans le produit hôtelier lui-même en raison des surcoûts liés aux normes de construction et d'exploitation excessives. Nos concurrents peuvent laisser libre cours à la créativité, aux équipements et aménagements qualitatifs ou valorisant le produit. Les dépenses d'investissement pour le respect des normes absorbent une part non négligeable de nos volumes financiers, sans impact qualitatifs ou attractif pour la clientèle. Enfin, ces règles et normes constituent une contrainte pour l'adaptation de nos produits aux évolutions des marchés et aux attentes de la clientèle, adaptation qui se fait avec une lenteur, une lourdeur et des surcoûts prohibitifs.

Ces règles et normes répondent généralement à trois motivations principales :

- le progrès social et l'humanisme (accessibilité handicapés, rémunérations et protection sociale) ;

- la protection du consommateur (sécurité, qualité sanitaire, hygiène,...) ;

- l'égalité des conditions de concurrence au sein de l'Europe notamment.

Sur le premier point, il convient de bien mesurer ce qui est véritablement essentiel et de bien prendre en compte l'incapacité financière absolue des entreprises qui sont dans un secteur concurrentiel comme le nôtre, à assumer, seules, ces coûts dont le bienfait humanitaire n'est pas à discuter ici mais qui doivent, en tant que normes imposées de pays « riche », être compensées et partagées, par et avec l'État. C'était notamment le fondement du CICE dont on attend une inévitable majoration dans les DOM ... et dont Saint-Martin a été écarté jusqu'ici !

Si tel n'est pas le cas, la protection humaniste de la Nation risque rapidement d'être constituée par les seules allocations chômage et les personnes handicapées ne trouveront plus de chambres accessibles, les hôtels qui en possédaient, pourtant en nombre suffisant sans attendre les normes nouvelles, ayant fermé.

Si ces normes ou règles sont si essentielles, voire même si elles conditionnent la survie des populations, il faut s'interroger sur ces citoyens français qui se rendent en vacances dans les pays qui ne respectent pas les règles sanitaires jugées indispensables à leur santé, dans les pays qui font travailler les enfants, dans ceux qui n'offrent ni vacances dignes de ce nom, ni protection sociale à leurs personnels... ou qui construisent leurs bâtiments n'importe comment ! Or, les thuriféraires de nos règles et normes sont bien souvent les premiers à aller passer leurs vacances dans ces pays qui ne respectent pas les normes qui nous sont imposées, au nom de la protection de la clientèle en danger !

Sur le deuxième point, il conviendrait de bien considérer la relativité dans le temps et dans l'espace de nos normes qui ne sont pas, au seul motif qu'elles ont été édictées par nos soins, les seules valables dans le monde, et ne pas perdre de vue que nos exploitants ont une conscience bien suffisante de la santé et de la protection de leurs clients pour prendre toutes les mesures nécessaires à assurer leur protection en tant que professionnels responsables, ne serait-ce que....pour qu'ils reviennent ! Ces questions doivent être appréhendées en termes de pertinence réelle, d'adaptation à la situation objective, climatique, géographique et technique de nos territoires afin de ne pas imposer le respect de normes impossibles à mettre en oeuvre face à la concurrence ou sans pertinence sous nos climats.

Cessons de vouloir « surprotéger » nos clients qui vivent chez eux avec des normes qui leur conviennent suffisamment, qui mangent chez eux de la viande « non tracée », qui dorment chez eux dans des draps qui ne répondent pas aux normes d'inflammabilité européenne, et ne brûlent pas pour autant, qui en sont heureux sans en souffrir particulièrement, et qui refusent en tous cas d'acquitter un surcoût à ce titre.

Quant à la troisième motivation, d'égalité des conditions de concurrence, si elles peuvent avoir une pertinence au sein d'un espace de concurrence cohérent, elles aboutissent ici, au contraire à créer une « inégalité » et une pénalisation de nos entreprises par rapport à nos concurrents.

Libérons les énergies, laissons les professionnels du tourisme s'adapter à l'évolution et aux attentes des marchés, laissons les investir dans ce qui valorise leurs produits et apporte une plus-value réelle à leurs clients, levons les contraintes, sans pour autant porter atteinte à la France hexagonale dont nous sommes si loin et qui exerce son activité dans un autre schéma social et de concurrence.

C'est à ce prix que la rentabilité pourra être retrouvée, inspirer les investissements et créer de l'emploi.

Pour le soutien à la promotion de nos DOM, plusieurs actions doivent être prises aux plans national et international, comme la création d'un site internet complet dédié aux DOM, l'optimisation des implications de l'État via Atout France, la mise en place d'un bureau national dédié aux congrès et grands évènements et la création d'un palais des congrès adapté aux besoins et aux réalités structurelles des destinations, chaque fois que nécessaire.


• En outre, il serait pertinent de prévoir :

- l'optimisation des chèques vacances en liaison avec les professionnels pour les populations de touristes hexagonaux, et hors hexagonaux, pour les seniors et les populations locales ;

- un soutien à l'animation locale et à la mise en valeur des artistes musiciens locaux ;

- la mise en place pour les touristes, dans toutes les structures d'accueil, d'un CD de diffusion des offres locales (sites géographiques, culturels, circuit des vieilles maisons, randonnées, évènements, ...) ;

- l'information et la formation de nos populations locales par le canal télévisuel local sur l'intérêt du tourisme, nos espoirs de développement et les impératifs pour atteindre le succès ;

- la mise en place d'un cursus scolaire de formation au tourisme, en créant des départements-test pour la France qui est le pays recevant le plus de touristes au monde, même si il n'est pas le premier en montant des recettes collectées.

Tous ceux qui se sentent impliqués par le tourisme, ses emplois, son économie, devraient se mettre autour d'une table, dans le cadre d'un véritable « Grenelle du Tourisme » pour débattre franchement des mesures à prendre en dehors de tout assistanat, dans le dessein de préserver cette industrie importatrice de divises et créatrice d'emplois.

Le tourisme fait vivre beaucoup d'emplois : aérien, hôtellerie, animation touristique, restauration, gastronomie, artisanat, transporteurs, agriculture, pêche, et taxis, fleuristes et vendeurs en tous genres.

Qui pourrait croire que les chambres chez l'habitant et les gîtes, restés seuls sur le marché touristique, sauraient maintenir en place in fine le trafic aérien qui nous lie au monde, et les emplois actuels et attendus ?

Conclusion

Nos DCOM ont des atouts considérables pour réussir leur tourisme qui peut être la pierre angulaire d'un développement endogène transversal dans l'économie, consensuel, volontaire, solidaire et créateur de richesses et d'emplois.

Cependant, cela passe par des gains de compétitivité des entreprises par rapport à leurs concurrents régionaux. La transparence des prix les oblige à se caler sur un prix du marché pour attirer la clientèle et créer de l'activité. Compte tenu des coûts d'exploitations cela se fait au détriment de la marge et des investissements. Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les clients qui manquent aux destinations, mais les moyens de l'attirer, car pour avoir ces clients, il faut vendre à un prix qui n'est actuellement ni économiquement viable, ni rémunérateur.

Sur les propositions énoncées, s'il fallait n'en retenir qu'une seule, ce serait de baisser les coûts d'exploitation, et la meilleure solution est l'adaptation du CICE à nos DOM, telle que la préconise la FEDOM.

Par définition, l'industrie hôtelière n'est pas délocalisable ce qui l'oblige à être compétitive. Il ne manque à nos destinations domiennes pour réussir qu'une volonté politique jusqu'au plus haut niveau et un consensus des acteurs prêts à accepter les réformes nécessaires. Le véritable enjeu des dix prochaines années est de savoir si nous saurons inventer un nouveau modèle économique viable pour l'industrie hôtelière et touristique faute de quoi cette dernière disparaîtra.

Nous savons que cela est possible. Nous savons que nous pouvons y parvenir.

Voici le plus brièvement possible nos réflexions et préconisations pour consolider le succès du tourisme dans l'outre-mer et oser une nouvelle dynamique pour un tourisme durable dans l'outre-mer.

ANNEXE

Point sur les rémunérations et le temps de travail des hôtels
du GHTG-UMIH Guadeloupe au 1 er janvier 2011

Il semble utile d'effectuer une synthèse à ce jour de notre situation salariale pour les établissements

adhérents au GHTG.

En Juin 2008, le SMIC était à :

8,71 €

l'heure.

En avril 2009, il était toujours à cette valeur.

Suite à l'accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe paru au Journal Officiel

le 10 Avril 2009, il a été mis en place pour les salariés

un "bonus exceptionnel" exonérée de charges (dans la limite de 1 500,00 €, et d'un montant de :

annuels), et d'un montant de :

100,00 €

mensuels pour les entreprises de plus de 100 salariés,

50,00 €

mensuels pour les autres

Ramenées en taux horaire brut, ces bonus correspondent à des augmentations substantielles :

1 er constat :

Il résulte que la mise en place des bonus en 2009 a correspondu à des augmentations de salaires

hors charges pour le premier niveau de rémunération

(NI-E1) de :

3,53%

à

7,57%

pour les années 2009 et 2010, soit pour 21 mois jusqu'au 31/12/2010.

3 ème constat :

Les augmentations en valeurs brutes sont inéquitables : en pourcentage, elles sont importantes

pour les bas salaires, moindres pour la hiérarchie et lèsent l'encadrement.

Prenons deux exemples dans la grille au 1 er juin 2007, date de la grille en vigueur au moment de la

mise en place des bonus, et date de remise en ordre de la grille salariale du GHTG avec l'accord

de toutes les organisations syndicales :

On constate que les 0,31 € par heure ou les 0,62 € par heure ont une incidence plus faible sur

l'évolution des rémunérations des salariés concernés, suivant leur niveau hiérarchique :

On remarquera toutefois que les augmentations résultant des bonus sont restées pour tous

les salariés supérieures aux évolutions du SMIC (1,72 %) qui elles sont égales ou supérieures,

de par leur définition, au coût de la vie.

4 ème constat :

Au bonus employeur sont venues s'ajouter 3 autres bonus pour les salariés, sous certaines conditions

de revenus et pour une période délimitée dans le temps :

Les augmentations accordées en 2009 ont été supérieures au coût de la vie, sans justification économique réelle.

Il faudrait aujourd'hui revenir à une grille de salaires comme celle acceptée par toutes les parties en 2007, en tenant compte d'une réévaluation du SMIC de 1,6 % au 01/01/2011, en réévaluant tous les échelons, pour "gommer" les écrasements de grille engendrés par le LKP.

À partir de cette hypothèse on obtient la grille suivante (grille consultable dans le document GHTG) :

Hypothèse H1 :

- On réactualise la grille 2007 en tenant compte :

o de la revalorisation du SMIC au 01/01/2011 à : 9 €,

o de l'obligation que le 1 er niveau (NI-E1) soit 1 % au-dessus du SMIC, soit : 9,09 € « avenant n° 6 de la CCN étendu par arrêté du 19/02/2010 »,

o et sans toucher aux bonus employeurs 2009 jusqu'à leurs termes.

Dans cette hypothèse, la grille GHTG de 2007 réévaluée pour 2011 est alors supérieure à la grille nationale.

Restera encore à résorber ultérieurement les 50 € correspondants à la part restante du bonus de 100 €.

Conclusions de toutes ces réflexions :

Nos taux horaires ne reflètent pas la réalité des revenus annuels de nos salariés qui sont supérieurs de :

ü plus de 30 % par rapport aux revenus des salariés de l'Hexagone ;

ü pour un temps de travail effectif de près de 15 % en moins ;

ü avec une productivité inférieure de plus de 30 %.

Face aux constats que tout le monde connaît :

ü que l'hôtellerie va mal ;

ü que la moitié des établissements hôteliers a disparu, conduisant à la diminution de la moitié des chambres ;

ü et la disparition de la moitié des emplois CDI, sans compter les CDD et les emplois connexes.

Et que la raison majeure de tous ces maux est un temps de travail insuffisant pour un coût hors normes internationales et sans commune mesure avec celui pratiqué dans l'Hexagone,

Les hôteliers du GHTG doivent mettre en application la grille nationale de classification et de salaires, telle qu'elle résulte de l'avenant n° 6 à la CCN étendu par arrêté du 19 février 2010 portant extension d'avenants à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (n° 1979)

Cet arrêté stipule en particulier dans son article1 er :

Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, les dispositions de l'avenant n° 6 du 15 décembre 2009 relatif:

- aux rémunérations,

- à la reconnaissance des qualifications des métiers dans les CHR,

- à la prévoyance dans les CHR,

- à la prime liée à la réduction du taux de TVA dans la restauration,

- aux jours fériés (Article 6 de l'avenant n° 6 précisant « 6 jours fériés garantis sur 10 jours fériés annuels »).

L'avenant n° 12 du 29 avril 2010 , signé par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés a porté le taux horaire de la NI-E1 de 8,92 € à 8,95 € laissant les autres taux inchangés.

Cet avenant n° 12 a été étendu par arrêté ministériel du 26 novembre 2010, publié au Journal Officiel du 17 décembre 2010.

Il devient applicable obligatoirement, à l'ensemble de la profession à compter du 1 er janvier 2011.

L'accord du 6 octobre 2010 a instauré pour tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, un régime conventionnel de frais de santé obligatoire par mise en place de mutuelles .

Depuis le 1 er janvier 2011, toutes les entreprises dont l'activité est comprise dans le champ d'application de la CCN hôtels, cafés, restaurants, ont l'obligation d'adhérer au régime HCR santé.

Cependant, l e décret n° 2010-1584 du 17 décembre 2010, publié au Journal Officiel du 18 décembre fixe les montants du SMIC et du minimum garanti à 9 € à compter du 1 er janvier 2011.

Le taux horaire du SMIC passe de 8,86 € à 9 €.

De ce fait, le salaire des emplois classés aux échelons 1 et 2 du niveau I devra être obligatoirement réajusté sur le SMIC.

Yan MONPLAISIR,
Vice-président du Groupement des investisseurs hôteliers
des départements d'outre-mer (GIHDOM),
Président du Groupe Monplaisir

J'aurais pu démarrer mon intervention en dressant tout d'abord un rapide constat de la situation de la grande hôtellerie mais le calendrier politique « local » impose que je rappelle l'échéance électorale du mois de décembre, les Martiniquais devant élire leurs représentants à la collectivité territoriale de Martinique. Nos compatriotes vont élire, réunis pour la première fois dans une seule et même entité, ceux qui impulseront, concevront, mettront en oeuvre, et évalueront les « politiques publiques locales », tout particulièrement les politiques économiques devant faire reculer sensiblement les chiffres du chômage, véritable fléau de nos sociétés.

Vous aurez donc compris que les enjeux sont cruciaux car le contexte très concurrentiel n'autorise pas la moindre erreur.

Tous les observateurs, les spécialistes et les politiques avaient imaginé que les événements géopolitiques tels que les conflits (printemps arabe,...) et les événements climatiques auraient profité aux secteur s touristiques d'outre-mer sans doute moins exposés. Si des améliorations ont pu être enregistrées çà et là, force est de constater que l'essor attendu n'a pas été au rendez-vous.

Selon les chiffres de l'IEDOM en 2015, l'hôtellerie martiniquaise a particulièrement souffert d'une baisse de fréquentation, de l'évolution des besoins de la clientèle et de l'émergence de nouveaux marchés. De nombreux hôtels ont fermé et le nombre de chambres disponibles a diminué de plus d'un tiers depuis 2000. Aujourd'hui, la santé financière d'une partie des entreprises du secteur reste fragile - pénalisée par d'importantes charges de personnel - comparativement aux destinations concurrentes de la Caraïbe. La fréquentation hôtelière a connu un coup d'arrêt avec la crise de 2009 et, depuis, n'a pas retrouvé son niveau antérieur, même si l'année 2013 a été marquée par un léger regain. Alors que le nombre de nuitées approchait 2 millions en 2006, il dépassait à peine 1,3 million en 2013, soit une baisse d'un tiers de la fréquentation.

Ces mauvais chiffres confirment le diagnostic martelé depuis plusieurs années : les difficultés du tourisme sont d'abord d'ordre structurel avant d'être conjoncturel. Selon une étude menée par le Cabinet KPMG cette année, « la rentabilité des exploitations hôtelières de Martinique n'est pas bonne. Le poids de la masse salariale est trop fort, ce qui génère un modèle économique qui n'est pas viable à long terme. L'hôtellerie martiniquaise ne peut pas opérer les investissements nécessaires par manque de capacité financière . »

La Martinique souffre d'un déficit de compétitivité qui s'explique par plusieurs facteurs que j'énumèrerai dans le désordre mais qui pourraient très bien s'ordonner avec les évolutions constatées dans le temps :

- mauvaise rentabilité des exploitations hôtelières et manque de compétitivité ;

- obsolescence des structures ;

- coûts d'exploitation trop importants ;

- saisonnalité ;

- arriéré fiscal ;

- déficit d'investissement ;

- baisse du trafic aérien ;

- absence de tout nouveau projet d'envergure au cours des trente dernières années...

Certes on pourrait pointer la faiblesse des investissements, la difficulté du dialogue social... La vérité est que toutes les politiques publiques qui se sont succédé ces dernières années n'ont pas aménagé la marge nécessaire pour créer les conditions du succès.

Compte tenu de la situation, nous avions le devoir de mettre en place un véritable plan Marshall pour le tourisme à l'image de ce qui avait été fait pour la banane. Pour mémoire, en 2012 le secteur de la banane a perçu 207,5 millions de subventions pour la Martinique et la Guadeloupe pour 206 millions de chiffre d'affaires réalisé ! Si la banane a su profiter des subventions, leur montant n'a pas aidé au développement des cultures vivrières, d'où les difficultés que rencontrent actuellement nos agriculteurs.

Il faut bien évidemment tenir compte des difficultés budgétaires des pouvoirs publics, c'est pour cela qu'il faut privilégier non pas une augmentation des dotations mais bien leur meilleure répartition.

En effet, avec l'application du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans nos départements, il aurait suffi de maintenir le taux de CICE au niveau national de 6 % pour tous les secteurs qui ne sont pas exposés à une concurrence extérieure comme la grande distribution et mettre en place un taux de CICE de 22 % pour le tourisme, un secteur exposé à la concurrence caribéenne. Cette mesure permettrait de rétablir en partie la compétitivité des hôtels, de développer l'investissement et de créer des emplois. Cette majoration différenciée du CICE diminuerait à terme la dépense publique car chaque emploi créé ou préservé coûte moins cher à la collectivité qu'un chômeur.

À ce sujet les trois amendements déposés par Monsieur Patrice Martin-Lalande, Député du Loir-et-Cher, et cosignés par vingt de ses collègues, avaient pour objectif de différencier et de renforcer à 18 % le taux du CICE applicable aux secteurs exposés à la concurrence internationale, en particulier le tourisme dans les départements d'outre-mer.

Les autres secteurs exposés que sont l'industrie et l'agriculture bénéficient d'aides spécifiques indispensables comme le différentiel d'octroi de mer pour l'industrie ou les aides POSEI pour l'agriculture, alors que le tourisme, déclaré comme secteur prioritaire pour l'avenir de nos îles, ne bénéficie d'aucune aide spécifique véritablement efficace. Le tourisme outre-mer doit être érigé en cause nationale.

Encore trop nombreux sont ceux qui pensent que le secteur touristique n'est pas un véritable créateur de richesses, de plus-values. Nous aurions tort de croire que le secteur touristique ne nécessite pas une ingénierie, de la recherche, une constante quête de l'excellence vers laquelle nos jeunes doivent tendre.

Si je fais très souvent le parallèle avec nos voisins de la Caraïbe, notamment en matière de coût du travail, j'ai pourtant en tête les standards que nous pouvons retrouver dans le Pacifique. Tous les pays ont compris qu'il faut développer une offre touristique de grande qualité, certes variée, mais avec une locomotive : la grande hôtellerie.

Bien sûr, on peut prétexter les problèmes de dessertes aériennes qui freinent la captation des clientèles nord-américaines et européennes, mais qu'avons-nous à offrir à une clientèle qui est demandeuse d'un produit touristique de grande qualité ?

Plus encore que ses voisins, la Martinique est un territoire qui regorge d'atouts naturels et culturels (patrimoine environnemental, culturel, historique, culinaire, santé ...) mais nous n'avons pas les moyens de les faire découvrir. Le cadre de la COP21 impose cette réflexion qui doit être globale et tenir compte de tous ces paramètres.

Il faut mettre en place un processus vertueux capable d'attirer les capitaux privés internationaux. À l'image de ce que d'autres ont pu réussir sur des territoires moins dotés, nous pouvons faire de nos îles et, plus singulièrement, de la Martinique des destinations d'exception qui permettront de redonner à nos économies le dynamisme nécessaire à créer les emplois tant attendus.

Il faut « donner au pays une chance » de réussir cette mutation.

Claude GIRAULT,
Directeur général adjoint des outre-mer

Jean-Pierre PHILIBERT, président de la table ronde

Nous partageons tous les préoccupations de Yan Monplaisir et je me tourne à nouveau vers Claude Girault, car le tourisme a été reconnu comme l'un des moteurs du développement économique.

Alors que nous allons entrer dans une phase de renégociation de la LODÉOM pour préparer la LODÉOM II après et que nous abordons l'examen du projet de loi de finances pour 2016, nous devons nous poser les bonnes questions et effectuer les arbitrages pertinents. À cet égard, la diminution des exonérations de charges sociales paraît malvenue. C'est pourquoi il est sans doute possible de la compenser par une diminution du CICE dans le secteur non exposé à la concurrence (poste, banques, grande distribution...) afin de le majorer de façon plus soutenue dans les secteurs économiques vulnérables des outre-mer. Une telle demande est-elle utopique ? Ce combat a-t-il des chances d'aboutir ?

Claude GIRAULT, directeur général adjoint des outre-mer

Il n'est jamais utopique de demander. Je rappelle que le débat parlementaire commence à peine et que le Conseil des ministres vient d'adopter le projet de loi de finances, dont la discussion se poursuivra pendant toute la durée de l'automne. Le Gouvernement a effectivement fait une proposition sur laquelle reviendra la ministre des outre-mer, avec une analyse rejoignant totalement les constats que vous avez posés. La direction générale des outre-mer souscrit à la totalité de ces constats, ce qu'il est important de souligner.

Un certain nombre de problèmes de distorsion de concurrence ont été rappelés, notamment l'évocation du « secteur gris » s'apparentant à un « UberPop » de l'hébergement touristique. Cette pratique a d'ailleurs été condamnée par la justice et reconnue contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Nous devons accomplir un travail sur le rétablissement des conditions de concurrence, et les pouvoirs publics doivent lancer un ensemble d'actions pour y parvenir. Nous partageons le besoin de discuter et de concevoir des solutions.

La pratique du « tour d'eau » en Guadeloupe est insupportable pour les populations, alimente le conflit social et est dévastateur pour le tourisme. Ce sujet a été pris à bras-le-corps par les préfets de Guadeloupe d'autant que, comme Madame Redon l'a exposé, il est possible de trouver des solutions au problème de l'eau dans des territoires dont la géographie est beaucoup plus complexe que celle de la Guadeloupe, dont je ne rappellerai pas l'hydrométrie naturelle et la richesse de la ressource.

En réalité, il n'existe pas une compétitivité strictement économique, mais également une nécessaire compétitivité de société. Il faut savoir contre qui nous luttons et avec quels outils. Pour rectifier légèrement le propos de Monsieur Vion, ce n'est pas la commission du tourisme du ministère des outre-mer qui a préconisé une majoration du CICE mais le Comité de promotion du tourisme, piloté par le ministre des affaires étrangères et du développement international qui a fait du tourisme, avec le Président de la République et le Premier ministre, une cause de développement économique majeure. Il y a urgence à travailler sur les constats et les propositions avec les élus des territoires et des collectivités, dans une action coordonnée. D'ailleurs, le poids économique du tourisme outre-mer est probablement sous-estimé au vu de la part importante de l'économie grise. Le sujet de la formation est également essentiel et je rejoins tout à fait Monsieur Vion sur le besoin de qualification.

Isabelle RICHARD,
Adjointe à la sous-directrice en charge du tourisme
à la direction générale des entreprises (DGE)
au Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique

Le coeur de métier de la direction générale des entreprises (DGE) est de soutenir les efforts et les initiatives des professionnels pour plus d'innovation et de compétitivité.

Nous parlons beaucoup aujourd'hui des spécificités des outre-mer mais je vais me permettre de prendre un peu cette question à l'envers. Je souhaiterais en effet souligner, dans un premier temps, les nombreux points communs entre acteurs du tourisme en outre-mer et acteurs du tourisme en métropole. Ce sont bien ces points communs qui doivent guider en priorité l'action publique comme l'action privée.

Ils portent tout d'abord sur les caractéristiques de l'offre et des acteurs économiques. En effet, la prédominance de très petites entreprises (TPE) n'est pas une caractéristique des outre-mer. Il en est de même pour la forte proportion d'entreprises indépendantes et anciennes, mais dont le nombre décline pour laisser place à des réseaux ou des chaînes. Il en est de même encore pour la forte dépendance au taux de départ en vacances des Français, même si les proportions de touristes étrangers sont bien sûr plus élevées en métropole.

Mais il y a des points communs beaucoup plus importants que ces données chiffrées. Le secteur de l'hôtellerie se sent attaqué par une concurrence qu'il estime déloyale, que ce soit les hébergements des particuliers ou les pays à plus bas coûts ou tout simplement plus compétitifs quant au rapport qualité-prix. De ce point de vue, les outre-mer ne font pas exception. Certes, l'Hexagone part d'une situation confortable de première destination mondiale, mais les autres pays touristiques européens, ou ceux qui aspirent à le devenir, ont connu depuis plusieurs années une augmentation de la fréquentation plus forte qu'en France. Par ailleurs, Internet a joué le rôle de vitrine sur le monde, rendant possible une comparaison instantanée sur le prix mais aussi sur la qualité, car c'est désormais ce rapport qualité-prix qui est devenu l'étalon de mesure de l'offre touristique. Je pourrais citer de nombreuses autres caractéristiques communes, mais l'essentiel est là : dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, la concurrence est de plus en plus forte et c'est bien cet enjeu qui guide l'action publique tout comme l'action privée.

Lors de la clôture des Assises du tourisme, en juin 2014, le ministre des affaires étrangères et du développement international a ainsi insisté sur l'impérieuse nécessité d'agir rapidement et avec efficacité pour aider la France à trouver sa place dans le nouveau contexte concurrentiel, afin de lui permettre de saisir pleinement toutes les opportunités qu'offre le secteur touristique.

Du côté des pouvoirs publics, cette action est menée sur la base des travaux du Conseil de promotion du tourisme, avec comme idée-force d'examiner à chaque maillon de la chaîne touristique ce qu'il convient d'améliorer.

Je présenterai ces actions qui ont pleinement vocation à se concrétiser en outre-mer, en distinguant les fondamentaux de l'offre touristique, avant d'aborder la question cruciale de l'innovation et bien sûr les mesures spécifiques à l'outre-mer.

Les fondamentaux de l'offre touristique ont été présentés à l'occasion de la remise du rapport du Conseil de promotion du tourisme, le 11 juin dernier. Je ne citerai que quelques actions mais vous renvoie volontiers à ce rapport.

L'accueil est apparu comme un maillon essentiel de l'action collective. Au tout début de la chaîne touristique, les modalités d'attribution de visas ont considérablement été simplifiées, comme vous le savez. Les grands aéroports nationaux ont également amélioré leur politique d'accueil en mettant en place une signalétique adaptée, des messages en plusieurs langues, des points d'information. Or, ce qui est fait en métropole bénéficiera forcément aux outre-mer lors des transits internationaux. L'adaptation de ces mesures aux aéroports des outre-mer constitue une autre piste d'action.

Comme vous le savez aussi sans doute, les efforts des professionnels sont accompagnés par les pouvoirs publics. La marque « Qualité Tourisme » qui valorise cette qualité de l'accueil a fait l'objet d'un soutien des ministres et la DGE a pu lancer une première campagne de communication au printemps.

Les questions de formation ont également été au coeur des travaux du Conseil de promotion du tourisme. Je citerai plus particulièrement la création d'une « Conférence des formations d'excellence du tourisme » qui devra intégrer les formations dispensées en outre-mer ou en métropole au profit d'étudiants ultramarins. Les MOOC ( massive open online courses ) que mettra en place Atout France répondront aussi pleinement aux besoins des acteurs d'outre-mer souvent handicapés par l'accès aux formations.

Le financement du secteur a enfin été reconnu comme une priorité du Gouvernement. Le ministre des affaires étrangères et du développement international a indiqué que les contours du fonds d'investissement tourisme seraient précisés lors de la première conférence annuelle du tourisme qui se tiendra le 8 octobre prochain. Ce fonds, porté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a pour vocation de financer des projets structurant pour le tourisme. Il a aussi vocation à bénéficier aux outre-mer, tout comme les nouveaux outils de la Banque publique d'investissement (BPI) qui doivent aussi être présentés le 8 octobre prochain. En matière de financement, la DGE a également travaillé avec l'Agence française de développement (AFD) et Atout France pour mettre en place de nouveaux outils et des synergies pour appuyer le développement des hôtels.

Le numérique et l'innovation sont aussi au centre des recommandations du Conseil de promotion du tourisme. La promotion de notre destination France doit en tenir compte et Atout France doit modifier sa stratégie en nouant de nouveaux partenariats et en valorisant davantage chacune des destinations.

De ce point de vue, il ne s'agit pas seulement d'inciter les acteurs ultramarins à utiliser davantage les outils numériques mais également de s'intéresser spécifiquement aux modalités d'intervention et d'innovation. Aujourd'hui, les clientèles touristiques ont accès à l'information de toute la planète et choisissent le meilleur rapport qualité-prix, l'expérience et un service totalement adapté, voire anticipant leurs besoins. Les start-ups leaders telles que Waze , Airbnb , Blablacar sont parties d'expériences de leurs fondateurs pour faire table rase du passé en proposant des choses nouvelles. Le monde du tourisme est assez peu présent dans cet environnement des start-ups . L'un des enjeux de la DGE est donc de faire mieux communiquer le monde du tourisme classique et ce nouveau monde des start-ups , grâce à des incubateurs. Nous menons aujourd'hui des travaux avec le cabinet MKG, spécialiste en tourisme et innovation, pour accompagner ces rapprochements entre le monde du tourisme et celui de l'innovation afin de créer de la valeur. Cette création de valeur vaut également pour le tourisme vert et bleu, car les start-ups précitées sont plutôt positionnées sur des créneaux spécifiques et des offres sur-mesure.


* 1 Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

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