N° 40

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 octobre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les collectivités territoriales et l' accueil des migrants ,

Par M. Jean-Marie BOCKEL,

Sénateur.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; MM. Rémy Pointereau, Christian Favier, François Grosdidier, Charles Guené, Georges Labazée, Joël Labbé, Antoine Lefèvre, Jacques Mézard, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. René Vandierendonck, v ice-présidents ; Mme Caroline Cayeux, MM. Philippe Dallier et Marc Daunis, secrétaires ; MM. François Calvet, Luc Carvounas, Bernard Delcros, Michel Delebarre, Éric Doligé, Vincent Eblé, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Éliane Giraud, MM. Jean-François Husson, Dominique de Legge, Michel Le Scouarnec, Christian Manable, Jean Louis Masson, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Louis Pinton, Alain Richard, Mmes Patricia Schillinger, Nelly Tocqueville, Catherine Troendlé et M. Jean-Pierre Vial.

LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET L'ACCUEIL DES RÉFUGIÉS : LE CONTEXTE

L'Union européenne et ses États membres sont confrontés à une crise migratoire sans précédent. L'afflux actuel de demandeurs d'asile fuyant des pays en guerre est devenu brusquement un défi majeur pour l'État mais pas seulement pour lui : les collectivités territoriales sont, elles aussi, en première ligne. Elles doivent faire face à un grand nombre de difficultés liées à l'hébergement, à l'accompagnement, à l'intégration, au financement de l'accueil, à la coordination avec les services de l'État. Détenteur de la compétence en matière d'accueil des demandeurs d'asile et d'octroi du statut de réfugié, ce dernier s'appuie en effet largement sur les collectivités territoriales pour trouver des solutions de terrain.

Les collectivités sont disposées à relever le défi : les participants à la table ronde du 1 er octobre ont affirmé hautement leur attachement à nos valeurs de solidarité et de générosité. Ce constat établi, elles n'en restent pas moins confrontées aux difficultés concrètes de l'accueil. Les représentants d'associations d'élus locaux qui ont participé à la réunion du 1 er octobre s'en sont largement fait l'écho, posant quelques points de repères pour une démarche efficace et coordonnée de l'ensemble des institutions publiques.

I. UNE CRISE MIGRATOIRE SANS PRÉCÉDENT

La crise migratoire actuelle résulte des conflits très durs de ces dernières années en Afrique et au Moyen-Orient. Quelques chiffres rappellent les incidences de ces conflits sur les mouvements migratoires en direction de l'Europe. Le 13 octobre, l'agence Frontex a annoncé que 710 000 réfugiés sont arrivés en Europe durant les neuf premiers mois de 2015, contre 282 000 sur l'ensemble de l'année 2014. En août 2015, les Syriens représentaient 30,9 % des demandeurs d'asile en Europe, soit 87 500 personnes, les Afghans 13,8 %, soit 39 000 personnes. Les réfugiés érythréens, kosovars, irakiens, libyens, et congolais sont également très nombreux à demander l'asile dans les États membres de l'Union européenne.

En France, le nombre de demandeurs d'asile s'établit, en 2014, à 62 735 personnes, soit 10 % du total en Europe, contre 32,4 % pour l'Allemagne. Toutefois, seulement 27 % de ces demandeurs d'asile, soit 16 938 personnes, ont bénéficié d'une protection à ce titre. De façon incidente, il faut noter le faible niveau de rapatriement effectif des demandeurs déboutés.

Une réponse européenne d'ampleur s'est très progressivement dessinée. Dès le 13 mai 2015, la Commission européenne a présenté un plan d'action retenant les orientations suivantes :

- renforcer les moyens de surveillance des frontières extérieures de l'Union ;

- partager les demandes d'asile entre les États membre ;

- accueillir 20 000 candidats à l'asile non encore présents sur le sol européen ;

- démanteler les réseaux de passeurs et lutter contre le trafic de migrants ;

- réduire les incitations à l'immigration irrégulière ;

- mettre en oeuvre une politique commune en matière d'asile et définir une nouvelle politique d'immigration légale au niveau européen.

Du côté français, un plan d'action intitulé « Répondre à la crise des migrants : respecter les droits, faire respecter le droit » a été présenté le 17 juin 2015. Il s'articule autour de trois objectifs :

- fluidifier les dispositifs d'accueil des demandeurs d'asile par la création de capacités supplémentaires d'accueil et par le recrutement de personnels afin de réduire les délais d'instruction des demandes ;

- renforcer les capacités de mise à l'abri et améliorer l'accompagnement des personnes vers les structures adaptées ;

- intensifier la lutte contre l'immigration irrégulière.

Au plus fort de la crise, la Commission européenne a présenté, le 9 septembre 2015, une série de propositions pour faire face à l'afflux de réfugiés syriens, irakiens et érythréens en Italie, Grèce et Hongrie, en proposant la relocalisation de 120 000 demandeurs d'asile supplémentaires au départ de ces pays.

Si la France et l'Allemagne se sont déclarées favorables au principe de « quotas contraignants », c'est finalement la solution des « contributions volontaires » qui a été retenue par les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne. L'Allemagne, qui a déjà accueilli de très larges contingents de migrants, a mobilisé une aide de près de 6 milliards d'euros dont la moitié à destination des Länder et des communes, principaux intervenants de terrain.

Pierre-Antoine Molina, directeur général des étrangers en France, a détaillé, lors de la table ronde du 1 er octobre, les engagements de la France en ce qui concerne le nombre de demandeurs d'asile attendus :

- au titre de la relocalisation, 24 000 réfugiés supplémentaires en deux ans 1 ( * ) , en plus des 6 700 déjà annoncés durant l'été ;

- au titre de la réinstallation et des engagements de la France auprès de ses partenaires européens, 2 375 demandeurs d'asile seront réinstallés sur deux ans.

Le Gouvernement a annoncé que, d'ici la fin 2016, 279 millions d'euros seront mobilisés pour l'accueil, l'hébergement, l'aide aux communes et le recrutement de personnels destinés à l'OFII et à l'OFPRA).

Au total, l'Union européenne s'est engagée à accueillir 180 000 demandeurs d'asile et la France près de 31 000 personnes au titre de la relocalisation et 2 375 au titre de la réinstallation.


* 1 Parmi ces 24 000 réfugiés : 14 000 personnes seront accueillies la première année et 10 000 la seconde.

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