III. UN EFFORT DE SENSIBILISATION, DE MOBILISATION ET DE PLANIFICATION DOIT ÊTRE RÉALISÉ DÈS MAINTENANT, Y COMPRIS EN MATIÈRE DE DÉFENSE

Les sociétés vont être confrontées à des choix difficiles en réponse à la montée du niveau des eaux, au premier chef celui de la résistance ou celui du retrait, avec des coûts humains et financiers considérables et des arbitrages à faire entre activités économiques et populations. Ces choix vont survenir au moment où nos sociétés seront également engagées dans les transformations liées à l'atténuation du changement climatique notamment de leurs productions d'énergie ; c'est toute la structure de l'économie, des emplois et de nos modes de vie qu'il va falloir faire évoluer pour s'adapter au changement climatique, mais aussi au passage aux énergies non carbonées et à l'augmentation des coûts associés. Il en résultera nécessairement de fortes tensions sociales et politiques.

Ces tensions risquent d'être beaucoup plus vives encore dans les pays en développement qui ne dispose ni des capacités institutionnelles, scientifiques et économiques pour conduire de tels changements sans l'appui des pays les plus développés et des institutions internationales. C'est donc un formidable élan de solidarité qui sera nécessaire pour relever ce défi, au-delà de la nécessaire prise de conscience de chacun et des débats sur les responsabilités.

Le groupe de travail, malgré l'appréciation par construction partielle, qu'il a pu porter sur les risques et les solutions, tant en raison de son mandat que du temps imparti pour mener son étude, est en mesure d'ouvrir quelques pistes de réflexion et de formuler quelques propositions, qui sans être exhaustives, devraient être soumises au débat tant au sein des organisations internationales (au premier chef les conférences sur le changement climatique), de l'Union européenne et de l'OTAN, mais aussi en France, car certaines d'entre-elles concernant la défense relèvent de notre souveraineté.

A. AU NIVEAU INTERNATIONAL

1. S'agissant de l'atténuation du réchauffement climatique

Nous avons dans ce rapport, en nous focalisant sur la montée du niveau de la mer, montré l'ampleur et la gravité des conséquences du changement climatique, le caractère inéluctable de certaines d'entre-elles et les risques majeurs qu'entraîneraient le maintien du niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre. Les études du GIEC définissent des scénarios et se fondent sur des probabilités d'occurrences. On observera que chaque nouveau rapport accroit le niveau de risque et rehausse les niveaux de probabilité au fur et à mesure du perfectionnement des modèles, de la connaissance des phénomènes géophysiques mais aussi et surtout de l'accumulation des émissions.

Si la sécurité absolue est un mythe, une attitude responsable consiste à se garder des risques les plus lourds en mettant en oeuvre des politiques de prévention. Celles-ci passent indiscutablement par une réduction rapide des émissions de CO² afin d'atténuer le réchauffement climatique et dans un premier temps de le contenir sous un seuil acceptable pour minimiser ses impacts. L'objectif de la COP 21 est d'arriver à un accord assurant le maintien du réchauffement à 2°C. C'est un minimum.

Si un accord est trouvé, encore faudra-t-il qu'il soit effectivement appliqué et que les objectifs fixés soient atteints. Cela suppose que la communauté internationale se donne les moyens de suivre l'impact des politiques d'atténuation et qu'elle continue de parfaire son suivi des phénomènes climatiques et de leurs impacts, Il est probable que ces objectifs devront être revus et que les efforts auront besoin d'être accentués à l'avenir, mais si l'ensemble des acteurs (Etats, entreprises, citoyens) entrent dans une dynamique de changement, la réticence aux évolutions sera moindre et l'action facilitée.

La conclusion d'un accord doit être perçue comme une première étape et non comme un aboutissement. Il ne s'agit pas de confondre le moyen avec le but à atteindre. La dynamique créée autour du moment-clef devra être poursuivie avec rigueur et sans faiblesse.

Proposition n° 1 : Conclure un accord ambitieux et contraignant lors de la 21 e Conférence de la convention des Nations unies sur le Changement climatique (UNFCCC) en décembre 2015 à Paris pour s'orienter résolument vers une diminution des émissions de CO² compatible avec le maintien du réchauffement à 2°C, ce qui est un minimum.

Proposition n° 2 : Considérer ces engagements comme une étape et non comme un aboutissement. Mettre en place un suivi approprié des évolutions du changement climatique et de mesure de l'impact des politiques d'atténuation afin de pouvoir reconsidérer le moment venu les niveaux d'engagement et de contraintes.

Le discours d'expertise est souvent l'objet d'une suspicion et d'un procès d'élitisme coupé des réalités, surtout lorsqu'il s'appuie sur des prévisions résultant de combinaisons complexes de données et que ces prévisions ne se traduisent pas par des faits appréciables et attribuables par la population au changement climatique.

Inversement, le discours scientifique est relayé ou contrecarré par celui des communicants, beaucoup plus virulents qu'ils agissent comme « lanceurs d'alerte » au nom d'un militantisme jusqu'au-boutiste ou d'un « climato-scepticisme » exacerbé. « L'hystérisation » des discours entraîne une simplification à outrance et nuit par ses excès à l'assimilation des enjeux.

Un effort sémantique et pédagogique doit être mené, pour vulgariser les connaissances scientifiques sans les déformer et pour expliquer la réalité des évolutions en cours et les objectifs des décisions à prendre sans catastrophisme et sans déni de réalité. Le peur n'est pas nécessaire à la résolution des crises. La solution réside dans l'anticipation, l'information et la planification.

La participation des citoyens au débat sur le climat

L'association des citoyens aux enjeux du changement climatique est souhaitable. Lorsqu'elle est organisée convenablement suffisamment en amont et fondée sur des éléments d'information pluralistes, des avis contradictoires et des expertises indépendantes, la consultation de la population sous forme de débat ou de panel peut se révéler intéressante et plus performante que la consultation obligatoire souvent formelle d'organismes institutionnels comme l'a montré le « Débat citoyen planétaire » organisé en juin dernier entre 10 000 habitants des cinq continents dans le cadre de la préparation de la COP 21.

Sur ces 10 000 citoyens, 78 % se disent très concernés par le changement climatique. 66 % pensent que les mesures pour lutter contre le changement climatique sont plutôt une opportunité qu'une atteinte à la qualité de vie, et que tout doit être fait pour limiter le réchauffement climatique à 2°C et 90 % pensent que tous les pays devraient rendre public un rapport annuel sur leurs émissions et les progrès réalisés.

Comme l'indique Christian Leyrit, président de la Commission nationale du débat public (CNDP) co-organisatrice de cette consultation, « l'idée que les gouvernants ne pourraient pas prendre des mesures ambitieuses parce que les citoyens n'y seraient pas prêts est donc un point de vue totalement démenti. »

Il s'agit d'expliquer et d'accompagner une évolution de nos sociétés, qui implique nécessairement des changements profonds dans nos habitudes et nos modes de vie en montrant que les choix sont nécessaires et que les capacités pour chacun de les mettre en oeuvre existent. C'est la responsabilité du politique.

Confrontée à une crise de cette ampleur, et sans nier les douleurs et souffrances qui l'accompagneront, l'humanité, si elle parvient à la surmonter, aura accompli un progrès décisif dans son histoire.

Proposition n° 3 : Créer les conditions pour fonder des valeurs soutenues par tous les peuples, qui permettront de construire des solutions aux défis globaux de notre monde, de prévenir et d'arbitrer en droit et en équité les différends et conflits relevant des conséquences du changement climatique.

Les interventions dans un seul domaine sont insuffisantes pour empêcher le changement climatique d'exacerber les fragilités et les fragilités de miner la mise en oeuvre des politiques de résilience. Cela résulte de la nature composite des risques. Une meilleure intégration et coordination de politique relevant de la lutte contre le changement climatique, de l'aide au développement, de l'aide humanitaire et de la prévention des conflits, permettrait à la communauté internationale d'atténuer des risques qui se cumulent et de réaliser des progrès en efficacité dans ces différents domaines. Il s'agit, et c'est une recommandation des auteurs du rapport commandé pour le Rapport G7 122 ( * ) , de dépasser les approches en silos qui rendent moins efficaces la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation. La Banque mondiale et les grandes organisations des Nations unies devraient être encouragées à élargir leurs actions sous l'angle des conséquences du changement climatique sur la fragilité des États et déployer des efforts pour la mise en oeuvre de synergies et de coordination des futures décisions des conférences des Nations unies sur le climat, des recommandations du cadre de Sendai 123 ( * ) sur la réduction des risques adoptés en juin 2015 et des politiques d'adaptation.

Proposition n° 4 : Renforcer la coordination des organisations internationales dans la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.

Un rapport de l'OCDE évalue à 449 milliards d'euros par an les subventions publiques aux combustibles fossiles. Si les Etats veulent entrer résolument dans un cycle de réductions des émissions de GES, ils doivent, à l'avenir, s'abstenir de subventionner les industries qui extraient, transforment et consomment des énergies fossiles et reporter massivement cet effort sur les industries qui produisent des énergies renouvelables ou vers des politiques d'efficacité énergétiques. Il en va des aides directes, comme des aides à l'exportation et des aides au développement. La France a annoncé lors de la dernière Conférence environnementale en novembre 2014 la suppression de tous les crédits à l'exportation dès qu'il y a utilisation de charbon. Le 10 septembre 2015, le Premier ministre a confirmé cet engagement pour tous les nouveaux projets de centrales à charbon qui ne sont pas dotées d'un dispositif de capture et stockage de CO². C'est un premier pas. Elle devrait étendre ce dispositif à l'ensemble de la filière depuis l'extraction et à l'ensemble des énergies fossiles, mais aussi inciter les autres grandes puissances à agir de la sorte. Cette politique restrictive devrait toucher également les aides au développement.

Il y aurait en effet une forme d'inconséquence à aider les industries polluantes tout en dépensant pour corriger les effets de la pollution. D'ailleurs un nombre de plus en plus important d'investisseurs internationaux comme les fonds de pension, les oeuvres philanthropiques, certains fonds souverains et certaines compagnies d'assurance, évaluant les menaces à moyen terme pour l'activité économique, ont annoncé leur désinvestissement de ces secteurs 124 ( * ) .

Proposition n° 5 : OEuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin qu'ils s'interdisent tout financement de projets d'extraction, de production ou recourant à une consommation excessive d'énergies carbonées et les inciter à promouvoir et à financer les projets utilisant des énergies renouvelables ou utilisant des technologies propres.

Devant les atermoiements de la mise en oeuvre de l'atténuation au niveau international, la géo-ingénierie est de plus en plus présentée comme une solution crédible. Si elle pouvait devenir à terme et dans des conditions rigoureusement contrôlées un complément intéressant à la lutte contre les impacts du réchauffement climatique, elle ne doit pas devenir une alternative à la réduction des émissions de GES. Le risque de développement d'une filière clandestine n'est pas exclu. La convention de Londres (1972) et son protocole (1996) sur la prévention de la pollution des mers par immersion de déchets ou d'autres matières ont interdit ces pratiques, estimant que les connaissances, tant de l'efficacité que des impacts de la fertilisation des océans, étaient insuffisantes pour justifier des expérimentations à large échelle. Le 29 octobre 2010, la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations unies a adopté par consensus un moratoire de facto sur les projets de géo-ingénierie. Néanmoins, un renforcement du dispositif juridique d'encadrement et de contrôle apparaît nécessaire. Il pourrait trouver sa place par la révision de la Convention ENMOD.

Proposition n°6 : Prévenir le développement anarchique des solutions de géo-ingénierie (révision et renforcement de la convention ENMOD).

2. S'agissant de la protection et de la prévention

Les politiques d'atténuation ne seront pas suffisantes pour protéger les populations et les activités des conséquences de la montée du niveau de la mer et plus généralement des conséquences du changement politique. Tous les Etats devront accroître la résilience de leur territoire et de leur population. Les pays exposés au risque sont souvent des pays en développement qui ne disposent pas toujours des compétences scientifiques et techniques, ni des moyens financiers pour mettre en oeuvre les mesures de prévention, de protection, de secours et de reconstruction nécessaires compte tenu de l'aggravation des risques en fréquence et en intensité. Les pays développés et les organisations internationales peuvent les y aider en orientant les politiques d'aide au développement.

Certains bailleurs ont commencé à entrer dans cette logique. Ils doivent y être encouragés.

Prévenir et protéger

L'AFD s'est engagée dans une stratégie climat ambitieuse qui vise notamment à ce que 50 % de son activité annuelle dans les Etats étrangers aient un cobénéfice en matière de lutte contre le changement climatique et ses effets (soit 2,86 Mrds EUR en 2014). Une part non négligeable de cette activité climat (environ 15-20 %) recouvre des projets en matière d'adaptation.

Elle répond, dans de nombreux cas, à un objectif de réduction des risques de catastrophes amplifiés avec le changement climatique. C'est le cas des projets relevant de la prévention des risques d'évènements climatiques extrêmes (catégorie qui recouvre aussi bien des projets de renforcement des systèmes hydro-météo et système d'alerte précoce que des projets de construction de système de drainage pluvial en milieu urbain pour lutter contre le risque d'inondation lié à l'intensification d'évènements pluvieux violents) ainsi que de certains projets d'agriculture et de préservation de la biodiversité (avec notamment des projets visant la mise en place de systèmes d'assurance indicielle dans l'agriculture, ou encore la restauration et la protection d'écosystèmes de mangrove ou de coraux pour protéger les zones côtières). On citera quelques exemples : cofinancement en 2007 du Caribean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF) qui propose aux Etats membres ou membres associés du CARICOM une couverture contre les risques cyclonique et sismique, en 2008 : projet régional d'adaptation de la Commission de l'océan Indien. Avec pour objectif le renforcement des capacités de la COI et de ses États membres (Comores, Réunion, Madagascar, Maurice, Seychelles) en matière d'adaptation au changement climatique pour le court terme, mais aussi le développement des projets et politiques à long terme, depuis 2012, Appui au système de gestion des risques de catastrophes aux Philippines, en 2013 financement du projet RESCCUE de coopération régionale dans le Pacifique Sud pour la restauration des services éco-systémiques et d'adaptation au changement climatique, financement du projet de drainage fluviale à Libreville (Gabon) et en 2014 financement d'un programme d'aménagement, de relogement et de mobilité urbaine à Saint-Domingue Est notamment de quartiers particulièrement exposés aux risques d'inondations.

Une recommandation de cette nature est portée par les auteurs du rapport commandé par le G7 à l'adresse de cette organisation 125 ( * ) .

Proposition n° 7 : Au niveau international, oeuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin de les inciter à financer les projets destinés à accroître la résilience des territoires des pays les plus pauvres aux catastrophes naturelles (études, plan de prévention, système d'alerte, équipement de protection, services de secours aux populations, moyens de reconstruction).

Le rapport a montré que les conséquences des catastrophes naturelles étaient moindres lorsque les Etats disposaient de capacité de gestion de crise, assurant les secours aux populations, mais aussi la gestion de la post-crise et de la reconstruction, notamment la fourniture des services indispensables aux populations sinistrées afin de les maintenir autant que possible sur leur territoire ou d'en accélérer le retour.

Nombre de pays en développement ne disposent pas des capacités de sécurité civile pour faire face à des crises d'ampleur exceptionnelle. Ils doivent donc pouvoir compter sur la mobilisation des autres Etats et de la communauté internationale pour venir en aide aux populations. La coordination des secours internationaux est un élément important de leur efficacité, dans les phases de secours, mais plus encore dans la gestion de la post-crise et du rétablissement. Devant la multiplication des occurrences et l'ampleur des évènements que le changement climatique risque d'occasionner, la mise en place de structures d'assistances et d'ingénierie au niveau international ou régional serait pertinente.

Proposition n° 8 : Créer au niveau international ou régional adéquat des structures pour l'assistance et l'ingénierie de la protection et de la prévention, pour l'intervention et les secours, y compris la gestion post-crise et la reconstruction en cas de catastrophes au moyen de forces de sécurité civile prépositionnées et entraînées, et accroitre la coopération internationale en matière de sécurité civile.

Une partie de ces actions pourrait être éligible à un financement du Fonds vert constitué à l'occasion de la COP 21.

Il serait souhaitable d'envisager au titre des mesures d'adaptation de permettre aux pays les plus pauvres d'accéder à ce mécanisme du CatDDO ( Castastrophe Deferred Drawdown Option ) mis en place par la Banque mondiale (voir supra page 87) en finançant leur adhésion au moyen du Fonds vert constitué à l'occasion de la COP 21.

Proposition n° 9 : Consacrer une partie du Fonds vert au financement de ces actions et notamment étudier le financement de l'adhésion des pays les plus pauvres du programme CatDDO de la Banque mondiale.

3. S'agissant des migrations environnementales

Les impacts du changement climatique risquent d'entraîner des déplacements importants de populations victimes de catastrophes naturelles ou de l'inhabitabilité progressive des territoires sur lesquels ils étaient implantés (submersion permanente liée à la montée du niveau de la mer par exemple...). Ces déplacements qui pourront être massifs ou étalés dans le temps, limités au territoire national de l'Etat d'origine s'il est en capacité de les prendre en charge, puis aux territoires d'Etats frontaliers, sont susceptibles de générer des migrations internationales vers les pays développés.

La communauté internationale ne peut éluder cette perspective. Plus elle se dotera d'outils permettant la régulation de ces flux migratoires, plus elle arrivera à en limiter ou à en séquencer les effets. Si les instruments juridiques sont nécessaires, il s'agit surtout de mettre en oeuvre des mécanismes concrets de prévention permettant autant que possible le maintien des populations sur place ou dans la proximité de leur pays d'origine dans l'attente d'une réinstallation, mais aussi une solidarité internationale pour permettre à ceux qui n'en auraient pas la possibilité de réaliser un projet de migration dans un cadre organisé, assurant la sécurité des personnes. La mise en place de ces mécanismes pourrait également fournir des perspectives raisonnables et acceptables aux Etats susceptibles d'accueillir des migrants et de réduire le trafic d'êtres humains.

Propositions n° 10, 11 et 12 : Au niveau international et régional, mettre en oeuvre des capacités d'intervention rapide pour soutenir les pays victimes de catastrophes naturelles et les pays frontaliers afin de permettre la reconstruction rapide des territoires atteints (habitat, activités, services à la population, y compris dans les domaines des transports, de l'éducation et de la santé), permettant aux populations de réintégrer au plus tôt les territoires atteints, en veillant à ce que les mesures bénéficient en priorité aux populations victimes les plus pauvres. Cette proposition peut être articulée avec la Proposition n°8.

Consacrer une partie du Fonds vert et du programme CatDDO de la Banque mondiale au financement de ces actions.

Inclure la question des migrations temporaires ou définitives pour raison de catastrophes naturelles dans les forums de reconstruction et de soutien mis en place à la suite de la survenance de ces désastres.

Propositions n° 13, 14 et 15 : Promouvoir un instrument juridique adéquat pour les déplacés environnementaux et reconnaître, au moins pour ceux qui ne pourront jamais regagner leurs territoires ou celui de leur Etat d'origine (îles submergées), une forme de droit d'asile.

Mettre en place un système de régulation et de négociation sous l'égide d'une agence des Nations unies existante ou à créer pour répartir les personnes déplacées dans les pays susceptibles de les accueillir et financer leur réinstallation sur des bases équitables entre l'ensemble des pays de la communauté internationale ( en prenant en considération par exemple leur capacité de financement, leur niveau de production cumulé de CO² et leurs efforts pour réduire leurs émissions et leurs implications dans l'accueil des personnes déplacées).

Tirer les leçons des phénomènes migratoires de masse, suite à des guerres civiles et des conflits armés pour mettre en place sous l'autorité d'une agence des Nations unies existante ou à créer des parcours d'orientation et de réinstallation dans d'autres régions ou Etats des personnes déplacées ne pouvant regagner dans un délai raisonnable leur territoire afin de réguler les flux depuis les territoires d'origine et de prévenir l'immigration clandestine et les trafics d'êtres humains.

4. S'agissant du droit international et de la question des États menacés de disparition

Même s'il n'est pas un enjeu immédiat, à l'inverse de la migration des habitants dont les terres sont devenues inhabitables et qui ne peuvent être pris en charge par leurs Etats (îles submergées), la disparition complète d'un Etat, dont le territoire serait submergé entièrement, risque de se poser à terme. Or, il n'existe à ce jour aucune solution équitable en droit international.

Proposition n° 16 : Ouvrir un forum de réflexion au sein des Nations unies pour discuter des solutions envisageables sur le plan juridique pour apporter une solution équitable en droit aux populations des États, qui du fait de submersion, se verraient privés d'une partie de leur territoire . Examiner les possibilités de maintien de leurs zones maritimes économiques exclusives, sous protection internationale et la possibilité d'affecter les produits de l'exploitation de ses zones à leur réinstallation.

5. S'agissant du droit de la mer

La montée du niveau de la mer et ses conséquences (submersion, érosion, modifications géomorphologiques) ont une influence sur le trait de côte qui établit la ligne de base des délimitations des différentes zones maritimes sur lesquelles les Etats riverains peuvent exercer des droits pour partie à titre exclusif. Cette incertitude est susceptible de déboucher sur des contentieux, notamment lorsque les zones exclusives et leurs extensions sur le plateau continental adjacents recèlent des ressources importantes. Pour éviter ces risques, il serait souhaitable de stabiliser le droit.

De même, la fragilité des écosystèmes marins apparaît importante et sera renforcée par le réchauffement climatique et par certaines mesures d'adaptation.

Enfin, la France disposant de zones maritimes de très grande ampleur, notamment outremer, elle aurait intérêt à titre préventif à conforter ses positions en prenant les mesures juridiques nécessaires sur le plan national comme au plan international.

Propositions n° 17, 18 et 19 : Au niveau international, agir en faveur de la conservation des lignes de base établies en raison des conséquences négatives qu'aurait leur mouvance pour la communauté internationale : coûts supplémentaires pour les Etats, incertitude juridique en ce qui concerne la navigation et l'accès aux ressources naturelles, tensions entre les Etats, mais aussi des avantages de la conservation : unité du régime de la mer posé par la Convention, intérêts des Etats à conserver les frontières maritimes existantes, théorie des eaux historiques cristallisée par la pratique des Etats. Un amendement à la Convention sur le droit de la mer serait le bienvenu.

Avancer sur la mise au point d'instrument légal et international de protection des écosystèmes marins en haute mer dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer.

Au niveau national et à titre préventif, accélérer le processus de publication des décrets fixant les lignes de base pour l'ensemble de nos territoires ultra-marins. Accélérer les travaux de définition des lignes extérieures des ZEE par la conclusion d'accord bilatéraux ou le recours à l'arbitrage. Faire valoir l'intégralité de droits de la France sur son plateau continental étendu auprès de la Commission des limites du plateau continental.

6. Inclure l'ensemble de ces thématiques et propositions dans les COP futures

Assez curieusement, la thématique maritime, pourtant prégnante dans l'analyse des conséquences du changement climatique, ne fait pas l'objet d'une approche transversale dans les discussions de préparations des Accords sur le climat. Or une approche pluridisciplinaire impliquant les questions juridiques, économiques, environnementales, scientifiques et politiques qui sont traitées dans différentes enceintes internationales spécialisées est nécessaire afin d'éviter des contradictions dans les stratégies mises en oeuvre. Les océans représentent approximativement 71,1 % de la surface de la Terre et génèrent plus de 60 % des services écosystémiques à commencer par la production de la majeure partie de l'oxygène. Ils constituent une source de richesse considérable et sont soumis pour leur plus large part, malgré la territorialisation progressive du droit de la mer, au droit international.

Il convient qu'au sein des COP futures, l'ensemble des thématiques concernant les conséquences du changement climatique sur les océans et les politiques d'atténuation et d'adaptation en découlant puisse être discuté.

Proposition n° 20 : Intégrer les mers et les océans parmi les champs d'action sur lesquels les gouvernements sont invités à s'engager dans les discussions de préparation des Accords sur le climat.


* 122 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union

Institute for Security Studies 2015. http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 123 Le cadre d'action de Sendai 2015-2030 a pour objectif la réduction substantielle des pertes (humaines, économiques, culturelles, etc) liées aux catastrophes. http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-cadre-d-action-de-Sendai-2015.html

* 124 Annonce de l'association Divest-Invest lors du New-York Climate Week le 22 septembre 2015, l'ensemble des actifs gérés par les fonds de pension, oeuvres philanthropiques et compagnies d'assurances ayant pris l'engagement de ne plus investir dans le charbon et les hydrocarbure avait atteint 2 600 milliards de dollars, une goutte d'eau dans l'océan des investissements mondiaux supérieures à, 100 000 milliards de dollar mais l'amorce d'une prise de conscience. Axa a annoncé se retirer du secteur du charbon où il était investi pour 576 millions de dollars.

* 125 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union Institute for Security Studies 2015.

http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

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