B. LA DIRECTIVE « CONCESSIONS » : UNE LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE NOUVELLE À CONCILIER AVEC LE DROIT INTERNE

La directive 2014/23/UE « concessions » représente une opportunité pour la France car elle ouvre la voie à une uniformisation des règles à l'échelle européenne et donc à une plus forte présence à l'international des entreprises françaises.

Si la directive reprend de nombreuses notions françaises, elle fixe également un cadre juridique nouveau pour les concessions.

1. La reprise de notions françaises par la directive

La directive reprend tout d'abord des notions d'origine française, en maintenant par exemple la distinction entre les concessions de travaux et les concessions de services (publics ou non publics).

La directive 2014/23/UE part, comme le droit français, de la notion de « risque » assumé par le concessionnaire pour définir les concessions et les distinguer des marchés publics 53 ( * ) (art. 5).

En outre, la directive reprend le principe de limitation de la durée des concessions . Pour celles supérieures à cinq ans, la durée du contrat ne doit pas excéder le délai « raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu'il recouvre les investissements réalisés » (art. 18).

Enfin, la directive 2014/23/UE intègre les spécificités procédurales des concessions qui, historiquement, sont beaucoup moins formalisées que les procédures de marché public. Elle reconnaît par exemple à l'autorité concédante un libre choix dans l'organisation de la mise en concurrence (art. 30) ainsi que la faculté d' organiser librement les négociations (art. 37).

2. De nouvelles règles pour les concessions

Le droit français des concessions était basé sur le principe de l' intuitu personae , ce qui se traduisait par un encadrement juridique très souple ( Cf . supra). La directive 2014/23/UE comporte de nouvelles règles procédurales afin d'assurer une égalité de traitement entre tous les candidats. Elle prévoit notamment :

- la mise en oeuvre d'une traçabilité de la mise en concurrence et des négociations (art. 29 et 37) ;

- la hiérarchisation des critères d'attribution (art. 41) ;

- l'imposition de délais minimaux pour la conduite de la procédure comme, par exemple, un délai de trente jours entre la date d'envoi de l'avis de concession et la réception des candidatures (art. 39) ;

- l'obligation de publier des avis au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) pour les concessions entrant dans le périmètre de la directive (art. 33) alors, qu'auparavant, une publication au niveau national suffisait pour les DSP.

L'article 43 de la directive procède également à une clarification des possibilités d'avenant alors que le droit français paraissait peu lisible sur ce point 54 ( * ) . Un avenant serait notamment possible si sa valeur est inférieure à 10 % du montant global de la concession.

3. L'articulation avec le droit interne

La directive 2014/23/UE et les normes françaises en vigueur - comme la loi « Sapin » - ne présentent pas le même périmètre .

Régime applicable aux concessions

Type de concessions

Régime applicable

Droit communautaire

Droit français

(avant l'ordonnance « concessions » )

Concessions de services ou de travaux dont le montant est égal ou supérieur à 5 186 000 € HT

Directive 2014/23/UE

Pour les concessions de services : Loi Sapin pour l'État et articles L. 1411-1 à L. 1411-19 du CGCT pour les collectivités territoriales

Pour les concessions de travaux : ordonnance n° 2009-864 pour l'État et articles L. 1415-1 à L. 1415-9 du CGCT pour les collectivités territoriales

Concessions (délégations) de service public dont le montant est inférieur à 5 186 000 € HT

Principes généraux de la commande publique à l'échelle communautaire 55 ( * )

Concessions de services exclues de la directive 2014/23/UE

(exemple : l'eau potable)

Concessions de services « non publics » dont le montant est inférieur à 5 186 000 € HT

Aucune règlementation

Concessions de travaux dont le montant est inférieur à 5 186 000 € HT

Ordonnance n° 2009-864 pour l'État et articles L. 1415-1 à L. 1415-9 du CGCT pour les collectivités territoriales

Source : mission d'information

Le projet d'ordonnance « concessions » propose de fusionner les dispositions applicables en droit interne en un seul texte ( Cf. infra ). Les dispositions de la loi « Sapin » 56 ( * ) relatives aux DSP seraient ainsi abrogées au profit d'une ordonnance regroupant l'ensemble des règles applicables aux concessions.

Ce système pourrait maintenir les actuelles distorsions de concurrence . Ainsi, une entreprise communale allemande (Stadtwerk) ne sera toujours pas mise en concurrence pour les concessions d' eau potable dans son propre pays - ce secteur ayant été exclu du champ de la directive 2014/23/UE -, alors que ce même type de prestations fera l'objet, en France, d'une délégation de service public. Le constat est identique pour les services publics de transport de voyageurs.


* 53 Pour mémoire, le prestataire d'un marché public est rémunéré selon des modalités ne prenant pas en compte la notion de risque.

* 54 Conseil d'État, avis de la section des finances du 8 juin 2000, n° 364.803 : il est possible de conclure un avenant concernant une DSP mais celle-ci ne doit pas être modifiée de manière « substantielle » , terme qui n'avait jamais été défini avec précision.

* 55 CJUE, 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C-324/98.

* 56 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

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