Rapport d'information n° 108 (2015-2016) de M. Jean-Marie BOCKEL , Mme Caroline CAYEUX , MM. Michel DELEBARRE , Christian FAVIER , Joël LABBÉ , Antoine LEFÈVRE , Jacques MÉZARD et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 22 octobre 2015

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 octobre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les collectivités territoriales et le changement climatique ,

Par M. Jean-Marie BOCKEL, Mme Caroline CAYEUX, MM. Michel DELEBARRE, Christian FAVIER, Joël LABBÉ, Antoine LEFÈVRE, Jacques MÉZARD et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT,

Sénateurs.

(1) La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; MM. Rémy Pointereau, Christian Favier, François Grosdidier, Charles Guené, Georges Labazée, Joël Labbé, Antoine Lefèvre, Jacques Mézard, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. René Vandierendonck, v ice-présidents ; Mme Caroline Cayeux, MM. Philippe Dallier et Marc Daunis, secrétaires ; MM. François Calvet, Luc Carvounas, Bernard Delcros, Michel Delebarre, Éric Doligé, Vincent Eblé, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Éliane Giraud, MM. Jean-François Husson, Dominique de Legge, Michel Le Scouarnec, Christian Manable, Jean Louis Masson, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Louis Pinton, Alain Richard, Mmes Patricia Schillinger, Nelly Tocqueville, Catherine Troendlé et M. Jean-Pierre Vial.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À l'instar des autres instances du Sénat, la Délégation aux collectivités territoriales a souhaité apporter sa contribution au succès de la Conférence de Paris sur le climat COP21 à travers une initiative emblématique conforme à la mission spécifique qui lui est confiée au sein de la Haute Assemblée.

C'est ainsi qu'elle a décidé de mettre en valeur les innombrables initiatives et réalisations de nos collectivités territoriales en matière de lutte contre le changement climatique, et qu'elle a confié à huit de ses membres l'élaboration d'un rapport d'information illustrant, secteur par secteur, une action dont notre pays peut revendiquer le dynamisme, alors qu'il se prépare à présider un évènement diplomatique dont il est beaucoup attendu.

Quelques mois de travaux ponctués de nombreuses auditions et de visites de terrain ont permis aux huit rapporteurs de la délégation de dresser le constat du dynamisme et de la créativité des collectivités dans ce domaine prégnant et stratégique des politiques locales.

On s'en convaincra sans difficulté à la lecture des réalisations présentées tout au long du présent rapport.

* *

*

LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, À LA POINTE DE LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Jean-Marie BOCKEL

Président de la délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation, Sénateur du Haut-Rhin

CHAPITRE I - QUAND LES ÉTATS AJOURNENT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AGISSENT

De nombreux États ont mis en place d'ambitieuses politiques nationales de lutte contre le changement climatique - on pense récemment, pour la France, à la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique - mais la négociation internationale progresse difficilement et avec des résultats aléatoires. La France, pays hôte de la COP21, a un rôle important à jouer pour remobiliser à cette occasion la communauté internationale sur des objectifs significatifs et concrets. Le terrain est plutôt favorable : les esprits semblent avoir évolué depuis les négociations précédentes, une chance d'avancer se trouve aujourd'hui à notre portée.

Nous avons, en France, la responsabilité collective de favoriser cette avancée. Le Sénat a décidé de mobiliser l'ensemble de ses instances dans cette perspective. La délégation aux collectivités territoriales s'est ainsi attachée à mettre en valeur le rôle moteur des collectivités territoriales dans la lutte contre le changement climatique. De fait, nos collectivités territoriales ont su lancer de façon exemplaire, depuis les années 1990 au moins, des actions de toutes natures favorables au climat. Grâce à ses collectivités, la France pourra se présenter lors de la Conférence de Paris comme un pays dynamique et efficace.

Le présent rapport d'information vise à illustrer et à faire connaître ce puissant facteur de crédibilité de notre pays dans sa responsabilité de pays hôte de la conférence. Il vise aussi à saluer une action locale sans laquelle les engagements qui seront pris par les États resteraient très largement ineffectifs.

I. QUAND LES ÉTATS AJOURNENT...

Beaucoup d'États - on vient de citer la France mais on pense aussi à l'Allemagne et à bien d'autres pays - mettent en oeuvre au plan national des politiques actives de réaction au changement climatique. Elles prennent souvent la forme de tentatives d'endiguer ou de prévenir les impacts négatifs de l'activité économique, et même d'en tirer parti.

Cette démarche est légitime et nécessaire : alors que certains effets du réchauffement sont déjà sensibles sur la faune et la flore, il faut identifier et diffuser des variétés et des espèces adaptées aux nouvelles conditions ; alors que se répètent des accidents climatiques aux conséquences désastreuses, il est indispensable de mettre localement en place des mesures de prévention efficaces ; alors que le marché de l'emploi souffre de l'évolution des conditions de la production industrielle, il est intéressant de créer localement des « emplois verts » non délocalisables.

Pour autant, les politiques économiques, et donc les positions des États dans la négociation internationale, restent globalement conçues en fonction de l'objectif de soutenir ou de relancer la croissance de la production et de la consommation, indépendamment de leurs effets sur le climat.

Dans la négociation interétatique, c'est sous cet angle que l'on a tendance à poser les questions, en particulier celle de l'évolution des modèles énergétiques qui structurent encore très largement nos modes de production et de consommation. Les intérêts nationaux, identifiés à ces modèles qui ont fait dans leur domaine la preuve de leur efficacité, prévalent sur un bien commun environnemental plus difficile à appréhender.

Ceci explique les résultats assez anodins de la 15 e Conférence des parties (COP15) de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, réunie à Copenhague en décembre 2009 : un accord de principe, certes, sur l'objectif de ne pas dépasser une augmentation moyenne de 2° C en 2100 par rapport à 1850, mais pas de contraintes juridiques, pas de dates butoirs, pas d'objectifs quantitatifs en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est ainsi que les États tergiversent.

On a, il est vrai, enregistré depuis lors une évolution des positions étatiques. Les accords de Durban, en 2011, ont permis de relancer l'ambition d'aboutir à un résultat efficace en 2015 à Paris ; la COP20 de Lima a insisté en 2014 sur la nécessité d'efforts supplémentaires pour parvenir aux objectifs de maintien du réchauffement climatique, sur fond de consensus désormais plus ou moins général concernant la pertinence des données scientifiques relatives au réchauffement. Les choses progressent aussi dans les relations bilatérales, comme en témoigne l'accord de novembre 2014 entre les États-Unis et la Chine pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

C'est pourquoi on peut estimer que le terrain est aujourd'hui favorable à une réussite de la COP21.

Or, si le dérèglement climatique est global, les solutions sont avant tout locales.

Aussi, et au-delà du bénéfice diplomatique attendu de la mise en valeur de l'action des collectivités territoriales, le succès des engagements que les États pourront souscrire en décembre prochain dépendra très largement de la capacité des collectivités à les mettre en oeuvre, avec les moyens que résume l'ensemble du présent rapport d'information : sans la mobilisation des acteurs privilégiés de la transition énergétique que sont les collectivités territoriales, l'accord de Paris risque de demeurer lettre morte.

En d'autres termes, quand les États cesseront de tergiverser, ce sera toujours aux collectivités, comme aux autres acteurs majeurs que sont les citoyens et les entreprises, de réaliser sur le terrain les objectifs fixés.

II. ...LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AGISSENT

Les collectivités territoriales agissent en lançant des initiatives, en expérimentant des solutions, en prenant le risque d'échecs, en engrangeant des réussites.

L'ensemble du présent rapport présente de leur dynamisme une illustration formidablement incomplète mais, pour autant, éclairante.

Qu'en est-il de leur rôle stratégique ?

A. LES COMPÉTENCES LOCALES : UN LEVIER POUR AGIR DANS LE DOMAINE DU CLIMAT

Tout d'abord, il faut insister sur le fait que se contenter de chercher un remède technique à chaque problème environnemental revient à isoler des choses indéfectiblement entrelacées. Il est fondamental de chercher des solutions qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. Dans cette perspective, les collectivités territoriales jouent un rôle privilégié, essentiellement en raison des larges compétences dont elles disposent en matière d'aménagement, d'urbanisme, d'encouragement à l'activité économique, et dans de très larges domaines intéressant la vie quotidienne de nos concitoyens, à proximité de ceux-ci, à leur écoute.

De fait, l'examen des politiques que les collectivités mettent en oeuvre dans ces domaines depuis des décennies montre qu'elles assument activement et efficacement leurs responsabilités environnementales.

Elles conçoivent et réalisent massivement des actions concrètes dans les domaines d'action les plus divers. Les collectivités peuvent ainsi, en fonction de leurs compétences, encourager des modes de production industrielle ayant une efficacité énergétique maximale, développer une économie innovante des déchets et du recyclage, générer par exemple des formes intelligentes et rentables de réutilisation, d'utilisation multifonctionnelle et de recyclage, préserver les écosystèmes locaux, contribuer à la réduction des émissions de gaz hautement polluants en favorisant l'utilisation de combustibles non fossiles et les sources d'énergie renouvelable, développer les technologies d'accumulation, investir dans les modes de transports économisant l'énergie, favoriser l'efficacité énergétique des édifices et des territoires. Les collectivités, par ailleurs, sont souvent incontournables. En matière d'adaptation aux aléas climatiques, les mesures sont ainsi nécessairement localisées afin de répondre à l'immense diversité des situations.

Les rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales ont identifié, lors des déplacements qu'ils ont effectués pour préparer le présent rapport un certain nombre de ces initiatives exemplaires, qu'ils détaillent thème par thème.

Voici quelques pistes tirées des bonnes pratiques relatées dans les chapitres qui suivent :

- dans leurs documents d'urbanisme, les collectivités territoriales veillent de plus en plus attentivement, dans l'optique de la lutte contre le changement climatique, à densifier les zones déjà urbanisées et à reconvertir les friches industrielles et commerciales de manière à limiter l'étalement urbain ;

- dans le cadre de leurs opérations d'aménagement et de leurs projets de renouvellement ou de développement urbain, elles favorisent massivement les transports collectifs et les mobilités douces en offrant aux usagers la possibilité d'utiliser plusieurs modes de transports successifs et alternatifs pour la réalisation d'un même trajet ;

- afin de contribuer à la préservation de la biodiversité, elles protègent les milieux naturels à travers les parcs naturels régionaux et les espaces naturels sensibles, mettent en place des stratégies transversales telles que les stratégies régionales de la biodiversité et les Agendas 21 locaux, et pratiquent une gestion responsable des espaces verts en encourageant la végétalisation sans faire usage des produits phytosanitaires ;

- en matière d'habitat et de logement, elles soutiennent la rénovation thermique et la construction à basse consommation en vue de réduire les déperditions d'énergie, d'améliorer la qualité de vie des habitants et d'augmenter leur pouvoir d'achat par une diminution de la facture énergétique ;

- elles valorisent les énergies renouvelables de proximité et favorisent ainsi la création d'emplois verts non délocalisables, elles mobilisent les contrats de performance énergétique afin de faire baisser leur facture énergétique, conçoivent des villes intelligentes offrant de nouveaux services connectés aux usagers, participant du même mouvement à la réduction de l'empreinte carbone ;

- elles développent la valorisation énergétique des déchets au service de la production d'électricité pour les réseaux de chauffage ou de chaleur pour l'agriculture, utilisent la tarification incitative afin d'orienter les comportements et de maitriser les coûts de traitement des ordures ménagères, et encouragent les innovations technologiques qui permettent d'optimiser les performances de tri ;

- elles intègrent dans leurs projets de coopération décentralisée des actions en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

De toute évidence, comme on l'a écrit plus haut, si le dérèglement climatique est global, les solutions sont avant tout locales, et quand bien même les États continueraient de tergiverser, les collectivités ne cesseraient pas d'agir.

B. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET PÉDAGOGIE DE L'ENVIRONNEMENT

Autre élément d'efficacité de l'action des collectivités territoriales : face à la puissance du paradigme technologique, la nécessité se fait pressante de diffuser une culture écologique impliquant, chez nos concitoyens, l'apprentissage d'un style de vie adapté aux nécessités de la lutte contre le changement climatique et, de la part des responsables politiques, économiques et associatifs, la conscience accrue du caractère incontournable de l'approche environnementale.

Il faut donc maximiser les moyens d'encourager l'évolution des mentalités.

Sur ce terrain, les collectivités territoriales sont à nouveau bien placées : on ne démontre bien que dans l'action, on ne convainc que par des résultats visibles et mesurables.

De ce point de vue, la sensibilité locale à la préservation du patrimoine commun, la bonne visibilité sur un territoire limité des conséquences environnementales de la décision politique et de l'action des acteurs économiques, la proximité des élus locaux avec les habitants, leur capacité à nouer des coopérations innovantes au plan local, sont essentielles pour favoriser la prise de conscience des problèmes, poser les fondements d'arbitrages efficaces entre des aspirations souvent contradictoires pour susciter le désir d'aller plus loin. Tous ces facteurs se croisent pour inciter à l'action et préparer à la réussite.

C'est ainsi que, véritablement, une politique écologique, conduite localement sur des enjeux locaux, a toutes les chances de favoriser l'investissement des habitants dans sa définition et dans sa mise en oeuvre, afin d'engranger ensuite les effets positifs de cette implication.

C. UN REGARD COMPARATIF HORS DE NOS FRONTIÈRES

Une question peut alors se poser : certes, les collectivités territoriales françaises sont actives, mais où en sont-elles par rapport aux collectivités étrangères ? Restent-elles, au niveau européen cette fois, à l'avant-garde de l'action contre le changement climatique ? Les comparaisons internationales ne sont pas l'objet du présent rapport d'information. Cependant, le président de la délégation sénatoriale a estimé indispensable de poser au moins un point de repère à cet égard.

C'est pourquoi il s'est déplacé en Italie, à Bologne, pour prendre connaissance de la stratégie de cette ville de 380 000 habitants en matière d'adaptation au changement climatique. Il a ainsi pu constater que si des initiatives extrêmement intéressantes sont prises par cette ville-région d'un pays voisin et comparable, une communauté d'agglomération française de taille légèrement plus modeste - Mulhouse Alsace Agglomération - a été et reste exemplaire, mutatis mutandis , dans le même champ d'action.

Bologne a axé sa stratégie de lutte contre le changement climatique sur l'adaptation aux risques liés à la sécheresse et à la fréquence accrue des précipitations intenses. Son projet, « plan d'adaptation de l'environnement local urbain de Bologne pour une ville résiliente » (BLUE AP) comprend l'expérimentation d'un certain nombre de mesures locales concrètes, destinées à rendre la ville plus résiliente et préparée à faire face aux manifestations locales du changement climatique.

La première étape a été l'élaboration d'une connaissance scientifique approfondie de la situation locale, au-delà du constat aisé à faire de la conjugaison classique, dans cette région méditerranéenne, de la tendance à l'augmentation de la sécheresse et de la fréquence accrue des précipitations intenses. Bologne a donc développé, avec l'agence environnementale d'Émilie-Romagne (l'ARPA), un système d'information global pour observer la variabilité climatique au sein de la ville, évaluer les risques et les vulnérabilités climatiques, étudier les capacités de résilience existantes en intégrant des données environnementales et sociales. Le « Profil climatique local » auquel a abouti ce travail a facilité l'identification de stratégies efficaces et a contribué à élaborer un processus participatif de prise de décision destiné à impliquer les parties prenantes pertinentes dans la sélection et la mise en oeuvre de mesures d'adaptation.

Sur ces bases, le plan d'adaptation a mis en place, de 2012 à 2015, une stratégie de réduction de la vulnérabilité de l'agglomération dans trois domaines : la sécheresse et l'approvisionnement en eau ; les vagues de chaleur en zone urbaine ; le risque hydrologique et les précipitations extrêmes. Des stratégies ont été fixées dans chacun de ces domaines et ont été déclinées en actions pilotes.

À titre d'illustration, en ce qui concerne le risque sécheresse, il est prévu de réduire la consommation de la ressource en eau, d'éliminer les mélanges d'eaux claires et d'eaux usées, de réguler le cours de la rivière Reno qui arrose la ville, d'affecter à la production agricole les ressources nécessaires. Ces objectifs sont déclinés dans la réglementation locale de la construction et à travers des actions telles que l'irrigation de jardins publics avec de l'eau non potable, ou la captation des eaux de pluie sur le site expérimental de l'Institut agricole.

Par ailleurs, la municipalité a développé, en partenariat avec le Kyoto Club, une application Smartphone afin d'informer les citoyens et les parties prenantes au sujet de l'adaptation et de la résilience et de les impliquer activement dans la collecte de données et la communication.

En fin de compte, un fort accent a été placé sur la sensibilisation de l'opinion publique et sur l'implication de la société civile dans l'amélioration de la résilience, parmi tout un ensemble de mesures globalement assez classiques dans leur inspiration.

En contrepoint, il est intéressant de noter que Mulhouse Alsace Agglomération a lancé dès 2006 son plan d'action climat, axé sur :

- les énergies renouvelables et la réalisation d'investissements lourds, tels que, en 2012, avec un budget de 17 millions d'euros HT, la modernisation des installations de la centrale thermique de l'Illberg avec le remplacement de deux anciennes chaudières au charbon par deux chaudières biomasse au bois qui permettent, tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre, de multiplier par un facteur 5 la production d'énergie renouvelable de Mulhouse Alsace Agglomération tout en offrant l'opportunité de raccorder les hôpitaux mulhousiens au réseau de chaleur ;

- une dynamique territoriale de mobilisation de l'ensemble des acteurs ;

- les transports en tant que vecteurs de la transition énergétique, avec l'utilisation du gaz vert par méthanisation des déchets et le développement d'un parc de bus propres.

Depuis 2014, ces actions sont poursuivies et intensifiées dans le cadre d'une alliance territoriale de la transition énergétique qui sera validée par le conseil d'agglomération d'ici la fin de l'année.

La valeur démonstrative de ces deux cas d'espèce tient essentiellement, d'une part, à leur relative banalité (on reste assez éloigné, dans les deux cas, d'exemples hors normes comme celui de l'île de Samso, au Danemark, qui a atteint en 2005 l'autosuffisance énergétique grâce à un mix d'énergies éolienne, solaire et issue de la biomasse et qui travaille aujourd'hui à décarboner totalement ses transports, y compris les ferries), d'autre part, à ce qu'ils confirment le ressenti des élus locaux de toutes nationalités et de toutes opinions sur la qualité de leur action en faveur de la lutte contre le changement climatique. Ils illustrent bien le dynamisme tranquille de nos collectivités territoriales.

D. COLLECTIVITÉS EN RÉSEAU, COLLECTIVITÉS DANS LA NÉGOCIATION INTERNATIONALE

Notons que, au-delà des réseaux existants de diffusion de bonnes pratiques tels que, par exemple, ceux qui fonctionnent sous l'égide de la Commission européenne, l'existence de réseaux de collectivités territoriales orientés vers l'action constitue un puissant encouragement à la progression de l'écologie appliquée. Citons à cet égard l'Association européenne des autorités locales en transition énergétique (Energy Cities). Citons encore la Convention des maires, lancée afin d'appuyer et de soutenir les efforts déployés par les autorités locales pour la mise en oeuvre des politiques en faveur des énergies durables. Celle-ci fixe aux collectivités adhérentes le même objectif que l'Union européenne : une baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 par rapport à leur niveau de 1990. Elle compte aujourd'hui plus de 6 300 signataires et couvre la moitié du territoire européen. Citons par ailleurs le sommet « Climat et Territoires », réuni les 1 er et 2 juillet derniers à Lyon à l'initiative de l'organisation Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), afin d'influer sur les travaux de la conférence COP21. De façon générale, la diplomatie des villes, qui couvre depuis des lustres tous les champs de la politique environnementale au sein de multiples enceintes, jour un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, les collectivités territoriales se sont de longue date organisées pour peser sur la négociation interétatique en faisant valoir les possibilités et les exigences tirées de leur expérience. C'est ainsi que l'exigence est fortement exprimée, dans des enceintes nombreuses, d'une véritable reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre le changement climatique. Dans la mesure où, parmi l'ensemble des acteurs publics, ce sera aux collectivités territoriales, pour l'essentiel, d'atteindre les objectifs fixés par la COP21, cet appel à une meilleure reconnaissance est incontestablement pertinent.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#lutte

CHAPITRE II - L'URBANISME

Caroline CAYEUX

Sénateur de l'Oise

I. PROPOS INTRODUCTIF

L'urbanisme est un levier d'action déterminant pour favoriser, dans nos villes, la prise en compte globale des enjeux climatiques.

Les zones urbaines sont, de loin, les principaux lieux d'émission de gaz à effet de serre, avec 70% des rejets mondiaux 1 ( * ) . Concentrant sur un même espace un grand nombre d'habitants, d'activités et d'infrastructures, elles présentent de surcroît une relative vulnérabilité face aux évènements climatiques extrêmes, tels que les risques de canicule, d'inondation ou d'incendie. Dans ces circonstances, les collectivités territoriales françaises, quels que soient leur taille et leur échelon, se mobilisent pour faire valoir les enjeux énergétiques et environnementaux dans les choix urbanistiques qu'elles opèrent ou accompagnent, afin de contribuer à la lutte contre le changement climatique et de s'adapter localement à ses effets.

Cette dynamique locale en faveur d'un modèle urbanistique durable est de nature à permettre l'émergence de territoires plus sobres en termes de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre, et plus résilients face aux aléas climatiques.

Elle est portée par nos collectivités à travers deux séries d'actions.

En premier lieu, les collectivités inscrivent dans leurs documents de planification des orientations stratégiques par lesquelles elles redéfinissent, à l'horizon de dix à vingt ans, la conception et l'organisation des villes au regard du changement climatique.

En privilégiant la densification des zones déjà urbanisées et la reconversion des friches industrielles et commerciales plutôt que l'ouverture de nouveaux secteurs à l'urbanisation, les collectivités maîtrisent l'étalement urbain. De la sorte, elles préservent les espaces naturels et agricoles, limitent les besoins de déplacement et préviennent les difficultés liées à l'isolation thermique - parfois plus complexe - des habitations isolées.

En outre, en implantant des logements à proximité de transports collectifs ou alternatifs et en veillant à ce que soient présentes dans chaque quartier les différentes fonctions urbaines - habitat, travail, accès aux commerces, aux services et aux loisirs -, les collectivités favorisent des modes de déplacement sobres. Les mobilités douces et les transports en commun trouvent, dans ce cadre urbain, un milieu propice à leur usage.

Ce sont non seulement des villes plus sobres, mais également des villes plus résilientes, que les collectivités promeuvent. La planification urbaine permet ainsi d'éclairer les choix urbanistiques à la lumière des risques naturels.

De manière générale, une ville compacte, mixte sur le plan de ses fonctions et de sa population, bien desservie par des transports collectifs ou alternatifs, et conçue autour de la gestion préventive des risques, est favorable au développement durable et à la solidarité territoriale.

En second lieu, les collectivités poursuivent dans leurs opérations d'aménagement des objectifs de qualité énergétique et environnementale, grâce auxquels elles permettent l'essor de quartiers moins émissifs.

Les projets de renouvellement et de développement urbains sont ainsi l'occasion d'améliorer la performance énergétique du bâti, de promouvoir les transports en commun et les mobilités douces, de développer les énergies renouvelables et de renforcer la place de la nature en ville.

Ces opérations d'aménagement améliorent le cadre de vie ainsi que l'attractivité économique dans les quartiers - souvent défavorisés - où elles sont conduites ; elles réduisent dans le même temps les émissions, les pollutions et les nuisances. Elles sont l'aboutissement concret d'une conception durable de l'urbanisme, où les enjeux environnementaux, économiques et sociaux sont pensés de manière interdépendante.

C'est donc par une implication à double niveau que les collectivités mettent l'urbanisme au service de la lutte contre le changement climatique : avec l'urbanisme stratégique, les collectivités repensent les villes dans leurs documents de planification ; avec l'urbanisme opérationnel, elles renouvellent les quartiers par des opérations d'aménagement.

Parce qu'ils détiennent l'essentiel des compétences en matière d'urbanisme, les communes et leurs établissements sont à l'évidence les plus impliqués dans cet effort. Cependant, les conseils départementaux et régionaux interviennent auprès du bloc communal, en lui offrant notamment un cadre stratégique ou des solutions d'ingénierie.

Comme l'a constaté votre rapporteur lors des auditions du ministère en charge de l'Écologie, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU), un certain nombre de leviers et d'échelons sont donc mobilisés localement dans la promotion d'un modèle urbanistique durable.

En témoignent plusieurs initiatives locales dont votre rapporteur a rencontré les porteurs de projet.

À l'occasion d'un déplacement de terrain dans la ville d'Issy-les-Moulineaux, le 8 octobre dernier, votre rapporteur a visité le Fort d'Issy, un éco-quartier dont la construction a été initiée en 2009 et qui concentre plusieurs solutions innovantes en faveur du développement durable : un cadre bâti performant, un réseau de chaleur géothermique et une collecte pneumatique des déchets, notamment.

Parce que des projets novateurs s'implantent également dans des quartiers en difficulté, votre rapporteur s'est aussi intéressé au cas de la ville de Reims. Cette collectivité a entrepris un programme de renouvellement urbain intégrant des objectifs énergétiques et environnementaux dans le quartier de Croix Rouge, en 2008, ce qui a conduit à l'attribution du label EcoQuartier au secteur de Pays de France en 2014.

Votre rapporteur a également étudié l'initiative portée par les villes de Grenoble, Fontanil-Cornillon, Saint-Egrève et Saint-Martin-le-Vinoux, d'une part, et le Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise, d'autre part, qui ont rapproché leurs orientations respectives en matière d'urbanisme et de transport, en concluant en 2007 un « contrat d'axe » .

Une autre démarche de planification a suscité l'intérêt de votre rapporteur : celle de Brest Métropole Océane, qui a adopté un plan local d'urbanisme « facteur 4 » en 2014, outil de planification intégrée rapprochant plusieurs documents de planification : plan local d'urbanisme (PLU), programme local de l'habitat (PLH), plan de déplacements urbains (PDU) et plan climat-énergie territorial (PCET) 2 ( * ) et fixé des objectifs environnementaux ambitieux.

Enfin, votre rapporteur s'est intéressé aux solutions d'ingénierie développées par le conseil régional du Nord-Pas de Calais, dont le « manifeste pour des projets d'urbanisme durable », élaboré avec un réseau d'agences d'urbanisme partenaires en 2014, rappelle les grands principes.

Ces initiatives locales sont des exemples, parmi d'autres, de l'implication manifeste des collectivités en faveur d'une conception durable de l'urbanisme.

Votre rapporteur observe que les collectivités les plus en pointe dans ce domaine ont su revenir sur des choix urbanistiques hérités du passé qui, en engendrant des besoins de déplacement et, partant, une dépendance à l'usage individuel de la voiture, n'ont que trop contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Ces collectivités pionnières ont ainsi préféré la densification des villes plutôt que leur étalement, et la diversification des fonctions des quartiers au lieu de leur spécialisation. Ces orientations favorables au climat, et dont les bénéfices seront appréciables dans un futur proche, nécessitent d'être largement répliquées dans nos territoires.

Dans cette perspective, votre rapporteur souligne que les collectivités gagneraient sans doute à opérer un triple rapprochement des politiques, des schémas et des acteurs intervenant dans le domaine de l'urbanisme. Il s'agit tout d'abord de mieux articuler les choix urbanistiques avec les orientations prises en matière de transport, d'énergie et d'habitat. Le « contrat d'axe » , par lequel quatre communes et le syndicat mixte en charge des transports de la région grenobloise ont lié contractuellement leurs projets d'urbanisme et de transport, illustre les progrès pouvant être accomplis sur ce point.

Un autre enjeu est de rapprocher les différents schémas existants dans un outil de planification intégrée, et de confier son élaboration, sa mise en oeuvre et son évaluation à un comité de pilotage. Le plan local d'urbanisme « facteur 4 » de Brest Métropole Océane, cité plus haut, témoigne des avancées réalisables en ce sens. C'est aussi et surtout grâce à une culture partagée que les différentes parties prenantes - collectivités, aménageurs, bureaux d'étude - pourront agir dans la même direction. Le « manifeste pour des projets durables » élaboré par le conseil régional du Nord-Pas de Calais et ses partenaires, à l'attention des élus et des techniciens, illustre les initiatives pouvant être prises dans cette direction.

Cependant, votre rapporteur tient à rappeler que les efforts engagés par les collectivités en faveur d'un modèle urbanistique durable ne sauraient aboutir sans être davantage accompagnés. Dans le domaine de l'urbanisme, qui nécessite des investissements de long terme, les collectivités doivent pouvoir s'appuyer sur un cadre règlementaire stable et des ressources financières satisfaisantes. Dans le même ordre d'idées, il est également souhaitable de mettre à leur disposition des solutions d'ingénierie adaptées, afin qu'elles puissent bénéficier de l'appui technique dont elles ont besoin pour intégrer pleinement les enjeux énergétiques et environnementaux dans leurs documents d'urbanisme et leurs opérations d'aménagement. Enfin, les collectivités doivent pouvoir solliciter des professionnels formés aux problématiques environnementales : le « verdissement » des métiers de l'urbanisme, de l'aménagement et de la construction, véritables gisements d'emplois d'avenir, est tout à fait essentiel. La création prochaine de l'Institut de la ville durable doit être l'occasion d'offrir aux collectivités les ressources techniques et financières qui leur manquent.

En somme, dans la perspective de la COP21, votre rapporteur souligne que la lutte contre le réchauffement climatique impose de développer un modèle urbanistique moins émissif et plus résilient : les collectivités en sont les architectes.

II. LA VILLE D'ISSY-LES-MOULINEAUX : UN ÉCO-QUARTIER

Le 8 octobre dernier, votre rapporteur s'est déplacé dans la ville d'Issy-les-Moulineaux, qui compte 66 166 habitants, dans le but de prendre connaissance d'un projet urbanistique durable conduit localement.

C'est ainsi que votre rapporteur a visité le Fort d'Issy, site militaire désaffecté de 12 hectares dont la ville a entrepris la réhabilitation sous la forme d'un éco-quartier, de 2009 à 2013. La forte dimension durable de ce site, qui dispose de 1 623 logements et 1 500 m 2 de commerces à haute performance énergétique desservis par un réseau de chaleur géothermique et une collecte pneumatique des déchets, a été récompensée par l'attribution du prix spécial EcoQuartier dans la catégorie « requalification urbaine » en 2011.

À travers l'exemple d'Issy-les-Moulineaux, votre rapporteur a souhaité mettre en valeur les éco-quartiers, projets d'aménagement urbain dont la conception, la mise en oeuvre et la gestion, orientées autour des principes du développement durable, contribuent à l'essor d'un nouveau modèle urbanistique.

Les éco-quartiers : fleurons de l'urbanisme durable

À l'occasion de l'audition des représentants du ministère en charge de l'Écologie, votre rapporteur a pu constater l'engouement suscité par la démarche éco-quartier, qui a été structurée en 2012 par la création du label « EcoQuartier ».

Avec ce label, il s'agit de faire émerger, à l'échelle des quartiers, des projets d'urbanisme opérationnel attentifs à la mixité sociale et fonctionnelle, à la qualité du cadre de vie et aux besoins des habitants, tout en limitant l'empreinte écologique. L'objectif est de définir un cadre commun à l'attention des collectivités et des aménageurs, en identifiant les réalisations exemplaires et en diffusant les bonnes pratiques.

Le label s'appuie sur une charte dont plusieurs engagements concourent à limiter les émissions de gaz à effet de serre (engagement 12 visant à favoriser la diversité des fonctions urbaines, engagement 13 tendant à promouvoir les filières locales, engagement 14 destiné à privilégier les mobilités douces et les transports en commun et engagement 17 relatif à la sobriété énergétique et aux énergies renouvelables). Il repose également sur un club national, rassemblant plus de 750 collectivités.

À ce stade, 32 opérations ont été labellisées, représentant 41 000 logements et 100 000 habitants. En outre, 78 projets sont engagés dans la labellisation.

Une démarche similaire, dénommée « EcoCités », existe à l'échelle des villes. Elle concerne 730 communes réparties sur 19 territoires urbains, soit 10 millions d'habitants.

A. LES OBJECTIFS

La ville d'Issy-les-Moulineaux est engagée de longue date en faveur de l'urbanisme durable. Ainsi la commune a-t-elle mis en place un plan municipal d'environnement en 1991, un agenda 21 local en 2003, ainsi qu'une charte, intitulée « Isséo », relative à la qualité du cadre bâti, en 2009.

En 2009, l'acquisition par la commune - au terme de plus d'une décennie de négociation avec l'État - du Fort d'Issy, un ancien site militaire, lui a donné l'occasion de donner une traduction concrète à cet engagement.

La superficie du Fort, de 12 hectares, et son ancienneté, qui remonte à 1841, nécessitaient d'accorder une attention particulière à la qualité de sa reconversion. C'est pourquoi un éco-quartier y a été implanté.

Il s'est donc agi, pour la commune, d'ouvrir et de rattacher ce site au reste de la ville, en y développant une offre résidentielle et commerciale ainsi que des infrastructures et des services, tout en veillant à garantir sa performance environnementale et son intérêt patrimonial.

Pour mener à bien ce chantier ambitieux, un travail a été engagé en étroite coopération entre la ville d'Issy-les-Moulineaux, la société d'économie mixte de l'arc de seine (SEMADS) et les ministères en charge de la Défense et du Budget. Quatre promoteurs et huit architectes ont par ailleurs été mobilisés.

B. LES ACTIONS

1. Une offre résidentielle et commerciale performante

Afin d'attirer quelque 3 600 nouveaux habitants dans l'éco-quartier du Fort d'Issy, la commune d'Issy-les-Moulineaux a développé une offre résidentielle et commerciale à haute performance énergétique.

Ce sont 1 623 logements qui ont ainsi été créés, dans quinze résidences d'une dizaine d'étages, respectant les normes bâtiments basse consommation (BBC). Les logements sont tous équipés d'un système de domotique permettant une gestion centralisée de l'éclairage et du chauffage, notamment. Ce système est favorable aux économies d'énergie, puisqu'il offre aux résidents la possibilité de connaître leurs consommations d'électricité et d'eau en temps réel, et de les gérer finement, y compris à distance.

Votre rapporteur souligne que la performance énergétique du cadre bâti est un objectif majeur de l'urbanisme durable, qui peut être poursuivi à l'occasion d'opérations d'aménagement par l'isolation thermique des bâtiments et, de manière plus originale, par l'installation de solutions domotiques.

Parmi cette offre résidentielle, on dénombre près de 20% de logements sociaux. La commune a donc été attentive à la mixité sociale.

Pour que le Fort d'Issy devienne un véritable lieu de vie, 1 500 m 2 de locaux à usage commercial ont également été implantés. Le site dispose ainsi de commerces (boulangerie, supermarché, librairie, etc.) et de services (banque, pharmacie, conciergerie, etc.). L'éco-quartier n'est donc pas exclusivement réservé à un usage résidentiel, mais comprend des activités économiques, ce qui limite d'autant les besoins de déplacements. En cela, la commune a veillé à la mixité fonctionnelle.

2. Des équipements et des services innovants

Afin de desservir les logements nouvellement créés, la ville d'Issy-les-Moulineaux a opté pour des équipements et des services innovants.

Tout d'abord, un réseau de chaleur géothermique a été mis en place pour répondre aux besoins en chauffage. Deux puits, creusés à 750 mètres de profondeur, permettent de pomper l'eau de l'aquifère de l'Albien, captée à 28°C. Après avoir servi au chauffage des logements, des commerces et des équipements publics, cette eau est entièrement réinjectée dans la nappe, de manière à préserver la ressource. Le montant de cet investissement, réalisé par Dalkia, s'élève à 4,3 millions d'euros 3 ( * ) .

Votre rapporteur rappelle que les réseaux de chaleur, et plus largement les énergies renouvelables, sont une solution adaptée pour répondre aux besoins énergétiques des zones urbaines denses, en particulier pour les habitats collectifs.

Une autre innovation consiste en une collecte pneumatique des déchets. Sur le site de l'éco-quartier, les déchets sont jetés dans des bornes, et conduits dans un réseau de 1 200 mètres de canalisations creusées en sous-sol. Ils sont ensuite prélevés grâce à un système d'aspiration par des véhicules de collecte, de l'extérieur du Fort d'Issy. Appliqué pour la première fois en France, ce système centralisé et automatisé de prélèvement des déchets ne nécessite aucun passage de véhicules de collecte à l'intérieur du Fort, ce qui contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et, plus largement, les pollutions et les nuisances. Déployé par Envac et Véolia Propreté, cet équipement a nécessité 4,3 millions d'euros 4 ( * ) .

Si la production d'énergie et la collecte des déchets ont été pensées dans une optique de développement durable, il en est de même pour les transports. Afin d'intégrer l'éco-quartier au réseau urbain, une ligne de bus le relie à l'Hôtel de Ville.

Par ailleurs, des parcs de stationnement souterrains, accessibles aux entrées du Fort, ainsi qu'une zone de rencontre où la circulation est limitée à 20 km par heure, ont été créés, de manière à limiter l'usage individuel de la voiture sans pour autant l'exclure. Des sentes piétonnes ont en outre été aménagées entre les immeubles et sur les remparts, afin de favoriser les mobilités douces.

Parmi les équipements créés, on dénombre des services publics tels que des écoles, des crèches, ou des équipements sportifs et culturels. L'école Louise Michel, qui s'étend sur 5 241 m 2 , a été construite avec une ossature bois et une isolation en paille, soulignant la volonté de la ville de recourir à des matériaux respectueux de l'environnement, y compris pour le patrimoine municipal.

Parce que l'aménagement durable ne se limite pas à une réflexion sur les équipements et les services, la commune a souhaité accorder une large place à la nature. Aussi, 4,4 hectares d'espaces verts ont été aménagés, dont 800 m 2 de jardins familiaux. Par ailleurs, 330 arbres fruitiers ont été plantés.

3. Un éco-quartier intégré à un projet urbanistique d'ensemble

Au-delà de cet éco-quartier, Issy-les-Moulineaux a développé d'autres projets urbanistiques, qui ont permis le renouvellement de plus de 40% de la ville depuis les années 1980.

Une initiative originale en faveur de la qualité du cadre bâti a été l'élaboration par la commune, en 2009, de la charte « Isséo », qui fixe des critères de performance plus élevés que la règlementation en vigueur pour la construction de logements collectifs et de bureaux dans sept domaines (énergie, eau, acoustique, déchets, biodiversité et espaces verts, qualité de l'air, déplacements). Sur la base d'une évaluation, un comité de pilotage délivre, à l'issue des travaux, le label « Isséo + » aux bâtiments respectant les critères définis par la charte.

Outre cette charte, la commune a également promu le développement durable dans le cadre de son plan local d'urbanisme (PLU), adopté en 2005 et actuellement en cours de révision. À titre d'illustration, la trame verte et bleue fait l'objet d'une opération d'aménagement et de programmation (OAP), qui vise notamment à préserver les parcs et les jardins publics, maintenir les jardins familiaux, valoriser les berges de la Seine ou encore protéger les mares. La ville a ainsi sanctuarisé ses 53,1 hectares d'espaces verts publics.

Enfin, d'autres opérations d'aménagement ont été conduites dans le respect du développement durable. Entre 2008 et 2015, Issy-les-Moulineaux a notamment construit un autre éco-quartier, « Bords de Seine », offrant, sur une superficie de 3,5 hectares, 42 800 m 2 de logements, 24 000 m 2 de bureaux et 2 500 m 2 de commerces aux normes bâtiments basse consommation (BBC). Confirmant son implication dans les solutions urbaines innovantes, la ville a raccordé cet éco-quartier directement à une usine de traitement des déchets via un réseau de collecte pneumatique.

C. LES RÉSULTATS

En tirant profit de la reconversion d'un site militaire désaffecté pour y construire un éco-quartier, la ville d'Issy-les-Moulineaux s'est positionnée comme une collectivité pionnière en matière d'urbanisme durable.

Une réflexion urbanistique d'ensemble a été engagée sur ce site quant à la performance thermique du cadre bâti, la production d'énergie renouvelable, la collecte des déchets, l'accès aux transports en commun et aux mobilités douces, ou la valorisation des espaces verts.

Ce projet a ainsi contribué à renforcer l'attractivité de la ville d'Issy-les-Moulineaux. Ce sont au total 5 000 habitants qui se sont installés dans les deux éco-quartiers de la ville. Par ailleurs, la consommation d'énergie et l'empreinte carbone du site ont pu être maîtrisées, grâce aux équipements innovants qui y ont été implantés. À titre d'exemple, le réseau de chaleur permet de couvrir 78% des besoins en chauffage et en eau chaude sanitaire 5 ( * ) .

III. LA VILLE DE REIMS : UN PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT URBAIN INTÉGRANT DES OBJECTIFS ÉNERGÉTIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX

En partenariat avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la ville de Reims, qui compte 185 868 habitants, a conduit un projet de renouvellement urbain dans le quartier de Croix Rouge, de 2008 à 2014. La performance énergétique et environnementale de ce projet a conduit à l'attribution, en 2014, du label EcoQuartier au secteur de Pays de France.

Votre rapporteur a souhaité illustrer, avec l'exemple de Reims, l'implication des collectivités dans la réhabilitation de quartiers défavorisés, dont elles tendent à renforcer la durabilité.

Votre rapporteur a ainsi voulu rappeler qu'une conception durable de l'urbanisme poursuit non seulement une finalité environnementale, comme le renforcement de la performance énergétique du cadre bâti, mais également des préoccupations économiques, telles que l'amélioration de l'attractivité du territoire, et sociales, notamment avec l'accession sociale à la propriété.

La rénovation urbaine : nouvel horizon de l'urbanisme durable ?

Au cours de l'audition des représentants de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), votre rapporteur a pu observer l'intégration de plus en plus poussée des principes du développement durable dans les opérations de rénovation urbaine : une conception durable de l'urbanisme se diffuse aussi dans les quartiers en difficulté.

Une prise de conscience progressive a émergé, liée au Grenelle de l'Environnement de 2007, puis aux appels à projets nationaux relatifs aux transports de 2009, 2011 et 2014.

Preuve de la mobilisation des collectivités et des bailleurs sociaux dans cette direction, un certain nombre de projets de rénovation urbaine ont été labellisés EcoQuartier, tels ceux conduits à Lyon (La Duchère), Morez (Villedieu-Le Puits), Mulhouse (Wolf Wagner) ou Les Mureaux (Les Mureaux Ouest).

Afin de faire progresser davantage encore la durabilité des opérations de rénovation urbaine, l'ANRU a fait part à votre rapporteur de six objectifs incontournables :

- l'augmentation de la diversité de l'habitat dans les quartiers ;

- l'adaptation de la densité du quartier à son environnement et aux fonctions urbaines visées ;

- la promotion de la mixité fonctionnelle et la consolidation du potentiel de développement économique ;

- le renforcement de l'ouverture du quartier et de la mobilité des habitants ;

- l'engagement en faveur de l'efficacité énergétique et de la transition écologique ;

- et la réalisation d'aménagements urbains et de programmes immobiliers de qualité prenant en compte les usages ainsi que les enjeux de gestion et de sécurité, et anticipant les évolutions et mutations futures.

A. LES OBJECTIFS

Créé dans les années 1970, le quartier de Croix Rouge regroupe 25 000 habitants sur 254 hectares, soit 13,8% de la population et 5,4% de la superficie de la ville. Avec un taux de chômage de 21,9% en 2012 6 ( * ) , ce quartier est caractérisé par de fortes difficultés socio-économiques.

Dans ce contexte, les objectifs du programme de renouvellement urbain conduit dans ce quartier sont multiples.

En s'appuyant sur une ligne de tramway mise en service en 2011, il s'est tout d'abord agi de mettre fin à l'enclavement et à la fragmentation du quartier, en le reliant au centre-ville et en connectant les trois sous-secteurs d'habitat qui le composent (Eisenhower/Université, Pays de France et Croix du Sud). De la sorte, la mobilité des résidents et l'installation de nouveaux habitants ont été encouragées.

Un autre enjeu a été de dynamiser l'activité commerciale et, de ce fait, les perspectives d'emplois, en implantant une offre de qualité en termes de commerces et de services. C'est ainsi que la mixité fonctionnelle du quartier a été promue avec une attention particulière portée à la vocation économique.

Le renouvellement du quartier a enfin eu pour objet d'améliorer le cadre de vie, à travers la réhabilitation ou la construction de logements, ainsi que la requalification ou la création d'espaces publics.

En définitive, en favorisant les continuités urbaines et la mixité sociale et fonctionnelle, c'est l'image du quartier de Croix Rouge que le programme de renouvellement urbain s'est efforcé de modifier.

Pour ce faire, la ville de Reims, en charge du projet conjointement avec Reims Métropole, s'est appuyée sur un réseau de partenaires et sur les habitants du quartier.

Aux côtés de l'ANRU, le conseil départemental de la Marne, le conseil régional de Champagne-Ardenne, la Caisse des dépôts et l'Union européenne ont contribué au financement de cette opération. Le bailleur social le Foyer Rémois a également joué un rôle essentiel.

Au total, les investissements réalisés dans le quartier de Croix Rouge s'élèvent à 138 millions d'euros pour la période 2008 à 2014, dont 18 millions d'euros pour la ville de Reims et Reims Métropole, 33 millions d'euros pour l'ANRU et 120 millions d'euros pour les bailleurs sociaux.

Parce que la conduite d'une opération de renouvellement urbain nécessite de mobiliser, non seulement des partenaires mais aussi les habitants, ces derniers ont été associés au projet à travers des réunions publiques, des ateliers de concertation et des balades urbaines. Par ailleurs, ils ont participé aux choix d'aménagement et de dénomination des espaces publics.

B. LES ACTIONS

1. Le réaménagement du quartier

Depuis 2008, la ville de Reims a entrepris le réaménagement du quartier de Croix Rouge.

Sur l'ensemble du quartier Croix Rouge, 449 démolitions, 1 704 opérations de réhabilitation et de résidentialisation, 529 logements neufs et 471 logements en accession à la propriété ont été programmés.

Par ailleurs, 10 000 m 2 de locaux destinés à accueillir des commerces et des services ont été prévus.

C'est le long de l'axe de tramway qu'a été implanté l'essentiel de ces logements et de ces locaux : le projet urbain s'est en effet développé de part et d'autre de cette ligne de transport autour d'un « front bâti », c'est-à-dire d'un ensemble d'immeubles neufs offrant des logements aux étages et des locaux d'activités en rez-de-chaussée.

Votre rapporteur observe que les axes de transport en commun, qui favorisent les continuités urbaines, attirent les activités économiques et constituent une alternative peu émissive à l'usage individuel de la voiture, sont un levier au service de l'urbanisme durable.

Dans le secteur de Pays de France, qui constitue l'épicentre du quartier de Croix Rouge avec 5 500 habitants, la ville de Reims et le bailleur social le Foyer Rémois, ont poursuivi des objectifs énergétiques et environnementaux ambitieux.

La performance thermique du cadre bâti a été renforcée. C'est ainsi que 530 logements ont été réhabilités et que 117 ont été créés dans le respect des normes bâtiments basse consommation (BBC). Un appartement témoin, « Eco appart », a été ouvert au public, afin de sensibiliser les habitants aux bons usages en matière d'économies d'énergie.

En outre, les espaces publics ont été requalifiés. D'une part, la destruction de 158 logements a permis de créer des voies de circulation, des allées piétonnes et une esplanade, de manière à ouvrir le quartier sur la voie de tramway. D'autre part, 2 500 m 2 de commerces et de services ont été créés en pied d'immeubles, dans le but de diversifier et de dynamiser le tissu économique. Quant aux abords des immeubles, ils ont été résidentialisés, c'est-à-dire que leurs accès ont été repensés pour renforcer la sécurité des habitants et leur qualité de vie.

Enfin, des habitants ont été employés pour la réalisation des travaux et accompagnés dans la voie de la professionnalisation par des formations ou des tutorats. Au total, 38 000 heures d'insertion professionnelle ont été offertes dans le cadre du réaménagement de ce secteur.

2. La dynamisation du tissu économique

En complément des travaux de réaménagement, la ville de Reims s'est attelée à dynamiser le tissu économique.

L'enjeu a été d'implanter une offre de commerces et de services de qualité dans les 10 000 m 2 de locaux d'activités du quartier de Croix Rouge, dont 2 500 m 2 pour le seul secteur de Pays de France.

Pour attirer de nouvelles activités, la ville a réalisé une étude destinée à évaluer le potentiel économique du quartier de Croix Rouge. Par ailleurs, elle a opté pour des loyers de base attractifs et a élaboré une charte des vitrines et des enseignes. Enfin, la ville a mis en place une commission chargée de la commercialisation des locaux, qui regroupe la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), la Caisse des dépôts, l'Etat et les bailleurs sociaux.

Cet effort a permis d'implanter une offre complète de commerces (boucher, boulanger, buraliste, supermarché, épicerie, etc.) et de services (cabinet médical, agence immobilière, auto-école, bureau de poste, etc.).

De manière plus innovante, la ville de Reims a récemment inauguré une pépinière d'entreprises, dénommée « Reims Business Hub », en partenariat avec Reims Métropole et la CCI, afin de diversifier davantage le tissu économique.

Votre rapporteur souligne que l'urbanisme durable ne s'arrête pas à la planification urbaine ou aux opérations d'aménagement mais doit également intégrer la gestion urbaine, c'est-à-dire l'ensemble des politiques publiques qui participent d'un bon fonctionnement des quartiers, à commencer par la promotion de l'activité économique.

C. LES RÉSULTATS

Le programme de renouvellement urbain de Croix Rouge, qui sera totalement achevé début 2016, a permis de modifier sensiblement le quartier, le secteur de Pays de France ayant obtenu le label EcoQuartier en 2014.

Dans ce secteur, la performance énergétique des logements réhabilités ou construits aux normes BBC a entraîné une baisse de 50% du budget énergétique des résidents, selon un bilan publié par la ville en 2014.

Au-delà du seul secteur de Pays de France, le tissu économique a été dynamisé. Ainsi, tous les locaux commerciaux ont été loués, et 5 000 m 2 d'activités nouvelles ont pu être créés dans le quartier de Croix Rouge.

Le réaménagement du quartier se poursuivra dans le cadre du programme de renouvellement urbain pour la période 2015 à 2024, seul un tiers du quartier ayant pour l'heure été rénové.

Dans ce cadre, la ville de Reims souhaite notamment diversifier les logements, en encourageant l'accession sociale à la propriété, ainsi que les activités, en favorisant le secteur tertiaire.

IV. LES VILLES DE GRENOBLE, FONTANIL-CORNILLON, SAINT-ÉGRÈVE ET SAINT-MARTIN-LE-VINOUX : UN CONTRAT D'AXE

Une démarche de planification urbaine innovante a été expérimentée dans la région grenobloise : les villes de Grenoble, Fontanil-Cornillon, Saint-Egrève et Saint-Martin-le-Vinoux 7 ( * ) , d'une part, et le Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC), d'autre part, ont en effet rapproché leurs orientations respectives en matière d'urbanisme et de transport, en concluant une « charte urbanisme et transports » en 2006, puis un « contrat d'axe » en 2007.

Cette démarche a permis de positionner la région grenobloise comme territoire pionnier, où les politiques d'urbanisme et de transports sont liées contractuellement.

Convaincue de l'intérêt de mieux articuler les projets d'urbanisme et les infrastructures de transports en commun afin de limiter les besoins de déplacement et, partant, l'usage individuel de la voiture, votre rapporteur a souhaité mettre en valeur cette initiative favorable à l'urbanisme durable.

A. LES OBJECTIFS

La démarche expérimentée dans la région grenobloise vise à coupler la planification urbaine et les investissements de transport : le SMTC s'est engagé à réaliser une nouvelle ligne de tramway - la ligne E - en contrepartie de la densification des zones ayant vocation à être desservies par cet équipement dans quatre communes : Grenoble, Fontanil-Cornillon, Saint-Egrève et Saint-Martin-le-Vinoux.

L'enjeu essentiel de cette programmation conjointe est de développer l'urbanisation de façon préférentielle le long des axes de transport : aussi les communes sont-elles incitées à densifier leur offre de logements, de locaux d'activités et d'équipements publics autour de la nouvelle ligne de tramway.

Pour le syndicat mixte, la densification des zones desservies par la ligne de tramway est de nature à favoriser la fréquentation de cet équipement, notamment dans les zones peu denses, et d'assurer ainsi sa rentabilité. Ce sont ainsi entre 31 000 à 45 000 passagers dont le syndicat mixte espère assurer le transport quotidien sur cette ligne 8 ( * ) .

Pour les communes, elle constitue l'assurance de disposer d'un nouvel équipement selon des paramètres et un calendrier prédéfinis, ainsi que de concours financiers. Une aide pouvant aller jusqu'à 11,5 millions d'euros doit leur être délivrée par le syndicat mixte 9 ( * ) .

L'ambition de cette démarche est donc d'aboutir à un projet de territoire liant les enjeux d'urbanisme et de mobilité, fondé sur la co-construction et la négociation.

B. LES ACTIONS

1. L'élaboration d'un contrat d'axe

En 2006, une « charte urbanisme et transports » a constitué un premier cadre de rapprochement entre les choix urbanistiques des communes et les infrastructures de transport du SMTC.

Ce document fixe ainsi 12 principes urbanistiques destinés à favoriser autour des axes de transport :

- la densification urbaine (principe 2 visant à « mettre en adéquation les règles des plans locaux d'urbanisme avec les principes de densification », et principe 3 destiné à « participer à la densification des quartiers » ) ;

- la mixité sociale et fonctionnelle (principe 5 destiné à « diversifier les fonctions urbaines et conforter les pôles commerciaux et de services » , et principe 6 tendant à « encourager la mixité sociale » ) ;

- et une voirie dense et diversifiée (principe 7 tendant à « mailler les quartiers par des itinéraires piétons et cycles » et principe 11 visant à « penser la voirie de manière qualitative et cohérente » ).

Cette charte pose donc les bases d'une démarche de coordination : il s'agit de développer, au voisinage des axes de transport, des zones denses présentant une diversité d'habitats et de fonctions, et offrant un maillage de voies et de cheminements.

Plus de deux ans de négociations ont été nécessaires pour parvenir à la déclinaison opérationnelle de ces principes.

En 2008, un « contrat d'axe » a ainsi été signé par le syndicat et les communes, aux côtés de plusieurs partenaires, notamment Grenoble-Alpes Métropole, le conseil départemental de l'Isère, le conseil régional de Rhône-Alpes, l'État, et l'Établissement public foncier local de la région grenobloise.

Ce contrat fixe les engagements des partenaires, en précisant en détail les actions, le calendrier, le pilotage et les financements requis.

2. Les engagements des communes

Avec le « contrat d'axe », les communes s'engagent à mettre leurs projets d'urbanisme et leurs opérations d'aménagement au service de la densification d'un « fuseau d'intensification urbaine », c'est-à-dire les zones urbaines desservies par la ligne de tramway.

Les communes ont ainsi pour objectif la création de 1 980 logements, six mois après la mise en service du tramway - prévue au 1 er janvier 2014 -, et 6 110 au total, avant 2020. Est également envisagée l'implantation de 61 060 m 2 de surfaces d'activités, et de 15 000 m 2 d'équipements publics à long terme. Ces objectifs globaux sont déclinés en fonction des communes.

Pour les atteindre, les communes sont invitées à mobiliser plusieurs leviers d'action. C'est par la constitution de réserves foncières publiques, la révision de leurs plans locaux d'urbanisme, l'intégration des transports en commun dans leur programmation urbaine, et la conduite d'opérations d'aménagement, que les communes ont la possibilité d'agir. Fait notable, le « contrat d'axe » présente, de manière précise et détaillée, la manière dont les communes doivent retranscrire dans leurs documents d'urbanisme le « fuseau d'intensification urbaine ». D'une part, les communes sont incitées à lever les barrières à la densification en s'abstenant de recourir à un coefficient d'occupation des sols (COS) 10 ( * ) , un coefficient d'emprise au sol ou des limites séparatives contrevenant à cet objectif. D'autre part, elles sont invitées à favoriser le développement et la mixité des logements en inscrivant des servitudes dédiées aux logements ou en renforçant la proportion de logements sociaux. Enfin, c'est également la gestion de la voirie que les communes sont conviées à mobiliser, en réservant des emplacements pour les cheminements piétons et cyclables, et en fixant des normes plafond ou plancher pour le stationnement des voitures ou des vélos.

Le contrat contient donc des orientations urbanistiques très précises à l'intention des communes.

Votre rapporteur rappelle l'intérêt pour les collectivités de définir, de manière précoce, précise et concertée, une programmation urbanistique bien articulée avec les infrastructures publiques, notamment de transport.

3. Les engagements de l'opérateur de transport

Si le « contrat d'axe » comprend des dispositions de nature à orienter les choix urbanistiques des communes, il fixe également un cadre à l'action du syndicat mixte.

Le premier objectif qui lui est assigné est la mise en service, au cours de l'année 2014, de la nouvelle ligne de tramway, qui représente 11,5 kilomètres de voies et 18 stations, pour un coût de 298 millions d'euros.

En outre, le syndicat s'engage à apporter une aide financière aux communes sur la période 2010 à 2020. Cette aide financière est au minimum de 8,1 millions d'euros, et peut atteindre 11,5 millions si les objectifs de création de logements sont atteints. Au total, il est donc prévu 1 million d'euros d'aide par kilomètre de tramway.

Plus précisément, deux catégories de dépenses sont mises à la charge du syndicat mixte : les études urbaines, à hauteur de 25%, et les projets d'aménagement urbains aux abords du tramway, dans une proportion de 75%.

Le contrat consacre ainsi l'appui financier élevé du syndicat mixte aux communes.

Votre rapporteur souligne la nécessité pour les collectivités de disposer d'un appui technique et financier suffisant, pour faire progresser la durabilité de leurs projets d'urbanisme et de leurs opérations d'aménagement.

C. LES RÉSULTATS

Conformément au « contrat d'axe », le SMTC a progressivement mis en service la nouvelle ligne de tramway au cours de l'année 2014, tandis que les communes ont entamé la densification des zones desservies par celle-ci.

Les objectifs premiers de construction de logements ont été dépassés dans les villes de Grenoble et de Saint-Martin-le-Vinoux.

Fondé sur la concertation et la réciprocité, le « contrat d'axe » aura permis de mobiliser l'ensemble des acteurs dans la redéfinition d'un projet urbanistique autour d'une nouvelle ligne de transport.

V. BREST MÉTROPOLE OCÉANE : UN PLAN LOCAL D'URBANISME « FACTEUR 4 »

En 2014, Brest Métropole Océane, qui regroupe 206 719 habitants et 8 communes, a adopté un plan local d'urbanisme à l'échelle intercommunale dit « facteur 4 ».

Cet outil de planification intégrée doit son nom aux quatre documents d'urbanisme qu'il articule - le plan local d'urbanisme (PLU), le programme local de l'habitat (PLH), le plan de déplacements urbains (PDU), et le plan climat-énergie territorial (PCET) -, ainsi qu'à l'objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre qu'il intègre.

Avec l'exemple de Brest Métropole Océane, votre rapporteur a souhaité mettre en valeur une démarche innovante - la première de ce type -qui témoigne de l'utilité de la planification intégrée pour promouvoir dans nos territoires un modèle urbanistique orienté vers l'atténuation du changement climatique, et l'adaptation à ses effets.

A. LES OBJECTIFS

Engagées dans un travail partenarial à l'échelle intercommunale depuis la création d'une communauté urbaine en 1974, les 8 communes qui composent Brest Métropole Océane ont su se mobiliser en un délai contraint de trois ans pour élaborer un PLU « facteur 4 » .

Ce document vise à mettre en cohérence les politiques d'urbanisme, d'habitat et de transport conduites à l'échelle du territoire, et à renforcer leur durabilité.

Dans cette perspective, la métropole a entendu :

- d'une part, mettre en place un PLU tenant lieu de PLH et de PDU ;

- et d'autre part, articuler ce PLU avec le PCET, en élaborant conjointement ces deux documents, selon le même calendrier et avec la même gouvernance.

C'est donc une démarche de planification intégrée à laquelle a recouru Brest Métropole Océane pour concevoir et développer un projet de territoire, partagé et transversal accordant une place centrale eux enjeux climatiques et environnementaux.

B. LES ACTIONS

1. La conception du PLU « facteur 4 »

Compte tenu de son caractère intégré, le PLU « facteur 4 » a nécessité pour sa réalisation un engagement fort de la part de Brest Métropole Océane.

Tout d'abord, la métropole s'est dotée d'une gouvernance adaptée, capable de mener de front le montage concomitant des différents documents. Le PLU « facteur 4 » a ainsi été élaboré par la métropole en collaboration étroite avec les communes et l'Agence d'urbanisme Brest Bretagne (ADEUPa). Six groupes de travail, regroupant notamment les élus locaux et les personnalités publiques associées, ont été formés sur différents thèmes (projet urbain, formes urbaines et économie de l'espace ; développement économique et culturel ; mobilité durable ; énergie et plan climat ; habitat et logement ; cadre de vie et valorisation de l'environnement). En outre, trois réunions publiques ont été organisées dans chacune des huit communes.

Attentive à ce que le PLU « facteur 4 » ne soit pas une source de lourdeur ou de complexité, la métropole a veillé à la simplicité et à l'intelligibilité de ce document de planification. De grands principes stratégiques ont été fixés dans des orientations d'aménagement et de programmation (OAP), et le règlement du plan local d'urbanisme a été simplifié.

Une fois le PLU « facteur 4 » adopté, Brest Métropole Océane a constitué des ateliers avec les professionnels, et a conçu des fiches explicatives à l'attention des particuliers, afin que chacun puisse s'approprier ce nouveau document. Par ailleurs, un comité de pilotage a été chargé de suivre la mise en oeuvre du projet urbain.

Votre rapporteur fait observer que les démarches de planification intégrée sont un levier essentiel de l'urbanisme durable : elles sont, pour les collectivités, un moyen utile de mobiliser l'ensemble de leurs compétences au service du climat, de fédérer les parties prenantes autour d'une culture « énergie-climat », et de simplifier autant que possible leurs documents de planification.

2. Les orientations du PLU « facteur 4 »

L'élaboration conjointe du PLU et du PCET a conduit Brest Métropole Océane à conforter son action en faveur de la sobriété énergétique dans deux domaines : l'habitat et les transports.

Tout d'abord, la métropole a accéléré la rénovation thermique du cadre bâti. Le PCET a mis en évidence le fait que 31% des émissions de gaz à effet de serre sont imputables au bâti résidentiel dans la métropole. Plus spécifiquement, 60% de ces émissions sont dues aux immeubles construits entre 1949 et 1975, lesquels représentent 54% du parc. Afin d'atteindre l'objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, le PCET évalue à 2 200 le nombre de logements devant faire l'objet d'une réhabilitation thermique chaque année. Fort de ce constat, la métropole a fixé, dans son PLU, des orientations en matière de rénovation du cadre bâti, avec notamment un objectif de construction de 3 000 logements par an.

En outre, Brest Métropole Océane a intensifié son action en direction des solutions de mobilité peu émissives. Comme l'a établi le PCET, les transports de voyageurs sont responsables de 26% des émissions de gaz à effet de serre. Parmi ces émissions, 94% sont imputables à l'usage individuel de la voiture. Dans ces circonstances, le PCET préconise de porter la part modale des mobilités douces à 31%, celle du tram, du TER et de la voiture électrique à 15%, et celle du bus et du car à 12% d'ici 2050. C'est pourquoi le PLU de la métropole comprend des dispositions destinées à encourager les solutions de mobilité alternatives à l'usage individuel de la voiture, dont un schéma de développement de long terme des transports collectifs.

Si le lien entre le PCET et le PLU n'est pas nécessairement immédiat, la démarche « facteur 4 » aura permis d'éclairer et, parfois, d'infléchir les choix urbanistiques de la ville dans le sens du développement durable.

C. LES RÉSULTATS

Le PLU « facteur 4 » de Brest Métropole Océane, démarche de planification intégrée innovante, a permis de mettre en synergie les différentes politiques publiques de l'agglomération (l'urbanisme, l'habitat et les transports), et de renforcer leur durabilité.

Elle a contribué à simplifier les outils réglementaires, en regroupant autant que possible les différents documents d'urbanisme (le PLU, le PLH, le PDU et le PCET) et en allégeant leur contenu.

Enfin et surtout, cette démarche a sensibilisé les élus locaux et les services administratifs à la nécessité de faire droit aux enjeux énergétiques et environnementaux dans leurs projets urbanistiques.

VI. LE CONSEIL RÉGIONAL DU NORD-PAS DE CALAIS : UN MANIFESTE POUR DES PROJETS D'URBANISME DURABLE

En partenariat avec un réseau d'agences d'urbanisme, la région Nord-Pas de Calais, dont la population s'établit à 4,05 millions d'habitants, a développé une expertise fine en matière d'urbanisme durable, dont les grands principes ont été synthétisés avec l'élaboration d'un « manifeste pour des projets d'urbanisme durable » en 2014.

Avec l'exemple du conseil régional du Nord-Pas de Calais, votre rapporteur a voulu présenter une action essentielle, quoiqu'indirecte, en faveur de la durabilité des projets d'urbanisme et des opérations d'aménagement : l'ingénierie territoriale, c'est-à-dire l'appui technique ou financier apporté notamment par les conseils régionaux et les conseils départementaux aux communes et à leurs établissements.

Votre rapporteur fait observer que, si les bonnes pratiques dans le domaine de l'urbanisme durable sont nombreuses, elles ne pourront être répliquées que si le bloc communal dispose de conditions satisfaisantes pour exercer sa compétence en matière d'urbanisme : la stabilité de moyen terme des ressources financières et du cadre règlementaire est un préalable indispensable à l'essor d'un nouveau modèle urbanistique.

A. LES OBJECTIFS

L'action du conseil régional du Nord-Pas de Calais en faveur de l'urbanisme durable s'appuie sur un cadre stratégique fixé dans les documents de planification régionale.

Dès 2006, le conseil régional a co-construit deux « directives régionales d'aménagement » , dans le cadre de son schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) : la première est relative à la maîtrise de la périurbanisation, et la seconde aux trames vertes et bleues.

Ces deux directives ont eu pour objectifs de sensibiliser les acteurs locaux à la nécessité de veiller à une gestion économe de l'espace et à la protection des espaces naturels et agricoles.

En 2012, le conseil régional a complété ce cadre en actualisant son schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), en élaborant un schéma régional climat air énergie (SRCAE), ainsi qu'un schéma de cohérence écologique (SRCE).

C'est ainsi qu'une stratégie régionale a progressivement émergé en matière d'urbanisme durable, dont les principales orientations sont la maîtrise de l'étalement urbain, le renouvellement urbain, la déclinaison des trames vertes et bleues et l'adaptation au changement climatique.

Preuve de l'implication du conseil régional en faveur de la durabilité des projets d'urbanisme et des opérations d'aménagement, le SRCAE fixe pour objectif de « limiter à 500 hectares par an l'extension de l'artificialisation des sols, et donc de diviser par trois la dynamique observée entre 1998 et 2005 au niveau régional ».

Afin de donner une application concrète à cette stratégie, le conseil régional a mobilisé trois leviers d'action :

- un pouvoir d'avis, en tant que personne publique associée à l'élaboration des documents d'urbanisme ;

- le financement de solutions d'ingénierie territoriale, apportées par un réseau d'agences d'urbanisme ;

- et le lancement d'appels à projets, en tant qu'autorité de gestion des Fonds européen de développement régional et du Fonds social européen (FEDER-FSE).

Parce que l'ambition du conseil régional est aussi d'identifier et de valoriser les pratiques favorables au climat, il a participé à l'élaboration d'un « manifeste pour des projets d'urbanisme durable » en 2014.

B. LES ACTIONS

1. L'élaboration d'un « manifeste »

Le conseil régional du Nord-Pas de Calais entretient des rapports étroits avec les agences d'urbanisme implantées sur son territoire.

En 2014, il a participé à l'élaboration d'un « Manifeste pour des projets d'urbanisme durable en Nord-Pas de Calais » , en partenariat avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), des agences d'urbanisme - de Lille Métropole, Béthune, Saint-Omer, Dunkerque et La Sambre -, le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement du Pas-de-Calais (CAEU62), la Mission Bassin minier et le Centre ressource du développement durable (CERDD).

Partant de la nécessité de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 et, plus largement, de préserver les ressources naturelles et de s'adapter au changement climatique, le manifeste fixe 18 principes d'actions pour favoriser la prise en compte des enjeux énergétiques et environnementaux dans les projets d'urbanisme.

Ces objectifs sont déclinés selon les phases de conception de ces projets : associer, planifier, programmer, concevoir, évaluer.

Parmi les principes d'action définis par ce manifeste figurent la densification urbaine, l'urbanisation des abords des axes de transport, la promotion de la mixité sociale et fonctionnelle, le déploiement de mobilités alternatives à l'usage individuel de la voiture, ou encore l'adaptation aux risques naturels associés au changement climatique.

L'enjeu du manifeste est de promouvoir une conception commune de l'urbanisme durable auprès des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux et, plus largement, des différentes parties prenantes.

La diffusion de fiches destinées à valoriser les bonnes pratiques, ainsi que la réunion annuelle ou bisannuelle d'un réseau d'acteurs complètent cette initiative.

Votre rapporteur souligne que c'est grâce à l'essor d'une culture partagée réunissant toutes les parties prenantes autour de principes identifiés et de méthodes établies, que l'urbanisme durable est susceptible de progresser.

2. La reddition d'avis sur les documents d'urbanisme

Dès 2010, le conseil régional s'est pleinement saisi du pouvoir d'avis dont il dispose en tant que personne publique associée à l'élaboration des documents d'urbanisme. Aussi accompagne-t-il les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à toutes les étapes de la réalisation des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI).

En ce qui concerne les SCOT, le conseil régional porte à la connaissance des EPCI les priorités régionales dès le stade du diagnostic, et leur notifie toute divergence de vue avant le vote du plan d'aménagement du développement durable (PADD). Par la suite, un travail en commun est effectué pour garantir la compatibilité des objectifs locaux avec les priorités régionales lors de l'élaboration du document d'orientation et d'objectifs (DOO). Enfin, les représentants de l'EPCI sont auditionnés par le conseil régional. Depuis 2011, la région a ainsi délibéré sur 9 avis.

S'agissant des PLUI, une action similaire est conduite pour enrichir le diagnostic, le PADD, le règlement et le zonage, avec l'envoi d'observations aux EPCI. Au total, 170 observations ont ainsi été formulées par la région.

Afin d'accompagner au mieux l'élaboration et la révision des SCOT et des PLUI, le conseil régional dispose d'une équipe technique dédiée. Par ailleurs, des outils ont été conçus par la région pour aider les collectivités, tels que des bases de données foncières ou des guides pratiques. Par exemple, un recueil intitulé « 15 synthèses territorialisées des enjeux régionaux » a été rédigé pour expliciter les modalités selon lesquelles les collectivités peuvent décliner les objectifs du SRADDT, notamment en matière de climat, de biodiversité et de ressources naturelles.

3. Le financement de solutions d'ingénierie territoriale

Si le conseil régional exerce pleinement son pouvoir d'avis sur les documents d'urbanisme, il participe également au financement de solutions d'ingénierie territoriale délivrées par un réseau d'agences d'urbanisme aux collectivités porteuses de tout projet d'urbanisme ou d'aménagement.

Les expertises des agences d'urbanisme, dont la durée varie de six à dix-huit mois et le coût de 20 000 à 30 000 euros, sont financées à hauteur de 70% par le conseil régional. Actuellement, une vingtaine de projets d'urbanisme ou d'aménagement sont ainsi accompagnés en région Nord-Pas de Calais.

Ces expertises visent à accompagner les collectivités dans quatre domaines : la qualification environnementale des documents d'urbanisme, l'adaptation des projets urbains aux effets du changement climatique, la réhabilitation énergétique et environnementale des quartiers, ou la rénovation énergétique et environnementale des bâtiments.

À titre d'illustration, le conseil régional a participé au financement d'un projet d'approche environnementale de l'urbanisme, conduit dans la commune de Cappelle-Brouck (1 165 habitants), située dans le département du Nord, sous l'égide de l'agence d'urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque (AGUR).

L'enjeu était d'aider la commune, bâtie sur un polder, à définir un schéma directeur d'aménagement du centre bourg et à implanter un projet de béguinage sur le site d'une ancienne ferme, en veillant à maintenir un bon fonctionnement hydraulique, à gérer les périodes de crue et à adapter la localité aux effets du changement climatique.

4. Le lancement d'appels à projets

Le conseil régional du Nord-Pas de Calais est autorité de gestion au titre des fonds du FEDER-FSE.

Deux programmes de ce type se sont ainsi succédé : le premier sur la période 2007-2013 et le second sur la période 2014-2020.

Le premier programme a contribué au financement de projets d'urbanisme ou d'opérations d'aménagement allant dans le sens du développement durable. Parmi ces initiatives, on peut citer le projet de réhabilitation urbaine conduit sur le site des rives de la Haute Deûle à Lille (4,3 millions d'euros), ou l'opération de restauration de l'espace naturel du Grand site des deux caps, dans le département du Pas-de-Calais (3,1 millions d'euros) 11 ( * ) .

Quant au second programme, il promeut dans son axe 3, intitulé « conduire la transition énergétique en région Nord-Pas de Calais », les quartiers dits démonstrateurs bas carbone.

C. LES RÉSULTATS

L'action du conseil régional du Nord-Pas de Calais dans le domaine de l'urbanisme durable est notable.

En matière d'urbanisme prévisionnel, les avis du conseil régional ont contribué à limiter la consommation d'espaces naturels et agricoles. Selon le conseil régional, les 9 SCOT adoptés sur son territoire permettront une baisse de 44% de l'artificialisation des sols sur la période 2015 à 2025 par rapport à la période 1998 à 2009.

En ce qui concerne l'urbanisme opérationnel, un réseau de 7 agences d'urbanisme, animé par le conseil régional, apporte une aide à la décision et une expertise aux porteurs de projets sur la quasi-totalité du territoire. Les communes et leurs établissements disposent ainsi du premier réseau régional d'ingénierie territoriale, avec 153 équivalents temps plein 12 ( * ) , dont les principes d'actions sont désormais inscrits dans un manifeste.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#urbanisme

CHAPITRE III - LES ACTIONS INTERNATIONALES

Michel DELEBARRE

Sénateur du Nord

I. PROPOS INTRODUCTIF

L'action internationale des collectivités territoriales en matière de lutte contre le changement climatique couvre deux aspects complémentaires.

Le premier volet, le plus prégnant, est l'action quotidienne des collectivités dans le cadre de leurs compétences. Comme le rappelle le récent rapport de votre rapporteur et de Ronan Dantec sur le rôle des collectivités territoriales dans les négociations climatiques, 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à des décisions prises localement dans de nombreux domaines d'actions des collectivités territoriales : énergie, assainissement de l'eau, transports, traitement des déchets, urbanisme,... L'expérience acquise dans ces conditions peut être valorisée dans le cadre de la coopération décentralisée.

En France, on dénombre environ 5 000 collectivités qui coopèrent avec près de 10 000 partenaires locaux et régionaux dans 145 pays. Cela représente plus de 13 000 projets de coopération décentralisée.

Le savoir-faire des collectivités territoriales et leurs expertises dans l'ensemble de leurs champs de compétence sont reconnus par tous. En 2011, le ministère des Affaires étrangères avait créé un label « expertise internationale des collectivités territoriales françaises » sur la base des dossiers déposés par les collectivités territoriales françaises sur des compétences ou des savoir-faire clairement identifiés 13 ( * ) .

Les volumes financiers correspondants sont importants. S'il n'existe pas de chiffrage précis, on estime généralement à 230 millions d'euros les sommes dépensées par les collectivités territoriales françaises pour leurs actions internationales. Votre rapporteur salue à cet égard la mise en place d'un nouvel outil financier, inspiré de ce qui existe déjà pour l'eau et l'assainissement, afin de financer les projets relatifs aux déchets : « le 1% déchets ». La loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale permet désormais aux collectivités territoriales de consacrer 1% des ressources du budget total des services de collecte et de traitements des déchets ménagers à des projets de coopération sur ce même thème.

La ville de Paris a ainsi annoncé en juillet 2015 qu'elle mettait en place progressivement ce dispositif, dès cette année avec 120 000 euros, pour atteindre 1 million d'euros en 2020.

La prise en compte du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique dans cet ensemble d'actions s'est accrue récemment pour deux raisons :

- d'une part, le développement durable et la lutte contre le changement climatique innervent de nombreuses compétences traditionnelles des collectivités territoriales, et de ce fait, peuvent aisément donner lieu à des projets de coopération décentralisée (transport, assainissement, traitement des déchets) ;

- d'autre part, nos collectivités détiennent des responsabilités spécifiques de plus en plus nombreuses en matière de protection du climat. Elles pilotent et coordonnent les Agenda 21, les plans climat, ou encore les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie.

Sur ces fondements solides, la « diplomatie des villes » a pris un essor remarquable et devrait de plus en plus contribuer à l'avancée pragmatique de la lutte contre le réchauffement climatique.

En 2004, la Charte de la coopération décentralisée et du développement durable élaborée par Cités Unies France, l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe, le Comité 21, le réseau 4D ainsi que des collectivités territoriales particulièrement engagées, telle la région Nord-Pas de Calais, a été publiée. Cette dernière vise à inciter et aider les collectivités territoriales à inscrire leurs actions de coopération décentralisée dans une perspective de développement durable. En outre, cette charte est accompagnée d'un guide méthodologique afin d'aider les collectivités territoriales à en appliquer concrètement les principes.

Deux autres déclarations internationales adoptées par des collectivités territoriales peuvent être mentionnées afin d'illustrer leur volonté de s'investir concrètement dans la lutte contre le réchauffement climatique. La déclaration de Saint-Malo, adoptée en 2008, vise à mutualiser les informations relatives à la création et à la mise en oeuvre des plans climat. Le point 5 de la déclaration vise à « partager de façon systématique l'information sur les politiques régionales de changement climatique, les meilleures pratiques et les réponses face au changement climatique ». Par ailleurs, le pacte de Mexico de 2010 incite « à réaliser un inventaire complet des engagements locaux, dans le but de partager les informations et les pratiques pertinentes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour garantir le sérieux et la pérennité de la démarche, les signataires du pacte s'engagent à créer un secrétariat permanent et à un enregistrement systématique des réalisations, de telle sorte que celles-ci soient mesurables, communicables et vérifiables ». Entre 2010 et 2011, les signataires du pacte ont réussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de près de 450 millions de tonnes.

Le deuxième volet de l'action internationale des collectivités territoriales, affirmé lors du Sommet de Rio de 1992, est la volonté d'obtenir au niveau international une reconnaissance du rôle des collectivités territoriales de tous les pays dans la conservation de l'environnement. À cet égard, on constate d'ores et déjà une structuration de la parole des élus locaux dans les négociations internationales, grâce la création d'associations internationales comme le Conseil des communes et régions d'Europe ou encore Cités et gouvernements locaux unis.

Depuis la Conférence sur le climat de Montréal, les collectivités territoriales, se réunissent en marge du sommet afin d'exprimer leurs souhaits. Le premier de ces textes est la déclaration de Montréal de 2005, dans laquelle les signataires, principalement des collectivités locales des États-Unis, du Canada, de France et d'Afrique, s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effets de serre. Il est intéressant de noter que ces années correspondent dans les négociations entre États à une stagnation (avancées difficiles des négociations ouvertes par le cycle de Doha, refus de ratification de protocole de Kyoto par les États-Unis,...). Face aux avancées jugées trop faibles, les collectivités territoriales ont souhaité porter la lutte contre le réchauffement climatique et se voir reconnaître un rôle officiel dans les négociations. C'est notamment le sens de la déclaration en marge du sommet de Bali de 2007 : le Local Governement Climate Roadmap .

II. CITÉS ET GOUVERNEMENTS LOCAUX UNIS : UN RÉSEAU DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ENGAGÉ DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES

Auditionné par votre rapporteur, Ronan Dantec, porte-parole de Cités et Gouvernements Locaux Unis, a souhaité souligner le poids croissant des collectivités territoriales dans les négociations internationales. Il a insisté sur le fait que les collectivités territoriales étaient les grandes oubliées dans le protocole de Kyoto : il s'agissait, selon les mots de Ronan Dantec, d'une affaire entre les États et leurs intérêts économiques.

Depuis la Conférence sur le climat de Varsovie, en 2013, une journée est officiellement dédiée aux collectivités territoriales. Toutefois, un obstacle majeur demeure : un certain nombre d'États ne souhaitent pas la reconnaissance de leur rôle dans un texte officiel. Il s'agit, dans bon nombre de cas, d'éviter que la lutte contre le changement climatique ne vienne à l'appui des revendications portant sur la décentralisation.

Un premier pas avait été franchi dans le préambule de Cancun, en 2010, lequel mentionnait « including local government ». Toutefois, il n'y a pas eu de suite. Les négociations internationales sont ainsi marquées par une contradiction :

- d'un côté, la nécessité est reconnue de s'appuyer sur les acteurs locaux et leur capacité d'action. Pour rappel, en France, selon l'ADEME, 50% des émissions sont liées au quotidien des personnes. Les collectivités locales, acteurs de proximité, sont en première ligne pour intervenir, d'autant qu'il s'agit d'émissions de gaz sur lesquelles il est le facile d'agir rapidement ;

- d'un autre côté, la reconnaissance juridique du rôle des collectivités territoriales est quasi-inexistante.

Afin de faire face à l'opposition de certains États, Cités et Gouvernements locaux unis, qui travaille depuis près d'une dizaine d'années pour obtenir la mention des collectivités territoriales dans les textes internationaux sur le climat, cherche à contourner la difficulté politique en proposant le terme de « territorial approach » dans les négociations. En effet, derrière ces questions sémantiques se cachent des enjeux majeurs : l'accès au financement et le soutien aux initiatives locales, y compris celles de coopération décentralisée.

Dans le cadre de la COP21 de Paris, les collectivités territoriales se mobilisent pour faire entendre leur voix. Lors du sommet mondial Climat and territories qui s'est tenu à Lyon début juillet, l'ensemble des acteurs non étatiques (collectivités locales, ONG, partenaires sociaux) ont souligné l'importance d'une approche territoriale des enjeux climatiques. Trois dynamiques d'actions sont également engagées en parallèle :

- le pacte mondial des maires ( compact of mayors), porté par Cités et Gouvernements locaux unis, par lequel 228 villes regroupant 436 millions de personnes s'engagent à réduire leurs émissions. L'objectif poursuivi est d'atteindre 2,8 gigatonnes de C0² d'ici 2020 ;

- le compact of states and regions , porté par le Climate group , avec le même objectif au niveau des régions ;

- le covenent of mayor , soutenu par l'Union européenne, regroupant plus de 6 300 communes et 209 millions de personnes sur le territoire de l'Union européenne.

Enfin, la France a également décidé de mettre en scène les territoires. Deux jours leur seront consacrés à Paris lors de la COP21 : l' action day, le 5 décembre, et le city day , le 8 décembre.

III. LE PARTENARIAT FRANÇAIS POUR L'EAU : UNE ACTION POUR UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA PROBLÉMATIQUE DE L'EAU AU NIVEAU INTERNATIONAL

Le secteur de l'eau illustre bien le rôle à l'international des collectivités territoriales, notamment à travers la problématique traditionnelle que constituent l'accès à l'eau potable et le traitement des eaux usées. Un dispositif de financement innovant à destination de ces projets de coopération décentralisée existe, puisque la loi Oudin-Santini du 27 janvier 2005 donne la possibilité aux villes, à leurs groupements et aux syndicats de consacrer jusqu'à 1% de leurs budgets de l'eau et de l'assainissement à des actions de solidarité dans ces domaines. Les sommes ainsi mobilisables sont importantes : selon le rapport précité de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales sur la coopération décentralisée, une application totale et généralisée de cette loi permettrait de mobiliser 67 millions d'euros par an.

A. L'EAU, UN ENJEU LONGTEMPS OCCULTÉ DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES

Pendant longtemps, les négociations internationales n'ont pas intégré le sujet de l'eau dans les thèmes de discussion et, dans le même temps, les décideurs ne se sont pas suffisamment préparés aux conséquences sur l'eau du changement climatique. D'ailleurs, le thème de l'eau a été le dernier à être intégré dans les négociations internationales, après celui de la biodiversité.

En outre, la prise en considération du thème de l'eau présente également des contraintes liées au mode de gouvernance de ce secteur. Il s'agit en effet d'un domaine multi-acteurs, or, un acteur, même étatique, ne peut tout faire seul ; c'est l'une des difficultés de la prise en charge des actions autour de l'eau. De manière connexe, au sein du système onusien, plusieurs agences interviennent dans le domaine de l'eau, sans que l'une ne joue un rôle de chef de file. Enfin, les acteurs du domaine de l'eau ont une organisation au niveau mondial beaucoup moins forte et unie que dans des secteurs comme l'énergie ou l'agriculture.

À la suite des forums de l'eau de Mexico en 2006 et d'Istanbul en 2009, est apparue la nécessité de mettre en place une plateforme multi-acteurs de l'eau qui soit tournée vers l'international. En France, le Partenariat français pour l'eau a été créée en 2012 afin de permettre une meilleure concertation de l'ensemble des intervenants nationaux. Il s'agit d'une association réunissant des acteurs privés et publics. Elle est composée de 6 collèges, comprenant des représentants de l'État et de ses établissements publics, d'ONG, d'associations et fondations, de collectivités territoriales, d'acteurs économiques, d'instituts de recherche et de formation, de personnes physiques françaises et étrangères.

B. LA COP21 DE PARIS, POINT DE DÉPART POUR UNE NOUVELLE APPROCHE

La Conférence sur le climat de Paris doit servir de point de départ à de nouvelles réflexions autour de l'eau. La communauté de l'eau doit travailler de façon unie à agir, pendant la COP21 et au-delà, sur trois points :

- le texte : pour la première fois dans une COP, un objectif spécifique sur l'eau est attendu dans les résolutions ;

- l'agenda des solutions : l'eau a énormément à y faire valoir. En outre, un Waterday pourrait être organisé pour la première fois pendant la COP21 ;

- les financements : il s'agit d'intégrer l'eau dans le volet adaptation du fonds climat. Le fonds vert pourrait permettre d'apporter une quarantaine de milliards d'euros pour des projets qui devront émaner des pays eux-mêmes.

La coopération décentralisée peut jouer un rôle important dans le domaine de l'eau et de l'assainissement - les collectivités territoriales y disposent de compétences reconnues - mais également dans le soutien à la gouvernance locale. En effet, alors que de nombreux pays ne disposent pas d'une structuration des politiques de l'eau, le savoir-faire des collectivités territoriales, et plus spécifiquement dans le domaine de l'eau, l'expertise française publique et privée ainsi que la capacité des acteurs à travailler ensemble, sont reconnus.

IV. LE CONTEXTE DE L'ACTION INTERNATIONALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN PLEINE ÉVOLUTION : LA POSITION DE CITÉS UNIES FRANCE

Cités Unies France est une association créée en 1975 qui fédère les collectivités territoriales agissant à l'international, notamment à travers leurs actions de coopération décentralisée. Du fait de son implication en matière de coopération internationale dans les négociations internationales - tout membre de Cités Unies France est automatiquement membre de Cités et Gouvernements locaux unis -, de sa représentativité - elle fédère « la majorité des régions, plus d'un quart des départements, presque toutes les grandes villes, un pourcentage important des villes moyennes, ainsi que de nombreuses communes de taille plus modeste » - et du rôle d'animation et de coordination pour l'ensemble des collectivités territoriales françaises engagées en coopération internationale qui lui a été confié par conventionnement par le ministère des Affaires étrangères, il est apparu important à votre rapporteur de rencontrer cette structure dans le cadre du présent rapport.

A. UNE PÉRIODE COMPLEXE POUR LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

La coopération décentralisée connaît actuellement une période complexe en raison de trois facteurs :

- les modifications de majorités au sein des collectivités territoriales en raison des élections municipales, départementales et régionales à venir ;

- la baisse des dotations budgétaires ;

- un contexte géopolitique difficile. Plus de 170 coopérations décentralisées ont lieu avec le Burkina Faso. L'audition de Cités Unies France a eu lieu au lendemain d'un coup d'État dans ce pays, ce qui a suscité nombre d'interrogations sur la possibilité d'y poursuivre les actions de coopération dans de bonnes conditions. Le Mali est un autre pays avec lequel les collectivités territoriales entretiennent de nombreuses coopérations. En raison de la guerre civile qui sévit dans le pays ces dernières années, il est difficile de mener à bien les actions. Des solutions sont recherchées : les rencontres ont lieu à Bamako ou dans les pays voisins, les délégations sont accueillies dans la collectivité partenaire en France. Le Sénégal, pour sa part, s'oriente vers la suppression des régions. Dès lors, les régions françaises qui entretiennent un partenariat avec une région du Sénégal, telle la région Rhône-Alpes, ne connaissent pas le devenir de leur coopération. Au Niger, les problèmes de sécurité dans le nord perdurent ; à Madagascar, la transition démocratique ne s'achève pas.

Le cumul des deux premiers facteurs a provoqué la réduction du budget consacré aux services des relations internationales, et parfois à la suppression d'actions de coopération, comme c'est le cas de la ville de Limoges en ce qui concerne le Burkina Faso. Il s'agit désormais d'analyser comment la situation peut évoluer. En effet, très souvent la coopération décentralisée s'appuie sur la société civile (associations, population issue des pays concernés par la coopération décentralisée). Une coopération interrompue pourra reprendre dans quelques années à la suite d'une demande de la population ou des associations de la collectivité territoriale française engagée dans des actions de coopération.

B. MIEUX INTÉGRER LE CLIMAT DANS LES ACTIONS DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

La Conférence sur le climat de Paris est l'occasion d'intégrer la problématique climatique dans les actions de coopération décentralisée. Le ministère des Affaires étrangères a ainsi lancé en 2015 un appel à projets « climat », pour un montant de 2,6 millions d'euros, visant à soutenir les collectivités territoriales françaises engagées avec les autorités locales des États partenaires dans la lutte contre le dérèglement climatique. Toutefois, il n'est pas certain que ce soutien aux initiatives de lutte contre le réchauffement climatique soit reconduit en 2016.

Cités Unies France travaille actuellement en partenariat avec l'ARENE Ile-de-France afin de mieux intégrer le climat dans les projets de coopération décentralisée et de réinterroger, à travers ce prisme, les partenariats existants, les gouvernances et les projets. Le climat peut devenir un fil rouge de la coopération décentralisée, décliné en plusieurs actions dans des domaines différents. Il ne s'agit pas pour autant de mettre en place dans le cadre de chaque action de coopération décentralisée un plan climat - c'est en effet un projet lourd à porter, dévolu aux seules grandes collectivités territoriales -, mais de montrer aux petites collectivités territoriales que tout le monde peut agir sur le climat. Il s'agit donc de recentrer les projets sur la gestion de la ressource plutôt que sur son accès, pour inscrire dans une temporalité plus longue l'action de transition énergétique.

V. LA COOPÉRATION DE QUÉTIGNY : LE TRAITEMENT DES DÉCHETS

Depuis 1986, la commune de Quétigny, en Côte-d'Or, qui compte 10 000 habitants, conduit des actions de coopération décentralisée avec la ville malienne de Koulikoro, en partenariat avec la ville allemande de Bous. Les premiers projets ont porté sur l'éducation (construction d'écoles, organisation d'échanges) et sur la santé (construction de maternités).

Dans les années 1990, la problématique du traitement des déchets s'est manifestée de façon accrue. Une première initiative a été menée par l'Ambassade de France, puis par le partenaire allemand. Elle visait la mise en place d'une collecte des ordures dans certains quartiers au moyen de charrettes tractées par des ânes, pour les déverser dans des dépotoirs temporaires. Toutefois, il y a été mis un terme en raison de l'échec d'un projet permettant de gérer les dépotoirs temporaires, devenus permanents au fil du temps. En 2009, l'idée de travailler à nouveau sur ce sujet a été soulevée par le maire de Koulikoro : en effet, la population de cette ville a rapidement augmenté, passant de 15 000 personnes dans les années 1980 à plus de 40 000 aujourd'hui. Or, la production d'ordures croît plus vite que la population et il n'existe pas de gestion des déchets sur l'ensemble de la commune. Le maire souhaitait que, dans le cadre du partenariat de coopération, un camion d'évacuation des déchets soit remis à la ville. La viabilité de toute opération nécessite la réunion de deux conditions :

- la mise en place de moyens de collecte des ordures adaptés au pays : la mise à disposition de bennes à ordures est vouée à l'échec car, en cas de panne, celles-ci ne pourraient être réparées. Il est donc nécessaire de fournir du matériel facilement réparable sur place et de former du personnel à son utilisation et à sa maintenance ;

- la gestion de « l'après-ramassage », qui doit être organisée afin d'éviter d'être confronté au même problème que lors du projet mené dans les années 1990.

Or, depuis longtemps, les agriculteurs des environs de Koulikoro sont intéressés par les déchets, qu'ils récupèrent et trient avant de les répandre sur leurs champs. En effet, ces déchets sont riches en sables (80% de la composition) et contiennent de la potasse et du phosphate. Les ordures sont ainsi utilisées comme engrais, ce qui permet aux agriculteurs locaux de réduire leurs achats de fertilisants.

Il s'agit donc de travailler sur l'ensemble de la chaîne de traitement des ordures :

- collecter les ordures en ville, cette dernière s'étendant sur 14 km², en s'appuyant sur un groupement d'intérêt local ;

- mettre en place un point de stockage ;

- assurer le tri afin d'éviter que des déchets métalliques ou plastiques ne se retrouvent dans les champs, et permettre aux agriculteurs de se fournir en engrais naturels dans le cadre d'un circuit court d'approvisionnement.

Ce projet a obtenu une aide financière du ministère des Affaires étrangères dans le cadre de son appel à projet « climat » de 2015, car il répond à deux des priorités définies par le ministère : le développement des pratiques agro-écologiques et la gestion durable des déchets.

Pour les animateurs de ce projet, il est nécessaire d'obtenir une meilleure structuration et appropriation locale à Koulikoro.

Par ailleurs, le regret est exprimé que le financement du ministère des Affaires étrangères soit calé sur une année, ce qui fait abstraction des contraintes de terrain et des échéances politiques : des élections doivent avoir lieu à Koulikoro fin octobre, ce qui entraîne la paralysie du projet jusqu'à cette date.

VI. LE DÉPARTEMENT DE SEINE-MARITIME ET LA MISE EN PLACE D'UN AGENDA 21 DANS LE TERRITOIRE DU KEF

À la suite du Printemps arabe, le conseil départemental de la Seine-Maritime a exprimé le souhait de lancer une coopération décentralisée avec un territoire de Tunisie. Suite à une démarche prospective de dix-huit mois, le choix s'est porté sur le gouvernorat du Kef. Le département de la Seine-Maritime souhaitait partager le plus possible d'intérêts communs avec le territoire choisi, afin que le partenariat soit bénéfique pour les deux collectivités territoriales. Ont ainsi été examinés :

- le profil du territoire, celui-ci devant présenter des similitudes avec le territoire de la Seine-Maritime ;

- les enjeux du territoire en matière de développement durable, politique, etc. ;

- des questions d'opportunité telles que la présence d'autres opérations de coopération décentralisée.

Une fois le territoire du gouvernorat du Kef choisi, un plan d'action a été élaboré. La convention a été signée avec le gouvernorat Kef en juin 2014.

A. UNE COOPÉRATION PLACÉE SOUS LE SIGNE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Plusieurs axes de coopération ont été retenus, comme la culture et la jeunesse, le patrimoine ou encore l'appui institutionnel et l'enseignement supérieur. Par ailleurs, le gouvernorat du Kef a exprimé sa volonté d'un travail commun sur le thème du développement durable.

Le projet vise à apporter un appui à la mise en place d'un plan climat énergie territorial dans la région du Kef. Il se présente en deux parties :

- la première prévoit un accompagnement du gouvernorat du Kef dans la réalisation d'un diagnostic climat-énergie de son territoire. L'action ciblera notamment le principal bâtiment du territoire, qui est une cimenterie publique. Pour mener à bien cette action, les forces vives sur place sont sollicitées pour recueillir des données afin de dresser les profils énergie climat. Les deux collectivités se sont d'ailleurs associées à l'ADEME et à l'ANME, son équivalent tunisien qui possède une agence sur place. Le comité de pilotage a également été élargi, notamment à la Société tunisienne d'électricité et de gaz. Le choix du prestataire pour la réalisation de l'étude sera fait par consensus entre l'ensemble des partenaires ;

- la seconde partie du projet - qui dépend de cofinancements en attente de confirmation - doit permettre la réalisation d'ateliers thématiques de concertation avec les forces vives et la population, ainsi que la mise en place d'actions de communication relatives aux gestes à adopter. Il s'agira également d'élaborer les actions du plan climat énergie territorial.

Pour cela, le gouvernorat du Kef pourra s'appuyer sur le département de la Seine-Maritime, qui a suivi une démarche équivalente. Ainsi, le département a établi en 2012 le bilan global des émissions de gaz à effet de serre générées par son fonctionnement, et a adopté en juin 2013 son plan climat énergie territorial, couvrant la période 2013-2018.

B. PREMIERS RETOURS D'EXPÉRIENCE

Le premier retour d'expérience qui peut être tiré est la nécessité d'avoir une réflexion sur la faisabilité de l'opération en amont, lors du choix du territoire partenaire de la coopération décentralisée. Cela permet en effet d'ancrer les deux territoires dans une coopération mutuellement profitable.

Par ailleurs, il ressort également des premières années de coopération que les enjeux financiers sont primordiaux. En effet, la deuxième phase de la coopération nécessite un cofinancement, les deux territoires n'étant financièrement pas en mesure de porter seuls le projet. L'aide du ministère des Affaires étrangères, dans le cadre de l'appel à projet « Climat » 2015, a permis la mise en route du projet. En outre, la deuxième phase est conditionnée par un cofinancement par l'ADEME. Or, une réduction du budget de celle-ci pour les actions de coopération est à craindre.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#internationale

CHAPITRE IV - LES DÉCHETS

Jacques MÉZARD

Sénateur du Cantal

I. PROPOS INTRODUCTIF

À la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités territoriales multiplient dans tous les domaines les actions innovantes, développent avec un succès croissant des solutions concrètes, sensibilisent nos concitoyens à la centralité de cette politique. Dans le cadre du présent travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, votre rapporteur a souhaité mettre en lumière leur rôle dans le secteur si sensible et si complexe de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets, où la diffusion des bonnes pratiques locales répond à une nécessité pédagogique tout aussi impérieuse qu'ailleurs, peut-être plus urgente.

En effet, les situations locales sont souvent peu satisfaisantes, et quand s'achèvent les rendez-vous mondiaux au cours desquels les États affichent des ambitions plus ou moins iréniques, les véritables avancées dépendent des gestes quotidiens de nos concitoyens et de ce que les collectivités sont en mesure de faire pour les influencer et les accompagner. À cet égard, votre rapporteur considère que la sensibilisation des jeunes publics - dans les écoles notamment -, est incontestablement nécessaire mais n'est pas suffisante : toutes les générations de consommateurs doivent être associées activement aux progrès de la gestion durable des déchets.

Certes, on multiplie les campagnes, on rappelle ici ou là que les petits gestes de tri sont une solution efficace pour réduire l'empreinte carbone. Mais les messages sont souvent difficiles à comprendre, le consommateur-citoyen se perd dans la profusion et le manque de lisibilité des consignes de recyclage. C'est pourquoi votre rapporteur juge qu'il est indispensable de simplifier la communication. Singulièrement, il faut changer la connotation du geste de tri, qui est encore trop « négatif » et culpabilisant, et faire en sorte qu'il devienne « positif », sans doute grâce à la mise en place d'un avantage financier au tri sélectif.

Au-delà, c'est toute notre approche des politiques publiques de traitement des déchets qui doit être repensée.

La détermination des objectifs est simple : il s'agit d'obtenir simultanément la diminution des volumes de déchets produit, ainsi que l'augmentation des tonnages et du nombre des produits recyclés. Il s'agit aussi d'améliorer la valorisation, qui peut constituer un atout économique et permettre de donner une connotation positive à un secteur dont l'image est encore trop dégradée.

En ce qui concerne la démarche à suivre, votre rapporteur estime que le pragmatisme est essentiel et que la différenciation doit prévaloir dans le choix des solutions. La perception et les problèmes varient en effet selon les caractéristiques économiques, géographiques et sociologiques des territoires. C'est pourquoi les projets doivent être adaptés à la réalité locale : il faut en finir avec les projets décidés dans des bureaux parisiens éloignés du terrain. Dans cette perspective, votre rapporteur reste perplexe à l'égard du « centralisme régional » imposé par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) adoptée cet été. Ce texte prévoit en effet de faire de l'échelon régional le périmètre pertinent de gestion des flux de déchets. Or les frontières administratives n'ont aucun sens dans ce domaine comme dans d'autres ; l'action doit se déployer dans un cadre qui sera très souvent le bassin de vie, le bassin de production des déchets, qui peut se situer à cheval sur plusieurs départements et régions.

Ensuite, votre rapporteur est convaincu qu'il faut donner aux élus locaux une meilleure lisibilité à long terme du cadre réglementaire en fonction duquel ils se déterminent car, dans le domaine des déchets, les investissements se font sur des dizaines d'années. Nous devons donc offrir aux collectivités une stabilité réglementaire, et donner à nos élus des indications fiables et cohérentes, même si elles sont parfois difficiles à entendre. Ceci acquis, il faut faire confiance aux élus locaux pour opérer les bons choix et maximiser la performance des territoires.

Enfin, votre rapporteur constate que la grande diversité d'organisation et de gestion du service public de gestion des déchets, la vaste palette des problèmes et des solutions techniques, la rapidité des innovations technologiques dans ce secteur, rendent indispensable de diffuser l'information la plus large et la plus concrète sur les bonnes pratiques. Il faut donner aux élus la possibilité de faire leurs choix en parfaite connaissance de cause, il faut que la diversité et la technicité des solutions disponibles ne débouche pas sur une hétérogénéité excessive dans la performance environnementale et dans le coût du service par habitant. L'utilisation optimale des ressources est aujourd'hui plus que jamais une nécessité, du fait des contraintes financières qui pèsent de façon croissante sur nos collectivités.

La diversité des exemples retenus par votre rapporteur confirme l'importance d'agir en fonction de chaque territoire.

Votre rapporteur a d'abord voulu mettre en lumière le centre multi-filières de valorisation des déchets de Villers-Saint-Paul, dans l'Oise, qui permet une triple valorisation énergétique en produisant de l'électricité pour les habitants, de la vapeur pour les industriels voisins, et de la chaleur pour alimenter le réseau de chauffage de Nogent-sur-Oise.

Il a ensuite souhaité présenter l'exemple du Pays de Sarrebourg, en Moselle, où des communes ont fait le choix de mettre en place une tarification incitative afin de maîtriser les coûts d'enfouissement des ordures ménagères résiduelles.

Votre rapporteur a également voulu mettre en avant l'exemple du centre de tri télé-opéré d'Amiens où, grâce à des innovations technologiques, les opérateurs peuvent trier les déchets sans contact.

Enfin, il a choisi l'exemple de la commune de Lapouyade, en Gironde, qui abrite un projet innovant de valorisation du biogaz issu d'un site de stockage de déchets pour chauffer des serres destinées à la production agricole.

II. VILLERS-SAINT-PAUL : UN CENTRE MULTI-FILIÈRES DE VALORISATION DES DÉCHETS

Votre rapporteur a pu visiter le Centre de traitement principal (CTP) de déchets implanté à Villers-Saint-Paul, composé d'un centre de tri, d'un centre de valorisation énergétique et d'une plateforme ferroviaire (4 quais de transfert).

Le maître d'ouvrage est le Syndicat mixte de la Vallée de l'Oise, créé en 1996 et comprenant 311 communes regroupées en 16 intercommunalités. Ce centre dessert près de 500 000 personnes.

L'exploitation est assurée par l'entreprise française SITA, dans le cadre d'un contrat de délégation de service public d'une durée initiale de quatorze ans (2003 à 2017) et prolongé de deux ans jusqu'en 2019.

A. LES OBJECTIFS

En 1996, en créant le programme VERDI (Valorisation Et Recyclage des Déchets en Intercommunalités), les élus du Syndicat Mixte de la Vallée de l'Oise (SMVO) ambitionnaient d'offrir des solutions de traitement et de recyclage des déchets ménagers sur leur territoire en limitant au strict minimum le recours aux décharges.

Les élus ont voulu mettre progressivement en place une politique de prévention, qui a pris son essor depuis plusieurs années avec un programme conventionné pour une durée de cinq ans (2011-2014) avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Le deuxième programme de prévention, toujours en partenariat avec l'ADEME, est actuellement en cours.

B. LES ACTIONS

1. Le recyclage des déchets : la création d'un centre de tri

Inauguré en 2003 et modernisé en 2012, le centre de tri « VERDI » a été conçu pour traiter 30 000 tonnes par an de déchets recyclables issus de la collecte sélective.

Le procédé choisi fait appel à des technologies très innovantes : tri balistique (la machine trie les déchets par rapport à leur poids et à leur forme) et tri optique (la machine trie les déchets par rapport à leur matière).

Le centre de tri « VERDI » a été conçu pour obtenir une valorisation optimale des matières déjà couramment recyclées (emballages, papiers, cartons, plastiques, métaux,...) et trier de nouveaux matériaux (barquettes alimentaires, pots de yaourt ou encore films plastique,...).

Votre rapporteur a pu constater sur le terrain l'adaptabilité à tous les modes de collecte.

Le centre de tri a été modernisé il y a cinq ans afin de pouvoir recevoir plusieurs types de collectes sélectives sans contraintes pour les collectivités adhérentes :

- collecte dite en « monoflux », pour les papiers et emballages mélangés ;

- collecte dite en « biflux », pour les papiers et emballages séparés.

Lors de la visite, les responsables du site ont insisté auprès de votre rapporteur sur l'importance de l'optimisation des conditions de travail. Les nouveaux équipements installés ont en effet permis de diminuer le nombre de gestes de tri et de prévenir ainsi plus efficacement les troubles musculo-squelettiques.

2. La valorisation des déchets : la création d'un centre de valorisation énergétique

Le Centre de valorisation énergétique, mis en service en 2004 14 ( * ) et situé sur le même site que le centre de tri, assure l'incinération des ordures ménagères d'une partie du département de l'Oise, des déchets d'activités économiques d'industriels, du tout-venant incinérable (TVI) destiné à la valorisation énergétique 15 ( * ) , ainsi que des refus de tri du centre de tri.

La capacité annuelle de traitement de déchets ménagers et assimilés est de 173 250 tonnes, sur deux lignes d'incinération fonctionnant en continu et composées chacune d'un four à grilles horizontales, d'une chaudière horizontale 16 ( * ) et d'un système de traitement des fumées.

L'énergie produite lors de la combustion des déchets est valorisée d'une part sous forme d'électricité par un groupe turboalternateur ; d'autre part, sous forme thermique pour la livraison de vapeur et, depuis octobre 2014, pour alimenter le réseau de chauffage urbain de la commune de Nogent-sur-Oise. Selon les données fournies, la production électrique est de 57 071 MWh et la livraison de vapeur s'élève à 73 183 T.

La production d'électricité permet de couvrir les besoins propres du centre de traitement dans son ensemble, la fraction restante étant exportée vers le réseau RTE pour une revente par ERDF.

3. Le choix d'un transport alternatif : l'installation d'une plateforme ferroviaire

Afin de limiter la pollution due au transport de déchets, une plateforme ferroviaire a été conçue à Villers-Saint-Paul. Un train par jour, circulant sur les voies ferrées via 4 quais de transfert, permet à plus de 63 % des déchets ménagers collectés d'être transportés par le train.

Votre rapporteur a eu l'occasion de visiter ces installations, sur lesquelles une plateforme ferroviaire permet d'accueillir environ 12 wagons. Les flux sont réceptionnés dans des caissons puis acheminés vers le centre de traitement principal.

Seuls les déchets collectés sélectivement en porte-à-porte dans les communes situées autour du Centre de traitement principal sont transportés par camion.

C. LES RÉSULTATS

Le centre de tri de Villers-Saint-Paul démontre qu'il est concrètement possible de faire des déchets une ressource.

Plus particulièrement, ce site répond bien aux enjeux actuels du recyclage en matière de déchets plastique grâce aux nouvelles technologies qu'il mobilise pour une performance accrue, en particulier grâce à un processus optique sophistiqué (tris optique et balistique).

Le centre permet de traiter 30 000 tonnes de déchets par an ainsi que de trier et de recycler toutes sortes d'emballages plastique, y compris les nouvelles résines. Concrètement, le tri permet de séparer 11 matériaux différents 17 ( * ) avec un taux de valorisation d'environ 80 %.

Les dernières modernisations ont permis d'accroître la capacité de l'unité, qui peut traiter 10 tonnes de collecte sélective à l'heure contre 2,5 tonnes auparavant. L'acheminement de plus de 60 % des déchets récoltés par voie ferroviaire permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Concrètement, à l'échelle du territoire du Syndicat Mixte de la Vallée de l'Oise, la baisse de la production de déchets est une réalité puisque, depuis 2006, les ordures ménagères résiduelles (OMR) qui, par définition, ne sont ni valorisables ni recyclables, ont été réduites de 82 kilos par habitant (contre 252 kilos en 2014 et 334 kilos en 2006).

Enfin, en termes de valorisation énergétique, on notera que l'usine parvient à fournir en électricité 107 000 habitants, et alimente en eau chaude sanitaire environ 17 500 habitants de Nogent-sur-Oise.

Ce site présente ainsi l'avantage d'une triple valorisation énergétique (électricité grâce à un turboalternateur ; vapeur utilisée par les industriels voisins ; et chaleur fournie au réseau de chauffage de Nogent-sur-Oise). Les déchets sont ainsi une source d'énergie renouvelable permettant de nous éclairer et de nous chauffer.

III. LE PÔLE DÉCHETS DU PAYS DE SARREBOURG EN MOSELLE : UN EXEMPLE DE TARIFICATION INCITATIVE

La communauté de communes de Sarrebourg, en Moselle, compte 60 366 habitants, soit 26 183 foyers, sur 102 communes et 7 EPCI. Il s'agit d'un territoire à dominante rurale avec 7 % d'habitat vertical (supérieur à 10 logements), dont 30 % à Sarrebourg.

Les collectivités concernées ont choisi en 2010 d'instaurer une taxe incitative afin de favoriser la prévention et le recyclage des déchets. Testée pendant six mois en 2010, elle a été généralisée en 2011.

A. LES OBJECTIFS

La communauté de communes de Sarrebourg a mesuré l'évolution des coûts de l'enfouissement des ordures ménagères résiduelles. Entre 2007 et 2019, l'évolution prévisible de ces coûts atteint le doublement.

Face à cette perspective, les collectivités ont souhaité répondre à deux objectifs majeurs : réduire les volumes collectés (diminution des tonnages) et maîtriser la hausse des coûts de gestion (rationalisation des collectes).

B. LES ACTIONS

1. La méthode appliquée : la tarification incitative

La mise en place d'une tarification incitative faisait partie d'une stratégie plus globale de la communauté de communes. Il s'agissait :

- de constituer un marché de collecte unique pour stimuler la concurrence ;

- de déployer une tarification incitative au nombre de levées pour encourager financièrement la sobriété ;

- de mettre en oeuvre un contrat unique avec Eco-emballages pour uniformiser les consignes de tri ;

- de lancer un plan de prévention élargi afin de communiquer sur les gestes de prévention.

2. L'organisation mise en place par les collectivités

Une convention de mandat entre les sept collectivités concernées a été signée et un coordonnateur a été désigné avec pour objectif de gérer ensemble le quotidien. Pour le site de Sarrebourg, c'est l'entreprise française SUEZ Environnement qui a réalisé l'enquête et la distribution des bacs en début de contrat, et qui assure actuellement la collecte des bacs équipés de puces et des bornes d'apport avec une gestion précise des données de collecte nécessaires à la facturation.

Concrètement, l'entreprise assure la collecte du bac à couvercle bordeaux équipé d'une puce (ordures ménagères) attribué à chaque foyer. Le service prévoit 10 levées annuelles automatiquement facturées, les suivantes étant facturées à l'unité. Les capteurs installés sur les camions de ramassage identifient la puce et pèsent le bac. Lors de l'opération, un ordinateur de bord enregistre les données transmises (date, heure, numéro de puce, poids), qui sont téléchargées dans l'ordinateur de gestion en fin de collecte. Sur cette base, une facture individuelle est établie pour les usagers, qui ont la possibilité de contacter une plateforme téléphonique en cas de questions (changement d'adresse, badge pour la déchèterie, consignes de tri, etc.). La collecte à volonté du bac de tri est prévue, ainsi qu'un accès aux bulles à verre réparties sur le territoire et un accès au réseau de déchèteries de l'arrondissement.

La redevance acquittée pour le service se compose de deux volets :

- une part fixe, assimilable à un abonnement, dont le montant est fonction du nombre de personnes dans le foyer ;

- une part variable, prévue au-delà de 10 levées, chaque levée supplémentaire étant facturée en sus, en application d'un tarif qui varie selon le volume de la poubelle d'ordures ménagères.

Pour sa part, l'entreprise accompagne la collectivité à toutes les étapes : en matière de préparation du dispositif (assistance et conseil), d'enquête, d'exploitation des données, de suivi de la relation avec les usagers, de gestion du parc et enfin de gestion de la facturation. Ces missions sont indispensables à la réussite du déploiement d'un tel dispositif.

C. LES RÉSULTATS

Dès la première année de mise en place, en 2011, les résultats enregistrés ont été probants :

- d'une part, avec la baisse très significative de la production d'ordures ménagères résiduelles : 214 kg/hab/an en 2010, 130 kg/hab/an en 2011, 117kg/hab/an en 2013 (il convient de garder à l'esprit que la moyenne française s'établit à 288 kg/hab/an) ;

- d'autre part, avec la hausse de la collecte des déchets recyclables : 71 kg/hab/an en 2010 et 79kg/hab/an en 2011.

On notera que le coût de la mise en place et les dépôts sauvages ne doivent pas être sous-estimés, ils peuvent constituer des obstacles pour les responsables locaux.

C'est pourquoi la tarification incitative doit être bien accompagnée, en amont et pendant la mise en place du service, et surtout faire l'objet d'une importante communication auprès des usagers.

Enfin, techniquement, il convient d'apporter une attention particulière au type d'habitat. Les occupants de logements individuels disposent généralement de leur propre bac. Mesurer le volume de déchets produits par ces usagers paraît donc relativement simple. A contrario, les habitants de logements collectifs déposent souvent leurs ordures ménagères dans un bac commun à tous les occupants. S'il paraît difficile de mesurer les efforts individuels de tri, en réalité, de nombreuses solutions existent sur le terrain : bacs individuels à puce, points d'apport volontaire avec badge, bacs collectifs avec répartition entre copropriétaires, etc.

IV. LE CENTRE DE TRI TÉLÉ-OPÉRÉ D'AMIENS : TRIER LES DÉCHETS SANS LES TOUCHER GRÂCE AUX TECHNOLOGIES DIGITALES

Contrebalancer l'augmentation constante des coûts de gestion des déchets suppose aujourd'hui d'accroître le taux de valorisation et de réduire les refus de tri, donc de trier plus finement encore les déchets. C'est dans cette optique que la ville d'Amiens a choisi de maximiser les recettes liées au recyclage des matières en investissant, avec l'entreprise française Veolia Propreté, dans la rénovation de son centre de tri pour le faire évoluer vers un centre de tri télé-opéré. Fruit de cinq années de recherche, ce prototype, inauguré en novembre 2014, a nécessité un investissement de 7,5 millions d'euros.

A. LES OBJECTIFS

Situé dans l'espace industriel nord de la ville d'Amiens, ce site pilote a été conçu pour satisfaire les besoins de plus de 400 000 habitants des départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise. Les installations, totalement rénovées entre 2013 et 2014, peuvent traiter 22 000 tonnes de déchets ménagers par an, soit 30 % de plus que la capacité du site précédent.

En s'engageant dans le tri télé-opéré, l'objectif premier était d'améliorer la qualité du tri des plastiques et de réduire les refus de tri. Le développement de cette technologie s'inscrit également dans le cadre des exigences croissantes des réglementations en matière de recyclage, notamment celles issues aujourd'hui de la loi de transition énergétique qui a fixé un objectif de 65 % de recyclage des déchets non dangereux d'ici à 2025, contre 51 % aujourd'hui.

B. LES ACTIONS

1. L'utilisation d'écrans tactiles pour trier les déchets sans les toucher

Le tri télé-opéré est une technologie de pointe mise en place sur le centre de tri des collectes sélectives d'Amiens. Concrètement, l'opérateur de tri pointe sur un écran tactile les déchets d'emballages ménagers qu'il souhaite extraire de la chaîne de tri. Ainsi, grâce au tri télé-opéré, l'opérateur de tri ne saisit plus les déchets manuellement.

Cette technologie est un prototype industriel développé par Veolia Recherche et Innovation, qui a investi 2,5 millions d'euros sur cinq ans. Cette entreprise française, auditionnée par votre rapporteur, précise : « une équipe pluridisciplinaire associant des disciplines telles que la mécanique, le traitement du signal, la sociologie, la psychologie ou l'ergonomie, en appui des équipes d'exploitation a été mobilisée » .

2. Deux technologies associées et brevetées pour trier les emballages en plastique

Le centre d'Amiens est équipé de deux types de technologies pour trier les emballages en plastique (briques alimentaires, flacons, bouteilles) :

- le tri séquentiel auto-adaptatif (le TSA2), qui permet le tri automatique des emballages en fonction de leur matière et de leur couleur. Concrètement, toutes les minutes, sur la chaîne de tri, le TSA2 sélectionne la famille de déchets majoritaire (par exemple le PET 18 ( * ) clair des bouteilles d'eau) pour les trier avant de sélectionner une autre famille ;

- le tri télé-opéré, qui intervient en seconde étape pour affiner le tri du TSA2. Une caméra positionnée au-dessus du tapis de circulation renvoie à un opérateur l'image des déchets sur un écran tactile. Positionné devant un écran et assis dans une cabine à distance, le trieur a alors quatre secondes pour désigner les « intrus 19 ( * ) » (en les touchant sur l'écran) avant de passer à l'image suivante. Les indésirables sont automatiquement éjectés de la chaine de tri dans un caisson par un système de jets d'air.

C. LES RÉSULTATS

Les résultats sont d'abord environnementaux car cette technologie, en comparaison avec le tri manuel, a permis de diminuer les erreurs et d'augmenter les capacités de tri. Le site d'Amiens trie près de 2,5 fois plus de déchets à l'heure qu'un site classique, et le tri télé-opéré a permis d'accroître de 6 % la performance globale du tri des emballages ménagers valorisés, par rapport au tri manuel. Rappelons que les plastiques sont une famille de déchets parmi les plus complexes à trier et qu'une tonne de plastique recyclée évite le rejet de 2,3 tonnes équivalent CO 2 , soit un trajet de 15 300 km en voiture.

L'impact est également économique car cette technologie a permis d'optimiser le tri et d'affiner la qualité des produits triés. Or cette étape est fondamentale pour transformer les déchets en matières premières recyclées pour être en capacité de proposer aux industriels des matières premières recyclées de substitution aux matières vierges, c'est-à-dire des matières apportant les mêmes garanties de qualité, de régularité et de pérennité requises par les industriels que les matières vierges.

Votre rapporteur souhaite souligner que l'optimisation de la performance des centres de tri, à l'image de celui d'Amiens, permet de répondre à l'élargissement des consignes de tri des plastiques par Eco-Emballages. Selon cet organisme, actuellement, sur un million de tonnes d'emballages en plastique mis sur le marché, seules 40 % sont dans les consignes de tri et 235 000 tonnes sont effectivement recyclées.

En outre, cette technologie amène des avancées sociétales significatives, de par l'amélioration des conditions de travail : d'une part, par la limitation du contact entre l'opérateur de tri et les déchets et, d'autre part, par un travail en position assise qui épargne une fatigue supplémentaire et fait évoluer les missions de l'opérateur vers le contrôle qualité. Le tri télé-opéré constitue donc une opportunité de réduction de la pénibilité et un gain de sécurité pour les salariés des centres de tri en supprimant les risques de coupures et de chocs.

Le tri télé-opéré apparait donc comme une innovation majeure dans le secteur du recyclage. Il ouvre la voie à une nouvelle génération de centres de tri, et l'usage de cette technologie pourrait être élargi à de nouveaux types de déchets.

V. LA COMMUNE DE LAPOUYADE : VALORISER LE BIOGAZ ET DYNAMISER L'ÉCONOMIE D'UN TERRITOIRE RURAL GRÂCE AUX DÉCHETS

Dans le Sud-Ouest de la France, la commune de Lapouyade se situe dans le département de la Gironde, en région Aquitaine, et est membre de la communauté d'agglomération du Libournais. Cette commune rurale, à 40 km de Bordeaux, ne compte que 500 habitants, et abrite un projet original de partenariat avec les Paysans de Rougeline 20 ( * ) : l'utilisation d'un site de stockage de déchets non dangereux pour chauffer des serres de tomates.

A. LES OBJECTIFS

En faisant d'abord le choix d'implanter un site de traitement des déchets par stockage, l'objectif majeur de cette petite commune était de dynamiser l'activité économique par l'implantation d'une nouvelle activité qui soit compatible avec un territoire rural.

L'objectif était de chauffer des serres destinées à la production de tomates, directement par l'installation voisine d'un stockage de déchets non dangereux. Le projet a été soutenu par la mairie de Lapouyade, qui a joué un rôle déterminant pour identifier un acteur économique en mesure d'exploiter cette chaleur tout en générant un maximum d'emplois, mais aussi par la communauté d'agglomération de Libourne, la sous-préfecture et la DREAL. En outre, ce projet a bénéficié d'une aide technique de l'ADEME.

B. LES ACTIONS

1. L'implantation d'un site de traitement des déchets par stockage pour produire du biogaz

Actuellement, le site de Lapouyade reçoit 400 000 tonnes de déchets non dangereux par an, une zone de chalandise bien supérieure aux déchets générés par la commune. Le biogaz généré par les déchets alimente 8 moteurs produisant de l'électricité. Celle-ci est revendue à EDF pour une puissance totale de 7MW, c'est-à-dire suffisamment d'énergie pour assurer la consommation d'électricité de 35 000 habitants, soit la moitié de l'agglomération du Libournais.

L'utilisation du biogaz pour produire de l'électricité est un processus classique sur les installations de stockage en France. Le processus technique 21 ( * ) qui permet de passer des déchets à l'électricité est en effet bien connu. La vraie innovation du site se situe donc en aval de ces opérations.

2. Un système innovant de récupération de la chaleur fatale des moteurs pour alimenter 8 hectares de serres maraîchères

Le projet, lancé au début de l'année 2015 avec l'entreprise Veolia, consiste surtout à développer la cogénération en récupérant la chaleur produite par les calories issues de l'eau de refroidissement des moteurs à biogaz, qui n'était pas réutilisée auparavant. Ce processus permet de fournir aux Paysans de Rougeline de l'énergie fatale pour alimenter le réseau de chauffage des serres de culture de tomates.

Au total, 14,7 millions d'euros ont été investis dans ce projet, qui n'a pas fait l'objet d'un financement de la part de la commune. Des subventions ont toutefois été sollicitées auprès du FEDER et du conseil régional, qui devraient se prononcer d'ici la fin de l'année 2015. Le conseil général a en partie financé les travaux de raccordement des éco-serres aux réseaux d'eau pour l'irrigation et l'électricité.

Les travaux de construction de 8 hectares de serres destinées à la production de tomates ont démarré au début de l'année. Huit mois ont été nécessaires à la construction des premières serres, sur une surface de 4 hectares. En novembre 2015, 4 hectares de plantations vont pouvoir démarrer, pour une première récolte prévue dès février 2016. Les 4 autres hectares seront mis en service en 2017.

Les serres seront donc chauffées directement par l'installation voisine du stockage de déchets non dangereux. La chaleur générée par les déchets sera injectée dans les serres maraîchères pour produire des tomates hors sol. Ce processus, qui requiert beaucoup d'énergie, mobilisera une main d'oeuvre équivalente à 7 emplois par hectare.

C. LES RÉSULTATS

Sur ce territoire rural, l'enjeu du projet était d'utiliser une installation de stockage de déchets existante comme levier de création d'emplois non délocalisables et d'une activité économique pérenne.

Votre rapporteur note que la commune a souhaité valoriser une activité compatible avec les ressources et l'emploi local. En l'espèce, le choix s'est porté sur l'agriculture. Cet exemple témoigne de la nécessaire prise en compte des spécificités locales dans les choix de mode de valorisation des déchets.

Ce projet illustre également la capacité de développer l'économie circulaire dans nos territoires en favorisant l'implantation d'entreprises locales à proximité des lieux de production de matières recyclées et d'énergie renouvelable, fournies à un coût optimisé grâce à des circuits de commercialisation courts.

Les résultats, présents ou futurs, ne sont pas négligeables. La valorisation du biogaz permet déjà d'économiser 3 740 tonnes équivalent CO 2 . Les agriculteurs qui ont investi dans le projet produiront à terme 6 000 tonnes de tomates locales par an, qui seront vendues dans la région en circuit court. Ce mode de culture permettra de récolter les tomates de février à fin octobre.

Surtout, le projet a déjà permis de pérenniser 18 emplois directs et 23 emplois indirects existants sur le site et ainsi de créer 20 nouveaux emplois pour la plantation des 52 000 plants de tomates. Par ailleurs, 45 à 65 emplois directs locaux à temps plein devraient être créés dans les trois à cinq ans. Les impacts positifs concerneront aussi un large réseau de partenaires en amont et en aval (fournisseurs, clients, circuits de distribution).

Ce partenariat entre une entreprise et des agriculteurs locaux illustre donc la possibilité d'allier innovation, souci de l'environnement et progrès économique.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :

http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#dechets

CHAPITRE V - LES TRANSPORTS ET LA MOBILITÉ

Marie-Françoise PEROL-DUMONT

Sénatrice de la Haute-Vienne

I. PROPOS INTRODUCTIF

Les transports sont un champ d'action privilégié dans la lutte contre le changement climatique.

Participant à 27,8% des rejets nationaux en 2012, ils constituent en effet le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. Nos modes de déplacement sont encore largement dépendants de l'usage individuel de la voiture, source importante de rejets de gaz carbonique. 92% des émissions produites par les transports sont ainsi imputables au seul trafic routier.

De manière plus préoccupante, le poids des transports dans les émissions nationales a connu une forte progression, avec une hausse de 13% entre 1990 et 2011, et demeure largement supérieur à la moyenne européenne, située aux alentours de 20% 22 ( * ) .

Autorités organisatrices de la mobilité, les collectivités territoriales ont su prendre la mesure de la responsabilité qui leur incombe à l'égard du changement climatique en favorisant des modes de déplacement plus sobres sur leurs territoires.

Aussi agissent-elles dans quatre directions.

Tout d'abord, les acteurs locaux organisent le report modal vers les transports collectifs. Pour ce faire, ils veillent à renforcer la performance des transports collectifs, en proposant des horaires cadencés et des tarifs compétitifs. Ils sont aussi attentifs à l'intermodalité et à la multimodalité, c'est-à-dire à la possibilité d'utiliser plusieurs modes de transport, successivement dans le premier cas, ou alternativement dans le second. Dans cette optique, ils regroupent leurs offres dans des centrales de mobilité, rapprochent leurs tarifs avec des solutions de billettique intégrée, ou coordonnent leurs actions au sein de syndicats mixtes de transport tels que ceux créés par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) 23 ( * ) .

Parce que les transports collectifs ne sauraient suffire pour répondre à l'ensemble des besoins de déplacement, les collectivités proposent en outre des solutions de mobilité dites alternatives. Pour les courtes distances, elles encouragent la mobilité douce, avec l'usage du vélo ou la pratique de la marche. Dans les zones peu denses, elles promeuvent des modes de déplacement partagés, tel que le covoiturage, ou « sur mesure », tel que le transport à la demande.

Au-delà des transports collectifs et des mobilités alternatives, les élus locaux favorisent également l'émergence de véhicules peu émissifs. Ils offrent ainsi un appui technique ou financier à l'achat de véhicules électriques, ainsi qu'au déploiement d'infrastructures de recharge.

Enfin, les collectivités savent mobiliser d'autres compétences que celles relatives aux transports pour favoriser la mobilité durable. En tant qu'employeurs, elles facilitent les trajets domicile-travail de leurs agents au moyen de plans de déplacements d'entreprises. Dans le cadre de la commande publique, elles acquièrent des véhicules peu émissifs à l'occasion du renouvellement de leur flotte. Celles qui sont détentrices de pouvoirs de police en matière de circulation et de stationnement, ou de compétences afférentes à la gestion de la voirie, veillent à une utilisation réfléchie du réseau routier.

Afin de rendre plus concrètement compte de ces actions, votre rapporteure a souhaité mettre en valeur quelques projets locaux.

Dans cette perspective, elle a consacré la journée du 28 septembre dernier à des rencontres de terrain avec trois collectivités dans son département.

Le conseil régional du Limousin a souhaité encourager le report modal vers le transport ferroviaire en modernisant son offre de transport express régional (TER), dont les horaires ont été cadencés en 2013 et les tarifs révisés en 2015, et en favorisant l'intermodalité avec la création de pôles d'échange depuis 2000, et d'une centrale de mobilité en 2009.

De son côté, le conseil départemental de la Haute-Vienne a entendu renforcer la mobilité en zone rurale, où il a développé une offre de transport en autocar à la demande en 2013, ainsi que des aires de stationnement et une plateforme en ligne dédiées au covoiturage dès 2009.

Enfin, Limoges Métropole est impliquée dans le domaine des transports collectifs à traction électrique et des mobilités douces à assistance électrique, puisqu'elle a maintenu en état de fonctionnement un réseau de trolleybus hérité des années 1930, et a déployé un service de location de vélos électriques en 2015.

Outre ces trois initiatives, votre rapporteure a souhaité élargir sa réflexion à deux autres collectivités, en auditionnant leurs représentants.

La première est Mulhouse Alsace Agglomération, qui a mis en service en 2010 une solution innovante en faveur de l'interopérabilité des réseaux de transport : le tram-train, premier exemple français de transport interconnecté capable de circuler tant sur les voies de tramway que sur le réseau ferré.

La seconde est le conseil régional de Bourgogne, dont la volonté d'accompagner l'essor des véhicules électriques a abouti à l'élaboration d'un schéma de cohérence régional de déploiement des bornes de charge en 2015. Ce document fixe des objectifs précis et chiffrés pour parvenir à un maillage cohérent du territoire d'ici 2025.

Les projets locaux étudiés par votre rapporteure témoignent de la forte implication de nos territoires en faveur d'une conception durable de la mobilité, qui lui a été rappelée par les associations d'élus locaux et le Groupement des autorités responsables des transports (GART) lors de leur audition (voir encadré).

Cependant, face à la nécessité de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, ces actions demandent encore à être poursuivies et amplifiées.

Votre rapporteure souhaite faire valoir que l'amélioration de la performance énergétique des véhicules individuels ne saurait, à elle seule, permettre d'abaisser significativement l'empreinte carbone du secteur des transports. C'est pourquoi les collectivités doivent continuer à oeuvrer en faveur du report modal vers les transports collectifs, priorité d'action des autorités organisatrices de la mobilité.

À cette fin, votre rapporteure forme le voeu que se diffusent, dans chacun de nos territoires, des politiques de mobilité davantage intégrées. Si l'implication des élus locaux dans le domaine des transports est indéniable, elle achoppe parfois sur deux difficultés : des responsabilités émiettées et des actions cloisonnées. C'est la raison pour laquelle certaines collectivités pionnières ont entendu coordonner et élargir leurs actions dans ce domaine ; ces bonnes pratiques gagneraient à être généralisées.

Une meilleure coordination entre les autorités organisatrices de la mobilité permet d'éviter des politiques isolées, redondantes ou contradictoires en matière de transports. Elle contribue à faire émerger, dans chaque bassin de vie, des réseaux interopérables, une information multimodale et une billettique intégrée, à même de faciliter les déplacements dans le respect du développement durable. L'élaboration des nouveaux schémas régionaux de l'intermodalité, créés par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) 24 ( * ) , ainsi que le transfert aux conseils régionaux de l'organisation de la mobilité interurbaine, prévu par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) 25 ( * ) , doit être l'occasion de poursuivre cet effort de coordination.

En outre, une action globale en faveur de la mobilité, dépassant le seul domaine des transports pour embrasser tous les leviers d'action disponibles - l'urbanisme, l'aménagement, la voirie, les pouvoirs de police et la commande publique - permet d'impulser une dynamique positive en faveur de modes de déplacement sobres. Plus spécifiquement, la maîtrise de l'étalement urbain, d'une part, et le déploiement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), d'autre part, contribuent à limiter en amont les besoins de déplacement.

C'est donc une politique intégrée, coordonnant les différents acteurs et mobilisant l'ensemble des leviers d'action, qui doit être promue.

Enfin, votre rapporteure insiste sur la nécessité d'accorder une attention spécifique aux enjeux sociaux posés par la mobilité, droit fondamental. Une conception durable de la mobilité poursuit trois finalités : la qualité environnementale, bien sûr, mais aussi l'équité sociale et l'efficacité économique. En proposant des alternatives à l'usage individuel de la voiture dans les zones mal dotées en transports - les zones périurbaines et rurales - ou auprès des publics les plus isolés - les personnes jeunes, âgées, défavorisées, non motorisées -, les acteurs locaux oeuvrent tout à la fois contre le réchauffement climatique et pour l'inclusion sociale.

Au terme de ses travaux, votre rapporteure ne peut que constater que la multiplicité des politiques de transport mises en oeuvre par les collectivités fait d'elles des « laboratoires de bonnes pratiques » en termes de mobilité durable, au service de nos concitoyens.

Si les échelons locaux ont développé depuis plusieurs années des pratiques de mobilité vertueuses, ils sont prêts à aller plus loin grâce aux perspectives de clarification des compétences introduites par la loi NOTRe, et dès lors que leurs ressources financières sont garanties : l'assiette du versement transport nécessite d'être préservée, et les solutions de remplacement de l'écotaxe poids lourds d'être pérennisées.

En somme, votre rapporteure rappelle que la nécessité de répondre aux besoins croissants de mobilité tout en luttant contre le changement climatique suppose le déploiement massif de solutions de déplacement moins émissives, dont les collectivités sont les acteurs moteurs.

Les enjeux soulevés par les associations d'élus locaux

Afin d'acquérir une vision globale et précise de l'implication des collectivités en matière de mobilité durable, votre rapporteure a souhaité auditionner les présidents des commissions en charge des transports des principales associations d'élus locaux.

À cette occasion, l'Association des maires de France (AMF) a indiqué que de nombreuses initiatives ont émergé dans les communes en faveur de modes de déplacement moins polluants, tels que les mobilités douces, le covoiturage ou l'auto-partage. L'association a cependant identifié le contexte financier et l'instabilité normative comme des freins au plein développement d'une conception durable de la mobilité. Par ailleurs, l'AMF a souligné que les enjeux des transports et de l'urbanisme sont liés, l'usage individuel de la voiture étant bien souvent la conséquence de l'étalement urbain.

La représentante de l'Association des communautés de France (AdCF) et du Groupement des autorités organisatrices des transports (GART) a rappelé que les intercommunalités et, au-delà, les différentes autorités organisatrices de la mobilité sont également investies. Une trentaine de solutions de mobilité durable, parfois très innovantes, ont ainsi été portées à la connaissance de votre rapporteure. L'AdCF et le GART ont insisté sur le besoin de sécuriser les financements des autorités organisatrices de la mobilité, et de développer des formes de coopération entre elles. Tout comme l'AMF, ils ont mis en évidence le lien unissant les transports à l'urbanisme. Ont été citées comme bonnes pratiques : le renforcement de la compétitivité des transports collectifs, la combinaison des potentialités de chaque mode de transport, la sensibilisation des citoyens à la mobilité durable et la limitation de l'usage de l'automobile notamment. En outre, l'AdCF et le GART ont indiqué que, si l'amélioration de la performance énergétique des véhicules individuels est appréciable, c'est aussi par le report modal vers les transports collectifs que l'empreinte carbone du secteur des transports pourra être maîtrisée.

Également auditionnée, l'Association des départements de France (ADF) a présenté les modes de transport moins polluants développés par les départements, en soulignant le rôle historique de cet échelon dans l'essor du covoiturage. Après avoir rappelé les difficultés imputables au contexte financier, l'ADF a indiqué que le transfert de la compétence des départements en matière de transport scolaire vers les régions 26 ( * ) n'était pas de nature à favoriser une conception durable de la mobilité, dans la mesure où elle contrevient au besoin d'une gestion de proximité. De plus, l'ADF a jugé important de ne pas perdre de vue la finalité sociale que doit poursuivre le développement durable : dans le domaine de la mobilité, les transports interurbains permettent la desserte de zones et de publics défavorisés.

Enfin, l'Association des régions de France (ARF) a souligné l'implication des régions en faveur des alternatives à l'usage individuel de la voiture, en particulier dans le cadre de leur compétence ferroviaire. Cet effort a rencontré un certain succès avec, pour les transports express régionaux (TER), une hausse de 24% de l'offre et de 55% des voyageurs de 2002 à 2012. L'ARF a estimé essentiel de définir une vision stratégique et de garantir des ressources pérennes pour que cet effort puisse être poursuivi.

Par ailleurs, l'association a fait observer que les nouveaux modes de transport doivent se développer en complémentarité avec ceux existants, à commencer par le transport non urbain en autocar, récemment ouvert à la concurrence 27 ( * ) . Enfin, l'ARF a fait le même constat que l'AdCF et le GART quant à l'importance du report modal vers les transports collectifs pour renforcer la sobriété des modes de déplacement.

II. LE CONSEIL RÉGIONAL DU LIMOUSIN : LE REPORT MODAL VERS LE TRANSPORT FERROVIAIRE

Le 28 septembre, à la faveur de plusieurs rencontres dans le département de la Haute-Vienne, votre rapporteure a recensé plusieurs solutions de mobilité mises en oeuvre par les collectivités (département, région, métropole).

La région Limousin, qui compte 741 100 habitants, a voulu mettre sa compétence ferroviaire au service de la mobilité durable. Souhaitant encourager le report modal vers le transport ferroviaire, le conseil régional a entrepris de renforcer l'attractivité de son offre de transport express régional (TER), dont les horaires ont été cadencés en 2013 et les tarifs refondus en 2015, et d'organiser l'intermodalité autour du réseau ferré, en créant des pôles d'échange en 2000, et une centrale d'information multimodale en 2009.

À travers l'exemple - loin d'être unique - de la région Limousin, votre rapporteure entend rappeler que l'offre ferroviaire constitue une alternative crédible au trafic routier, tant pour le transport de passagers, aujourd'hui bien établi, que pour celui des marchandises, encore trop limité.

A. LES OBJECTIFS

Dans le cadre du Schéma régional climat air énergie (SRCAE) qu'il a adopté en 2013, le conseil régional du Limousin a identifié le secteur des transports comme un moyen d'action majeur dans sa stratégie de lutte contre le changement climatique. Ce secteur constitue en effet le deuxième émetteur de gaz à effet de serre dans cette région, avec 24% des rejets.

Le Limousin, territoire à dominante rurale, se caractérise par une faible densité démographique, une relative dispersion de l'habitat et une fluidité certaine du réseau routier. Il en résulte un usage prépondérant du transport routier par les particuliers et les professionnels. C'est pourquoi ce mode de déplacement est responsable de 94% des émissions dues au trafic de voyageurs, et de 99% des rejets imputables au trafic de marchandises.

Dans ces circonstances, le conseil régional a entendu utiliser pleinement sa compétence ferroviaire avec pour objectif, à l'horizon 2050, de faire passer la part modale des transports en commun de 8 à 25%, et celle du fret ferroviaire de 2 à 7%.

Plus précisément, l'enjeu est de faire émerger un réseau ferré mieux intégré aux grands axes nationaux et européens, davantage interconnecté avec les autres modes de transport, et toujours plus adapté aux besoins des usagers.

B. LES ACTIONS

1. Le renforcement de l'attractivité de l'offre ferroviaire

Avec 15 lignes, 82 gares et 862 kilomètres de voies en 2009 28 ( * ) , les TER constituent la pierre angulaire des transports collectifs en région Limousin.

Conscient de la nécessité de proposer une offre plus compétitive et plus fiable, le conseil régional, en partenariat avec la Société nationale des chemins de fer (SNCF), a entrepris la modernisation des horaires et des tarifs proposés, dans le but de renforcer la fréquentation des lignes, d'optimiser le fonctionnement du réseau, et de faciliter les déplacements vers les lieux de travail ou de loisirs.

Aussi a-t-il engagé, en 2013, le cadencement de son offre, c'est-à-dire la mise en cohérence des horaires. C'est ainsi que, sur la ligne Limoges-Guéret, les trains partent dorénavant à la onzième minute de chaque heure, le matin et le soir. Ces horaires cadencés participent d'une conception durable de la mobilité à double titre : en premier lieu, ils favorisent une offre plus régulière et plus lisible, adaptée aux besoins des voyageurs, ce qui permet un usage fréquent du réseau, en particulier pour les déplacements domicile-travail ; ensuite, le cadencement permet la synchronisation des TER avec les grandes lignes ferroviaires et les autres réseaux de transports collectifs, rendant ainsi possible l'utilisation en un temps réduit de plusieurs modes de déplacement successifs.

Outre ces horaires cadencés, des tarifs incitatifs ont également été déployés en 2015. À titre d'exemple, une offre spécifique, le « PassLiberté », a été créée à l'intention des voyageurs utilisant de manière régulière une même ligne, ce qui favorise le recours au TER pour les trajets quotidiens.

Afin de porter à la connaissance des usagers, et en particulier des entreprises, cette offre renouvelée, le conseil régional a engagé des opérations de communication destinées à rappeler l'intérêt du transport ferroviaire pour la mobilité quotidienne. Pour évoquer un simple exemple, les entreprises ont été incitées à apposer une « estampille de proximité » sur leurs publications ou leurs devantures, de manière à mettre en évidence leur proximité avec les gares, et encourager ainsi leurs employés et leurs clients à utiliser les TER.

Votre rapporteure souligne que c'est en agissant sur la mobilité quotidienne, et plus particulièrement sur les trajets domicile-travail, que les collectivités sont les plus susceptibles de favoriser la mobilité durable.

2. L'organisation de l'intermodalité autour du réseau ferré

Le conseil régional a également souhaité développer l'intermodalité autour des lignes et des gares ferroviaires. Dans cette optique, il a créé des pôles d'échange, participé à la mise en service d'une centrale d'information multimodale et développé des solutions de billettique intégrée.

Le déploiement des pôles d'échange constitue une action historique du conseil régional engagée il y a maintenant une décennie.

En 2000, un premier projet, le Centre intermodal d'échanges de Limoges (CIEL), a été créé avec succès sur le site de la gare de Limoges. Ce projet, qui a réuni le conseil régional du Limousin, le conseil départemental de la Haute-Vienne, la ville et l'agglomération de Limoges, le syndicat en charge des transports de Limoges, la SNCF, l'État et la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) 29 ( * ) , visait à mieux coordonner les transports en train, en bus et en autocar sur ce site. C'est pourquoi ont été prévus à proximité immédiate de cette gare un terminal pour les autocars, qui accueille les lignes du conseil départemental, ainsi qu'un pôle pour les bus, desservi par le réseau de l'agglomération. Un espace d'accueil, situé au centre de la gare, délivre des informations sur les différents moyens de transport à disposition. Au total, une offre particulièrement dense de TER, d'autocars et de bus dessert le pôle d'échange, contribuant ainsi à positionner la gare de Limoges comme le principal noeud de circulation de la région.

Afin de prendre la mesure de cette initiative ancienne et réussie, votre rapporteure a réalisé une visite de terrain sur ce pôle d'échange. Elle a ainsi pu constater que la coordination des acteurs locaux autour d'un projet stable, d'une gouvernance identifiée et de financements pérennes permettent de faire progresser l'intermodalité.

Fort de cette expérience, le conseil régional a entendu développer d'autres pôles d'échange, avec le concours financier de l'État et de l'Union européenne. Des structures de ce type ont ainsi été implantées à Aubusson, La Souterraine, Égletons, Tulle, Uzerche, et plus récemment à Brive en 2014. Au total, l'effort financier consenti par le conseil régional dans les pôles d'échange s'élève à 4 millions d'euros.

Si l'intermodalité a été promue par la création de pôles d'échange, elle a également été favorisée avec la mise en service d'une centrale d'information multimodale et de solutions de billettique intégrée.

Le conseil régional a ainsi participé à la création en 2009 de la centrale d'information multimodale « Mobilimousin », qui recense les offres de transport proposées par la région Limousin, les départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne, les agglomérations de Brive, de Limoges et de Tulle, les aéroports de Brive et de Limoges, et la SNCF notamment. Cet outil, disponible sur les terminaux mobiles, propose un calculateur d'itinéraires permettant de comparer différentes solutions de transport pour un même trajet. Une centrale d'appels lui est associée.

Parallèlement à cette centrale d'information, la région a développé des solutions de billettique intégrée avec les principales villes situées sur son territoire. À titre d'illustration, l'offre « Passéo » permet d'utiliser à la fois le réseau de TER, géré par le conseil régional, et les lignes de bus mises en place par les agglomérations de Brive et de Tulle depuis 2011.

Votre rapporteure souligne que l'information multimodale et la billetique intégrée favorisent utilement l'intermodalité, en offrant aux usagers un « guichet unique », par-delà les frontières administratives.

C. LES RÉSULTATS

L'engagement du conseil régional du Limousin en faveur du report modal vers le transport ferroviaire a porté ses fruits.

Selon un bilan établi par le conseil régional en 2014, la fréquentation des TER a augmenté de 25% en dix ans, du fait notamment de son action pour adapter les lignes, les horaires et les tarifs. Fait notable, 34% des usagers utilisent le TER pour se rendre au travail, ce qui témoigne de la pertinence de ce mode de transport pour les trajets domicile-travail. Parmi la palette d'alternatives à l'usage individuel de la voiture, les TER se sont donc imposés comme une solution incontournable en région Limousin.

L'attractivité de l'offre ferroviaire a d'autant plus progressé qu'elle est complétée par des infrastructures et des services intermodaux : c'est ainsi que l'on dénombre 7 pôles d'échange aux abords des gares. En outre, la centrale d'information multimodale « Mobigo » enregistre 88 519 visites et 11 300 appels téléphoniques. Quant à la solution de billettique intégrée « Passéo », elle totalise 15 500 ventes.

III. LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA HAUTE-VIENNE : LES TRANSPORTS À LA DEMANDE ET LE COVOITURAGE EN MILIEU RURAL

Au cours de son déplacement dans le département de la Haute-Vienne, votre rapporteure s'est également entretenue avec des élus du conseil départemental.

Ce département, dont la population est de 384 604 habitants, a entendu développer des alternatives à l'usage individuel de la voiture en milieu rural. Dans cette optique, le conseil départemental a déployé une offre de transport en autocar à la demande en 2013, ainsi que des aires et une plateforme de covoiturage dès 2009.

Votre rapporteure a souhaité démontrer, avec l'exemple du conseil départemental de la Haute-Vienne, que la mobilité durable poursuit également une finalité sociale : chacun doit pouvoir bénéficier de modes de déplacements sobres, accessibles et sécurisés, y compris les populations les plus isolées. En cela la lutte contre le changement climatique constitue une opportunité pour réparer les fractures territoriales et promouvoir une société plus inclusive.

A. LES OBJECTIFS

Avec une densité de 68,1 habitants par km 2 et une population de plus de 60 ans de 28,7%, la Haute-Vienne est un département dont la population est relativement peu dense et âgée.

C'est pourquoi le conseil départemental a jugé primordial de déployer des solutions de mobilité dans les zones rurales et périurbaines les moins bien desservies par le réseau de transport public classique.

L'adoption d'un Agenda 21 local en 2008 lui a donné l'occasion d'impulser une dynamique en faveur de la mobilité durable sur son territoire, où les enjeux sociaux et climatiques, loin d'être opposés, sont pensés conjointement.

Cet agenda fixe ainsi comme objectifs généraux le renforcement de l'attractivité des transports en commun et la promotion du covoiturage (objectif 26 « optimiser et réduire les déplacements » ).

Il prévoit également des actions plus spécifiques en faveur de l'accessibilité des transports publics aux personnes handicapées, et de l'autonomie des personnes âgées en milieu rural (objectif 3 « rendre accessibles les services de la vie courante et les loisirs aux personnes handicapées » et objectif 1 « agir sur les conditions de vie des personnes âgées à leur maintien dans leur environnement, au lien entre les générations » ).

Le conseil départemental s'est lui-même engagé, dans le cadre de cet agenda, à réaliser un plan de déplacements d'administration à destination de ses propres agents (objectif 21 « repenser les déplacements des agents » ).

Ce dernier engagement a conduit le conseil départemental à prendre rapidement une décision forte. Inauguré en 2009, l'hôtel du département ne comprend qu'un nombre limité de places de stationnement, afin d'inciter le personnel à utiliser les transports en commun. En contrepartie, leurs frais d'abonnement sont partiellement remboursés selon les conditions légales.

C'est donc en mobilisant un Agenda 21 local que le département de la Haute-Vienne a voulu favoriser la mobilité durable.

Pour ce faire, le conseil départemental a placé l'ensemble de son réseau public de transports, dont le coût est de 20,8 millions d'euros en 2014, transports scolaires inclus 30 ( * ) , sous le double signe de la solidarité territoriale et du développement durable.

B. LES ACTIONS

1. Le déploiement des transports à la demande

En 2013, le conseil départemental, soucieux d'offrir sur l'ensemble de son territoire un service de transport public complet et performant, a entamé une refonte en profondeur de son réseau de transport en autocar.

Il s'est agi de renforcer les lignes scolaires et les lignes régulières afin de favoriser l'utilisation des transports collectifs pour les trajets domicile-école et domicile-travail, de couvrir les communes peu ou mal desservies par les lignes régulières avec des services de rabattement et de proximité, et de rendre les véhicules du département accessibles aux personnes handicapées.

En ce qui concerne les lignes scolaires, le conseil départemental a souhaité rationnaliser les points d'arrêts autour de bassins de vie pour renforcer la sécurité du réseau tout en maîtrisant son coût. Ce choix a permis de maintenir le reste à charge pour les familles à 60 euros par élève et par an, le coût pour le conseil départemental étant de 1 110 euros par élève.

S'agissant des lignes régulières, le conseil départemental a entamé une restructuration avec la mise en service de deux lignes « express », qui permettent de relier deux villes moyennes à l'agglomération de Limoges en un temps rapide (30 à 40 minutes). Un service de rabattement, « Moohv 87 », a été instauré pour acheminer en minibus les habitants dont le domicile n'est pas directement desservi par ces lignes vers le point d'arrêt le plus proche. En complément, une offre de proximité, « Proxi Moohv 87 », permet à tout un chacun d'être transporté en minibus de son domicile vers son chef-lieu de canton. Ces services de rabattement et de proximité, qui sont activés sur réservation jusqu'à la veille du départ 17 heures, fonctionnent deux fois par mois à une fois par jour, selon la commune et le service considérés. Cette expérimentation, pour l'heure réservée à deux lignes, a vocation à être étendue aux autres lignes régulières gérées par le conseil départemental. Afin d'inciter les habitants à utiliser les transports en autocar, un tarif unique et modique, de 2 euros par trajet, a été fixé.

Votre rapporteure souligne que la promotion de la mobilité durable et la maîtrise budgétaire ne sont pas antinomiques. En déployant des services « sur mesure » dans les zones où la densité est parfois trop faible pour assurer la rentabilité suffisante des réseaux classiques de transport, il est possible d'offrir aux usagers des solutions de mobilité alternatives à un prix abordable, tout en veillant à ce que leur coût soit soutenable pour la collectivité.

Qu'il s'agisse des lignes scolaires ou des lignes régulières, le conseil départemental s'est engagé à ce que son réseau de transport en autocar soit faiblement émissif. La Régie départementale des transports de la Haute-Vienne, qui en a la charge, veille à maîtriser sa consommation d'énergie. Le parc de véhicules dont elle dispose, de six ans d'âge en moyenne, fait l'objet de contrôles réguliers destinés notamment à limiter les pertes d'énergie. De plus, les chauffeurs qu'elle emploie reçoivent une formation à l'éco-conduite.

2. La promotion du covoiturage

Dès 2009, le conseil départemental a encouragé le développement du covoiturage, qui constitue une alternative efficace et économique à l'usage individuel de la voiture. C'est pourquoi il a entrepris l'aménagement de 30 aires de covoiturage dans le cadre d'un schéma directeur. Onze aires en site propre, balisées et sécurisées, ont d'ores et déjà été créées par le département. Elles ont été implantées à proximité des axes routiers majeurs ou des lignes de transport existantes, en tenant compte de la densité de la population ainsi que des besoins exprimés par les usagers. D'autres aires de covoiturage ont également été déployées en partenariat avec les communes. La création de la dernière aire a été l'occasion d'expérimenter un éclairage nocturne fonctionnant à l'énergie photovoltaïque, porteur de confort et de sécurité pour les usagers.

Outre les aires de covoiturage, le conseil départemental a mis en service la plateforme en ligne « covoiturage 87 » , largement refondue en 2013. Cette interface, compatible avec les terminaux mobiles, recense les aires de covoiturage existantes, et permet la publication ou la consultation gratuite d'annonces dans un espace sécurisé. Une charte fixe les conditions du service de covoiturage entre les conducteurs et les passagers. Douze entreprises, administrations ou associations, partenaires de la plateforme, bénéficient d'un espace personnalisé à l'attention de leurs membres.

Votre rapporteure rappelle que l'action des pouvoirs locaux en faveur de la mobilité durable passe également par l'accompagnement de pratiques vertueuses, telles que le covoiturage, dont ils améliorent la qualité et la sécurité en leur offrant un cadre institutionnalisé.

3. La mise en place d'un service d'information et de billettique

Afin de rendre lisible et attractive l'offre de transport dont il a la charge, le conseil départemental a souhaité créer une centrale d'information et d'achat en ligne, « Moohv 87 ».

Cette centrale recense toute l'offre de transport gérée par le conseil départemental (transports scolaires, transports réguliers, transports à la demande, transports pour personnes à mobilité réduite, covoiturage).

Elle offre par ailleurs un service de billettique intégrée, en partenariat avec deux autres autorités organisatrices de la mobilité, Limoges Métropole et le conseil régional du Limousin. Les tarifs proposés par le conseil départemental permettent ainsi d'effectuer une correspondance sur le réseau de Limoges Métropole, et de voyager sur le réseau régional dans les limites du département.

C. LES RÉSULTATS

L'action du conseil départemental de la Haute-Vienne en faveur des transports à la demande et du covoiturage a permis de promouvoir une forme de mobilité plus sobre dans des lieux a priori peu propices : les zones rurales et périurbaines.

Le réseau de transport en autocar a répondu à un besoin réel. En 2014, on dénombre 594 494 passagers transportés et 1 659 000 km parcourus. La régie en charge de ce réseau estime consommer 53 grammes de CO 2 par kilomètre et par passager, ce qui représente des émissions inférieures à l'usage individuel de la voiture.

Le covoiturage a lui aussi prouvé sa pertinence. Les onze aires de covoiturage en site propre affichent un taux de fréquentation de 50%. La plateforme en ligne comprend par ailleurs quelque 4 000 inscrits, selon les chiffres publiés par le conseil départemental en 2013.

IV. LIMOGES MÉTROPOLE : LES TRANSPORTS COLLECTIFS ET LES MODES DOUX À TRACTION OU À ASSISTANCE ÉLECTRIQUES

Le déplacement de votre rapporteure dans le département de la Haute-Vienne a enfin été l'opportunité d'échanger avec des élus de Limoges Métropole.

Avec Lyon et Saint-Étienne, Limoges Métropole est l'une des rares agglomérations à avoir conservé un réseau de trolleybus, dont l'origine remonte aux années 1930. Cette spécificité historique a permis de positionner Limoges Métropole, qui rassemble 206 813 habitants et 19 communes, comme une agglomération de premier plan en matière de transports collectifs à traction électrique. Le déploiement, en 2015, d'un service de location de vélos à assistance électrique a été l'occasion pour Limoges de réaffirmer cet engagement ancien en faveur de l'électro-mobilité.

Votre rapporteure a souhaité valoriser la fidélité de Limoges à l'éléctro-mobilité, ce choix s'expliquant par la topographie accidentée de la ville et une vision de long terme du secteur des transports. Elle rappelle ainsi que les projets de mobilité durable nécessitent pour réussir une bonne adaptation aux circonstances locales et une continuité dans le temps.

A. LES OBJECTIFS

Comme le rappelle l'Agenda 21 local de Limoges Métropole, adopté en 2008, les transports représentant dans cette agglomération la première source de gaz à effet de serre, avec des émissions de 275 000 tonnes équivalent CO 2 (teq CO 2 ) par an.

Aussi l'agglomération a-t-elle jugé prioritaire de favoriser davantage la mobilité durable sur son territoire en ayant recours à deux leviers : le renforcement de l'attractivité des transports collectifs, d'une part, et la promotion des mobilités douces, d'autre part (chantier 3, visant à « diversifier les modes de déplacements » ).

Dans cette entreprise, l'électro-mobilité a occupé une place importante puisque l'agglomération a poursuivi la modernisation de son réseau de trolleybus et organisé un système de location de vélos à assistance électrique.

B. LES ACTIONS

1. Le renforcement de l'attractivité des transports collectifs

Limoges Métropole bénéfice d'un réseau de transport urbain qui accorde une large place à la traction électrique. Pour preuve, les 5 lignes de trolleybus concentrent la moitié des voyages réalisés et le tiers des kilomètres parcourus, selon un bilan dressé par l'agglomération en 2012.

Afin de renforcer l'attractivité des transports en commun, Limoges Métropole a entrepris plusieurs actions.

L'agglomération a tout d'abord développé et modernisé ses véhicules et ses lignes. Ainsi, depuis 2005, un effort a été consenti pour acquérir des véhicules respectant les règlementations les plus récentes relatives à la performance énergétique et à l'accessibilité aux personnes handicapées. Cet effort s'élève à 40 millions d'euros, ce qui correspond à l'achat de 102 véhicules. Limoges Métropole s'est notamment dotée, pour un coût de 3,63 millions d'euros, de 4 trolleybus articulés qui permettent de transporter une centaine de passagers supplémentaires par rapport aux équipements classiques, tout en favorisant les économies d'énergie. Dans le même temps, l'agglomération a renouvelé son offre de bus avec l'aménagement de couloirs réservés à leur circulation et la mise en place d'un système d'information en temps réel. Ce sont 25 kilomètres de voies dédiées qui ont ainsi été créés. Ces aménagements simples améliorent la régularité des trajets et diminuent le niveau des émissions. Un système d'information en temps réel, « Bus Info », a par ailleurs été mis en service en 2012. Cette application, téléchargeable sur les terminaux mobiles, permet de géo-localiser les lignes de bus les plus proches et de connaître les horaires des prochains passages. Elle est de nature à faciliter concrètement l'utilisation du réseau de transport urbain.

En outre, l'agglomération a renforcé et facilité les modes de déplacement entre Limoges et sa périphérie. À cette fin, des parcs-relais ont été construits aux terminus des lignes de transport urbain. Ces parcs incitent les automobilistes à garer leur véhicule en périphérie de Limoges puis à utiliser les transports collectifs pour rejoindre le centre-ville, ce qui limite d'autant le risque de congestion routière. Sept parcs-relais ont été implantés, l'agglomération prévoyant d'en doubler le nombre. Dans le même ordre d'idées, Limoges Métropole a instauré un service de transport à la demande, « Telobus », qui assure des liaisons entre Limoges et les autres communes de l'agglomération.

Votre rapporteure observe que la fluidité des déplacements entre les villes-centres et leurs communes périphériques est un objectif essentiel de la mobilité durable, qui peut être poursuivi à l'aide de transports à la demande ou de parcs-relais.

2. La promotion des mobilités douces

En complément de la modernisation de son réseau de transports collectifs, Limoges Métropole s'est engagée en faveur des mobilités douces, en promouvant l'usage du vélo sur son territoire.

L'agglomération a ainsi déployé un service de location longue durée de vélos, les « V'Lim », en 2015. Après une phase d'expérimentation auprès d'un public étudiant, conduite en partenariat avec l'Université de Limoges, le Centre régional des oeuvres universitaires et sociales (CROUS) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) notamment, cette offre a été étendue à l'ensemble de la population. Elle comprend 400 vélos, dont 240 sont équipés d'une assistance électrique. La moitié des vélos était déjà louée un mois seulement après leur mise en service.

Par ailleurs, l'agglomération a développé les pistes cyclables, avec la création de 120 kilomètres d'aménagements depuis 2005. Un schéma directeur intercommunal, en cours d'élaboration, permettra de relier les 19 communes de l'agglomération par des voies vertes, c'est-à-dire des liaisons ouvertes à tout type de transport non motorisé.

Votre rapporteure a réalisé une visite de terrain sur un site d'information et d'accompagnement dédié à ce mode de déplacement doux, qui a été récemment inauguré par l'agglomération. Elle observe que la majorité des déplacements couvrent moins de trois kilomètres, selon le Groupement des autorités organisatrices des transports (GART). C'est pourquoi le report modal vers les modes de déplacement actifs, comme la pratique de la marche ou l'usage du vélo, est tout à fait essentiel pour limiter l'empreinte carbone du secteur des transports.

C. LES RÉSULTATS

L'action de Limoges Métropole a fait progresser la mobilité durable, et plus spécifiquement l'électro-mobilité, comme en atteste le bilan de l'Agenda 21 local établi par l'agglomération en 2014.

En effet, de 2008 à 2014, le nombre de kilomètres annuels parcourus par les transports collectifs a augmenté de 15%, pour s'établir à 5,1 millions. Sur cette même période, le nombre de passagers annuels a crû de 9%, pour atteindre le chiffre de 14,6 millions.

En améliorant l'attractivité des transports en commun, et en développant les mobilités douces, Limoges Métropole a donc confirmé son engagement ancien en faveur du développement durable.

V. MULHOUSE ALSACE AGGLOMÉRATION : LE TRAM-TRAIN, LE TRAIN, L'INNOVATION AU SERVICE DE LA MOBILITÉ DURABLE

Regroupant 34 communes et 264 723 habitants, Mulhouse Alsace Agglomération a su innover en faveur de la mobilité durable, en mettant en service en 2010 le tram-train Mulhouse-Vallée de la Thur, premier exemple français de transport interconnecté capable de circuler tant sur les voies de tramway que sur le réseau ferré.

En mettant en exergue le projet novateur de l'agglomération de Mulhouse, votre rapporteure entend rappeler la manière dont les collectivités se saisissent du progrès technique pour développer des solutions de mobilité innovantes sur leurs territoires.

A. LES OBJECTIFS

Le développement durable est un axe fort et ancien de la politique de Mulhouse Alsace Agglomération, qui oriente l'exercice de l'ensemble de ses compétences, dont le secteur des transports.

Dans le cadre de son Plan climat, adopté dès 2006 - soit un an avant le Grenelle de l'Environnement -, l'agglomération a identifié les transports comme un levier d'action structurant dans son engagement local contre le changement climatique.

Constatant que le secteur des transports est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre, avec 32% des rejets locaux, l'agglomération lui a consacré l'un des axes prévus par ce plan (axe 4, destiné à « transformer durablement les modes de transport » ).

Mulhouse Alsace Agglomération s'est plus précisément engagée à abaisser de plus de 20% la part des émissions imputables à ce secteur avant 2025, en encourageant le report modal vers les transports en commun et les mobilités douces notamment.

Pour atteindre cet objectif, l'agglomération a élaboré une stratégie en faveur de la mobilité durable, qui vise à favoriser l'émergence de modes de déplacement moins consommateurs d'énergie et moins émetteurs de gaz carbonique, mais aussi davantage attractifs, sûrs, sains, confortables et solidaires, tout en maîtrisant les charges financières.

L'enjeu de cette politique est plus précisément de garantir l'ancrage européen du territoire, de renforcer l'attractivité et la productivité des transports collectifs, de développer des modes actifs et des pratiques multimodales et enfin de réduire les nuisances de toutes natures induites par le trafic, telles que la congestion routière, les pollutions et le bruit.

Les moyens consacrés à cette politique sont conséquents, puisque le budget annexe consacré aux transports prévoit 61,68 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement et 25,74 pour celles d'investissement 31 ( * ) .

B. LES ACTIONS

1. Le tram-train et le tram-bus : des solutions de mobilité hybrides

Depuis le début des années 2000, le réseau des transports collectifs de Mulhouse Alsace Agglomération a profondément évolué, du fait de la mise en service du tramway en 2006, du tram-train en 2010 et enfin du tram-bus en 2013.

Avec l'ouverture de lignes de tramway en 2006, l'agglomération a souhaité se doter d'un transport en commun en site propre fonctionnant à l'énergie électrique, qui constitue, avec sa grande capacité d'accueil et ses faibles émissions de gaz à effet de serre, une alternative performante à l'usage individuel de la voiture. La création de 3 lignes de tramway et de 37 stations a permis le renforcement quantitatif et qualitatif du réseau de transport urbain.

En outre, afin de promouvoir la complémentarité des modes de transport et la continuité des déplacements entre Mulhouse et les communes alentour, l'agglomération a déployé un service de tram-train en 2010. Ce projet a répondu à la nécessité de désengorger l'axe routier de la vallée de la Thur - l'un des plus empruntés de la région Alsace -, et a permis un accès direct au centre-ville de Mulhouse. De fait, il s'est agi de faciliter les déplacements liés au travail et aux loisirs dans l'agglomération, en renforçant dans le même temps la qualité de l'environnement, l'attractivité du territoire et la sécurité du réseau.

Cet équipement novateur, inspiré d'un projet similaire réalisé à Karlsruhe (Allemagne) en 1992, a la capacité de circuler sans changement sur le réseau de tramway et sur le réseau ferré : il s'agit du premier exemple français de tram-train interconnecté. Parcourant 22 kilomètres et desservant 18 stations, cette ligne relie Mulhouse à cinq communes de la vallée de Thur (Cernay, Lutterbach, Thann, Vieux-Thann et Wittelsheim), et a vocation à être étendue jusqu'à la localité de Kruth.

Compte tenu de son caractère inédit, le projet de tram-train n'aurait pu aboutir sans la mobilisation de différents acteurs autour d'une démarche partagée. Ainsi, cet investissement de 150 millions d'euros a été financé par le conseil régional d'Alsace (72 millions d'euros), Mulhouse Alsace Agglomération (31 millions d'euros), l'État (27 millions d'euros), le conseil départemental du Haut-Rhin (11 millions d'euros), Réseau ferré de France (RFF) (8 millions d'euros) et la Société nationale des chemins de fers (SNCF) (1 million d'euros). Près de quinze ans auront été nécessaires pour permettre la concrétisation de ce projet.

Aujourd'hui encore, le fonctionnement du tram-train est assuré par une cogestion : Mulhouse Agglomération Métropole et sa régie de transport Soléa ont la responsabilité du réseau urbain de tramway, tandis que la région Alsace, la SNCF et RFF ont la charge du réseau ferré. Le coût annuel du fonctionnement du tram-train est réparti entre l'agglomération et le conseil régional, qui contribuent à hauteur d'un tiers pour la première et de deux tiers pour le second.

Confirmant son engagement en faveur de solutions de mobilité innovantes, l'agglomération a mis en service en 2013 une ligne de tram-bus, c'est-à-dire un bus à haut niveau de service (BHNS) dont les horaires sont synchronisés avec ceux du tramway. Le bus circule partiellement sur une voie dédiée et bénéficie de priorités aux feux de croisement, ce qui permet de fiabiliser les temps de parcours et de garantir ainsi les correspondances. Le tram-bus est plus économique qu'un BHNS circulant intégralement dans un couloir réservé, son coût étant de 0,8 million d'euros par kilomètre contre 10 millions d'euros pour cet autre type de transport. C'est donc pour une solution médiane, adaptée aux besoins des usagers et aux contraintes de la ville, que l'agglomération a opté.

Votre rapporteure souligne que les solutions de transport hybrides, telles que le tram-train et le tram-bus, contribuent de manière originale à favoriser la mobilité durable. Combinant les points forts de différents modes de déplacement, elles sont l'expression concrète de l'intermodalité.

En complément du tramway, du tram-train et du tram-bus, l'agglomération dispose également de 22 lignes de bus régulières, d'un service de transport à la demande pour les personnes à mobilité réduite et d'une navette électrique en centre-ville.

L'effort consenti par Mulhouse Alsace Agglomération en faveur de la modernisation de ses transports collectifs est donc notable.

2. La promotion des mobilités partagées et douces

Dans un souci de diversification des solutions de déplacement proposées sur son territoire, Mulhouse Alsace Agglomération a engagé une action en direction des mobilités partagées et des mobilités douces.

En ce qui concerne les mobilités partagées, l'agglomération a mis en place un système de voitures en auto-partage. Répartis dans 6 stations, ces véhicules permettent un usage occasionnel de la voiture individuelle.

S'agissant des mobilités douces, l'usage du vélo est encouragé. Un service de vélos en libre-service, « Vélocité », comprend 240 vélos accessibles dans 40 stations. Des vélos sont également proposés à la location ou en prêt. En outre, plus de 230 kilomètres d'aménagements cyclables ont été créés.

3. Le déploiement de plans de déplacements d'entreprises

Afin d'agir plus spécifiquement sur les trajets domicile-travail, l'agglomération de Mulhouse a favorisé les plans de déplacements d'entreprises.

En 2005, l'agglomération a ainsi réalisé un plan à destination de ses propres agents. Ce plan, qui comprend 17 actions, promeut notamment l'usage des transports en commun et des mobilités douces pour les trajets domicile-travail et les déplacements professionnels.

En outre, les entreprises ou les administrations désireuses de mettre en place ce type d'outil peuvent solliciter l'appui technique de l'agglomération. Des entreprises, comme La Poste, ou des administrations, à l'instar de la Caisse primaire d'assurance maladie, ont eu recours aux services de l'agglomération.

Votre rapporteure rappelle à ce sujet que les autorités locales, en tant qu'employeurs, améliorent la durabilité des déplacements domicile-travail, au moyen notamment de plans de déplacements d'entreprises.

4. Le renouvellement de la flotte de véhicules

Sur un plan logistique, Mulhouse Alsace Agglomération a souhaité mobiliser la commande publique locale afin de renforcer la performance énergétique de sa flotte de véhicules.

On dénombre ainsi 124 véhicules propres sur les 708 véhicules détenus par l'agglomération et la ville de Mulhouse, soit 17,5% du parc. Les agents sont par ailleurs incités à utiliser des véhicules électriques lorsque leurs déplacements professionnels justifient qu'ils soient motorisés.

Preuve de l'engagement constant de l'agglomération en faveur de motorisations moins émissives, deux bus diesel-électriques vont être intégrés à sa flotte dès 2016.

Votre rapporteure note que les choix opérés par les échelons locaux, dans le cadre de la commande publique, contribuent à renforcer les performances des véhicules et à limiter les rejets de gaz carbonique.

5. Vers un « compte mobilité » : une solution d'information et de billettique intégrée, comprenant un système de post-paiement

Dernier projet en date en faveur de la mobilité durable, Mulhouse Alsace Agglomération va expérimenter, à compter de 2016, une solution d'information et de billettique intégrée, le « compte mobilité ».

Cet outil permettra de regrouper, via une application mobile, les informations relatives aux différentes solutions de mobilité disponibles sur ce territoire (le réseau urbain de Mulhouse Alsace Métropole, les transports express régionaux du conseil régional d'Alsace, les locations de vélos, les véhicules en auto-partage et en covoiturage, les taxis, les parcs de stationnement notamment). En outre, il comprendra un système de post-paiement, c'est-à-dire que les usagers pourront, pour plus de commodité, régler leurs déplacements une fois ceux-ci réalisés.

Parce qu'il concourt à rendre l'offre de mobilité plus lisible et plus simple, cet outil est de nature à favoriser le report modal vers les transports collectifs et les mobilités alternatives.

C. LES RÉSULTATS

En moins de quinze ans, Mulhouse Alsace Agglomération a su déployer des alternatives innovantes à l'usage individuel de la voiture, qui font d'elle une agglomération en pointe.

Fait majeur, les trajets réalisés chaque année sur le réseau urbain de l'agglomération représentent 20 millions de voyageurs et 6,4 millions de kilomètres.

Par ailleurs, la modernisation du réseau urbain a eu un effet positif sur sa fréquentation. À titre d'exemple, la mise en service du tram-train a permis un doublement du nombre d'usagers quotidiens des transports collectifs entre Mulhouse et la Vallée de la Thur, qui est passé de 5 000 à 10 000.

Les actions de sensibilisation engagées auprès du personnel ont quant à elles suscité des changements de comportements. Suite à la mise en place du plan de déplacements d'entreprises de l'agglomération, l'usage de la voiture a reculé de 68 à 61%, tandis que l'utilisation du vélo a augmenté de 7 à 11% et celle des transports collectifs de 11 à 16%, selon une évaluation menée en 2010.

Au total, comme l'indique le bilan du Plan climat réalisé en 2011, les émissions de gaz à effet de serre imputables aux transports routiers ont diminué de 11,6% sur l'agglomération entre 2005 et 2009, ce qui constitue un résultat significatif.

VI. LE CONSEIL RÉGIONAL DE BOURGOGNE : UN SCHÉMA EN FAVEUR DES VÉHICULES ÉLECTRIQUES

Le conseil régional de Bourgogne a entrepris une action forte en direction des véhicules électriques, en se dotant notamment d'un schéma de cohérence régional de déploiement des bornes de charge en 2015.

Fruit d'un travail collaboratif, cet outil fixe un cadre stratégique, précis et chiffré, pour l'installation d'infrastructures de recharge d'ici à 2025.

Pour la région Bourgogne, dont la population s'établit à 1,6 million d'habitants, l'enjeu est d'accompagner l'essor de la mobilité électrique en fédérant les acteurs engagés dans ce domaine.

Votre rapporteure a souhaité présenter l'action conduite par le conseil régional de Bourgogne, qui illustre la manière dont les collectivités territoriales favorisent, en complément des transports collectifs, l'usage des véhicules électriques.

A. LES OBJECTIFS

En région Bourgogne, les transports représentent le deuxième poste d'émission de gaz à effet de serre, avec 30% des rejets en 2005. Cette situation est pour partie imputable à l'usage de la voiture, qui concentre 82% des distances parcourues et 80% des trajets domicile-travail.

Afin de promouvoir des alternatives à l'usage individuel de la voiture, la première action du conseil régional a été de développer les transports collectifs sur son territoire. Dans le cadre de sa compétence ferroviaire, la Bourgogne fut d'ailleurs l'une des toutes premières régions à mettre en place le cadencement des lignes de transport express régional (TER) de 2006 à 2008. Cette expérimentation, d'un coût de 25 millions d'euros, a permis une hausse de 10% de la fréquentation des TER.

Constatant que les transports collectifs ne permettaient pas de répondre à tous les besoins de mobilité, sur ce territoire vaste et peu dense, le conseil régional a entendu agir en faveur d'une plus grande sobriété des véhicules particuliers. Tout d'abord, les usages partagés de la voiture ont été favorisés, avec le covoiturage et l'auto-partage. En outre, la région a souhaité accorder une attention soutenue aux véhicules électriques, de manière à anticiper la hausse du coût du pétrole, à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à réduire les pollutions atmosphériques et sonores. L'objectif est de mettre en place des conditions favorables à l'essor de ce nouveau type de véhicules, dont la demande est appelée à croître.

C'est pourquoi le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) adopté en 2011 préconise le déploiement de bornes de charge (orientation 21, visant à « mettre à profit les évolutions technologiques pour diminuer l'impact des déplacements sur les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques » ).

En 2013, le plan climat énergie territorial (PCET) est venu préciser la stratégie de la région dans le domaine de l'électro-mobilité, qui s'oriente autour de deux actions :

- d'une part, le conseil régional s'est engagé à développer les véhicules électriques en coordonnant les acteurs publics et privés, en mettant en place un schéma relatif au déploiement des bornes de charge, et en organisant des débats sur les véhicules de demain (action 8 de l'orientation 13 tendant à « accompagner le développement des véhicules de demain » ) ;

- d'autre part, la région a souhaité accélérer le renouvellement de son parc automobile, en y intégrant des véhicules électriques (action 20 de l'orientation 3, destinée à « renouveler le parc automobile avec des véhicules peu émissifs » ).

Pièce maîtresse de la politique du conseil régional en faveur de l'électro-mobilité, le schéma de cohérence régional de déploiement des bornes de charge répond à la nécessité de favoriser l'essor d'infrastructures de recharge suffisantes en nombre, cohérentes dans leur répartition géographique, et homogènes du point de vue de la qualité de service.

B. LES ACTIONS

1. L'élaboration d'un schéma de déploiement des bornes de charge

Le schéma de cohérence régional de déploiement des bornes de charge, adopté en mars 2015, est issu d'un travail partenarial initié par le conseil régional avec les syndicats d'énergie de la Côte-d'Or, de la Nièvre, de Saône-et-Loire et de l'Yonne, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Électricité de France (EDF), Électricité réseau distribution France (ERDF), une association de promotion de l'électro-mobilité et des syndicats d'automobilistes.

Sa réalisation a nécessité une assistance à maîtrise d'ouvrage d'une durée de six mois, pour un coût de 67 000 euros.

Parce que le marché des véhicules électriques ne peut se développer pleinement sans infrastructures d'alimentation satisfaisantes, le conseil régional a souhaité accompagner les acteurs publics et privés dans cette direction, en définissant un cadre stratégique partagé sur son territoire.

Pour point de départ de ses travaux, le conseil régional a constaté que 397 véhicules électriques circulent actuellement sur son territoire.

Sur cette base, il a estimé que, d'ici à 2025, le nombre de véhicules particuliers ou utilitaires fonctionnant à l'énergie électrique pourrait être porté à 5 994 en Bourgogne, dont 2 400 en Côte-d'Or, 1 774 en Saône-et-Loire, 1 140 dans l'Yonne, et 630 dans la Nièvre. Afin d'assurer l'alimentation et, partant, l'itinérance de ces véhicules, 1 042 bornes de charge nécessiteraient d'être installées sur la même période.

Pour que l'émergence des véhicules électriques et le déploiement des bornes de charge progressent selon le même tempo, le conseil régional a prévu un phasage de ces infrastructures : 69 bornes devraient être installées dès 2015 et 347 avant 2020, pour atteindre en 2025 un réseau de 1 042 points de charge.

En outre, il a identifié, canton par canton, les lieux d'implantation présentant le plus fort potentiel. Les bornes supposent en effet, pour répondre aux besoins des usagers, d'être installées à proximité des axes routiers et des infrastructures d'intermodalité (pôles d'échange, gares routières, parcs-relais), des lieux d'habitation et d'hébergement, ou encore des zones économiques et touristiques.

Enfin, le conseil régional a précisé le niveau de service devant être associé aux bornes, de manière à ce qu'elles puissent fonctionner en réseau sur l'ensemble du territoire, ainsi que des coûts estimatifs.

Cette analyse fine du territoire a permis au conseil régional de fixer, pour chaque canton, des objectifs précisant le nombre et le type de points de charge à installer pour les années 2015, 2020 et 2025.

C'est donc un exercice de concertation à grande échelle, fédérant tous les acteurs de l'électro-mobilité, qui a été initié.

Votre rapporteur fait observer que l'action stratégique des pouvoirs locaux est un levier précieux pour orienter les comportements dans le sens d'un usage plus partagé et moins émissif de la voiture individuelle.

2. Le soutien opérationnel à l'installation de bornes de charge et de véhicules électriques en auto-partage

Si le conseil régional a fixé un cadre stratégique pour le déploiement de bornes de charge, il soutient également l'installation opérationnelle de bornes de charge et de véhicules électriques en auto-partage.

Dans le cadre du programme opérationnel du Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période 2014-2020, la région propose une aide au déploiement d'infrastructures de recharge, à hauteur de 40% de certains frais.

En outre, le conseil régional s'est engagé à développer des services d'auto-partage, qui intègrent des véhicules électriques.

3. Des actions de promotion de l'électro-mobilité

Afin de mieux faire connaître les enjeux liés aux véhicules électriques, le conseil régional a créé en 2009, aux côtés d'Électricité de France (EDF) et de l'agglomération du Grand Dijon notamment, l'association Bourgogne Mobilité Électrique.

Cette association regroupe aujourd'hui 52 collectivités territoriales, entreprises et associations, et a pour but de partager les connaissances et les expériences autour de l'électro-mobilité afin de faire de la région Bourgogne un « territoire de référence » dans ce domaine.

Dans le cadre de cette association, des opérations de communication ont été conduites en Bourgogne, en partenariat avec le conseil régional.

4. 4. L'intégration de véhicules électriques dans le parc automobile

Par souci d'exemplarité, le conseil régional a intégré quelques véhicules électriques dans son parc automobile. Des véhicules de ce type sont ainsi utilisés pour les déplacements professionnels des agents, et pour l'acheminement du courrier. L'électro-mobilité est également proposée de façon préférentielle aux agents pour tout trajet inférieur à 70 kilomètres.

Par ailleurs, les locaux du conseil régional sont eux-mêmes équipés de bornes de charge.

C. LES RÉSULTATS

En adoptant un schéma relatif aux bornes de charge, au terme d'un processus partenarial, le conseil régional de Bourgogne a envoyé un signal clair en direction de l'électro-mobilité. Dans ce domaine, encore émergent, il a fédéré efficacement les acteurs publics et privés autour d'une volonté partagée et d'objectifs réalistes.

Preuve de l'utilité concrète de la démarche initiée par le conseil régional, les syndicats d'énergie de la Côte-d'Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l'Yonne se sont constitués en un groupement de commandes pour l'acquisition, l'installation et l'exploitation des bornes de charge. L'opérateur en charge de ce groupement vient d'être désigné, et procédera en 2015 au déploiement des premières bornes préconisées par le schéma.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#transports

CHAPITRE VI - L'ÉNERGIE

Antoine LEFÈVRE

Sénateur de l'Aisne

I. PROPOS INTRODUCTIF

À quelques semaines de la COP21, il est naturel que les regards se tournent vers les collectivités territoriales : leur action conditionnera largement le succès de la lutte contre le changement climatique, dont les États se préparent à fixer les objectifs pour les années à venir.

Conscientes du rôle stratégique qui leur est ainsi dévolu, les collectivités revendiquent l'exemplarité de leurs initiatives dans le domaine crucial de l'énergie, que ce soit en répondant à des appels à projets thématiques (« ville de demain », « territoire à énergie positive », « ville respirable », « zéro-déchets - zéro-gaspillage », etc.) ou en obtenant la labellisation de projets locaux (bâtiments performants, énergies renouvelables, efficacité énergétique).

Participant à plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre, l'énergie est une dimension essentielle de la lutte contre le réchauffement climatique. Si la démarche étatique est importante dans ce domaine, notamment pour fixer une stratégie nationale, elle trouverait rapidement ses limites, si nos villes, nos départements et nos régions ne prenaient pas le relais avec l'ambition de créer un modèle décentralisé de production et de distribution de l'énergie.

En effet, la mobilisation de sources d'énergie locales (panneaux solaires, géothermie, éolien, biomasse, hydroélectricité, cogénération) offre une vaste gamme de solutions pertinentes. Les collectivités territoriales sont, en fonction de ce potentiel, un échelon particulièrement efficace de la politique de transition énergétique.

C'est pour en donner une illustration et pour encourager ainsi la fertilisation croisée des initiatives, que votre rapporteur relate dans le présent rapport les actions de plusieurs collectivités territoriales engagées dans des voies innovantes en faveur de la réduction des consommations énergétiques. Les bonnes pratiques doivent en effet être portées à la connaissance de tous les élus locaux, notamment dans les territoires ruraux encore trop souvent exclus des innovations technologiques. Chacun doit se sentir concerné, commune de taille modeste ou grande collectivité, et doit savoir comment procéder.

Votre rapporteur a d'abord choisi l'exemple de la métropole niçoise en tant que laboratoire de ville intelligente, capable d'offrir de nouveaux services connectés aux collectivités et aux usagers tout en participant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Il a ensuite souhaité présenter le marché public de performance énergétique de Roannais Agglomération qui a permis, en agissant sur les équipements municipaux, de réaliser d'importantes économies d'énergies et de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre de ses bâtiments.

Votre rapporteur a également voulu mettre en avant la rénovation énergétique du quartier de la Divette, au centre-ville de Cherbourg, désormais alimenté par une source d'énergie locale, un réseau de chaleur, dans le but de maitriser les consommations énergétiques liées au chauffage des logements tout en valorisant les énergies renouvelables.

Enfin, il a choisi l'exemple de la ville de Sainte-Adresse, qui s'est engagée dans une opération de rénovation de son parc d'éclairage public afin de réaliser des économies d'énergie durables dans le cadre d'un contrat de performance énergétique.

Cette diversité d'exemples témoigne de l'importance de bien comprendre chaque territoire. La transition énergétique est en effet conditionnée par la réalisation du bon diagnostic sur le bon territoire 32 ( * ) . C'est pourquoi votre rapporteur invite les élus locaux à rechercher les investissements les plus utiles en s'appuyant sur les meilleures technologies, celles qui sont les plus adaptées à chaque situation et offrent le meilleur rendement sur le terrain considéré.

Enfin, votre rapporteur veut souligner que dans le contexte budgétaire actuel des collectivités territoriales, fortement touchées par la baisse des dotations de l'État, les actions au service de la réduction de la consommation d'énergie, au-delà de leurs vertus écologiques (réduction de l'empreinte carbone), sont aussi une opportunité non négligeable pour réduire la facture des collectivités et créer des emplois verts non délocalisables.

II. NICE MÉTROPOLE : LE DÉPLOIEMENT DE RÉSEAUX INTELLIGENTS AU SERVICE DES ÉCONOMIES D'ÉNERGIE

Le 9 juillet dernier, votre rapporteur s'est rendu dans la métropole niçoise afin d'étudier les réalisations concrètes de la ville dans le domaine de l'énergie et au service de la lutte contre le réchauffement climatique.

Nice s'est engagée dans une véritable révolution technologique en construisant la ville connectée de demain. Si la création d'éco-quartiers ou le développement de sources d'énergie locale (33 % de la production énergétique est issue du territoire de la métropole) sont des actions notables, c'est la stratégie de la métropole en faveur de la « smart city 33 ( * ) » que votre rapporteur a souhaité présenter. En effet, depuis le début des années 2010, la métropole à fait le choix de se positionner comme un lieu de développement du numérique. Le territoire dépassera dans les cinq années à venir le million de capteurs (arrivées d'eau, stationnement, circulation, pollution, déchets) qui permettront de récolter les données numériques pour agir sur la qualité de l'air et de l'eau, ou encore l'efficacité énergétique des bâtiments. Les réseaux d'énergie deviennent donc un levier privilégié de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

A. LES OBJECTIFS

Il s'agit pour la ville de déployer des réseaux intelligents, dans la logique des « smart city », tournées vers le développement durable.

Dans cette perspective, la gestion de l'éclairage public et les équipements urbains connectés sont utilisés comme des leviers privilégiés pour répondre aux impératifs du développement durable.

B. LES ACTIONS

Les actions déployées par la municipalité niçoise ont été menées en partenariat avec l'entreprise Citelum, qui accompagne les villes en matière d'éclairage public, dans les domaines de la signalisation routière, des mises en lumière et des services urbains connectés (vidéo-protection, recharge de véhicules électriques, Wi-Fi...).

1. La vidéosurveillance intelligente

Votre rapporteur a eu l'opportunité de visiter le centre de supervision urbain 34 ( * ) de Nice Côte-d'Azur. Il a pu rencontrer les responsables de ce site, accéder à la salle de supervision et constater les applications concrètes d'un tel dispositif. Doté de 1 000 caméras dont 100 de vidéo-surveillance, il s'agit du premier complexe de vidéo-protection en France.

Si les applications en matière de sécurité publique (dispositif de dissuasion, lutte contre la délinquance, flagrants délits et élucidations d'enquête) sont notables, ce sont surtout les déclinaisons en matière de protection des personnes et des biens (faire face aux risques majeurs, incendies, coups de mer et évènements climatiques) et en matière de circulation (prévision des conditions de circulation, anticipation et prise en charge des accidents, fluidification du trafic routier) qui ont retenu l'attention de votre rapporteur.

En effet, ces technologies permettent la surveillance des crues et des fleuves majeurs ainsi que des phénomènes météorologiques importants, les caméras permettant de s'approcher au plus près et sans risque pour les agents publics. Au moment où les évènements climatiques tendent à s'intensifier, il peut s'agir d'un outil précieux de veille pour nombre de collectivités concernées, notamment sur le littoral atlantique lourdement touché par la tempête Xynthia, ou avec les récentes crues dans le Sud de la France.

Par ailleurs, grâce aux outils prévisionnels, les conditions de circulation peuvent être anticipées et la circulation améliorée sur les axes principaux (notamment par les détections des comportements qui gênent le trafic, tel les stationnements en double ou triple file), contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

2. L'éclairage public et la mobilité urbaine

La ville de Nice a conclu en 2014, avec Citélum, un marché de service pour l'entretien et la maintenance de l'ensemble de son éclairage public. La municipalité a par ailleurs fait concevoir par cette même entreprise le poste central de régulation du trafic, et lui a confié l'entretien et la maintenance de la signalisation lumineuse tricolore.

La ville de Nice s'est également engagée, depuis 2008, dans un vaste plan de rénovation et de restructuration afin de devenir un modèle d'Ecocité au bord de la Méditerranée, une part essentielle du projet d'Ecocité consistant en la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de mobilité (transport, stationnement et circulation).

Plus spécifiquement pour le stationnement, comme nombre de collectivités en France, la ville doit faire face à des difficultés : des capacités globales de stationnement en voirie et en parc auto inférieures aux besoins ; une forte perturbation de la circulation liée au manque de stationnement ; la difficulté de développer de nouvelles capacités de stationnement en surface ; un taux de recouvrement du stationnement payant en voirie notoirement insuffisant ; et des difficultés de gestion des emplacements réglementés (livraison, invalidité, etc.).

Les solutions retenues ont été d'équiper de capteurs 11 000 places de stationnement et de déployer 600 nouveaux kiosques multiservices connectés, en remplacement des horodateurs traditionnels, avec une application smartphone « Nice City Pass » destinée aux usagers.

L'ensemble de ces dispositifs doit permettre aux usagers, mais aussi aux acteurs de la gestion de l'espace urbain, d'obtenir en temps réel des informations telles que l'état des places de parking sur la voirie publique, le trafic, les horaires des transports publics, la présence de taxis, le taux de pollution, les conditions météorologiques.

3. Le « boulevard connecté »

A l'occasion de la Convention « Innovative City » en juin 2013, la ville de Nice a présenté le premier « boulevard connecté » grâce à l'Internet des objets. C'est ainsi qu'a été inauguré le démonstrateur qui s'est tenu boulevard Victor Hugo pendant un an, sur un tronçon de 800 mètres, entièrement connecté à Internet pour informer en temps réel les habitants et les acteurs de la ville.

De nombreuses actions ont été nécessaires pour réaliser ce projet : télégestion des luminaires du réseau d'éclairage public, infrastructures radio, capteurs sur les candélabres, déploiement de kiosques multiservices, agrégation de données de mobilité, plateforme de stockage des données, déploiement de capteurs pour la luminosité, le trafic, la qualité de l'air, le bruit, l'humidité, la température et le taux d'occupation en déchets.

Dans le cadre de ce projet de « boulevard connecté » l'installation de centaines de capteurs sur les luminaires en voirie, mais aussi dans la chaussée, ou encore sur les containers a permis de collecter en temps réel des données sur la circulation, l'éclairage public, la propreté ou encore la qualité environnementale.

Si les collectivités sont aujourd'hui bien engagées dans la voie de la rénovation de leurs infrastructures (réseau de chaleur, station d'épuration, etc.), il convient désormais de générer des données, de les utiliser et de les rendre publiques afin d'inciter nos concitoyens à des comportements plus vertueux. En clair, grâce aux données récoltées, il s'agit de passer de la réaction à la prédiction et de construire ainsi des « territoires intelligents ».

C. LES RÉSULTATS

La vidéosurveillance intelligente, par la fluidification du trafic routier dans la ville, est une application particulièrement intéressante pour les collectivités territoriales en ce qu'elle permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Votre rapporteur s'est vu confirmer, par exemple, que les capteurs pour le stationnement avaient permis de limiter les engorgements et de faire baisser le nombre d'embouteillages constatés.

De même, le déploiement de services innovants de mobilité et de stationnement intelligent ou encore l'installation de bornes pour véhicules électriques favorisent la mise en place d'une gouvernance dynamique de la mobilité urbaine. Là encore, une réduction des émissions de gaz à effet de serre est constatée. Concrètement, pour les usagers aussi, les bénéfices sont tangibles. L'application « Nice City Pass » leur permet de connaître en temps réel la disponibilité des places de stationnement en voirie et dans les parkings en ouvrage, de payer leur stationnement au temps réellement consommé et d'être informés quant au moyen le plus rapide et le plus sûr pour se rendre d'un point à un autre de la ville. Les horodateurs, devenus de véritables kiosques multiservices avec écran tactile, permettent le paiement par pièces, le paiement par carte bancaire et le paiement sans contact.

Enfin, les solutions déployées, dans le cadre du « boulevard connecté » par exemple, apparaissent réellement novatrices car elles offrent à la ville connectée et durable de demain l'opportunité de générer des revenus supplémentaires (sur les parkings), de minimiser les coûts (sur la facture énergétique, la maintenance des services, le nombre de tournées de collecte de déchets 35 ( * ) ) et de réduire l'empreinte carbone (en maîtrisant le trafic, en anticipant les pics de pollution). Grâce à cette optimisation de la gestion, les villes pourront retrouver des marges financières, tout en proposant de nouvelles applications mobiles à visées sociale ou environnementale notamment.

En définitive, l'éclairage public, la surveillance urbaine (capteurs de pollution, capteurs de voierie) ou le stationnement intelligent sont autant d'activités qui concourent à la diminution des émissions carbonées en centre-ville. Votre rapporteur est d'avis que l'avenir est à la ville connectée et aux réseaux intelligents, et y voit un intérêt stratégique pour que les villes créent un environnement urbain plus intelligent, plus sûr et plus économe.

Votre rapporteur est persuadé qu'à la veille de cette mutation technologique, les collectivités doivent être accompagnées. Il existe à cet égard des outils contractuels que les élus locaux peuvent utiliser dans le cadre d'un marché global de performance. Ces marchés associent l'exploitation et la maintenance ou la conception-réalisation de prestations pour atteindre des objectifs chiffrés de performance, définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Les collectivités peuvent y trouver un intérêt car ces marchés comportent des engagements de performance mesurables, et sont donc généralement bien adaptés pour gérer l'éclairage public et les équipements urbains connectés.

En outre, ce type de marché tend à optimiser le budget de la collectivité (économies d'échelles entre différents domaines, maîtrise des dépenses d'énergie) tout en lui apportant le bénéfice d'installations innovantes 36 ( * ) . S'agissant par exemple d'un marché global de rénovation et de gestion de l'éclairage public, les dépenses d'énergie sont réduites de 40 à 60 %.

III. L'AGGLOMÉRATION DE ROANNE : UN MARCHÉ PUBLIC DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE AU SERVICE DE LA RÉDUCTION DES CONSOMMATIONS

Le 21 février 2014, l'Agglomération de Roanne a signé avec l'entreprise Cofely Services un marché de performance énergétique concernant des équipements publics.

Roannais Agglomération est une communauté d'agglomération regroupant 40 communes et 100 000 habitants. En 2013, elle était dotée d'un budget de 83 millions d'euros et comptait 350 agents.

A. LES OBJECTIFS

Roannais Agglomération, investie depuis 2009 dans un Plan climat-énergie territoriale (PCET) avec pour objectif de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, a souhaité contribuer plus fortement au développement durable en s'engageant dans un marché public de performance énergétique. Cette action s'inscrit dans une nouvelle démarche de Territoire à énergie positive (TEPOS) engagée depuis 2014.

L'objectif est de réaliser 50 % d'économie d'énergie sur quatre grands équipements sportifs 37 ( * ) accueillant près de 400 000 visiteurs par an, et de réduire de 65 % les émissions de gaz à effet de serre. Cette action est le deuxième volet d'un plan qui prévoyait dès 2013 un contrat de performance énergétique concernant trois bâtiments de bureaux.

B. LES ACTIONS

1. La réduction de la consommation énergétique de trois bâtiments propriétés de Grand Roanne Agglomération

Dès 2013, l'agglomération de Roanne a conclu avec l'entreprise Cofely Axima un contrat de performance énergétique (CPE), avec pour but la réduction de la consommation d'énergie, d'électricité et de gaz, de 34,5 %, soit 857 MWh.

Le montant du contrat s'est élevé à 1,5 million d'euros, incluant l'expertise, la conception des nouvelles installations, les travaux sur les systèmes de production d'énergie et d'éclairage, la maintenance durant dix ans ainsi que des actions de sensibilisation pour les usagers.

Trois bâtiments propriété du Grand Roanne Agglomération, d'une surface totale de 10 000 m², étaient concernés : le siège administratif de la ville, un bâtiment d'enseignement (technopôle Diderot) et un bâtiment abritant une pépinière d'entreprises et un data Center (Numériparc).

Différents moyens ont été mis en oeuvre pour parvenir à la réduction des consommations d'énergie : remplacement des groupes de production d'eau glacée par des pompes à chaleur réversible, substitution de certaines chaudières au bénéfice de chaudières à condensation, réutilisation de la chaleur dégagée par le processus de production de froid pour le chauffage de bureaux, installation de variateurs de vitesse, contrôle de commande des terminaux par thermostats d'ambiance, optimisation de l'éclairage, gestion par une solution 100 % logicielle de la consommation électrique des équipements informatiques, etc.

Par ailleurs, afin de pérenniser les économies réalisées et éviter les effets rebonds, l'agglomération de Roanne, en partenariat avec les utilisateurs des bâtiments, a mené une campagne de sensibilisation pour inciter les usagers à s'approprier les gestes verts et écoresponsables.

Là encore, votre rapporteur constate que le modèle contractuel du contrat de performance énergétique, relativement souple, aboutit à un engagement réel pour les collectivités territoriales. Ces dernières bénéficient en effet de garanties qui s'expriment en euros et en kilowattheures d'économies d'énergie ainsi qu'en économies de CO 2 . L'élément clé de ce type de contrat réside dans la garantie réelle de performance, car il oblige le prestataire à s'engager sur un niveau de consommation d'énergie et sur un montant financier, sources d'économies pour les collectivités territoriales.

2. Un marché de performance énergétique concernant quatre grands équipements sportifs

Quatre grands équipements sportifs (piscine, patinoire, halle de sport et boulodrome) concentrent à eux-seuls près de deux tiers des émissions de CO 2 de l'ensemble des bâtiments appartenant à la communauté d'agglomération.

Au terme de neuf mois de procédure, Roanne Agglomération, accompagné par le syndicat intercommunal d'énergie de la Loire, a choisi de déployer un marché de performance énergétique afin d'optimiser l'exploitation de ces installations, d'utiliser les énergies renouvelables et de mettre en oeuvre des solutions techniques plus respectueuses de l'environnement. Un marché de 7,4 millions d'euros sur douze ans, dont 3,3 millions d'euros de travaux, a été conclu en 2014. Il comprend des travaux innovants sur le bâti et les installations techniques (chaufferie bois, récupération de chaleur, éclairage LED) ainsi que sur la maintenance.

La majeure partie des travaux a été réalisée pendant l'été 2014, lors de la fermeture estivale de la patinoire, et dans les bâtiments du centre nautique. L'ensemble des modifications a été scindé en deux tranches de travaux, la première réalisée à l'été 2014 et la seconde à l'été 2015. Le choix de procéder aux travaux pendant la saison estivale a évidemment été motivé par la moindre fréquentation des équipements sportifs à cette période. Les travaux concernent les grands équipements suivants :

- le centre nautique « Nauticum », pour une surface de bâtiments de 5 372 m² : requalification complète du hall d'accueil, équipement en jets de douche à économiseur d'eau, revêtements des bassins en PVC armé et résine au lieu des carrelages, éclairage à LED plus performant et dynamique ;

- la patinoire, pour une surface de bâtiments de 4 537 m² : nouvelle couverture, ventilation des locaux plus performante, éclairage à LED plus performant ;

- le boulodrome « Pierre Souchon », pour une surface de bâtiments de 2 890 m² : isolation par l'extérieur, réfection des peintures intérieures, remplacement du système de chauffage et adjonction d'une centrale d'air ;

- la halle de sport « Vacheresse », pour une surface de bâtiments de 4 700 m² : agrandissement et rénovation, installation d'une chaufferie bois en complément des équipements existants pour substituer une part d'énergies renouvelables aux énergies fossiles.

Votre rapporteur retient ainsi trois grands volets au coeur de la démarche de l'agglomération roannaise, et constate que les économies d'énergie reposent sur des « bouquets de solutions » bâtiment par bâtiment :

- le premier volet est relatif au verdissement et à l'amélioration de la performance de la production énergétique. En matière de production d'énergie renouvelable, le maître d'ouvrage et le prestataire ont combiné des solutions différentes : la récupération de la chaleur de la patinoire 38 ( * ) pour chauffer la piscine, alimentant ainsi 50 % des besoins ; l'installation de biomasse ; la récupération de chaleur sur les eaux grises 39 ( * ) de la piscine ; et la mise en place d'équipements de solaires photovoltaïques ;

- le deuxième volet concerne l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments. Un certain nombre d'équipements ont été modernisés (des groupes froids plus performants, des chaudières, etc.) aux frais du prestataire, et l'éclairage a été complétement rénové grâce à des LED à très faible consommation d'énergie. En complément, un système de pilotage associant système numérique et expertise humaine a été développé ;

- enfin, le troisième volet repose sur la sensibilisation des usagers. Pour ce faire, le choix a été fait de travailler en partenariat avec les associations locales, par exemple en organisant des animations auprès des enfants dans les écoles.

C. LES RÉSULTATS

Les efforts d'économie d'énergie ont été optimisés grâce à la mobilisation de nombreuses techniques innovantes.

En complément des solutions plus classiques (isolation des bâtiments, rénovation des installations de traitement d'air et de chauffage, installation d'économiseurs d'eau), les résultats constatés et attendus sont loin d'être négligeables :

- 65 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, soit 758 tonnes par an de CO 2 ;

- 50 % de réduction de la consommation d'énergie (électricité et gaz), soit 3 420 MWh par an. Pour le principal équipement en particulier, le Nauticum, les énergies renouvelables fourniront au final 94 % de la consommation d'énergie. Dans le centre nautique, la reprise complète de l'étanchéité des bassins par la pose d'un liner en PVC armé permettra également de réaliser d'importantes économies d'eau en supprimant les fuites existantes ;

- 42 % de réduction de consommation d'eau, soit 26 000 m par an.

Le marché de performance énergétique a donc permis de mieux utiliser les énergies et de réduire leur impact environnemental. Les économies d'énergie, d'eau et de maintenance réalisées sur les douze années doivent compenser les dépenses engagées par la collectivité, qui devrait même réaliser plus d'un million d'euros d'économie.

S'agissant des utilisateurs des équipements, ils en retireront eux aussi un bénéfice puisque que le confort d'utilisation sera accru, notamment grâce à une meilleure isolation, une amélioration de la qualité de l'air intérieur ou encore un éclairage plus performant.

Votre rapporteur retient que dans l'ensemble, en combinant les actions des deux marchés de performance énergétique, l'agglomération roannaise aura réussi à réduire de 65 % le total de ses rejets de gaz à effet de serre de ses bâtiments, et généré 50 % de réduction de sa consommation d'énergie et 42 % de sa consommation d'eau sur ses plus grands équipements sportifs.

IV. LE QUARTIER DE LA DIVETTE À CHERBOURG OCTEVILLE : UN RÉSEAU DE CHALEUR ALIMENTÉ PAR L'EAU DE MER

L'Office Public de l'Habitat de la Communauté urbaine de Cherbourg, « Presqu'île Habitat 40 ( * ) », avec un patrimoine de 7 755 logements situés sur le territoire de la communauté urbaine, a souhaité miser dès 2012 sur la valorisation d'une source d'énergie locale gratuite et inépuisable : l'eau de mer.

Ce réseau de chaleur 41 ( * ) , alimenté par de l'énergie puisée dans l'eau de mer via deux pompes à chaleur, était très novateur puisqu'il s'agissait du premier d'une telle ampleur en France, avec autant de logements chauffés via ce système.

A. LES OBJECTIFS

En menant une vaste opération de rénovation et de réhabilitation de son patrimoine, l'enjeu stratégique pour la collectivité était triple :

- maîtriser les charges locatives de chauffage de 27 bâtiments, soit 1 079 logements sociaux ;

- lutter contre la précarité énergétique ;

- et participer au développement durable.

B. LES ACTIONS

1. Une solution énergétique sur mesure : le prélèvement de calories sur l'eau de mer

La solution énergétique a été développée par les bailleurs sociaux en partenariat avec EDF Optimal Solutions, chargée de la conception et de la réalisation, et Dalkia qui assure l'exploitation et la maintenance du réseau de chaleur pendant huit ans. Le choix d'une pompe à chaleur d'eau de mer, puisée dans un bassin situé à 300 mètres des bâtiments, est un choix technologique présentant l'avantage d'utiliser une énergie locale, disponible et renouvelable.

Concrètement, le pompage de l'eau se fait dans le Bassin du commerce du port de Cherbourg, situé à 300 mètres du quartier, au moyen de deux échangeurs qui prélèvent les calories contenues dans l'eau de mer. L'énergie ainsi récupérée est transmise, via deux pompes à chaleur 42 ( * ) , aux réseaux de chauffage et d'eau chaude sanitaire du quartier. Techniquement, les échangeurs situés dans le local de pompage prélèvent les calories de l'eau de mer à 12° C et les transmettent à un deuxième circuit d'eau. Les calories du second circuit d'eau sont ensuite valorisées. Ainsi, l'eau du réseau de chauffage, initialement à 50° C, est portée à 63° C, soit la température nécessaire pour chauffer les logements.

Un système intelligent de pilotage et de suivi permet désormais de contrôler en temps réel les performances des installations, de suivre les principaux paramètres et d'organiser la maintenance.

Votre rapporteur insiste sur le caractère vertueux de cette installation, car les pompes à chaleur qui opèrent ce transfert d'énergie produisent 3 kilowattheures (kWh) de chaleur avec 1 kWh d'énergie consommée. Des chaudières à gaz assurent l'appoint d'énergie nécessaire en cas de conditions climatiques extrêmes ou lors d'opérations de maintenance lourde.

Ce système assure les besoins de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire de plus de 1 000 logements, répartis sur une trentaine de bâtiments.

2. La signature d'un contrat de performance énergétique

L'Association syndicale de la Divette a conclu avec les entreprises EDF Optimal Solutions et Dalkia un contrat par lequel la performance énergétique est garantie 43 ( * ) . Il est prévu que si les performances énergétiques ne sont pas atteintes, les deux entreprises cocontractantes s'engagent à couvrir le coût de l'énergie nécessaire pour combler la production de chaleur.

En l'espèce, la garantie de résultats prévue par le contrat porte sur deux aspects : le coefficient de performance des installations 44 ( * ) , et la couverture des besoins énergétiques par pompe à chaleur à hauteur de 84 %.

3. Des actions complémentaires et indispensables

La rénovation des bâtiments est évidemment complémentaire de ces actions de transition énergétique. C'est dans cette perspective que les bailleurs sociaux ont fait réaliser une thermographie aérienne et un audit énergétique des bâtiments, débouchant sur la programmation de travaux d'isolation. Pour compléter ces actions, des travaux importants d'isolation ont donc été réalisés et les nouvelles constructions répondent désormais aux critères Très Haute Performance Énergétique (THPE).

Par ailleurs, une campagne de sensibilisation des habitants aux écogestes a été menée.

C. LES RÉSULTATS

Des résultats tangibles ont été enregistrés après neuf mois de travaux. Grâce à cette action, 84 % des besoins énergétiques liés au chauffage sont couverts par des énergies renouvelables de proximité (bâtiment à quelques centaines de mètres de la mer), 62 % des émissions annuelles de CO 2 liées au chauffage sont évitées, sans compter la réduction annuelle des charges pour les locataires à hauteur de 30 %.

Les 1 300 logements précédemment alimentés en chauffage et eau chaude sanitaire au fioul et au gaz, bénéficient d'un système de pompe à chaleur alimentée en eau de mer, permettant la baisse des émissions de gaz à effet de serre et le développement d'une énergie renouvelable de proximité.

Votre rapporteur souhaite donc attirer l'attention des élus locaux sur ces solutions d'éco-efficacité énergétiques pour les bailleurs sociaux. Cette expérience, qui a permis de maîtriser les charges de chauffage, participe concrètement à la lutte contre le réchauffement climatique. L'installation du réseau de chaleur permet en effet d'éviter chaque année l'émission de 1 730 tonnes de CO 2 , soit l'équivalent de 234 hectares de forêt plantés ou de 848 voitures retirées de la circulation.

Votre rapporteur note aussi que 81 % des travaux ont été réalisés par des entreprises de proximité. En effet, ce projet d'envergure a mobilisé une vingtaine de personnes de dix entreprises différentes. Le chantier a donc stimulé le tissu économique territorial, en confirmant la dynamique selon laquelle la mobilisation d'énergie locale est source de création d'emplois locaux et non délocalisés.

V. LA VILLE DE SAINTE-ADRESSE : UN CONTRAT DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE « LUMIÈRE » AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

La commune de Sainte-Adresse, située dans le département de la Seine-Maritime, s'est engagée dans une opération de rénovation de l'éclairage public afin de réaliser des économies d'énergie durables.

Cette opération s'est traduite par la signature avec l'entreprise Cofely Ineo, en avril 2015, d'un contrat de performance énergétique (CPE) pour un montant de 2,3 millions d'euros.

A. LES OBJECTIFS

À travers cette opération portant sur la rénovation, l'exploitation et la maintenance de l'ensemble du parc d'éclairage public, des installations sportives, des installations de signalisation lumineuse tricolore ou d'illuminations festives, la commune de Sainte-Adresse souhaite réduire de plus de moitié sa consommation d'énergie électrique, participer au développement économique de la municipalité et à l'embellissement nocturne de la ville.

B. LES ACTIONS

1. L'élaboration d'un schéma directeur d'aménagement lumière

La commune a élaboré un schéma directeur d'aménagement lumière afin d'améliorer la qualité et l'efficacité de l'éclairage.

Durant les douze années de durée du contrat de performance énergétique, plus de 80 % du parc d'éclairage public (soit 893 points lumineux) doivent être rénovés afin de réaliser une économie de plus de 55 % de la consommation énergétique.

En outre, afin d'améliorer davantage l'efficacité énergétique du parc d'éclairage public, un système de gradation et de supervision au point lumineux sera déployé. L'éclairage s'adaptera ainsi aux besoins réels des habitants de la commune.

Le contrat de performance énergétique comporte enfin un volet exploitation et maintenance nécessitant la réactivité et l'efficacité de l'entreprise partenaire qui s'est engagée à garantir la mise en sécurité des installations en moins d'une heure en cas d'avarie importante. Par ailleurs, la collectivité se voit assurée de l'intervention d'une équipe de maintenance sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

2. La mise en valeur du patrimoine historique de la ville à travers l'éclairage public

La ville de Sainte-Adresse a aussi fait le choix de mettre en valeur, grâce à l'éclairage public, deux sites de son patrimoine communal : la place Clemenceau et la statue du Roi Albert I er , ainsi que la chapelle Notre Dame des Flots. Elle a également prévu la rénovation de l'éclairage de la promenade François-Le Bel.

Dans son contrat de performance énergétique, la collectivité a d'ailleurs souhaité que son prestataire accorde une attention particulière à la performance énergétique des équipements et à leur installation en général.

3. Le déploiement d'un réseau de télégestion

La collectivité a également voulu se montrer attentive aux innovations technologiques et à l'évolutivité des technologies.

Le déploiement d'un réseau de télégestion au point lumineux sur l'ensemble de la commune doit ainsi permettre, d'une part, de réaliser à distance des abaissements de puissance sectorisés et, d'autre part, de récupérer des informations en temps réel sur l'état des installations.

L'autre atout de ce réseau actuellement déployé dans la commune tient à son évolutivité et à son ouverture possible vers la télégestion d'autres infrastructures de la ville (gestion de bâtiments, par exemple).

C. LES RÉSULTATS

Le contrat de performance énergétique ayant été signé en avril dernier, les résultats sont attendus dans les années à venir. Ils doivent permettre :

- une réduction de plus de la moitié (55 %) de la consommation d'énergie ;

- une mise en valeur par un éclairage plus économe de deux sites du patrimoine urbain de la ville ;

- le déploiement d'un réseau de télégestion au point lumineux sur l'ensemble de la commune ;

- de bénéficier d'une maintenance réactive et efficace.

C'est la modernisation du réseau (changement des lampes, amélioration de la qualité de l'éclairage et de la gestion du niveau d'éclairage) qui permettra de réaliser des économies d'énergie. Celles-ci financeront à la fois le rajeunissement du réseau municipal et les opérations d'illumination de certains bâtiments avec des éclairages plus sophistiqués.

Votre rapporteur observe que ce type de contrat au service de l'efficacité énergétique peut opportunément viser les écoles, les équipements sportifs, les bâtiments communaux et les éclairages publics de nos collectivités.

Surtout, ces contrats sont assortis d'une garantie de résultats : l'entreprise s'engage sur un montant d'économie d'énergie. Ces garanties peuvent s'exprimer dans des valeurs différentes (économie budgétaire, économie de CO 2 ou économie d'énergie), toujours mesurables.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :

http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#energie

CHAPITRE VII - LA BIODIVERSITÉ

Joël LABBÉ

Sénateur du Morbihan

I. PROPOS INTRODUCTIF

Loin d'être opposés, la biodiversité et le climat sont deux enjeux interdépendants.

La biodiversité est sans doute l'indicateur le plus visible du changement climatique qui constitue, aux côtés de l'artificialisation des sols, de la surexploitation des ressources et de l'émission de polluants, l'une des causes bien identifiées de sa dégradation. Pour preuve, 20 à 30% des espèces seraient exposées à un risque accru de disparition en cas d'augmentation de 1,5 à 2,5 degrés de la température 45 ( * ) .

À l'inverse, une biodiversité en bon état de conservation concourt à la lutte contre le changement climatique. Les écosystèmes jouent en effet un rôle essentiel dans le captage et le stockage du gaz carbonique. Près de la moitié des émissions produites par l'activité humaine sont absorbées par eux 46 ( * ) . Les océans, les forêts et les sols sont autant de « puits de carbone » qu'il convient de protéger. En outre, des écosystèmes sains et vivants permettent de faire plus efficacement face aux aléas climatiques extrêmes, dont la fréquence et l'intensité pourraient s'accélérer. Une gestion durable des zones humides, forestières ou agricoles contribue ainsi à renforcer la résilience des milieux naturels contre les risques d'inondation, d'incendie ou de sécheresse.

C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité mettre en lumière la relation d'interdépendance, trop longtemps négligée, qui existe entre la biodiversité et le climat : en protégeant les écosystèmes sur leurs territoires, les collectivités territoriales agissent directement en faveur de la biodiversité, et indirectement en direction du climat.

Pour ce faire, les collectivités disposent d'un panel de leviers, de surcroît peu onéreux. Ceux-ci visent à protéger les espèces et les milieux naturels, tels que les parcs naturels régionaux ou les espaces naturels sensibles, à inscrire la biodiversité dans les projets d'urbanisme et les opérations d'aménagement, via les déclinaisons de la trame verte et bleue, à développer des stratégies transversales, comme les stratégies régionales pour la biodiversité et les Agendas 21 locaux, ou encore à recueillir et diffuser les connaissances, avec les observatoires locaux de la biodiversité.

Parfois, un simple changement de pratiques peut suffire : favoriser la végétalisation sous toutes ses formes, y compris spontanée, en anticipant l'interdiction au 1 er janvier 2017 du recours aux produits phytosanitaires pour la gestion des espaces verts et des voiries 47 ( * ) , contribue à rafraîchir les agglomérations. En milieu urbain, une augmentation de 10% des surfaces végétalisées permet ainsi d'abaisser d'un degré la température dans un rayon de 100 mètres 48 ( * ) , réduisant d'autant le risque de formation d'îlots de chaleur, c'est-à-dire la rétention de la chaleur par le tissu urbain.

Le verdissement des villes ne se limite d'ailleurs pas à la création de jardins d'agrément, mais peut également prendre la forme de potagers ou de vergers. L'agriculture urbaine, portée par le renouveau des jardins partagés, est un outil de reconquête de la biodiversité en ville. Aux côtés des circuits courts, elle participe d'une nouvelle forme de notre alimentation, fondée sur la proximité des lieux de production et de consommation (voir encadré).

Telles sont les initiatives concrètes et pragmatiques dont votre rapporteur a souhaité rendre compte.

Dans cette optique, votre rapporteur a effectué un déplacement de terrain en juillet dernier dans le département du Morbihan.

Il a ainsi pu apprécier l'action du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, un exemple d'espace protégé labellisé en 2014, qui contribue utilement à la préservation de la biodiversité et du climat.

Il a également souhaité présenter les réalisations de l'une des communes membres de ce parc, Saint-Nolff, qui a élaboré et mis en oeuvre une stratégie globale en faveur de la biodiversité, en s'appuyant sur un Agenda 21 local dès 2006.

En complément de cette visite de terrain, votre rapporteur a entendu mettre en valeur d'autres collectivités, dont il a auditionné des représentants.

Il a ainsi voulu rappeler la démarche pionnière de la ville de Versailles, qui a opté pour le « zéro-phyto », c'est-à-dire la gestion naturelle et non plus chimique de ses espaces verts, depuis 2003.

En outre, votre rapporteur a souhaité étudier le cas de la ville de Paris, engagée dans un ambitieux programme de végétalisation dont les objectifs ont été posés dès le début des années 2000 et renforcés en 2014.

Enfin, votre rapporteur s'est intéressé aux réalisations de l'Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France. Créée en 2008 à l'initiative du conseil régional d'Ile-de-France, cette agence régionale qui regroupe 83 collectivités territoriales s'est imposée comme une structure de référence dans la mutualisation des connaissances relatives à la biodiversité.

Si la biodiversité a longtemps été le « parent pauvre » des politiques publiques, votre rapporteur constate avec satisfaction l'implication croissante des collectivités territoriales dans ce domaine. Dans nos régions, on dénombre ainsi 11 stratégies régionales de la biodiversité, au moins 33 observatoires régionaux de la biodiversité, et 51 parcs naturels régionaux couvrant 15% du territoire national 49 ( * ) .

Toutefois, l'érosion rapide de la biodiversité appelle à maintenir et intensifier cet effort. C'est en substance ce que retient votre rapporteur des auditions qu'il a conduites auprès des représentants du ministère en charge de l'Écologie, du Muséum national d'histoire naturelle et de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Comme le ministère l'a rappelé à votre rapporteur, 70 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne de 2006 à 2014, les cours d'eau comptent un obstacle tous les 6 km, et seulement 22% des habitats d'intérêt européen sont en bon état de conservation : la biodiversité est indéniablement en danger, au même titre que le climat.

Aussi votre rapporteur forme-t-il le voeu que les pratiques favorables à la biodiversité qu'il a choisi de mettre en lumière essaiment.

Parmi ces bonnes pratiques, il juge prioritaire que les collectivités anticipent l'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2017, de l'interdiction du recours aux produits phytosanitaires. Il rappelle que les collectivités, pour se préparer sereinement à cette perspective, peuvent prendre connaissance d'expériences, dont les plus anciennes ont maintenant une dizaine d'années, et tirer profit d'offres de formation à destination des agents communaux ou des élus.

En outre, votre rapporteur souhaite que la biodiversité cesse d'être portée par des actions ponctuelles, sinon confidentielles, pour devenir un objectif transverse, irriguant l'ensemble des politiques publiques. À l'échelle locale, il invite les collectivités à intégrer davantage cet objectif dans l'exercice de leurs compétences, à commencer par l'urbanisme et l'aménagement. Sur le plan national, il espère que l'Agence française pour la biodiversité, dont la création est en cours, offrira aux collectivités l'appui technique et les moyens financiers dont elles ont besoin.

Enfin, votre rapporteur insiste plus spécifiquement sur la nécessité de valoriser les aspects sans doute les plus méconnus de la biodiversité. La protection des espaces naturels et des espèces emblématiques est une action aujourd'hui bien établie ; elle doit être poursuivie et amplifiée. Cependant, il importe d'aller plus loin, en cessant de délaisser la « biodiversité ordinaire », c'est-à-dire le patrimoine naturel ne faisant pas l'objet de mesures de protection. Il est essentiel, pour votre rapporteur, d'accorder une attention spécifique à la biodiversité des sols et à la biodiversité des villes.

En définitive, votre rapporteur rappelle que, dans le contexte de la COP21, la lutte contre le réchauffement climatique ne saurait reléguer au second plan la préservation de la biodiversité ; tout au contraire, ces deux objectifs, interdépendants, doivent progresser d'un même pas.

Agriculture urbaine et circuits courts :
des modes de consommation vertueux en faveur de la biodiversité et du climat

Une manière originale de renforcer la place de la nature en ville est d'y favoriser l'émergence de nouvelles formes de production et de consommation.

C'est dans cette perspective que les collectivités accompagnent l'agriculture urbaine, en mettant à la disposition des particuliers, bien souvent réunis en associations de quartier, des jardins partagés. Héritiers des jardins ouvriers du XIX e siècle, ces parcelles cultivées, en plein renouveau depuis le début des années 2000, contribuent de manière positive à la préservation de l'environnement. Sur un plan écologique, les jardins partagés sont des réservoirs de biodiversité et participent à limiter les phénomènes d'îlots de chaleur. D'un point de vue socioéconomique, ils sont un vecteur de lien social ainsi qu'un complément de ressources. Enfin, les jardins partagés ont une fonction pédagogique, et sensibilisent les citadins à la nature.

Au cours de la réunion plénière de votre délégation du 8 octobre dernier, votre rapporteur a constaté, à travers les témoignages des membres de la délégation, l'implication des collectivités en faveur des jardins partagés.

Mme Caroline Cayeux a notamment fait part d'une initiale locale : « À Beauvais, nous avons doublé en quinze ans le nombre des jardins familiaux et nous les avons rendus accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Les parcelles, de 20 à 30 m², produisent suffisamment de légumes pour une famille de quatre personnes. Cela n'est pas négligeable quand on est au chômage. On prend l'air et on récolte les fruits de son travail. C'est aussi l'occasion de diffuser de bonnes pratiques écologiques comme le « zéro-phyto » ou le paillage pour éviter l'arrosage »

De son côté, le président Jean-Marie Bockel a fait observer que : « cette tradition des jardins familiaux existe aussi dans d'autres pays européens. Après un temps de déclin, ils connaissent aujourd'hui un regain d'engouement ».

Dans le même ordre d'idées, les collectivités utilisent également la commande publique pour promouvoir les circuits courts , c'est-à-dire des chaînes de commercialisation présentant le moins d'intermédiaires possible entre le producteur et le consommateur.

C'est sans doute dans le domaine de la restauration scolaire que les circuits courts, dont les bénéfices sont multiples, ont le plus progressé localement. Ces derniers offrent aux producteurs et aux consommateurs un gain mutuellement avantageux, susceptible de dynamiser l'économie locale : une marge plus forte pour les premiers, un prix plus faible pour les seconds.

Cette relation de proximité, gage de qualité et de sécurité alimentaires, permet de surcroît de limiter les émissions de gaz carbonique causées par le transport de marchandises.

À nouveau, votre rapporteur souhaite souligner l'engagement des collectivités dans ce domaine, dont les membres de votre délégation ont amplement témoigné.

M. Christian Manable a ainsi présenté une expérience conduite localement : « Dans le département de la Somme, nous avons lancé il y a cinq ans un dispositif de circuit court, grâce auquel nous fournissons quarante collèges. Nous n'aurions jamais pu le faire sans l'appui de la chambre d'agriculture, qui est une plateforme de distribution indispensable. Tout le monde en sort gagnant : les enfants mangent mieux, les agents des cantines, plutôt que d'ouvrir des boites de conserve, exercent leur métier avec plaisir, les producteurs locaux et, bien évidemment, notre planète. Nous avons largement relayé dans les médias cette opération intéressante, car nous aimerions atteindre l'objectif des cinquante collèges dans les années à venir.»

Mme Françoise Gatel a également rappelé une action mise en oeuvre dans ce domaine : « En Ille-et-Vilaine, au titre de l'association des maires - qui regroupe 353 communes -, j'ai noué un partenariat avec la chambre d'agriculture pour organiser une offre de circuit court, respectant les règles de commande publique et permettant de trouver les agriculteurs pouvant fournir une production suffisante. La chambre a créé une aide à la commande publique et structuré l'offre pour un approvisionnement continu.»

M. Jean-Marie Bockel a noté que des freins, notamment règlementaires, s'opposent encore à ce type de démarche : « Des communes rurales membres d'agglomérations produisent des biens agricoles. Hélas, les projets se heurtent à divers freins. Les cantines scolaires obéissent à des règles de marchés publics et doivent limiter leurs coûts. Les bonnes raisons pour ne pas choisir un circuit court ne manquent pas. J'ai réalisé, chemin faisant, qu'il n'était pas simple de passer des intentions - ou de l'échelle associative - à la réalité, qui se révèle souvent bien plus complexe. »

II. LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU GOLFE DU MORBIHAN : UN ESPACE PROTÉGÉ

Le 3 juillet, votre rapporteur s'est rendu dans le département du Morbihan afin d'apprécier concrètement les actions mises en oeuvre par des collectivités territoriales en faveur de la biodiversité et du climat. À cette occasion, il a notamment rencontré les élus du Parc naturel régional (PNR) du Golfe du Morbihan.

Labellisé le 2 octobre 2014, le PNR du Golfe du Morbihan regroupe la région Bretagne, le département du Morbihan, ainsi que 30 communes et 5 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il s'étend sur 64 200 hectares et concerne 166 500 habitants. Une aire d'intérêt maritime de 17 000 hectares lui est associée.

Avec le PNR du Golfe du Morbihan, votre rapporteur a souhaité mettre en lumière un exemple récent de parc naturel régional, le 50 e parc de France, qui constitue un outil pertinent pour mettre en place un projet de territoire partagé en faveur de la biodiversité.

A. LES OBJECTIFS

Le PNR du Golfe du Morbihan, qui était organisé sous la forme d'un syndicat intercommunal d'aménagement avant sa labellisation en 2014, est né du souhait de fédérer autour d'une démarche volontaire des communes soucieuses de protéger un territoire où la biodiversité est remarquable, quoique soumise à diverses pressions. À titre d'illustration, la multiplication par 2 de la démographie et par 8 de l'urbanisation en quarante ans, de même qu'un nombre de 2 millions de visiteurs par an, sont autant de facteurs d'érosion potentiels.

C'est pourquoi le PNR du Golfe du Morbihan a choisi d'inscrire dans sa charte, qui comprend 3 axes, 8 orientations et 43 mesures, des objectifs ambitieux en faveur de l'environnement.

Parmi les objectifs fixés par la charte figurent :

- la protection de la biodiversité, avec notamment la prise en compte de la trame verte et bleue dans les documents d'urbanisme et les opérations d'aménagement des communes et des EPCI membres (orientation 1, visant à « préserver, sauvegarder et améliorer la biodiversité » ) ;

- la préservation de l'eau, par exemple à travers le maintien et la restauration des milieux aquatiques (orientation 2 destinée à « préserver l'eau, patrimoine universel » ) ;

- et la promotion d'un aménagement durable, au regard des enjeux posés par le réchauffement climatique en particulier (orientation 5 tendant à « assurer un développement et un aménagement durable » ).

Votre rapporteur a eu l'occasion de s'intéresser plus précisément à trois projets concrets, qui contribuent à faire progresser respectivement les objectifs de protection de la biodiversité, de préservation de l'eau et d'adaptation au changement climatique inscrits dans cette charte.

B. LES ACTIONS

1. La prise en compte de la trame verte et bleue dans les documents d'urbanisme et les opérations d'aménagement

Depuis le début des années 2000, le PNR du Golfe du Morbihan accompagne les collectivités territoriales pour qu'elles puissent favoriser la biodiversité dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme. En 2003, le parc a ainsi identifié et cartographié les continuités écologiques, c'est-à-dire les possibilités de circulation des espèces, sur son territoire. À partir de 2004, il a sensibilisé les élus locaux à la nécessité de préserver ces continuités écologiques dans leurs documents de planification.

Cette action s'est poursuivie et intensifiée depuis la création, par les lois du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010, dites « Grenelle I et II », de la trame verte et bleue, outil d'aménagement du territoire dont l'objectif est d'enrayer le déclin de la biodiversité en préservant les zones d'habitat naturel (les réservoirs de biodiversité) et les passages qui les relient entre elles (les corridors écologiques). Les collectivités ont désormais l'obligation légale de prendre en compte la trame verte et bleue dans leurs documents d'urbanisme et leurs opérations d'aménagement. Elles trouvent auprès du PNR un appui technique afin de les aider à se conformer à cette obligation.

C'est ainsi que la communauté de communes de la Presqu'île de Rhuys, qui comprend 5 communes et 13 522 habitants, a sollicité le PNR afin d'évaluer l'état de fonctionnement de la trame verte et bleue identifiée dans le cadre de son schéma de cohérence territoriale (SCOT). En partenariat avec un lycée d'enseignement agricole, un outil d'évaluation, fondé sur le suivi d'espèces emblématiques a été mis en place en 2013. Les premiers résultats ont été livrés dès l'année suivante. Ce projet partenarial a permis à l'EPCI d'évaluer la pertinence de son document d'urbanisme, au parc de renforcer l'état des connaissances scientifiques dont il dispose, et au lycée agricole de poursuivre une nouvelle finalité pédagogique.

Votre rapporteur se félicite de cette action partenariale, qui rappelle la nécessité pour les collectivités territoriales de mobiliser leurs compétences en matière d'urbanisme afin de favoriser la biodiversité, et d'en évaluer autant que possible les résultats.

2. La restauration de la continuité écologique des cours d'eau, et le renforcement de leur résilience face au changement climatique

Depuis 2008, le PNR du Golfe du Morbihan pilote un programme de restauration des cours d'eau du bassin versant de la rivière de Pénerf, dans le cadre d'un Contrat territorial milieux aquatiques (CTMA) conclu avec l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.

L'enjeu de ce programme est d'améliorer l'état écologique de ces cours d'eau sur 25 kilomètres, en remontant leur lit et en les reconnectant aux prairies adjacentes. Cette action permet de rétablir la continuité écologique sur ces milieux, c'est-à-dire la possibilité de circulation des espèces et des sédiments. Elle favorise également leur résilience, soit leur capacité à faire face aux événements climatiques extrêmes : un débit mieux régulé permet en effet de limiter le risque d'inondation en hiver, et de sécheresse en été.

Ce programme, dont votre rapporteur a pu apprécier la mise en oeuvre lors d'une visite de terrain sur un site récemment restauré, est favorable à la biodiversité et utile pour l'adaptation des écosystèmes aux effets du changement climatique.

3. Un exercice de prospective envisageant l'impact du changement climatique et identifiant des stratégies d'adaptation

Entre 2008 et 2011, le PNR du Golfe du Morbihan a participé au programme européen « Innovative Management for Europe's Changing Coastal Resource » (IMCORE). Associant 17 partenaires issus de 5 pays européens (Belgique, France, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni), ce projet avait pour objectif de déterminer des scenarii d'évolution des littoraux européens face à la montée des eaux. Soucieux de faire émerger une culture partagée entre les acteurs locaux et scientifiques, il était porté par des « tandems » composés d'une collectivité territoriale et d'une institution universitaire. C'est pourquoi le parc a collaboré avec l'Université de Bretagne occidentale (UBO). Était également mobilisé le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), qui a élaboré une cartographie de la montée prévisible des eaux.

Ce projet a notamment permis d'envisager les effets du changement sur la biodiversité du Golfe du Morbihan. La montée des eaux pourrait rendre les côtes rocheuses et les îles plus vulnérables au risque d'érosion. Le changement climatique est en outre susceptible d'avoir un impact négatif sur la flore et la faune, avec un risque de disparition dans le Golfe du Morbihan d'espèces d'arbres (les chênes pédonculés), de coraux (les gorgones) ou d'oiseaux (les macareux moines) 50 ( * ) .

Afin de prolonger cet exercice de prospective, le PNR a élaboré un outil d'aide à la décision à destination des collectivités territoriales en 2012, dénommé « Climat, Adaptation, Changements, Territoires, Usages » (CACTUS). Cet outil permet de porter à la connaissance des élus locaux les enjeux liés au changement climatique dans tous les champs de l'action publique locale, afin qu'ils puissent élaborer des stratégies d'adaptation.

Votre rapporteur salue ces travaux de prospective, qui mettent en lumière les effets du changement climatique sur la biodiversité et rappellent l'intérêt de développer des stratégies d'adaptation.

C. LES RÉSULTATS

Les actions entreprises par le PNR du Golfe du Morbihan ont eu des résultats bénéfiques pour la biodiversité et le climat.

En ce qui concerne les continuités écologiques, le travail qui a été engagé depuis plus d'une décennie par le parc a permis de mieux identifier la répartition de la biodiversité sur son territoire, et d'accompagner les collectivités territoriales afin qu'elles orientent leurs documents d'urbanisme et leurs opérations d'aménagement en conséquence.

S'agissant des cours d'eau du bassin versant de la rivière de Pénerf, le programme de restauration piloté par le parc a été achevé pour 16 kilomètres de voies d'eau et se poursuit sur 9 kilomètres supplémentaires. Quelque 160 agriculteurs ont été mobilisés pour la mise en oeuvre de ce projet, les cours d'eaux étant bien souvent situés sur des terrains agricoles.

Le programme de restauration a été doublement positif, du point de vue du climat et de la biodiversité :

- d'une part, la résilience des cours d'eaux a été renforcée. Le programme de restauration, en contribuant à faire passer le débit du bassin versant mesuré à une station hydrométrique de 8,4 millions de mètres cubes en 2010-2011 à 12,7 millions de mètres cubes en 2012-2013, a permis de soutenir l'étiage et de réduire les effets des inondations ;

- dautre part, la biodiversité a été favorisée. Sur l'un des bras de la rivière, les indicateurs de suivi témoignent ainsi d'une amélioration de la présence d'invertébrés (indice de 16, soit une bonne qualité) et de poissons (indice de 17,43, soit un état médiocre).

Quant aux exercices de prospective, pour lesquels le parc a mobilisé près de 70 acteurs, ils ont contribué à mieux informer les élus locaux, et au-delà, la population, sur les effets prévisibles du changement climatique et la nécessité d'envisager des stratégies d'adaptation.

III. LA COMMUNE DE SAINT-NOLFF : UN AGENDA 21 LOCAL

Au cours de son déplacement dans le Morbihan, votre rapporteur a également souhaité échanger avec les élus de la commune de Saint-Nolff.

Cette commune de 3 802 habitants est engagée depuis longue date dans la préservation de la biodiversité. Cette action a été structurée autour d'un Agenda 21 local et d'une charte « Zéro phyto », tous deux adoptés par la commune en 2006.

Votre rapporteur a voulu mettre en lumière, à travers la commune de Saint-Nolff, un exemple d'Agenda 21 local, qui constitue un document stratégique pertinent pour définir un plan d'actions lisible et cohérent en faveur de la biodiversité, à même de mobiliser toutes les parties prenantes.

A. LES OBJECTIFS

C'est la volonté de protéger la biodiversité, tout en permettant une urbanisation maîtrisée et un développement harmonieux, qui a incité la commune de Saint-Nolff à mettre en place un Agenda 21 local.

L'enjeu, pour cette commune, était de préserver ses espaces naturels et agricoles, dans un contexte de forte croissance urbaine suscitée par la proximité immédiate avec l'agglomération de Vannes. En effet, la population de la commune a été multipliée par 4 entre 1970 et 2010. Cet essor démographique a favorisé l'étalement urbain, le centre-bourg ayant été concurrencé par des lotissements construits récemment en périphérie. En 2000, seul un tiers de la population communale y résidait encore.

Ce phénomène de périurbanisation a été identifié comme étant un facteur de risque pour la biodiversité, pourtant singulière sur ce territoire. 90% du territoire communal est en effet couvert par des espaces naturels et agricoles. Plus précisément, on dénombre 30% d'aires boisées et 7% de zones humides. En outre, la commune, qui présente un relief accidenté, est traversée de part et d'autre par la rivière du Condat.

B. LES ACTIONS

1. La préservation des espaces naturels

Dès 2006, la commune a fait le choix d'inscrire dans son projet local d'urbanisme (PLU) des orientations fortes en faveur de la biodiversité. Aussi a-t-elle souhaité recentrer l'urbanisation sur le centre-bourg et sanctuariser les espaces naturels et agricoles. Par ailleurs, la commune a entendu se doter d'instruments de maîtrise foncière afin de développer dans les zones constructibles des opérations publiques d'aménagement présentant un haut niveau d'exigence au regard de la biodiversité.

À titre d'illustration, l'Eco-cité du Pré Vert, dont la construction a été engagée en 2008, doit permettre la création de 130 logements individuels et collectifs sur un espace de 5,5 hectares, parfaitement intégrés aux milieux naturels alentour. C'est pourquoi il a été prévu sur ce site de favoriser les continuités écologiques au moyen d'un maillage bocager, d'espaces verts et de jardins familiaux. Afin d'offrir aux résidents un accès direct à la nature, la commune a par ailleurs acquis 3 hectares d'espaces naturels jouxtant l'Eco-cité, où elle a créé un sentier dit de la « la Coulée verte ».

Votre rapporteur souligne que, si la densification doit être promue afin de concilier le développement urbain et la préservation de la biodiversité, elle doit nécessairement s'accompagner d'une proximité avec des espaces verts ou naturels pour que le cadre de vie demeure agréable.

Parce que la préservation des espaces naturels ne saurait se limiter à la seule maîtrise foncière, la commune est allée plus loin en valorisant ces espaces au moyen de plans de gestion. Pour ce faire, elle a confié à un lycée d'enseignement agricole le soin de réaliser un état des lieux des espèces animales et végétales, sur la base duquel ont été proposés des « chantiers citoyens ».

Un certain nombre d'initiatives portées par des bénévoles ont ainsi été entreprises dans les zones boisées (arrachage de plantes invasives, taille de régénération, plantation d'arbres et d'arbustes) et humides (suppression d'embâcles, créations de mares, fleurissement de berges).

2. La gestion différenciée des espaces verts

En 2006, la commune s'est engagée dans une démarche « Zéro phyto » , en privilégiant une gestion naturelle au traitement chimique de ses 8,5 hectares d'espaces verts.

Cette démarche a nécessité, pour sa mise en oeuvre, un effort explicatif auprès de la population ainsi qu'une réorganisation du travail des agents communaux.

Pour atteindre l'objectif d'abandon des produits phytosanitaires sur son domaine public, la commune s'est appuyée sur une technique de la gestion différenciée , qui consiste à entretenir différemment les espaces verts selon leurs caractéristiques et leurs usages.

Dans cette perspective, il a tout d'abord fallu identifier les espaces verts dont la population juge le désherbage prioritaire, afin d'y concentrer l'essentiel du travail des agents communaux. De la sorte, certains secteurs sont dorénavant tondus régulièrement, tandis que d'autres le sont moins fréquemment. Le souci de conservation de la biodiversité a d'ailleurs conduit la commune à opter dans certaines zones pour la « fauche tardive », c'est-à-dire un fauchage annuel ou bisannuel des prairies afin de permettre à l'avifaune de s'y développer.

L'étape suivante a consisté à former les agents communaux au maniement de techniques alternatives aux produits phytosanitaires. Les agents recourent désormais à des solutions de désherbage préventives (plantation d'espèces vivaces ou de prairies fleuries, paillage végétal ou minéral, installation de couvre-sol) ou curatives (désherbage thermique, mécanique et manuel).

Enfin, il s'est agi de sensibiliser la population à cette démarche. C'est ainsi que la commune a engagé des actions d'information et de communication en installant des panneaux explicatifs et en organisant des conférences.

3. Des actions de sensibilisation auprès du jeune public

En complément de sa politique en matière de préservation des espaces naturels et de gestion différenciée des espaces verts, la commune a entrepris plusieurs actions pédagogiques, à l'attention du jeune public notamment. À cette fin, elle s'est appuyée sur le conseil municipal des enfants et des associations de naturalistes.

À titre d'exemples, un rucher et des nichoirs ont été implantés.

Votre rapporteur rappelle que ces actions pédagogiques, loin d'être anecdotiques, sont essentielles pour mettre en valeur la biodiversité, patrimoine trop souvent méconnu : par ce biais, simple et peu coûteux, les collectivités favorisent les comportements vertueux et promeuvent un rapport renouvelé à la nature.

C. LES RÉSULTATS

L'Agenda 21 local mis en place par la commune de Saint-Nolff a permis de favoriser durablement la biodiversité sur le territoire communal.

La politique d'urbanisme et les opérations d'aménagement de la commune ont contribué à densifier le centre-bourg et à préserver ainsi les espaces naturels et agricoles adjacents.

Huit années après sa mise en place, la gestion différenciée a eu des résultats probants. La démarche « Zéro phyto » a permis de limiter la pollution des sols et de réaliser des économies, compte tenu de l'arrêt de l'utilisation des produits phytosanitaires et d'une moindre consommation en eau. Bien que les agents communaux aient vu leur travail réorganisé et priorisé pour faire face aux 800 heures de désherbage supplémentaires induites par l'abandon de ces produits, ils ont bien accepté cette démarche, perçue comme saine. Il en est de même pour la population, même si des inquiétudes se sont un temps fait jour quant à l'entretien de certains lieux, comme le cimetière ou le terrain de sport.

Quant aux actions pédagogiques menées par la commune auprès du jeune public, elles ont concouru à sensibiliser les nouvelles générations aux enjeux climatiques et environnementaux.

IV. LA VILLE DE VERSAILLES : UNE DÉMARCHE « ZÉRO-PHYTO »

La ville de Versailles, qui compte 87 530 habitants, a été l'une des premières collectivités à opter pour une démarche « Zéro phyto », en cessant d'utiliser les produits phytosanitaires pour la gestion de ses espaces verts dès 2003.

Votre rapporteur a souhaité rappeler cette expérience pionnière, dont les moyens modiques et les résultats probants sont riches d'enseignements, dans la perspective de l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2017 de l'interdiction du recours aux produits phytosanitaires.

A. LES OBJECTIFS

Avec 1 275 hectares d'espaces verts et de forêts sur une superficie globale de 2 370 hectares, la ville de Versailles a hérité d'un patrimoine naturel exceptionnel, depuis la création et l'aménagement des jardins de Versailles par André Le Nôtre au XVII e siècle.

L'adoption de solutions alternatives aux produits phytosanitaires, pour la gestion des espaces verts communaux a répondu à quatre objectifs. Il s'est agi, tout d'abord, de limiter l'exposition du personnel municipal et des riverains aux produits phytosanitaires. L'enjeu a également été d'éviter la pollution des sols et de préserver les ressources en eau. C'est aussi la volonté de favoriser la biodiversité qui a conforté la ville dans sa décision de cesser de recourir aux pesticides. Enfin, l'image de marque de Versailles, réputée pour ses jardins, a confirmé le choix de la ville en faveur d'une gestion naturelle de ses espaces verts.

B. LES ACTIONS

1. Le déploiement de techniques alternatives

Depuis 2003, la ville de Versailles a cessé de recourir aux produits phytosanitaires, de manière progressive, quoique rapide. C'est ainsi que la ville a abandonné ces produits, d'abord dans les espaces verts, de 2003 à 2007, puis sur les 240 kilomètres de trottoirs et les 120 kilomètres de voies publiques en 2006, les 4 cimetières en 2009, et le terrain de sport en 2013. Depuis, il n'a plus été fait usage de traitement chimique (herbicide, fongicide, acaricide, insecticide, engrais) sur le domaine de la ville

Afin de remplacer ces techniques, désormais abandonnées, la ville de Versailles a mobilisé trois leviers d'action :

- d'une part, elle a opté pour des solutions de désherbage respectueuses de l'environnement ;

- d'autre part, elle a engagé une réflexion fine dans la sélection des essences, en favorisant notamment la plantation dans les massifs de plantes vivaces, qui nécessitent moins de temps d'entretien ;

- enfin, le choix a été fait de maintenir la végétation spontanée sur certains lieux, en veillant toutefois à ce que sa place demeure acceptée par la population.

2. La formation du personnel

Ce changement de pratiques a nécessité de conduire des actions de formation auprès des agents communaux, des directeurs techniques et des élus locaux. La démarche « Zéro phyto » a notamment été l'occasion de développer les connaissances et les compétences des personnels, dont les tâches ont été enrichies et valorisées : le savoir et le savoir-faire horticoles ont été redécouverts. Elle a, en outre, permis de promouvoir un travail plus transversal entre les services (espaces verts, entretien, voirie, urbanisme), et d'engager une réflexion en amont destinée à concevoir des espaces publics nécessitant peu d'entretien. Pour faire face aux périodes de forte activité, au printemps (avril à juin) et à l'automne (septembre et octobre), les économies induites par l'abandon des produits phytosanitaires ont été utilisées pour l'emploi de personnes en insertion professionnelle.

De manière plus originale, la ville de Versailles a souhaité diversifier les missions de ses agents communaux en leur proposant de participer à des actions scientifiques et pédagogiques. En partenariat avec le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), dix agents concourent à des programmes de sciences participatives destinés à inventorier la faune (« Propage ») et la flore (« Florilèges »). En outre, trois agents interviennent dans les établissements scolaires, où ils contribuent à l'éducation des élèves à l'environnement.

Votre rapporteur observe que la formation des agents communaux et des élus locaux est un facteur de succès dans le remplacement des produits phytosanitaires par des techniques alternatives, et appelle les collectivités à se saisir des offres existantes.

3. L'information de la population

Outre la formation du personnel, la démarche « zéro phyto » a aussi été portée par des actions de communication auprès de la population. Des documents explicatifs ont ainsi été distribués aux riverains. Dans le prolongement de cette démarche, la ville de Versailles a souhaité sensibiliser davantage la population à la biodiversité à travers des installations pédagogiques, telles que les ruchers, ou des opérations évènementielles, comme le festival « Esprit jardin ».

Votre rapporteur rappelle que l'information de la population est un préalable indispensable pour la réussite de la gestion naturelle des espaces verts en lieu et place de leur traitement chimique, et invite les collectivités à ne pas négliger ce levier d'action.

C. LES RÉSULTATS

Les résultats de la démarche « zéro phyto » engagée par la ville de Versailles sont remarquables au regard des moyens modestes qu'elle a mobilisés, le budget des espaces verts de la ville étant resté constant.

Sur le plan environnemental, la commune évalue à 130 000 litres la quantité annuelle de produits phytosanitaires qui ne sont plus utilisés sur son domaine public.

D'un point de vue financier, le coût annuel du fleurissement est resté maîtrisé à 70 249 euros en 2014 contre 63 037 euros en 2005, alors même que les surfaces fleuries ont été multipliées par quatre, passant de 3 300 m 2 à 14 338 m 2 sur la même période.

V. LA VILLE DE PARIS : UN PROGRAMME DE VÉGÉTALISATION

La ville de Paris s'est engagée depuis le début des années 2000 dans un ambitieux programme de végétalisation, dont le premier Plan climat énergie, adopté en 2007, et le Plan de biodiversité, voté en 2011, ont constitué des étapes importantes. Ce programme a été prolongé et renforcé, avec de nouveaux engagements couvrant la période 2014-2020.

Avec l'exemple de la ville de Paris, votre rapporteur a entendu valoriser les initiatives entreprises en faveur de la végétalisation des villes. Ces actions simples favorisent la biodiversité en milieu urbain et participent d'une stratégie d'adaptation au changement climatique.

A. LES OBJECTIFS

Les finalités du programme de végétalisation de la ville de Paris sont multiples.

La végétalisation est l'une des actions entreprises par la ville dans sa stratégie d'adaptation au changement climatique, dans la mesure où elle permet de lutter contre les effets des évènements climatiques extrêmes, telles les canicules ou les intempéries.

La ville de Paris mobilise ainsi la végétalisation pour prévenir la formation d'îlots de chaleur, c'est-à-dire la forte hausse de la température observée en milieu urbain par rapport aux zones rurales ou péri-urbaines. À titre d'illustration, ce différentiel, imputable à la densité du bâti et à l'imperméabilité des sols, avait atteint 8°C entre Paris et le reste de la région Ile-de-France durant la canicule de 2003 51 ( * ) .

Utile contre les épisodes de canicule, la végétalisation présente également un intérêt face aux intempéries. Les toitures végétalisées et les espaces verts contribuent en effet à une meilleure gestion des eaux pluviales, en évitant notamment le risque de saturation du système d'évacuation des eaux.

Si la végétalisation est une voie d'adaptation aux effets du changement climatique, elle apparaît également intéressante au regard de ses bénéfices pour la biodiversité. En encourageant la végétalisation, il s'agit en effet de renforcer les continuités écologiques et de favoriser la proximité des citadins avec la nature.

C'est donc un double objectif d'adaptation aux effets du changement climatique et de promotion de la biodiversité urbaine, qui a conduit la ville de Paris à lancer un programme de végétalisation.

B. LES ACTIONS

1. Les premières actions engagées avant 2014

C'est au début des années 2000 que la ville de Paris a entrepris de végétaliser massivement son territoire.

En 2005, la ville a engagé la création de toitures terrasses sur les bâtiments communaux nouvellement construits ou faisant l'objet de certains travaux de rénovation.

Dans le cadre de son premier Plan climat énergie, adopté en 2007, elle a explicitement identifié la végétalisation comme un outil d'adaptation au changement climatique, en précisant que « le végétal a une vraie place dans le processus de lutte contre le dérèglement climatique tant préventivement que pour l'adaptation aux aléas météorologiques » 52 ( * ) .

La végétalisation a par ailleurs été encouragée dans le cadre du Plan de biodiversité voté en 2011. Ce plan, qui regroupe 3 axes et 30 actions, a permis de formaliser un certain nombre d'engagements lisibles et cohérents, destinés à renforcer la place de la nature en ville.

Le plan a ainsi pour finalité :

- de favoriser les continuités écologiques à l'échelle de la ville et de la région, dans le cadre de la mise en oeuvre de la trame verte et bleue (axe 1, visant à « renforcer les continuités écologiques » ) ;

- de faire de la biodiversité un objectif transverse, guidant l'exercice de chacune des compétences de la ville, notamment dans le domaine de l'urbanisme (axe 2, tendant à « intégrer la biodiversité dans le développement durable de Paris » ) ;

- enfin de produire et diffuser des connaissances relatives à la biodiversité urbaine, avec la création d'un Observatoire parisien de la biodiversité (axe 3, destiné à « développer et fédérer la connaissance, porter des messages » ).

De manière plus concrète, la ville de Paris a programmé, avec ce plan, la création avant 2020 de 7 hectares de toitures végétalisées, dont 15 jardins en terrasse.

2. Les nouvelles actions conduites depuis 2014

Si le programme de végétalisation de la ville de Paris est ancien, il a été complété par de nouveaux engagements pour la période 2014-2020.

Seront ainsi créés d'ici 2020, 100 hectares de toitures et de façades végétalisés, dont un tiers dédié à l'agriculture urbaine. En outre, la ville de Paris a prévu d'ouvrir au public 30 hectares d'espaces verts, de planter 20 000 arbres, et d'accompagner 200 points végétalisés de proximité.

Pour atteindre l'objectif de végétalisation de 100 hectares, la ville a mobilisé deux leviers d'action : d'une part, elle a souhaité végétaliser les bâtiments municipaux ; d'autre part, elle a entendu inciter les acteurs publics et privés à agir dans cette même direction.

La ville de Paris a ainsi entrepris la création de 20 hectares de toitures et de façades végétalisées sur son domaine communal. Ces projets seront implantés sur 300 équipements communaux, ainsi que sur des murs situés sur l'espace public. En outre, la ville s'est engagée à ce que tout nouveau bâtiment municipal comprenne une façade ou une toiture végétalisée.

Afin de donner un aboutissement concret à ses engagements, la ville de Paris a récemment conduit trois initiatives :

- en juillet 2014, un appel à projets, intitulé « Du vert près de chez moi », a été lancé afin de permettre à la population de proposer des lieux susceptibles d'être végétalisés. Quelque 1 500 contributions ont été reçues, et 209 projets ont été retenus. L'esprit de cette initiative était d'améliorer le cadre de vie et de favoriser le lien social autour de points de verdure situés à proximité directe des lieux d'habitation ;

- à l'occasion de l'adoption du budget participatif de la ville, en septembre 2014, deux projets de végétalisation - « Des jardins sur les murs » et « Cultiver dans les écoles » - ont été adoptés. Le premier, d'un coût de 2 millions d'euros, prévoit la création de 41 murs végétalisés, dont les deux tiers sur le domaine communal. Le second, qui mobilise 1 million d'euros, vise à permettre à chaque établissement scolaire de disposer d'un jardin pédagogique ;

- en juin dernier, une dernière initiative a été dévoilée en faveur de la végétalisation. Un « permis de végétaliser » a ainsi été mis en place : il offre la possibilité aux personnes désireuses d'implanter un projet de végétalisation sur l'espace public de solliciter l'autorisation de la ville de Paris.

Un formulaire de demande électronique a été conçu à cet effet. L'autorisation, délivrée dans un délai d'un mois, est valable pour une durée de trois ans et est renouvelable par reconduction tacite. Une « charte de végétalisation de l'espace public parisien » précise les engagements du porteur de projet, parmi lesquels l'entretien du dispositif de végétalisation, le non-recours à des produits phytosanitaires ou à des engrais minéraux, et le choix d'essences locales et mellifères.

L'enjeu, pour la ville de Paris, est de favoriser l'émergence de projets dans les interstices de la ville, en encourageant notamment la végétalisation des murs, des clôtures, des trottoirs, des potelets ou des pieds d'arbres.

Votre rapporteur salue cet outil innovant, d'un coût modique sinon nul pour la collectivité, qui permet à tout un chacun de végétaliser l'espace public, sur le modèle de ce qui est pratiqué depuis longue date en Allemagne et dans les pays scandinaves.

3. Une forme originale de végétalisation : les jardins partagés

En 2003, la ville de Paris a été l'une des premières collectivités à encourager le développement de jardins partagés, en mettant son domaine public à la disposition d'associations de quartier afin qu'elles y développent des projets d'agriculture urbaine.

Pour ce faire, la ville a développé deux outils : d'une part, une « convention cadre d'occupation et d'usage pour la gestion d'un jardin collectif » fixe un cadre contractuel entre la ville de Paris et l'association porteuse du projet ; d'autre part, une « charte main verte » précise les bons usages devant être respectés sur les jardins partagés, dont l'ouverture au public et l'entretien selon des méthodes favorables à la biodiversité.

Votre rapporteur se félicite du renouveau des jardins partagés observé depuis le début des années 2000, qui concourent à renforcer le lien social autour de projets associatifs, à valoriser des zones urbaines qui avaient pu être délaissées, et à rapprocher les citadins du monde agricole et plus généralement de la nature.

C. LES RÉSULTATS

Le programme de végétalisation de la ville de Paris, qui court jusqu'en 2020, a d'ores et déjà permis de valoriser la biodiversité urbaine et de sensibiliser la population aux enjeux climatiques et environnementaux.

Comme le rappelle le Bleu climat de la ville de Paris pour 2014, 70,2 hectares d'espaces verts ont été créés entre 2001 et 2013, et 6,2 hectares de toitures de bâtiments communaux ont été végétalisés en 2012. Ces résultats, déjà importants, devraient progresser du fait des opérations réalisées depuis cette date ou en cours de déploiement : pour la seule année 2015, la ville de Paris est engagée dans la réalisation de 94 murs végétalisés. Bien qu'encore confidentielle, l'agriculture urbaine est également une réalité. On dénombre ainsi environ 600 ruches, 100 jardins partagés, 20 toits potagers et 10 vignes 53 ( * ) . Preuve de l'importance de la biodiversité urbaine, il existe 4 000 espèces végétales et animales à Paris, selon le Plan de biodiversité de 2011.

Le programme de végétalisation de la ville de Paris est susceptible d'avoir un impact positif au regard du changement climatique. C'est ainsi que 11 000 tonnes équivalent CO 2 (teq CO 2 ) sont captées chaque année par les deux bois parisiens, selon le bilan carbone de la ville de Paris de 2009.

VI. L'AGENCE RÉGIONALE POUR LA NATURE ET LA BIODIVERSITÉ EN ILE-DE-FRANCE : UN OBSERVATOIRE ET UN RESEAU

Créée à l'initiative du conseil régional d'Ile-de-France en 2008, l'Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France (Natureparif) est une association dont la mission est de favoriser l'échange des connaissances relatives à la biodiversité francilienne, ainsi que des pratiques favorables à sa conservation.

La spécificité de cet organisme, qui comprend 163 membres répartis en sept collèges en 2014, est de regrouper, aux côtés de la région Ile-de-France et de l'État, un large panel d'acteurs : 83 collectivités territoriales, 48 associations, 12 entreprises, 8 établissements d'enseignement supérieur et de recherche, de même que 6 chambres consulaires et fédérations.

Votre rapporteur a entendu valoriser, avec l'exemple de Natureparif, les agences régionales de la biodiversité. Ces lieux de partage des savoirs et des expériences mettent utilement en réseau des acteurs issus de tous horizons dans une optique de préservation de la biodiversité à l'échelle régionale.

A. LES OBJECTIFS

Natureparif concourt à la mutualisation des connaissances relatives à la biodiversité en Ile-de-France.

La mission première de l'agence est celle d'un observatoire, qui a pour objet d'établir l'état des lieux du patrimoine naturel francilien, et de définir des actions prioritaires pour sa conservation.

Outre ce rôle d'observatoire, Natureparif se veut également un laboratoire d'idées, avec pour ambition d'inciter ses membres, et plus largement les Franciliens, à adopter des pratiques favorables à la biodiversité.

En définitive, l'enjeu est de faire prendre conscience de la richesse de la biodiversité dans une région, l'Ile-de-France, certes densément peuplée et largement urbanisée, mais qui reste toutefois composée d'espaces ruraux à hauteur de 79%. Il s'agit aussi et surtout de juguler les facteurs d'érosion de la biodiversité dans cette région. À titre d'exemple, l'urbanisation consomme chaque année 647 hectares d'espaces ruraux en Ile-de-France.

B. LES ACTIONS

1. La connaissance de la biodiversité

Conformément à sa mission d'observatoire, Natureparif a développé un certain nombre d'outils et de supports, qui offrent un panorama détaillé de la biodiversité en Ile-de-France. L'agence a ainsi constitué des bases de données, naturaliste et cartographique, qu'elle a valorisées à travers une plateforme en ligne, l'« Observatoire des territoires franciliens ». Cette plateforme rend compte de manière synthétique des données collectées par Natureparif. Elle donne notamment à voir la localisation des espaces naturels, la répartition des espèces animales et végétales, ainsi que le suivi de certains objectifs de politique publique. Dans le même ordre d'idées, l'agence a développé des observatoires thématiques.

Les données collectées et publiées par Natureparif ont vocation, non seulement à renforcer l'état de la connaissance scientifique, mais également à servir de point d'appui à une meilleure préservation de la biodiversité. C'est pourquoi l'agence a publié en 2013 un « Diagnostic de l'état de santé de la biodiversité francilienne », afin de mettre en évidence les enjeux prioritaires et les leviers mobilisables pour la conservation de la biodiversité en Ile-de-France. Les travaux entrepris dans le cadre de ce diagnostic ont été utilisés par le conseil régional d'Ile-de-France lors de la révision de sa « charte régionale pour le biodiversité » en 2013 : le travail scientifique de Natureparif a trouvé un aboutissement très concret à cette occasion. De manière plus ponctuelle, l'agence élabore également des « listes rouges », c'est-à-dire des bilans précis du degré de menace pesant sur certaines espèces animales ou végétales. Au total, l'agence estime que 25% des espèces évaluées par elle sont menacées.

Désireuse de faire connaître la biodiversité au plus grand nombre, Natureparif a développé, en partenariat avec le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), le protocole de sciences participatives dédié à l'observation de la flore « Florilèges ». En outre, l'agence a fondé avec le Conservatoire botanique national du bassin parisien une « École régionale de botanique ». Sont enfin organisées à intervalles réguliers des formations et des rencontres naturalistes.

2. Le partage de bonnes pratiques

Natureparif n'étant pas seulement un observatoire mais aussi un réseau d'acteurs, l'agence a souhaité favoriser l'échange de bonnes pratiques entre les 163 adhérents qu'elle regroupe. À cette fin, elle a notamment édité plus d'une dizaine de guides pratiques depuis 2008. Ces guides permettent de porter à la connaissance des acteurs locaux les pratiques favorables à la biodiversité dans des domaines très variés, comme la gestion des espaces verts ou la construction de bâtiments. En outre, l'agence a organisé, au cours de l'année écoulée, cinq rencontres réunissant des élus locaux, des associations, des chercheurs et des entreprises Enfin, elle propose un colloque annuel, dont la dernière édition a mobilisé 350 intervenants.

Votre rapporteur souligne l'intérêt du partage d'expériences dans un domaine, la biodiversité, où certaines pratiques sont émergentes. Il note que des structures d'échange, parfois méconnues, sont à la disposition des élus pour leur permettre d'orienter davantage encore leurs politiques publiques en faveur de la biodiversité.

Outre l'échange de bonnes pratiques, Natureparif appuie plus spécifiquement l'action des collectivités territoriales dans deux domaines :

- d'une part, Natureparif accompagne les collectivités dans la mise en oeuvre du schéma régional de cohérence écologique (SRCE). Pour la seule année 2014, l'agence a organisé cinq journées techniques de formation auprès de 400 personnes. L'enjeu est de mettre à la disposition des communes et des intercommunalités les ressources techniques et scientifiques nécessaires à la déclinaison du SRCE ;

- d'autre part, Natureparif valorise les collectivités investies dans le domaine de la biodiversité avec le label « Ecojardin », qui atteste de la gestion naturelle de 221 espaces verts, dont 94 sont situés en Ile-de-France, et le concours « Capitale française de la biodiversité », qui récompense annuellement plusieurs collectivités.

3. Des actions d'éducation et de sensibilisation

Afin de sensibiliser les Franciliens à la protection de la nature, Natureparif conduit des actions d'éducation et des opérations de communication à destination du grand public, au moyen notamment de conférences publiques, d'expositions ou de publications pédagogiques.

L'agence accompagne les projets relatifs à la biodiversité qui ont été mis en oeuvre dans les 30 lycées participant au programme « Lycées éco-responsables ». Ce programme, conduit par le conseil régional d'Ile-de-France, a pour objectif de favoriser l'éducation au développement durable.

Par ailleurs, Natureparif coordonne la « Fête de la nature » en Ile-de-France, au cours de laquelle, l'an passé, 516 animations ont été proposées par 130 acteurs.

C. LES RÉSULTATS

Depuis sa création, Natureparif s'est affirmée comme étant l'une des agences régionales consacrées à la biodiversité parmi les plus actives.

Le travail scientifique de l'agence a permis de porter à la connaissance du public un état des lieux complet et précis de la biodiversité en Ile-de-France, et de mettre en lumière les enjeux prioritaires et les leviers mobilisables pour sa conservation.

Le réseau d'acteurs de l'agence a été un vecteur de pratiques favorables à la biodiversité, et a contribué à faire émerger une culture commune auprès des acteurs locaux, économiques, universitaires et associatifs qui le composent.

Enfin, à travers les actions d'information et de communication qu'elle a entreprises, l'agence concourt à sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux environnementaux et climatiques.

VII. ANNEXE AU CHAPITRE : L'ÉTAT DE LA BIODIVERSITÉ DANS NOS TERRITOIRES

Afin de prendre connaissance de l'état de la biodiversité en France, et des actions engagées localement en faveur de sa conservation, votre rapporteur a auditionné quelques spécialistes de ce domaine. Il ressort de ces échanges que la biodiversité subit une forte érosion, en dépit de l'engagement des collectivités et d'une meilleure prise de conscience chez nos citoyens.

Au cours de leur audition, les représentants du ministère en charge de l'Écologie ont rappelé à votre rapporteur que la situation du patrimoine naturel est globalement dégradée. À titre d'illustration, les populations d'oiseaux communs spécialistes et de chauves-souris ont diminué, respectivement de 22% en 25 ans et de 57% en cinq ans, tandis qu'un tiers des récifs coralliens voient leur état décliner. Cependant, les politiques publiques destinées à préserver la biodiversité ont nettement progressé. Les moyens financiers ont été doublés en dix ans, pour attendre 2,2 milliards d'euros annuellement. Les espaces protégés se sont également développés, plaçant ainsi, pour le seul territoire métropolitain, 1,35% des surfaces terrestres en aires protégées fortes, et 23% des surfaces maritimes en aires marines protégées. Enfin, certaines des politiques publiques entreprises ont d'ores et déjà porté leurs fruits. C'est notamment le cas pour l'effort consenti en faveur de la qualité des eaux de surface, dont certaines des pollutions induites par les effluents urbains, industriels et agricoles ont diminué.

Pour sa part, l'une des responsables de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a également souligné l'état critique du patrimoine naturel. Selon un bilan établi en 2014, la France est l'un des dix premiers pays touchés par l'érosion de la biodiversité, avec 1 058 espèces mondialement menacées présentes sur son territoire. Dans ce contexte, les collectivités se sont engagées en faveur de la préservation de la biodiversité, en mobilisant, outre la maîtrise foncière, des outils de connaissance (observatoires de la biodiversité et plateformes d'échange), de planification (schémas d'aménagement et documents d'urbanisme), de contractualisation (chartes des parcs naturels régionaux, contrats Natura 2000 et plans de gestion d'espaces naturels classés) ou de gouvernance (comités régionaux et trames vertes et bleues). Par ailleurs, l'association a insisté sur la relation entre la biodiversité et le climat : la bonne gestion des milieux naturels (océans et littoraux, zones forestières et humides notamment), et la création d'espaces verts en milieu urbain ont un rôle à jouer dans le contexte du changement climatique.

S'agissant enfin du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), l'un de ses membres a rappelé que la richesse et la diversité de la biodiversité de la France font d'elle un pays souvent qualifié de « mégadivers ». Cependant, le fractionnement des territoires, compte tenu notamment des zones dédiées à l'urbanisation ou à l'agriculture intensive, et des infrastructures de transport, constitue un facteur de risque pour la biodiversité. Dans ce contexte, le changement climatique peut avoir un impact négatif sur les espèces, en particulier sur celles qui ne parviendraient pas à se redistribuer. Au total, la proportion d'espèces métropolitaines considérées comme éteintes ou menacées dans les listes rouges publiées par l'UICN et le MNHN est de 21% au 1 er janvier 2014. C'est pourquoi la crise de la biodiversité, si elle est peut-être moins quantifiable et plus complexe que celle du climat, est tout aussi importante.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#biodiversite

CHAPITRE VIII - LE BÂTIMENT ET L'HABITAT

Christian FAVIER

Sénateur du Val-de-Marne

I. PROPOS INTRODUCTIF

Agir pour la planète en améliorant la qualité de vie des habitants : tels sont les objectifs, moins démesurés qu'il ne peut paraître, des actions menées par les collectivités territoriales en matière d'habitat, de logement et, plus généralement, sur les bâtiments afin de lutter contre le changement climatique.

En effet, le secteur du bâtiment participe aujourd'hui à près de 20% des émissions des gaz à effet de serre et à plus de 40 % de la consommation d'énergie. Dans les territoires fortement urbanisés, comme l'Ile-de-France, ces chiffres s'élèvent à 60% pour les consommations d'énergie, et près de la moitié pour les émissions de gaz à effet de serre.

Au-delà de l'évidente nécessité d'agir sur le bâtiment que ces chiffres illustrent, la lutte contre le réchauffement climatique comporte dans ce secteur bien d'autres avantages, que votre rapporteur tient à mettre en exergue.

En premier lieu, la rénovation thermique des bâtiments, qui implique une meilleure isolation de l'existant, aussi bien que la construction d'un nouveau patrimoine respectant la règlementation thermique en vigueur, améliore le bien-être des utilisateurs, ceux des logements (selon l'INSEE, 3,5 millions de ménages en France métropolitaine déclarent souffrir du froid dans leur logement) 54 ( * ) , comme ceux des bureaux.

Par ailleurs, la lutte contre le réchauffement climatique passe par la diminution de la consommation d'énergie, ce qui revient pour les ménages, en fonction de l'évolution des prix, à alléger la facture énergétique de leur logement. Or cette facture pèse lourdement sur le pouvoir d'achat, souvent au point d'empêcher un chauffage correct dans les logements : l'INSEE estime qu'en 2015, 14,6% des ménages sont en situation de vulnérabilité énergétique. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, précise que se trouve dans cette situation « une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'habitat ».

Enfin, la lutte contre le réchauffement climatique dans le secteur du bâtiment a un impact économique significatif : en particulier, les chantiers de rénovation thermique et de construction permettent la création d'emplois non délocalisables. À titre d'exemple, l'Agence nationale de l'habitat a accordé dans ce secteur, en 2014, 716,8 millions d'euros d'aides, ce qui a permis d'engager un volume de travaux éligibles d'un montant de 1,4 milliard d'euros, soit l'équivalent de 28 000 emplois créés ou préservés.

On reconnaît dans ces trois aspects de la lutte contre le changement climatique dans le secteur du bâtiment l'interaction exemplaire des trois piliers du développement durable : l'économique, le social et l'écologique.

Pour illustrer cette réalité, votre rapporteur a procédé à sept auditions. Elles lui ont permis de prendre la mesure de la diversité des situations dans les territoires, de la diversité des acteurs concernés et de celle des solutions innovantes disponibles. Il a ainsi pu vérifier l'existence d'un engagement fort - et souvent ancien - en matière de rénovation thermique et en faveur de la construction de bâtiments respectueux de l'environnement.

Il a rencontré tout d'abord le Syndicat mixte Pays d'Ardèche verte, qui a mis en place, sur un territoire à très forte dominante rurale, un projet centré sur l'objectif d'aller au-devant des personnes dont les logements nécessitent des travaux d'isolation. Le syndicat accompagne ces personnes dans leurs démarches administratives et financières, et les aide à inscrire leurs travaux dans une démarche globale de rénovation. Cette action permet la réalisation de travaux de rénovation qui, bien souvent, n'auraient pas été menés à bien ou l'auraient été partiellement en raison de leur coût et de la complexité des dossiers de demande d'aide.

Par ailleurs, votre rapporteur s'est intéressé à un projet de la communauté de communes de Loches développement. Celle-ci met en place une filière de construction et de rénovation thermique à partir de matériaux biosourcés produits localement. La communauté de communes rassemble autour de cette initiative de nombreux partenaires issus du monde agricole, de l'Université et du monde de l'entreprise. L'un des objectifs de cette initiative est la création d'emplois de demain non délocalisables.

En marge de ce qui relève du logement, votre rapporteur souhaite aussi mettre en valeur l'action des collectivités territoriales sur leur propre patrimoine bâti : immeubles administratifs, crèches, écoles, collèges,... En effet, elles possèdent souvent un patrimoine important, dont la qualité environnementale a valeur de référence pour les citoyens et peut ainsi jouer un rôle incitatif. C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité présenter le schéma directeur énergie du département du Val-de-Marne, qui vise à diviser par sept, d'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre de son patrimoine bâti. Le Val-de-Marne propose également d'accompagner les ménages dans la rénovation énergétique de leur logement à travers une plateforme de la rénovation énergétique pour tous - guichet unique regroupant au sein d'une même structure tous les acteurs de la rénovation -, et par la création de postes « d'ambassadeurs de l'énergie » : douze jeunes, recrutés en emploi d'avenir en partenariat avec les missions locales, qui ont pour mission d'aller à la rencontre des ménages.

Votre rapporteur a rencontré par ailleurs l'adjoint de la ville de Paris chargé du logement, au sujet des actions d'aide à la rénovation du parc social et des actions d'incitation à la rénovation du parc privé, dans le cadre du volet logement du Plan Climat Énergie de la ville.

Enfin, il a auditionné deux partenaires essentiels des collectivités territoriales pour les actions en matière de logement : l'Agence nationale de l'habitat, qui subventionne notamment des travaux de rénovation énergétique pour les ménages aux revenus modestes et qui participe à la rénovation des copropriétés dégradées ; et l'Union sociale pour l'habitat, qui représente 755 organismes HLM et s'engage depuis plusieurs décennies, à une échelle impressionnante 55 ( * ) , à réduire la consommation d'énergie du patrimoine HLM, que ce soit à travers la rénovation des logements existants ou par la construction de nouveaux logements. Telles sont également les orientations de Paris Habitat, qui agit sur la gestion et l'entretien du système de chauffe de ses logements, et que votre rapporteur a rencontré à titre d'exemple d'office HLM.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a constaté l'existence de certains freins. La capacité à desserrer ces freins en fonction des préconisations qui suivent conditionne largement le niveau à terme de la contribution du secteur du bâtiment à la réduction de l'émission de gaz à effet de serre et à la maîtrise de la consommation d'énergie :

- mieux accompagner les ménages : face à l'ampleur des travaux de rénovation nécessaires dans certains logements, les ménages ne savent par où commencer et peuvent finalement abandonner, ou encore ne pas exécuter l'ensemble des tranches nécessaires ;

- simplifier les systèmes d'aides et mieux les articuler entre eux : beaucoup de ménages ne demandent pas de subventions et renoncent à des travaux majeurs de rénovation car ils se sentent perdus entre les différents régimes d'aide, et ne savent remplir les dossiers nécessaires. En outre, les calendriers et les pièces demandées varient et, dans certains cas, les aides ne sont pas cumulables ;

- garantir un niveau d'aides suffisant et pérenne. À plusieurs reprises, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur les problèmes que pose la pérennité incertaine des programmes et sur les doutes que suscite le maintien de leur financement. Or, l'absence de vision à moyen terme freine certains ménages qui n'osent pas s'engager dans des travaux importants faute de certitude sur le niveau du soutien pendant toute leur durée ;

- travailler à une meilleure sensibilisation des habitants afin de maximiser l'efficacité des travaux réalisés. La formation aux écogestes, la modification des habitudes à proscrire (ouvrir les fenêtres avec les radiateurs allumés) sont autant d'actions nécessaires à mener, souvent peu onéreuses et efficaces, pour réduire les émissions des gaz à effet de serre et les consommations d'énergie. À cet égard, notre collègue Nelly Tocqueville, s'appuyant sur son expérience de présidente d'un établissement social d'habitat a insisté, lors de la réunion de la délégation du 22 octobre 2015, sur la nécessité d'une pédagogie de changement des comportements, « les économies énergétiques n'étant possibles que si les locataires se font acteurs de cette démarche » ;

- prendre comme point de référence pour les aides, les émissions réelles des bâtiments quelques années après les travaux, et non la consommation théorique, afin de s'assurer de la qualité de ceux-ci et de leur durabilité. La pratique danoise est intéressante à cet égard, puisque le taux de prêt est calculé sur la base de la consommation d'énergie mesurée deux ans après les travaux ;

- au-delà de la construction de quelques bâtiments exemplaires, réfléchir à la possibilité d'un effort massif, certes à un niveau moins important que celui des critères de la construction basse consommation, mais avec un effet nombre permettant des réductions significatives des émissions de gaz à effet de serre ;

- adapter les logements au changement climatique. Traditionnellement, en France métropolitaine, les enjeux portaient sur la lutte contre le froid et la possibilité de maintenir la chaleur à l'intérieur des bâtiments, qui n'étaient donc pas conçus. Ceux-ci ne sont donc pas construits en prévision de périodes de pics de chaleur que l'on connaît aujourd'hui ;

- assurer la pérennité des ressources et des moyens des organismes participant aux financements des aides à la rénovation énergétique des logements. Pour mener à bien les préconisations précédentes, il est nécessaire d'assurer une montée en charge des capacités de financement des divers intervenants en matière de construction et de rénovation de l'habitat, en particulier dans le domaine social.

En dernier lieu, votre rapporteur note qu'il partage le souhait, exprimé par notre collègue Eric Doligé lors de la réunion de la délégation du 22 octobre 2015, que soit mise en place une plateforme permettant de diffuser aux collectivités de toutes tailles une information sur les projets existants et de favoriser l'échange des bonnes pratiques.

II. LE SYNDICAT MIXTE « PAYS ARDÈCHE VERTE » : UN PROJET DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DANS UN TERRITOIRE ÉTENDU ET TRÈS RURAL

Le syndicat mixte Pays Ardèche verte a mis en place un programme d'intérêt général d'amélioration de l'habitat sur la période 2012-2017, intitulé « Habiter mieux en Ardèche Verte ».

Ce projet présente la particularité de couvrir un territoire très étendu - six intercommunalités -, et à forte composante rurale - une grande majorité des communes compte moins de 1 000 habitants. Ce sont ainsi 81 200 habitants, vivant dans 64 communes, qui sont concernés. L'habitat est très diffus et de nombreux logements sont vétustes, avec des modes de chauffage inadaptés. Le programme « Habiter mieux en Ardèche verte » est porté en commun par le syndicat mixte Pays Ardèche verte, les six intercommunalités (communauté de communes Vivarhône, agglomération du Bassin d'Annonay, communauté de communes du Val d'Ay, communauté de communes du Val d'Eyrieux, communauté de communes du pays de Saint-Félicien, communauté de communes Hermitage-tournonais), et l'agence nationale de l'habitat. Il est également mené en partenariat avec le PACT habitat et développement Ardèche et l'association Polénergie.

A. LES ACTIONS

Le syndicat mixte de Pays Ardèche verte souhaite inciter les ménages aux revenus modestes à procéder à des rénovations énergétiques. Il s'agit, d'ici 2017, de rénover 640 logements avec des aides de l'ANAH. En effet, la facture énergétique peut représenter une dépense importante pour les revenus médians, notamment en milieu rural où s'ajoute le coût de la mobilité. Selon les ministères de l'Écologie et du Logement, « la facture énergétique des ménages dans les communes de moins de 2 000 habitants, majoritairement situées en milieu rural, dépasse de 23 % la moyenne nationale, évaluée par l'Insee à 1 450 € par an, alors que dans les zones urbaines celle-ci est inférieure de 14 % à ce montant ». Plusieurs raisons expliquent ce différentiel de coût : un habitat en milieu rural est souvent individuel, ancien et insuffisamment isolé, et son mode de chauffe, majoritairement au fioul est coûteux, malgré la baisse récente des coûts du pétrole. Il s'agit de donner un coup de pouce financier à des personnes qui, sans cette aide, ne procèderaient pas à des travaux par manque de moyens et de soutiens.

1. Aller à la rencontre des habitants : la mise en place d'un repérage

Il a été constaté que, bien souvent, le public cible ne fait pas les travaux utiles par manque de moyens, malgré l'existence d'aides. C'est pourquoi un travail de « repérage » a été réalisé par l'ensemble des partenaires de ce programme. Ce travail s'appuie sur les élus de chaque commune en charge des affaires sociales, les centres communaux d'action sociale, les travailleurs sociaux du département, des intercommunalités et des communes et les caisses de retraite, qui peuvent, dans certains cas, proposer une aide financière à la rénovation énergétique des bâtiments. En outre, les fournisseurs d'énergie et les artisans sont également invités à diffuser une information sur le programme. Depuis son lancement en 2012, plus de 1 130 contacts ont été pris. Dans chaque communauté de communes participant au programme, deux réunions annuelles sont organisées, notamment pour faire le point sur ce travail de repérage à l'échelon local.

2. Un accompagnement administratif et technique

L'accompagnement se déroule en plusieurs étapes et doit permettre aux propriétaires d'aller au bout de leurs démarches.

Dans un premier temps, des intervenants du programme « Habiter mieux en Ardèche verte » se rendent au domicile du bénéficiaire potentiel pour procéder à une évaluation énergétique du logement avant les travaux. Puis les projets de travaux sont étudiés et des plans intégrant un gain énergétique sont proposés. Il s'agit d'inciter les personnes à inclure leurs travaux dans un projet de rénovation globale. Par exemple, un changement de chaudière doit s'intégrer dans un projet plus large d'isolation de la maison. Il est également proposé aux propriétaires de prendre en compte dans leurs projets, dès le départ, la possibilité d'une future tranche de travaux de rénovation et d'isolation - comme par exemple une épaisseur des murs adaptée à l'installation d'une future isolation. Dans tous les cas, il faut éviter de se retrouver dans une situation où une chaudière est remplacée puis, cinq ans après, lorsque le propriétaire décide d'entamer des travaux d'isolation, la chaudière devient surdimensionnée eu égard aux nouveaux besoins de chauffage.

Il a d'ailleurs été constaté, dans de nombreux cas, que les propriétaires, grâce à cette réflexion, décident d'aller au-delà de l'amélioration énergétique qu'ils avaient prévue.

Un deuxième aspect très important dans l'accompagnement consiste en un soutien dans la préparation des dossiers de demande de subvention. En effet, en raison de leur très grande complexité (les calendriers et pièces demandées varient d'une aide à l'autre ; dans certains cas, les travaux ne doivent pas encore avoir été engagés, alors que dans d'autres cas, ils doivent être finis), de nombreux propriétaires se découragent et abandonnent leur projet. Un récapitulatif rapide des aides permet de comprendre le désarroi des ménages : aide de l'ANAH, aide des intercommunalités dans le cadre du programme « Habiter mieux », crédit d'impôt, éco PTZ, coup de pouce des intercommunalités, chèque énergie, fonds précarité énergétique, 1 000 rénovation basse consommation, Aide région handicap, prêt CAF/MSA, allocation logement, prêt PROCIVIS, aide des caisses de retraite, etc., chacune ayant ses propres critères à respecter.

Un numéro de téléphone a été mis en place et des permanences ont été installées dans plusieurs communes. Par ailleurs, le PACT peut directement intervenir auprès des financeurs pour essayer de trouver des solutions à des problèmes pratiques. Par exemple, la région et l'ANAH peuvent financer un même projet de rénovation basse consommation. Toutefois, ces deux financements sont dépendants de la remise de l'original du certificat d'économie d'énergie. Une rencontre entre les différents protagonistes a donc été organisée pour trouver une solution.

3. Un coup de pouce financier

L'action du syndicat mixte pays Ardèche verte est également financière. Le syndicat ajoute en effet un petit montant aux aides de l'ANAH, dans le cadre du programme « habiter mieux ». Par ailleurs, une aide supplémentaire est apportée par les intercommunalités (entre 300 et 1 000 euros), qui se veut également incitative car cette aide est majorée lorsque le gain énergétique est supérieur à 50%.

B. LES RÉSULTATS

1. Un bilan d'étape très encourageant

Depuis septembre 2012, 374 logements ont été accompagnés, dont 236 pour des travaux de rénovation énergétique. Le nombre de dossiers est supérieur aux objectifs fixés. Ainsi, dans certaines communautés de communes, l'enveloppe initiale de participation de l'intercommunalité a dû être abondée à nouveau.

En moyenne, le gain énergétique est important, de l'ordre de 40%. En outre, ce programme a une dimension économique forte puisqu'il a permis de générer 6 millions d'euros de travaux, essentiellement réalisés par des artisans du territoire. Il participe donc au maintien de l'emploi local.

2. Un système d'aides complexe

Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont souligné l'extrême complexité du système des aides financières. Le travail accompli pour accompagner les propriétaires dans leurs diverses démarches est intense, au détriment d'autres actions qui pourraient être entreprises.

3. De nouveaux enjeux

Ce programme peut également servir le dynamisme économique du territoire, notamment au bénéfice des artisans. L'un des enjeux actuels est de permettre aux artisans locaux de répondre à ces demandes de rénovation globale. En effet, l'artisan est aujourd'hui formé et est compétent dans son seul corps de métier. Or, un chantier de rénovation énergétique nécessite une offre de rénovation thermique globale, cohérente et attractive que les artisans ne sont actuellement pas tous en mesure de proposer. Dès lors, il existe un risque important que le marché de la rénovation énergétique soit capté par de grands groupes qui ont la capacité de proposer ce type d'offre.

Dans cette même optique, dans le sud de l'Ardèche et dans le département de la Drôme a été mis en place un dispositif nommé « DORéMI », visant à encourager la constitution de « groupements d'artisans aux compétences complémentaires, réunis autour d'un pilote, et capables de proposer des rénovations énergétiques très performantes à un prix maîtrisé ». De même, les acteurs du programme « Habiter mieux en Ardèche verte » se sont rapprochés de la Chambre de métiers, afin de permettre l'émergence de plateformes de rénovation énergétique, comportant un guichet unique et des groupements d'artisans.

L'enjeu est majeur. En effet, pour atteindre l'objectif de facteur 4 prévu par le schéma régional climat-air-énergie, 700 rénovations annuelles au niveau BBC seraient nécessaires (avec à la clé un gain énergétique moyen de 75%). Les services de l'État ont en outre estimé que plus de 35 000 logements du territoire de la région Rhône-Alpes nécessiteraient une rénovation énergétique.

III. LA VILLE DE PARIS : LA DÉCLINAISON DU PLAN CLIMAT ÉNERGIE DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT

La question d'une réduction des consommations d'énergie dans le domaine du logement est un aspect crucial de la lutte contre le changement climatique engagée par la ville de Paris : la capitale compte près de 1,3 million de logements ; son secteur résidentiel est responsable de 35% de la consommation énergétique de la ville et la facture énergétique s'élève à un milliard d'euros pour les Parisiens.

Là encore, les objectifs sont tout à la fois sociaux, environnementaux et économiques. L'engagement de la ville de Paris en faveur du développement durable est ancien. Ainsi, en 1980 a été créé le service technique de l'énergie et du génie climatique, qui a notamment réalisé un audit énergétique des bâtiments appartenant à la ville.

En 2007, le conseil de Paris a adopté un plan climat énergie qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre du territoire parisien de 75% en 2050 par rapport à 2004. Ce plan a été réactualisé en 2012. En matière de logement, l'objectif principal pour le secteur résidentiel est de réduire de 25% les consommations énergétiques d'ici 2020. Il s'articule autour de trois axes principaux : l'amélioration du parc social, l'incitation en direction de l'habitat privé et la végétalisation des toits et murs de Paris 56 ( * ) .

A. LES ACTIONS

1. La rénovation du parc social de la ville de Paris

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, le plan climat énergie fixe comme objectif une réduction des consommations énergétiques du parc social de 30% d'ici 2020 par rapport à 2004. Cet objectif est plus ambitieux que celui existant à l'échelle nationale. Quatre grands thèmes d'action peuvent être distingués.

Il s'agit tout d'abord d'encourager une meilleure collaboration entre les différents acteurs du secteur du bâtiment. Comme l'indique le Carnet Logement, volet du plan Climat énergie, « pour atteindre une haute performance énergétique des bâtiments, en construction comme en rénovation, il est nécessaire que l'ensemble des acteurs du bâtiment conjuguent leurs efforts et apportent des solutions techniques à la hauteur de l'enjeu. De l'artisan au maître d'ouvrage, tous les acteurs se voient confrontés à la nécessité de faire évoluer leurs métiers et de s'ouvrir à de nouvelles technologies ». À cet égard, la ville de Paris a organisé depuis 2010 un réseau des bailleurs afin de partager les retours d'expérience en matière de développement durable et de construction. Un acteur essentiel du bâtiment trop souvent négligé est le locataire. Or, il joue un rôle essentiel pour permettre une diminution de la consommation énergétique. C'est pourquoi la ville de Paris, en partenariat avec l'Agence parisienne du climat, soutient les bailleurs sociaux dans leurs actions d'informations des locataires sur les usages adéquats à adopter après travaux.

L'amélioration de la connaissance de l'état du parc social est le deuxième axe de travail. Une connaissance fine de la consommation énergétique du parc social de Paris doit permettre d'optimiser les actions à mener par bâtiment afin de réduire les dépenses d'énergie.

À cette fin, la ville de Paris a mis en place depuis 2010 « une base de données des consommations et émissions du parc géré par les principaux bailleurs sociaux parisiens ». Cet outil est en cours d'actualisation et d'amélioration.

La rénovation du parc existant représente également un défi majeur. Le parc social de la ville comptait au 1 er janvier 2012 près de 200 000 logements sociaux au sens de la loi SRU. La ville de Paris a fait réaliser une étude en 2010 sur les caractéristiques de son parc social. Plus des trois quarts du parc ont été étudiés. Il en ressort que 83% de celui-ci a une étiquette climat appartenant aux catégories D à G (de 151 à plus de 450 kWh/m²/an) et que 30% des logements étudiés peuvent être qualifiés de particulièrement énergivores (catégories E, F et G). Si l'on s'intéresse à la consommation équivalente de kilogramme de CO 2 par mètre carré et par an, l'impact est encore plus lourd. En effet, près de 57% des logements étudiés appartiennent aux catégories E, F ou G. C'est pourquoi la ville de Paris soutient depuis 2006 les bailleurs sociaux dans leurs démarches de rénovation du parc social. Sur la période 2014-2020, l'effort financier de la ville sur ce seul point va être porté à un milliard d'euros. Ian Brossart, adjoint à la maire chargé du logement et de l'hébergement d'urgence, a souligné à ce sujet la nécessité d'une concertation avec les locataires avant d'entreprendre des travaux de rénovation. Cette concertation est organisée par les bailleurs sociaux. Elle est essentielle : l'expérience montre que, faute de concertation et d'une communication efficace, les locataires rejettent le projet de rénovation.

Enfin, les nouveaux logements sociaux doivent être construits en respectant l'environnement : entre le 1 er janvier 2001 et le 1 er janvier 2012, plus de 42 000 logements sociaux ont été construits. Ce nombre va encore augmenter puisque la ville de Paris souhaite porter le pourcentage de logements sociaux de 20% à 30% en 2030. Elle a en outre souhaité que les nouveaux logements sociaux aient une performance énergétique supérieure à ce qu'exige la norme RT 2012. Les premiers logements post RT 2012 devraient sortir de terre au cours de l'année 2016. La ville prévoit une économie d'énergie, par rapport à des constructions respectant la norme thermique précédente, de l'ordre de 180 GWh/an, soit 37 000 teqCO 2 .

2. L'incitation à la rénovation du parc privé

On compte à Paris 43 000 copropriétés privées, ce qui représente plus d'un million de logements. L'un des objectifs du plan climat énergie de Paris en 2008 était d'inciter ces copropriétés à s'engager dans un programme d'économie d'énergie, notamment par la rénovation thermique. Au total, sur la mandature, la ville de Paris a budgété plus de 30 millions d'euros pour l'ensemble de la rénovation thermique du parc privé.

La ville de Paris, en partenariat avec l'ADEME et la région offre aux copropriétés de bénéficier d'une subvention pour la réalisation d'un audit énergétique de leur bâtiment, qui peut couvrir jusqu'à 70% du coût de ce dernier.

En outre, la ville a programmé des opérations d'amélioration thermique des bâtiments dans le XIII e arrondissement, les bâtiments ciblés ayant été construits au début des années 1980. Les copropriétés ont pu bénéficier d'un financement intégral de leur audit énergétique ainsi que de la mise en place d'une aide au syndicat de copropriétaires pour les travaux d'isolation. Récemment, un travail similaire a été entrepris sur le secteur de la place de la République en s'appuyant sur une démarche d'appel à projets pour « cibler les copropriétés les plus motivées et disposant d'un fort potentiel de rénovation énergétique ». Enfin, la ville de Paris va élargir cette expérience au XIX e arrondissement et réfléchir à l'étendre au XV e arrondissement. Au total, plus de 400 000 habitants pourraient être couverts par ces opérations.

Par ailleurs, le conseil de Paris a lancé à l'été 2015 un programme visant à aider 1 000 copropriétés énergivores. Il s'agira ainsi d'alléger la facture énergétique des ménages, de réduire la consommation énergétique de la ville et de faire baisser les émissions de carbone. Ce projet se déroulera en 4 phases : une phase de communication, un appel à candidatures annuel, une sélection des immeubles lauréats et enfin la valorisation de projets exemplaires. Une somme de 1,8 million d'euros a été budgétée pour ce projet. Le choix des immeubles sera opéré en fonction du potentiel de précarité énergétique - l'atelier parisien d'urbanisme a réalisé une étude sur les consommations d'énergie par immeuble en se basant sur les dates de construction, ainsi que sur l'existence ou non de murs laissés nus - couplé avec les revenus moyens des habitants - l'INSEE étant à même de fournir cette information par carré de 200 m².

B. LES RÉSULTATS

Les résultats de l'engagement de la ville de Paris dans la diminution de la consommation d'énergie sont encourageants. En effet, sur la période 2004-2009, la baisse sur le secteur du bâtiment comprenant à la fois le logement et les bureaux est de 8%, ce qui est supérieur à la baisse des émissions d'effet de serre constatée dans son ensemble (2%). Sur le seul secteur du logement, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 6% en 5 ans, alors que sur la même période le parc de logement parisien a augmenté de 3%. Selon la ville de Paris, « cette diminution est le résultat combiné de la baisse des consommations d'énergie à hauteur de 75% et, pour le tiers restant, du changement d'énergie pour le chauffage, notamment la migration du fioul vers le gaz naturel, le chauffage et l'électricité, qui sont des sources d'énergie moins carbonées ».

Durant la période 2008-2014, ce sont plus de 19 000 logements sociaux répondant aux nouvelles exigences thermiques qui ont été construits, dont 13 750 présentent un niveau de performance énergétique supérieur aux normes environnementales en vigueur. Selon le deuxième plan climat énergie de Paris, les locataires de ces logements « premier plan paris climat énergie » bénéficient en règle générale de factures énergétiques 75% plus faibles que la moyenne. Un immeuble social à énergie positive a notamment été construit dans le XI e arrondissement.

En matière de rénovation, près de 15 000 logements sociaux ont été concernés de 2007 à 2012, et cet effort se poursuit. Dans son analyse du premier plan climat, la ville de Paris souligne : « 78% des opérations de rénovation des logements sociaux existants touchent des bâtiments construits entre la Seconde guerre mondiale et la seconde réglementation thermique (RT 1982) alors que ces bâtiments représentent 43% du parc des bailleurs. Cette surreprésentation s'explique à la fois par les faibles performances énergétiques des bâtiments et la relative facilité de leur rénovation thermique, compte tenu de leur mode de construction ».

Gain énergétique réalisé par la rénovation du parc social

2009

2010

2011

2012

2009-2012

Gain énergétique moyen réalisé

(kWhep/m²HON/an)

124

151

147

133

139

Économie d'énergie générée

(MWhep/an)

35 200

58 500

34 600

38 900

167 200 57 ( * )

Émissions de gaz à effet de serre évitées

(tonnes éq CO 2 /an)

9 600

8 100

5 200

5 200

28 100 58 ( * )

(Source : Carnet logement du plan climat énergie de Paris)

IV. L'ÉCO-CONSTRUCTION ET L'ÉCO-RÉNOVATION COMME OUTILS DE DYNAMISME DES TERRITOIRES : L'EXEMPLE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LOCHES DÉVELOPPEMENT

La communauté de communes de Loches développement regroupe 50 000 personnes vivant sur un territoire à dominante rurale, en Touraine. Ce projet est né d'une double volonté :

- d'une part, la communauté de communes souhaitait encourager le développement d'un secteur porteur, comme elle l'avait fait une dizaine d'années auparavant en soutenant le développement des NTIC (cette action avait conduit à la création de 1 000 emplois) ;

- d'autre part, une volonté politique forte se manifestait, dans le cadre de la mise en place de l'Agenda 21, de structurer des filières courtes autour de l'alimentaire et du bâtiment.

Un projet de rénovation énergétique de l'habitat est ainsi en cours de développement, axée sur trois actions : la conception et la fabrication des matériaux biosourcés, la formation des entreprises à leur utilisation, l'optimisation des bâtis du territoire. Les deux premières actions, qui font l'originalité de ce projet, sont présentées ci-après 59 ( * ) .

A. LES ACTIONS

1. La fabrication des agro-matériaux

Le projet visait le développement et l'utilisation de matériaux de construction et d'isolation locaux et respectueux de l'environnement. D'une part, comme le soulignait le président de la communauté de communes de Loches développement à votre rapporteur, lors de son audition, il s'agit de « valoriser les ressources locales et l'économie de proximité non délocalisable ». D'autre part, le prix de ces matériaux augmente fortement du fait de leur transport. Le territoire de la communauté de communes de Loches développement, et plus largement celui du sud de la Touraine dans lequel il s'inscrit, compte 30% de bois et forêts, mais également de nombreuses terres agricoles. Une réflexion a alors vu le jour, en partenariat avec les agriculteurs, les artisans et la chambre des métiers, autour du potentiel des résidus de paille agricole (céréales, paille de tournesol, de colza), dans le but de concevoir un biomatériau compatible avec le bâti existant.

En juillet 2014, Polytech Tours a bénéficié d'un financement régional pour le recrutement d'un doctorant pour la conception d'un isolant composé de terre et de granulats végétaux. La communauté de communes de Loches peut également s'appuyer sur Polytech Clermont-Ferrand, qui mène des recherches sur les granulats de tournesol.

Ces recherches présentent un intérêt important pour le patrimoine et le bâti ancien en Touraine. On trouve en effet dans cette région beaucoup de constructions en pierre de tuffeau, matériau qui présente la particularité d'être poreux et donc d'absorber l'eau. L'isolation de ces bâtiments doit donc être pensée avec soin : l'utilisation sur ces murs d'un matériau totalement imperméable entraîne une stagnation de l'eau dans la pierre de tuffeau et engendre une dégradation beaucoup plus rapide du bâtiment. D'autre part, l'utilisation de la laine de verre est également problématique, car ce matériau s'imprègne d'eau, du fait de la porosité de la pierre, et s'affaisse entre le mur et la paroi intérieure. Elle ne joue donc plus son rôle d'isolant au bout d'un certain moment. Or, le coût de retrait pour la changer et celui du recyclage ne sont pas neutres.

Un projet est actuellement mené autour de la canne de tournesol. En effet, la « moelle » de la tige de tournesol a une capacité d'absorption de l'eau supérieure à celle de l'éponge, ce qui permet d'éviter une stagnation de l'eau dans le mur en pierre de tuffeau, tandis que l'écorce de cette dernière présente des propriétés similaires à celles du chanvre. Or, si les propriétés d'isolation du chanvre sont connues en France, sa culture ne démarre pas. On ne recense que 10 000 à 15 000 hectares de culture de chanvre sur le territoire français. Par comparaison, 30 000 hectares de tournesol sont cultivés sur le seul territoire de l'Indre-et-Loire. La communauté de communes de Loches développement fait ainsi office de « laboratoire ».

Les agriculteurs sont également intéressés car le développement de ce matériau permet de valoriser la tige de tournesol, et ainsi d'améliorer le rendement de cette culture de printemps qui participe à la gestion des sols.

2. Une formation des entreprises locales à l'utilisation de matériaux biosourcés

L'un des axes principaux de l'action est la formation et l'accompagnement des entreprises à l'utilisation de ces nouveaux matériaux et, de manière plus générale, à la rénovation énergétique. La formation vise notamment à développer le travail d'ensemble, afin que les travaux réalisés par un artisan dans un domaine spécifique et les gains d'énergie ainsi réalisés ne soient pas mis à mal par le travail d'un autre artisan, l'enjeu étant la maîtrise des coûts. En effet, la rénovation globale est extrêmement onéreuse. Toutefois, elle est souvent nécessaire afin d'atteindre les objectifs de diminution de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre. C'est pourquoi il est nécessaire de parvenir à optimiser les coûts en travaillant sur l'agencement du chantier.

Dans le cadre d'un financement de trois ans, l'objectif est de former 25 entreprises, soit près du tiers du chiffre d'affaires du bâtiment sur le territoire : il s'agit de créer une force d'entraînement, dans une vision « donnant-donnant ». Cette action doit permettre aux entreprises locales d'avoir un temps d'avance en matière de rénovation énergétique.

Enfin, dans le cadre de la création de la plateforme locale de rénovation énergétique de l'habitat, il est prévu que les particuliers soient mis en relation avec des artisans formés à ces nouvelles techniques et organisés en groupement afin de permettre une rénovation globale de l'habitat.

B. LES RÉSULTATS

Ce projet, qui suscite un intérêt important, a reçu de nombreux soutiens sur ses axes « production de biomatériaux et formation des entreprises ». Ainsi, en juillet 2013, la communauté de communes, la Chambre de Métiers et de l'Artisanat d'Indre-et-Loire et la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire ont obtenu un financement régional « ID en Campagne » pour structurer la mise en place d'une filière écoconstruction. En janvier 2014, le Groupement de développement agricole (GDA) de Loches-Montrésor a reçu un financement CASDAR de la part du ministère de l'Agriculture, pour ses démarches en faveur de l'agro-écologie et de la valorisation de la canne de tournesol.

La mise en oeuvre du projet se déroule normalement. La plateforme locale de rénovation énergétique de l'habitat a été lancée en janvier 2015. Des formations à destination des entreprises ont débuté. D'une part, 14 stagiaires demandeurs d'emploi ont été formés à la découverte de l'écoconstruction. D'autre part, une friche industrielle de 300 m² a été réhabilitée afin de former les stagiaires à différentes techniques et de leur apprendre à travailler ensemble.

Des constructions en paille ont été réalisées : notamment pour le centre de loisirs de Chédigny et l'accueil périscolaire de Beaulieu-lès-Loches. En outre, une réflexion est en cours sur la mise en place d'une éco-conditionnalité dans les appels d'offres et sur la place des matériaux biosourcés dans les documents d'urbanisme.

Aujourd'hui, l'un des principaux enjeux est le coût de production de ce matériau biosourcé. L'objectif est d'atteindre le même prix que le chanvre - soit environ 100 € le mètre carré -, afin de le rendre réellement compétitif. Il faut en effet garder à l'esprit que la durée de vie de ce matériau est plus élevée que celle de la laine de verre. En outre, il offre de très bonnes performances écologiques et acoustiques, ce qui est particulièrement intéressant pour les logements collectifs. C'est pourquoi la communauté de communes de Loches développement est actuellement en contact avec la chambre de commerce pour réfléchir à l'industrialisation du procédé de fabrication. Les premières orientations tendent vers la mise en place d'une coopérative industrio-agricole pour la production des matériaux, sous la forme d'un groupement d'intérêts économiques et environnementaux.

En décembre 2013, la communauté de communes a reçu le prix «Petit Territoire» du ministère de l'Écologie, dans le cadre d'un appel à projets sur les initiatives locales pour la rénovation énergétique. Les efforts entrepris par le territoire lui ont permis, un an plus tard, en janvier 2015 d'être reconnue « Territoire à Énergie Positive pour la Croissance Verte » par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.

V. LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-DE-MARNE : AGIR SUR LE PATRIMOINE DES COLLECTIVITÉS ET METTRE EN PLACE UNE PLATEFORME UNIQUE POUR ACCOMPAGNER LES MÉNAGES

Le Val-de-Marne connaît une forte densité de population, avec 5 550 habitants au kilomètre carré. Il a longtemps vécu au rythme du noyau central que constitue Paris. Ainsi, dans les années 1960, de nombreux logements ont été construits, en l'absence de toute réglementation thermique, pour accompagner la croissance économique. L'enjeu énergétique des bâtiments est donc très important dans ce département.

En outre, en Ile-de-France, le logement et l'habitat et, de manière plus large, le bâtiment, sont des leviers puissants et rapides pour agir sur les émissions de gaz à effet de serre : ce secteur participe à hauteur de 60% des consommations d'énergie (dont 43% pour le tertiaire) et pour près de 50% des émissions de gaz à effet de serre (dont 16% pour le tertiaire).

Or, en France, le facteur 4 (division par 4 des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050) inscrit dans la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, s'applique à l'ensemble des secteurs : logement, industrie, transport, agriculture. En raison du profil économique et environnemental du territoire valdemarnais, (où les parts de l'agriculture et de l'industrie sont faibles), la réduction des émissions de gaz à effet de serre devra intervenir en grande partie à travers le secteur du bâtiment.

Le département du Val-de-Marne s'est ainsi engagé dans une démarche volontariste de lutte contre le changement climatique, dans le cadre de son plan climat énergie territorial adopté en décembre 2014. Celui-ci est axé autour de cinq objectifs : réduire les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre la précarité énergétique, encourager la sobriété énergétique, développer des énergies renouvelables accessibles à tous, et adapter nos territoires et notre économie au dérèglement climatique.

En ce qui concerne l'action sur les bâtiments, le département conduit trois actions majeures : la mise en place d'un schéma directeur énergie pour le patrimoine bâti départemental, la création d'une plateforme de la rénovation énergétique pour tous, notamment à destination des particuliers, et l'accompagnement des bailleurs sociaux.

A. DES ACTIONS À DESTINATION DE TOUS LES UTILISATEURS DE BÂTIMENTS

1. Le schéma directeur énergie

Il est apparu important à votre rapporteur de souligner que les collectivités, en tant que propriétaires de nombreux bâtiments (mairie, conseil général, conseil départemental, administration, crèche, école, collège, lycée, salle de sports,...) sont directement concernées par la problématique de la réduction des gaz à effet de serre. C'est pourquoi elles agissent sur leur patrimoine bâti.

Le conseil départemental du Val-de-Marne vient de se doter d'un outil spécifique : le schéma directeur énergie (SDE). En effet, le département est gestionnaire d'un patrimoine bâti de plus d'un million de mètres carrés (administration, collèges, PMI,...), répartis sur 400 sites, dont la consommation d'énergie représente environ 175 GWh/an, avec une facture énergétique annuelle de près de 13 millions d'euros.

L'objectif est ambitieux : diviser par 7 les émissions de CO 2 du patrimoine bâti du département à l'horizon 2050, et diviser par 2 les consommations d'énergie à l'horizon 2050, ainsi que parvenir à maîtriser les dépenses financières du département liées à l'énergie.

Objectifs de réduction d'énergie
et d'émission de dioxyde de carbone du département

2020

2030

2050

Consommation d'énergie finale

- 5 %

- 31 %

- 57 %

Émission de CO 2

- 6 %

- 35 %

- 85%

La définition de ces objectifs chiffrés prend en compte le temps nécessaire à la montée en compétence des acteurs et la durée incompressible avant que les projets ne produisent leurs effets. En outre, le premier objectif, fixé à l'horizon 2020 doit permettre d'obtenir un premier retour d'expérience afin d'infléchir, le cas échéant, les actions mises en oeuvre.

Quatre grands axes de travail ont été définis, chacun d'eux déclinés en 13 objectifs opérationnels et en 40 actions concrètes. Le schéma directeur énergie vise ainsi à faire des occupants des bâtiments les acteurs du SDE, à développer l'exemplarité et la performance énergétique du patrimoine bâti, à maîtriser les consommations d'énergie pendant la durée de vie du bâtiment, à diversifier les sources de financement et à optimiser les coûts d'approvisionnement en énergie.

Un comité de pilotage politique et un comité technique ont été mis en place, impliquant tous les acteurs du département concernés par le SDE.

Enfin, dans le cadre de son projet Collèges 2020, le département prévoit la construction de trois nouveaux collèges et la reconstruction de deux collèges existants. L'objectif est que ces cinq bâtiments obtiennent le label « bâtiment passif ». En outre, lors de la construction, les équipes de maîtrise d'ouvrage devront intégrer dès le départ un possible futur ajout de panneaux photovoltaïques, afin de permettre que leur pose éventuelle dans quelques années ne nécessite pas des travaux lourds et coûteux. Le coût financier de la labellisation est estimé à 1,2 million d'euros par bâtiment, il sera en partie compensé par une utilisation qui se veut optimum du bâtiment, et une réduction attendue de la facture énergétique.

2. La plateforme de la rénovation énergétique pour tous et les ambassadeurs de l'énergie

La plateforme de la rénovation énergétique pour tous est en cours de lancement expérimental dans trois villes du département (Villeneuve-Saint-Georges, Vitry-sur-Seine et Champigny-sur-Marne). Elle a vocation à être le guichet unique des demandes de renseignements et d'aides financières des particuliers dans leurs travaux de rénovation. En effet, les besoins sont importants : 67% des logements ont été construits avant 1975 (ce taux est supérieur de deux points à la moyenne nationale), date des premières normes thermiques ; par ailleurs 58% des habitants du Val-de-Marne disposent de revenus inférieurs aux barèmes d'aide de l'ANAH et 50% des actifs référents d'un ménage utilisent un véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail, ce qui accroît la facture énergétique.

La plateforme intègre toute une série d'actions, depuis le repérage des ménages et leur sensibilisation jusqu'à leur accompagnement, en passant par la coordination des acteurs.

En ce qui concerne le repérage, le pôle architecture et environnement du département du Val-de-Marne a récemment réalisé une étude 60 ( * ) sur le repérage de la précarité énergétique dans le Val-de-Marne. Dans ce cadre, une première cartographie de la précarité du département à l'échelle des IRIS 61 ( * ) a été réalisée. Elle a fait apparaître cinq groupes de population présentant un risque de précarité énergétique allant de peu élevé à très élevé. Pour le groupe confronté à un risque de précarité énergétique très élevé, « au moins 40% des propriétaires de ce groupe sont réputés à faibles revenus. Ce groupe cumule le plus grand nombre de facteurs concourant à la précarité énergétique : faibles ressources, petits propriétaires modestes et locataires du secteur privé ancien utilisant des combustibles onéreux et multiples pour se chauffer et dépendant d'un véhicule motorisé pour les trajets domicile-travail. Le moindre aléa de la vie peut précipiter dans la précarité énergétique les personnes appartenant à ce groupe, les rendant très vulnérables ». Près de 23% de la population du Val-de-Marne appartient à ce groupe.

En matière de sensibilisation de la population et d'accompagnement, le conseil départemental expérimente l'initiative « ambassadeurs de l'énergie ». En partenariat avec les missions locales, sur le territoire des trois villes concernées par l'expérimentation de la plateforme de rénovation énergétique pour tous, 12 jeunes ont été recrutés en contrat d'avenir. Après une formation de plusieurs mois cet été, ils ont commencé en septembre leurs missions sur le terrain. À la demande d'habitants, ils se rendent à domicile afin de faire un diagnostic énergétique, mais également pour les sensibiliser aux écogestes. Si des travaux sont nécessaires et en fonction de leur importance financière, les ambassadeurs de l'énergie orientent les intéressés au sein de la plateforme vers les programmes de financement de gros travaux comme « habiter mieux » de l'ANAH ou ceux pour des travaux plus petits (FSATME porté par la région ou le microcrédit habitat auquel le conseil départemental participe financièrement). La plateforme intègre et coordonne ainsi l'ensemble des dispositifs financiers existants. Un travail est également mené avec les entreprises de travaux afin que ces dernières obtiennent la reconnaissance RGE.

Enfin, une évaluation sera faite trois ans après les travaux afin d'évaluer les économies réalisées sur trois saisons de chauffe.

La plateforme de rénovation énergétique pour tous se présente ainsi comme l'outil d'intégration de l'ensemble des acteurs concernés, publics et privés, tout au long de la chaîne de rénovation énergétique, depuis le repérage jusqu'à l'évaluation de l'efficacité, en passant par le diagnostic et les travaux.

B. LES RÉSULTATS

Ces projets ont vu le jour récemment. Par exemple, les ambassadeurs de l'énergie ont commencé leurs visites de terrain deux semaines avant que votre rapporteur n'auditionne les responsables administratifs en charge de ce dossier. Il n'est donc pas possible d'avoir pour le moment une évaluation des résultats, d'autant plus que toutes les actions n'ont pas encore été lancées, ou viennent seulement de l'être. Votre rapporteur note toutefois qu'en l'espace de 15 jours, une cinquantaine de visites dans les foyers avait déjà eu lieu, preuve de l'intérêt des habitants. L'objectif est de visiter 3 300 logements en trois ans.

En ce qui concerne la diminution de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre par le bâti départemental, de premières actions ont eu lieu, notamment en direction des agents. Depuis plusieurs années, des formations aux écogestes et à la réduction de la consommation pour les agents du département sont organisées. Cela permet de créer un réseau d'agents pilotes, au sein de chaque direction et à tous les niveaux hiérarchiques, qui diffuseront les bons gestes.

Enfin, dans le cadre de la rénovation thermique de sites du département, un outil intitulé MAESTRO a été conçu, dans lequel sont intégrées toutes les actions et opérations de construction/reconstruction et de rénovation, afin de vérifier le respect de la trajectoire cible. Sont ainsi précisés les gains énergétiques souhaités, les équipements concernés et la date de livraison ou de fin des travaux. Les plans d'actions seront révisés tous les deux ou trois ans au vu des résultats obtenus.

VI. ANNEXE AU CHAPITRE : L'AGENCE NATIONALE DE L'HABITAT ET L'UNION SOCIALE POUR L'HABITAT, PARTENAIRES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. L'AGENCE NATIONALE DE L'HABITAT, PARTENAIRE DE LA RÉNOVATION DE PARC PRIVÉ ANCIEN ET DE LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a vu le jour dans les années 1970. Après l'effort de reconstruction au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il est apparu nécessaire de moderniser le parc privé, qui était bien souvent dépourvu du confort moderne.

Aujourd'hui, l'ANAH a 4 missions principales :

- la rénovation d'un parc privé ancien dégradé ;

- la lutte contre la précarité énergétique ;

- la requalification des centres urbains ;

- l'adaptation des logements à la perte d'autonomie des personnes.

L'ANAH aide les propriétaires à réaliser leurs travaux. Cette action se fait à la fois par l'accompagnement à travers le financement des services de bureaux d'études ou d'associations spécialisées, et par l'octroi de subventions. Ses interventions se font très souvent en partenariat avec les collectivités territoriales. En effet, ces dernières sont maîtres d'ouvrage dans les programmes d'amélioration d'habitat et les opérations programmées de renouvellement urbain. L'action de l'ANAH s'intègre dans ces programmes de renouvellement.

Les collectivités territoriales accordent des cofinancements des travaux de rénovation thermique. Ainsi, les ménages aux revenus les plus modestes peuvent espérer plus de 70% de subventions (50% par l'ANAH, primes de l'État, 5 à 10% par les collectivités territoriales). Or cette aide est essentielle, notamment si le montant total des travaux dépasse un an de revenus des bénéficiaires.

En 2014, l'ANAH a apporté son aide à 75 000 logements, dont 50 000 au titre de la rénovation énergétique. La rénovation énergétique est d'ailleurs au coeur même de son fonctionnement, puisque l'ANAH est en partie financée par le produit des enchères de quota carbone au niveau de l'Union européenne.

L'action de l'ANAH en matière de réduction de la consommation d'énergie s'articule autour de trois axes : l'aide aux personnes victimes de précarité énergétique, le soutien aux copropriétés, la rénovation des bâtiments.

1. L'aide aux personnes victimes de précarité énergétique

On entend par personne en situation de précarité énergétique quelqu'un qui consacre plus de 10% de son revenu pour se chauffer. D'ailleurs, un nombre important de personnes déclarent se restreindre sur le chauffage. Or, les travaux sont souvent onéreux - ils atteignent en moyenne 18 000 euros, puisqu'il s'agit souvent d'un changement du mode de chauffe ou d'une réfection de l'isolation. L'aide allouée peut être significative : le montant moyen est de 6 300 euros par logement, soit un tiers de la somme totale à engager.

Focus : les programmes « habiter mieux »

Ces programmes ont été mis en place en 2010. Les collectivités territoriales ont signé avec l'ANAH des partenariats locaux d'engagements. Dans le cadre de ces programmes, les collectivités territoriales assurent la prospection et l'information des habitants, et souvent cofinancent les travaux avec l'ANAH. Cette collaboration permet de renforcer le dynamisme local. Les programmes « habiter mieux » sont désormais ancrés dans les territoires.

Parmi les logements aidés, 9 sur 10 étaient énergivores. Le gain d'énergie demandé pour bénéficier d'une subvention est de 25%. En moyenne, sur l'ensemble des 50 000 logements aidés, ce gain atteint 40% (ce qui permet un saut d'étiquette énergétique) mais surtout, le caractère durable des travaux améliore profondément la qualité de vie des habitants.

Le profil des personnes aidées est souvent le suivant : ce sont principalement des personnes isolées, âgées, mais également des familles dans le cadre d'une première acquisition immobilière. Tel est le cas d'un couple gagnant chacun un SMIC avec deux enfants qui achète un bien moins cher mais nécessitant de gros travaux. 40% des logements aidés sont situés dans des zones rurales, 25% en milieu urbain et 25% en milieu périurbain.

2. La rénovation des copropriétés dégradées

Cette année marque les cinquante ans de l'intervention de l'ANAH dans ce domaine. On constate en effet un phénomène de fragilisation des copropriétés, qui conduit, dans certains cas, à une très forte dégradation du bâtiment. Un partenariat a été conclu avec l'ANRU pour que la rénovation de ces copropriétés soit intégrée dans le nouveau programme national de rénovation urbaine. Lorsque la copropriété est redressable, sa rénovation sera prise en charge par l'ANAH. Lorsqu'elle est jugée trop dégradée, sa destruction est gérée par l'ANRU. La moitié des logements concernés sont des copropriétés privées.

L'ANAH intervient aussi afin d'améliorer la qualité de vie du propriétaire, dont le quartier devient plus attractif suite à une rénovation urbaine, d'autant que l'offre de logements est diversifiée.

L'ANAH intervient également pour aider les propriétaires individuels aux revenus plus modestes que ceux vivant dans une copropriété en bon état général, afin de leur permettre, par un effet levier, de pouvoir supporter le coût des travaux de rénovation.

3. Résultats et enjeux

Depuis le début de l'action de l'ANAH, et jusqu'au 1 er septembre 2015, ce sont 130 000 logements qui ont pu être rénovés. Les aides accordées en 2014, d'un montant de 716,8 millions d'euros, ont permis d'engager un volume de travaux éligibles d'un montant de 1,4 milliard d'euros, soit l'équivalent de 28 000 emplois créés ou préservés 62 ( * ) .

L'un des enjeux aujourd'hui est la soutenabilité financière des programmes d'aides. En 2014, dans le cadre du plan de relance, l'ANAH a obtenu une dotation supplémentaire. En 2015, une dotation supplémentaire a également été accordée. Toutefois, des problèmes de priorisation peuvent advenir, puisque 4 propriétaires occupants sur 10 sont éligibles aux subventions de l'ANAH. Cela oblige cette dernière à restreindre ses aides, voire à ne pas en accorder à des logements modestes pourtant éligibles, pour les concentrer sur les personnes les plus modestes (moins de 14 000 euros par an pour une personne seule). Les collectivités territoriales et les délégations locales de l'ANAH ont la possibilité de définir leurs priorités, en fonction des réalités de chaque territoire.

Par ailleurs, la baisse des dotations aux collectivités territoriales pose la question de la capacité des collectivités de respecter leur engagement en matière de rénovation énergétique. Or, il est important de ne pas délaisser ces collectivités qui ne pourraient plus, à terme, s'inscrire dans le cadre d'un projet de cofinancement.

Enfin, l'ANAH réalise actuellement une évaluation des gains énergétiques sur les factures deux ans après les travaux.

Votre rapporteur a noté avec intérêt la pratique danoise selon laquelle le taux de prêt est calculé sur la base de la consommation d'énergie mesurée deux ans après les travaux, cette règle obligeant constructeurs et rénovateurs à inscrire leurs travaux dans une démarche de durabilité.

B. LE LOGEMENT SOCIAL : 4,5 MILLIONS DE LOGEMENTS AU CoeUR DES TERRITOIRES

1. L'Union sociale pour l'habitat, partenaire des collectivités territoriales
a) Un engagement pour la réduction de la consommation d'énergie

L'Union sociale pour l'habitat est l'organisation représentative du secteur HLM. Elle représente 755 organismes HLM à travers 5 fédérations, ce qui concerne plus de 4,5 millions de logements. Il existe un engagement fort, depuis plusieurs dizaines d'années, de la part des offices HLM pour améliorer les conditions de vie de leurs locataires. Or, l'amélioration énergétique des logements, qui y contribue, passe par une meilleure isolation des bâtiments, mais aussi une baisse des charges, pour des répercussions sur le pouvoir d'achat des locataires.

La crise pétrolière des années 1970 a également été source de réflexion pour diminuer les consommations d'énergie, d'autant plus qu'il avait été démontré que les locataires de HLM étaient les premiers frappés par cette crise. Il y a 25 ans, les premières opérations de développement social des quartiers ont été menées : les bâtiments qui n'étaient plus aux normes, ou qui avaient construits à une époque où les normes thermiques n'existaient pas - les premières datent de 1975 - ont été rénovés.

Chaque année, 100 000 à 120 000 logements sont réhabilités, et 100 000 logements sont construits. En outre, depuis sept ans, tous les bâtiments sont construits selon la norme RT 2012, avant même qu'elle ne devienne obligatoire. Des constructions innovantes sont également réalisées : à Saint-Dié-les-Vosges a été construit un immeuble en bois de 8 étages. Les énergies renouvelables gagnent d'ailleurs de plus en plus de parts de marché dans la construction.

En outre, le mouvement HLM a décidé de mutualiser ses fonds pour activer des fonds dormants. En effet, les besoins de construction sont forts dans certains territoires, tandis que dans d'autres des logements HLM restent vacants.

b) Des enjeux majeurs pour poursuivre l'effort

Quatre enjeux doivent être pris en compte pour poursuivre l'effort de réduction de la consommation d'énergie.

Tout d'abord, au vu des progrès importants qui restent à accomplir, la question du financement est essentielle : les aides à la pierre ou les aides de même niveau, tels les financements européens et les écoprêts, représentent un levier exceptionnel. Il est indispensable que ce levier continue d'exister, mais aussi que les aides soient additionnelles : les contraintes de l'une ne doivent pas être incompatibles avec celles de l'autre.

On constate aussi une grande complexité dans la mise en oeuvre. Le montage du financement demande souvent beaucoup de temps et les exigences peuvent être très différentes selon les acteurs. Il est donc nécessaire de toiletter, moderniser et simplifier ces aides. À titre d'exemple, certains partenaires financiers sont en train de faire évoluer leurs aides. Or ces dernières, dans leur nouveau format ne sont pas en phase avec l'éco-prêt social. L'un des enjeux majeurs est donc l'harmonisation des cadres de référence, afin de pouvoir susciter un levier important.

Un autre point à prendre en compte est le coût du développement des bâtiments à énergie positive, qui sont 15 à 25% plus chers que la construction classique. Le message peut donc être contreproductif auprès des ménages, puisqu'on leur parle de rénovation énergétique ou construction très peu consommatrices d'énergie. Or, les économies réalisées sur la baisse de la consommation d'énergie sont annulées par l'augmentation des charges du fait du coût de ces bâtiments, et de leur entretien (par exemple, pour des panneaux photovoltaïques). C'est pourquoi, dans le cadre de ses rénovations, l'USH préfère s'intéresser à l'émergence, suite à des réhabilitations thermiques de bâtiments à pouvoir d'achat positif. En outre, face au nombre important de logements qui nécessitent une rénovation, un arbitrage est à faire entre l'exemplarité et l'effort de massification, à des niveaux de consommation d'énergie moins performants, mais qui permettent par un effet masse, d'accroître la performance énergétique de l'ensemble du parc social.

Troisième enjeu, avec un constat partagé par toutes les personnes auditionnées qui aident à entreprendre des travaux de rénovation thermique : une sensibilisation importante de la population est à faire. En effet, certaines habitudes doivent évoluer, sans quoi elles entraînent une dégradation rapide du bâtiment ou rendent inefficaces les travaux de rénovation : ouverture des fenêtres quand le chauffage fonctionne, obstruction des bouches d'aération entraînant une concentration d'humidité et une dégradation des murs,...

Focus sur l'association Voisin Malin

L'association Voisin Malin a été fondée en 2010 et fonctionne sur un modèle entrepreneurial. Elle emploie, forme et anime un réseau de voisins qui vont à la rencontre des habitants du quartier. Ces personnes, « les Voisins » jouent auprès de la population un rôle d'intermédiaires, d'informateurs pour des bailleurs sociaux, services publics, entreprises (La Poste, Véolia), collectivités territoriales. En effet, souvent, les services locaux n'arrivent pas à toucher les publics visés par les actions dans les quartiers populaires. Les Voisins permettent de « faire le dernier kilomètre » vers l'habitant. Les missions menées sont diverses : santé, suivi scolaire, tri sélectif, information sur les transports en commun, consommation énergétique, fonctionnement d'une copropriété,...

Par exemple, à Aulnay-sous-Bois, Véolia souhaite diminuer les consommations d'eau. Or les campagnes d'information qu'elle réalisait ne fonctionnaient pas (prospectus non lus, faibles participations aux réunions organisées). Véolia a eu recours aux Voisins, qui ont fait un travail de porte-à-porte pour informer sur les gestes à adopter pour économiser l'eau (consommations des chasses d'eau), la réparation d'une fuite simple, mais aussi la bonne compréhension de sa facture d'eau,... Les familles accompagnées ont pu réduire leur consommation d'eau de 10 % à 30 % et économiser jusqu'à 300 € par an.

À Montreuil, une mission a été menée afin de réduire les consommations d'énergie. Via l'association Voisin Malin, des kits d'information ont été distribués aux habitants. Il est expliqué, par exemple, comment installer un mousseur d'eau sur un robinet.

À Paris, deux bailleurs sociaux ont sollicité les Voisins afin d'accueillir les nouveaux locataires dans des logements rénovés (écogestes, utilisation des nouveaux équipements de leur logement,...).

Enfin, un nouvel enjeu doit être pris en compte : celui de l'adaptabilité des logements au changement climatique. En effet, les logements de métropole sont conçus pour l'hiver : la chaleur doit y rentrer et ne pas en ressortir. Or, d'ici cinquante ans, soit la durée moyenne entre deux rénovations d'un bâtiment, il faudra prendre en compte la problématique du rafraîchissement naturel des bâtiments.

2. Un exemple d'office HLM engagé : Paris Habitat

Paris Habitat gère plus de 123 000 logements à Paris et environ 10 000 en proche banlieue. À l'instar de nombre d'offices HLM, Paris Habitat s'est doté d'une charte du développement durable, engagement ancien et ancré dans le temps, puisqu'elle a été signée en 2005. Son action s'inscrit dans le Plan Climat Énergie de la ville de Paris, avec un objectif de réduction de 20% de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020.

Son action s'articule autour de trois axes :

Le premier est l'attention portée à la production d'énergie dans l'accroissement de son parc de logement. Les constructions neuves se font en respectant les règles BBC, soit un bâtiment ne devant pas dépasser 50 kWhep/m² SHON/an à Paris. Toutefois, afin que les gains réels d'émission de gaz à effet de serre correspondent à la consommation théorique du bâtiment, il est important de sensibiliser les occupants à la particularité de leur logement. L'appropriation de ces nouveaux bâtiments est donc essentielle pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Le deuxième axe consiste en une gestion attentive de la chauffe des bâtiments. Chaque année, 10 à 15 millions d'euros sont investis dans la rénovation des chaufferies, ce qui permet des gains importants d'énergie. Il y a également un raccord progressif des logements sociaux à la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) : 20 000 logements ont été raccordés entre 2008 et 2011. Si la CPCU n'est pas pour l'instant dotée d'un système de chauffage entièrement produit par de l'énergie renouvelable, elle reste plus compétitive que les énergies fossiles. De nouvelles pistes pour optimiser les dégagements de chaleur produits sont également recherchées : réflexion autour de l'utilisation de la chaleur du métro, ou sur la transformation des radiateurs en unités centrales connectées servant de centres de calcul. En effet, dans les constructions BBC, une faible quantité d'énergie suffit pour chauffer les bâtiments. Une autre action importante en matière de chauffage consiste à ne pas trop chauffer les bâtiments. En effet, pendant longtemps, les logements ont été surchauffés (22-23°). Désormais, Paris Habitat pénalise les exploitants s'ils chauffent au-delà de 19°C degrés, soit la température prévue par le contrat. L'abaissement de la température ne peut se faire qu'en lien avec une rénovation des bâtiments. En effet, la demande de surchauffe est due au phénomène de parois froides dans les logements mal isolés, ce qui renforce la sensation de froid.

Le troisième axe est la réhabilitation des logements. Il y a quelques années, Paris Habitat était plutôt en retard par rapport à ses homologues. De plus, les rénovations entreprises dans les années 1980 ont pu être mal exécutées : installation de double vitrage sans ventilation, bac à douche posé directement sur le parquet,... Au final, cela a entraîné une dégradation rapide des logements. Un effort financier très important est réalisé, puisque le budget annuel alloué à la rénovation est passée de 40-50 millions d'euros sous la précédente mandature, à 150 à 200 millions d'euros. Au total, sur l'ensemble de la mandature, l'investissement pour la rénovation des logements s'élève à un milliard d'euros. Mais cette rénovation doit se faire dans un cadre contraint :

- le respect du plan climat de Paris, qui impose une consommation d'énergie inférieur à 80 kWh/m² ;

- l'existence de contraintes architecturales : il peut être impossible d'isoler les bâtiments par l'extérieur, et les surfaces intérieures sont réduites.

Au vu de ces contraintes, les principales rénovations portent sur le changement des fenêtres, ainsi que sur les travaux liés à la régulation thermique et à la ventilation, afin de s'approcher le plus possible de la barre des 80kWh. Paris Habitat est aidé par le changement de politique de subvention de la ville de Paris. Cette dernière est en effet passée d'un système de « tout ou rien », à une subvention progressive et évolutive suivant le niveau d'émission d'énergie atteint. Cette politique a permis de débloquer de nombreux projets.

Après rénovation, Paris Habitat parvient à réduire la consommation d'énergie initiale des logements (200 à 250 kWh) à un niveau d'environ 100 kWh (le parc privé parisien a une consommation d'énergie supérieure à 240 kWh/m²).

Au total, ce sont environ 4 000 logements par an qui font l'objet de rénovations, pour un coût moyen de 40 000 à 60 000 euros par logement. Le financement de ces travaux se fait par trois canaux :

- la subvention de la ville de Paris, qui peut attendre 180 euros/m² pour les subventions les plus élevées, ce qui représente 10 000 euros pour un appartement de 60 m².

- la « troisième ligne de quittance », qui correspond à la contribution du locataire à la rénovation thermique de son logement. Cette ligne est calculée en fonction du gain thermique théorique du bâtiment, suite aux travaux. Or souvent, le gain d'énergie réel est moindre que le gain espéré. La différence peut être de 50%. C'est pourquoi, en accord avec les représentants des locataires, Paris Habitat procède à un constat réel de la consommation d'énergie, trois ans après la rénovation. Si on observe que la consommation réelle est supérieure à la consommation espérée, alors le montant de cette troisième ligne de quittance est revu : en effet, les travaux réalisés n'ont pas permis les économies d'énergie prévues. In fine , la participation des locataires est inférieure à 20 centimes par mois par m², soit 12 euros par mois. Cette ligne perdure pendant 15 ans, temps d'amortissement des travaux. Au final, la participation du locataire s'élève à 2 000 ou 2 500 euros.

- le reste du financement est apporté par les fonds propres de Paris Habitat ou des emprunts (Paris Habitat finance 60% des travaux de rénovation).

Paris Habitat estime à un milliard d'euros supplémentaire au budget prévu sur l'ensemble de la mandature, le financement nécessaire afin de permettre la rénovation de l'ensemble de son parc social. C'est donc un financier est donc majeur.

Le QRcode et le lien internet ci-après permettent d'accéder à la vidéo des visites de terrain effectuées pour l'élaboration du présent chapitre :



http://blog.senat.fr/cdp21/rapport-dinformation-de-la-delegation-senatoriale-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/#logement

EXAMEN DU RAPPORT EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du jeudi 22 octobre 2015, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation examine le rapport d'information « Les collectivités territoriales s'engagent pour le climat »

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous avons souhaité, pour le Congrès des maires et dans la perspective de la COP21, rassembler et faire connaître les bonnes pratiques françaises de lutte contre le changement climatique. Il y a vingt ans, la France accusait un certain retard sur ces questions. Elle a fait des progrès depuis : nous sommes dans le peloton de tête sur certaines questions, et nettement en tête sur d'autres. L'Union européenne a également progressé.

Nos collectivités territoriales, quel que soit leur type ou leur taille, sont également en pointe sur des sujets très concrets : la mobilité, l'énergie, les déchets... Plusieurs d'entre nous, à la tête de collectivités, sont très mobilisés - et souvent depuis longtemps -, dans ce combat. D'autres, à l'instar de Michel Delebarre, se sont engagés dans la diplomatie des villes au sein de grands rendez-vous, notamment sur l'eau. En tant que président d'une association de maires, j'ai eu l'occasion, par le passé, d'assister à ces rencontres où l'on peut vraiment faire passer des messages.

Ce rapport soutient les autorités françaises pour la COP21. Dans notre pays, le « penser global, agir local » est une réalité, quel que soit le territoire ou la sensibilité politique. Les progrès au niveau des États, d'une COP à l'autre, sont modestes. Pendant ce temps, les collectivités « font le job » ! Je suis persuadé que si nous sommes unis, la démarche des pouvoirs publics français peut, en décembre prochain, être un succès.

Chacun d'entre nous a effectué au moins un déplacement. J'ai ainsi passé une journée dans une ville européenne - Bologne - fin août. Je m'y rendais plutôt sûr de moi, en tant qu'ancien maire d'une ville de taille comparable. J'ai été surpris des réalisations que j'y ai observées ! Partout, il y a des enseignements à prendre.

Mme Caroline Cayeux, co-rapporteur . - Avec 70% des rejets mondiaux, les villes sont les premiers lieux d'émission de gaz à effet de serre : l'urbanisme est donc un outil incontournable face aux enjeux climatiques. Il s'agit de faire émerger un modèle urbain plus sobre en consommation d'énergie et en émissions de gaz carbonique, plus résilient face aux aléas climatiques.

Les collectivités inscrivent dans leurs documents de planification leurs orientations stratégiques pour les dix à vingt ans à venir. En privilégiant la densification de zones déjà urbanisées et la reconversion des friches plutôt que l'urbanisation de nouveaux secteurs, elles maîtrisent l'étalement urbain, préservent les espaces agricoles et naturels, limitent les besoins de déplacements. En implantant des logements à proximité des axes de transport, et en veillant à la présence des différentes fonctions urbaines dans chaque quartier - comme le fait Grenoble de façon percutante -, elles fixent un cadre urbain propice aux mobilités alternatives à la voiture : une ville compacte, mixte sur le plan de ses fonctions et de sa population, et bien desservie par des transports collectifs favorise le développement durable et la solidarité territoriale.

Les collectivités poursuivent également, dans leurs opérations d'aménagement, des objectifs de qualité énergétique et environnementale. Elles construisent des quartiers moins émissifs, profitent des opérations de développement urbain pour améliorer la performance du cadre bâti, promouvoir les transports collectifs et les énergies renouvelables, et renforcer la place de la nature en ville. Ces opérations améliorent le cadre de vie et l'attractivité économique de quartiers anciennement défavorisés. Elles suscitent des économies d'énergie. Les collectivités mobilisent ainsi l'urbanisme prévisionnel (leurs documents de planification) et opérationnel (les opérations d'aménagement) en faveur du climat.

De nombreux projets locaux en témoignent. L'éco-quartier d'Issy-les-Moulineaux développe à la fois un cadre bâti performant, un réseau de chaleur géothermique et une collecte pneumatique des déchets, grâce à des bornes enterrées et une aspiration vers une borne centrale. Le programme de rénovation urbaine de Reims intègre une dimension durable. Le plan local d'urbanisme facteur 4 de Brest Métropole doit son nom aux quatre documents d'urbanisme qu'il regroupe, et à l'objectif de division par quatre des émissions d'ici à 2050. Le « contrat d'axe » rapproche les politiques d'urbanisme et de transport de plusieurs communes et d'un syndicat mixte de la région grenobloise : leur nombre d'habitants étant insuffisant pour amortir le coût de construction d'une nouvelle ligne de tramway, trois communes ont accepté un programme de densification urbaine qui a rendu les travaux envisageables. Dans le Nord-Pas de Calais, un manifeste présente les solutions d'ingénierie territoriale existantes.

Les collectivités locales sont plus impliquées qu'on ne le pense ! Les bonnes pratiques ne pourront néanmoins se diffuser sans un cadre réglementaire stable et des ressources financières satisfaisantes. Les collectivités doivent en outre bénéficier d'une ingénierie adaptée pour intégrer très en amont les enjeux climatiques dans les documents d'urbanisme et les opérations d'aménagement. Elles ont besoin de professionnels formés. Un gisement de nouveaux métiers est à explorer : le verdissement des métiers de l'urbanisme, de l'aménagement et de la construction est une nécessité.

M. Michel Delebarre, co-rapporteur . - Les nombreuses actions de coopération décentralisée et de partenariat des collectivités locales intègrent souvent la protection du climat. Avec Ronan Dantec, nous avons constaté, dans le rapport que nous avons remis au Premier ministre, que 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à des décisions locales relatives à l'énergie, à l'assainissement, au transport, au traitement des déchets, à l'urbanisme, à la biodiversité - autant de domaines d'action des collectivités à l'international. En France, 5 000 collectivités locales, avec 10 000 collectivités partenaires, mènent plus de 13 600 projets de coopération dans plus de 145 pays. Les collectivités territoriales ont une véritable expertise pour la protection du climat. Elles pilotent et coordonnent les Agenda 21, les plans énergie-climat territoriaux et les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Ces actions de lutte contre le changement climatique sont souvent transversales. Ainsi, le conseil général de Seine-Maritime aide le gouvernorat du Kef, en Tunisie, à élaborer son plan énergie climat. En 2004 a été élaborée la charte de la coopération décentralisée et du développement durable : elle incite les collectivités locales à mettre en oeuvre des projets de développement durable et s'accompagne d'un guide méthodologique.

Les collectivités souhaitent que leur rôle dans la lutte contre le changement climatique soit davantage reconnu ; elles ont structuré leur parole dans les négociations internationales en créant des associations comme le Conseil des communes et régions d'Europe ou Cités et gouvernements locaux unis. Depuis la conférence sur le climat de Montréal en 2005, les collectivités se réunissent en marge des sommets et produisent des déclarations. À l'époque, les négociations entre États stagnaient : discussions difficiles du cycle de Doha, refus de la ratification du protocole de Kyoto par les États-Unis,... Cela avance : depuis la conférence sur le climat de Varsovie en 2013, une journée est officiellement dédiée aux collectivités. Cependant, certains États résistent et ne veulent pas que la lutte contre le réchauffement climatique renforce les revendications de décentralisation. Les associations internationales de collectivités territoriales ont donc imaginé des stratégies de contournement, ainsi le terme d'» approche territoriale » en substitution à « collectivités locales » utilisé dans les négociations préparatoires à la COP21. Derrière la sémantique se cachent des enjeux majeurs, comme l'accès au financement et le soutien aux initiatives locales, y compris la coopération décentralisée.

M. Jacques Mézard, co-rapporteur . - En tant que président d'une communauté d'agglomération compétente en matière de déchets, je suis bien placé pour aborder le volet qui m'a été confié. Le secteur des déchets évolue très vite avec de nombreuses innovations. J'ai confiance en l'intelligence des élus locaux et je crois à la pédagogie par l'exemple et par la diffusion des bonnes pratiques. La réalité du changement climatique dépend beaucoup des gestes du quotidien. Un constat particulièrement vrai dans le domaine des déchets, où ce sont les mentalités et les comportements qui doivent évoluer et qui conditionneront le succès. Certains considèrent que, puisqu'ils paient, la collectivité n'a qu'à se débrouiller pour éliminer leurs déchets...

La sensibilisation des jeunes publics, dans les écoles par exemple, est certes souhaitable mais n'est pas suffisante : il faut impliquer les générations actuelles de consommateurs.

Industriels et pouvoirs publics multiplient les campagnes d'éducation, affirmant ici ou là que les petits gestes de tri sont une solution efficace pour réduire notre empreinte carbone. Sauf qu'aujourd'hui nombre de messages sont difficilement compréhensibles. Le consommateur-citoyen se perd dans la profusion des consignes de recyclage et le manque de lisibilité des produits. Simplifions la communication : trop complexe, elle n'incitera pas les consommateurs à changer leurs comportements. Le point de plus forte résistance reste encore la poubelle des ménages - les entreprises, quant à elles, sont de plus en plus performantes lorsqu'elles y trouvent un intérêt économique direct. Il faut changer le message, négatif et culpabilisant, et faire apparaître des avantages, notamment financiers. Si le tri et le recyclage sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants. C'est toute notre approche des politiques publiques de traitement des déchets qui doit être repensée.

Je crois d'abord à l'exemplarité des projets. La perception et les problèmes ne sont pas les mêmes selon les caractéristiques socio-économiques. Finissons-en avec les projets sans adéquation avec les territoires. Je reste perplexe envers un certain « centralisme régional » défendu par la loi NOTRe. Les frontières administratives n'ont aucun sens en matière de valorisation des déchets : les bassins de vie, qui sont aussi les bassins de production de déchets, peuvent être à cheval sur plusieurs départements et régions.

La problématique des déchets évolue à grande vitesse, du fait des innovations technologiques. La diminution des volumes de déchets ira de pair avec l'augmentation des tonnages et des matériaux recyclés. Leur valorisation permettra de donner une connotation plus positive à un secteur dont l'image est mauvaise. Les investissements se font sur des dizaines d'années, nous devons garantir une stabilité réglementaire et donner aux élus des indications fiables, cohérentes, même si elles sont parfois difficiles à entendre. Faisons confiance aux élus locaux pour faire les bons choix au service de la performance des territoires.

Nous avons vu des exemples très innovants qu'il faut faire connaître, notamment le centre multi-filières de valorisation des déchets de Villers-Saint-Paul, qui valorise 173 250 tonnes de déchets par an sur deux lignes d'incinération grâce à des techniques optiques. Le site produit de l'électricité et fournit un réseau de chaleur aux habitants et aux industriels. On change d'époque avec ces mutations technologiques considérables, qui seront dépassées d'ici deux à trois ans. Un centre peut valoriser près de 80% des déchets.

Les communes du pays de Sarrebourg, en Moselle, ont mis en place une tarification incitative afin de maîtriser les coûts d'enfouissement des ordures ménagères résiduelles, avec des résultats significatifs ; au centre de tri télé-opéré d'Amiens, des innovations technologiques permettent de trier les déchets sans les toucher, progrès considérable dans un métier extrêmement difficile. Il faut accélérer ces mutations ; la commune de Lapouyade abrite un projet innovant de valorisation du biogaz issu des déchets pour chauffer des serres agricoles, ce qui génère des emplois et de la production. Ces exemples positifs sont nombreux ; il faut les faire connaître au plus grand nombre de collectivités, simplifier la réglementation et mieux communiquer afin de donner une image valorisante de ce secteur.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Vous soulignez, à juste titre, l'image du secteur des déchets. Au début des années 1990, je présidais la commission de la production et des échanges à l'Assemblée nationale. Le président de l'Assemblée, Laurent Fabius, très engagé avec le sénateur Al Gore dans une démarche de développement durable, avait organisé un séminaire parlementaire dont nous étions revenus très motivés. J'avais alors initié trois grands rapports sur les différents types de déchets, sujet baroque à l'époque !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure . - Les transports, responsables d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre, contribuent fortement au changement climatique, à commencer par le trafic routier. L'empreinte carbone du secteur des transports a crû de plus de dix points entre 1990 et 2012, et demeure supérieure à la moyenne européenne, située à 20%. Les collectivités organisatrices de la mobilité dans nos territoires se sont donc mobilisées pour favoriser des modes de déplacement alternatifs à l'usage individuel de la voiture et réduire la dépendance à son égard.

Les collectivités organisent le report modal vers les transports collectifs. Elles veillent à l'attractivité de l'offre de transports, en proposant des horaires cadencés et des tarifs incitatifs. Elles favorisent l'inter-modalité et la muti-modalité, c'est-à-dire l'utilisation successive ou alternative de plusieurs transports publics, au moyen de centrales de mobilité ou de billettique intégrée.

Les transports en commun ne peuvent desservir l'ensemble du territoire. Aussi, pour les courtes distances, les acteurs locaux favorisent les mobilités douces - vélo et marche ; dans les zones peu denses, où les transports collectifs classiques ne sont pas viables, ils promeuvent des modes de déplacement partagés, comme le covoiturage, ou le sur-mesure, tels les transports à la demande. La réinvention de la voiture est en jeu : les collectivités accompagnent le déploiement des véhicules électriques et de leurs infrastructures de charge.

Les élus locaux, en tant qu'employeurs, mettent en place des plans de déplacements d'entreprise ; dans le cadre de la commande publique, ils acquièrent des véhicules peu émissifs ; autorités de police ou gestionnaires de la voirie, ils maîtrisent le trafic routier.

Durant les auditions que j'ai menées, comme lors d'un déplacement de terrain en Haute-Vienne, ou durant mes échanges avec les élus de Toulouse Métropole, j'ai mesuré l'implication de nos territoires en matière de mobilité durable. J'ai pu étudier quelques initiatives ferroviaires locales : une politique de report modal vers le transport ferroviaire en région Limousin, avec le cadencement des TER et la création de pôles d'échanges ; une politique volontariste de promotion du covoiturage et des transports à la demande en milieu rural en Haute-Vienne ; un choix ancien en faveur des transports collectifs à traction électrique, les trolleybus, et des modes doux à assistance électrique, les vélos électriques, à Limoges ; des mobilité hybrides - le tram-train et le tram-bus - à Mulhouse ; l'accompagnement du véhicule électrique en Bourgogne, avec un schéma de déploiement des bornes de charge. Les collectivités sont des laboratoires d'idées !

Les plus investies en la matière ne mythifient pas le progrès technique. Nombre d'élus et de techniciens m'ont rappelé que l'amélioration de la performance énergétique des véhicules individuels, toute appréciable qu'elle soit, ne réduira pas à elle seule l'empreinte carbone du secteur des transports : les collectivités doivent agir prioritairement en faveur des transports collectifs.

Deux freins bien connus s'opposent à la mobilité sobre : l'émiettement des compétences en matière de transports, ainsi que le cloisonnement des politiques publiques. Espérons que l'application de la loi NOTRe clarifiera les choses. Les collectivités dont j'ai étudié les projets ont su dépasser ces difficultés, en coordonnant et en élargissant leurs interventions. Une telle coordination fait émerger, dans chaque bassin de vie, des réseaux interopérables, une information multimodale et une billettique intégrée, qui facilitent les déplacements quotidiens. Une action globale en faveur de la mobilité, dépassant le seul domaine des transports pour embrasser tous les leviers d'action disponibles - l'urbanisme, l'aménagement, la voirie, les pouvoirs de police, la commande publique - impulse une dynamique en faveur de modes de déplacement moins émissifs. Mais attention à l'étalement urbain ! C'est une dialectique presque schizophrénique : les maires de petites communes qui n'ont pas de pression foncière refusent difficilement des permis de construire, mais l'éparpillement de l'habitat complique les politiques de transport.

Les collectivités les plus impliquées en faveur de la mobilité sont attentives à sa dimension sociale. Une conception durable de la mobilité poursuit trois finalités : la qualité environnementale, l'équité sociale et l'efficacité économique - ce n'est pas un gros mot !

C'est en proposant des alternatives à l'usage individuel de la voiture dans les zones mal dotées en transports, péri-urbaines et rurales, ou auprès des publics les plus isolés - les personnes jeunes, âgées ou défavorisées - que les collectivités font le plus progresser les modes durables de déplacement.

Ma conviction initiale est confortée : de très nombreuses collectivités mettent en place des politiques de transport vertueuses et sont ouvertes à des innovations, si celles-ci s'effectuent dans un cadre budgétaire durable.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie. De nombreuses collectivités sont mobilisées sur ces thématiques. Des investissements lourds sont consentis dans des infrastructures comme les tramways ou les transports collectifs en site propre (TCSP). Nous sommes entrés dans l'ère de la pluri-modalité. Après avoir restructuré l'espace urbain, nous devons faire changer nos comportements. Certains éléments sont parfois clivants : le successeur de M. Delebarre, à Dunkerque, est un chantre de la gratuité des transports publics, alors que j'y suis opposé.

M. Antoine Lefèvre, co-rapporteur . - Il y a de l'énergie dans nos territoires, et nous en avons besoin ! À quelques semaines de la COP21, les collectivités cristallisent les attentes, sans qu'elles aient toujours tous les moyens pour relever ces défis. Je me suis rendu dans plusieurs collectivités de tailles différentes, et j'ai pu observer les appels à projets thématiques, « villes de demain », « territoires à énergie positive », « villes respirables », « zéro-déchets, zéro-gaspillage », ou la logique de labellisation de projets locaux « bâtiments performants, énergies renouvelables », « efficacité énergétique »... J'ai mis en avant le rôle de fer de lance des territoires pour mobiliser le levier énergétique contre le changement climatique. Les collectivités sont plus que jamais indispensables : leurs actions sont suivies de résultats et les bonnes pratiques doivent être partagées.

Représentant plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre, l'énergie est un enjeu majeur. Si l'approche centralisée au niveau des États est importante, les collectivités sont au coeur d'un nouveau modèle de décentralisation, de production et de distribution de l'énergie. Elles sont prêtes à constituer un échelon pertinent de la transition énergétique, afin que le local, enfin, puisse conditionner le global.

J'ai mis en avant des actions innovantes de collectivités pour réduire les consommations énergétiques. Les bonnes pratiques doivent être connues, notamment dans les territoires ruraux, encore trop souvent exclus des innovations technologiques.

La métropole niçoise est un exemple de smart city offrant de nouveaux services. Grâce à la vidéosurveillance intelligente, le trafic a été fluidifié et le stationnement en triple file, tradition locale, a disparu. Grâce aux nouvelles technologies, des applications de « stationnement intelligent » informent en temps réel les usagers sur les places disponibles. Toutes nos politiques locales peuvent évoluer et passer de la réaction à la prévision.

Le marché public de performance énergétique de Roannais Agglomération a permis de réaliser d'importantes économies d'énergie et de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. Grâce au contrat de performance énergétique, la collectivité a réduit de 65% les rejets de gaz à effet de serre de ses bâtiments, de 50% sa consommation énergétique, et de 40% sa consommation d'eau dans les grands équipements sportifs. Que d'enseignements ! La rénovation énergétique du quartier de la Divette, au centre-ville de Cherbourg, a inclus la création d'un réseau de chaleur local pour maîtriser les consommations énergétiques. Les résultats sont là : 84% des besoins pour le chauffage sont couverts par des énergies renouvelables, 62% des émissions de gaz carbonique liées au chauffage sont évitées, la facture des charges locatives a diminué de 30%. L'installation du réseau de chaleur évite, chaque année, l'émission de 1 730 tonnes de CO 2 , l'équivalent de 848 voitures retirées de la circulation. La ville de Sainte-Adresse a rénové son parc d'éclairage public afin d'économiser de l'énergie dans le cadre de son contrat de performance énergétique.

On pourrait multiplier les exemples. Il est important de bien comprendre la spécificité de chaque territoire. La transition énergétique reposera sur le bon diagnostic pour chaque territoire. Dans la conjoncture budgétaire actuelle, la réduction de la consommation d'énergie, au-delà de ses vertus écologiques, réduit aussi la facture pour les collectivités !

M. Joël Labbé, co-rapporteur . - Je suis impressionné par la cohérence entre nos propos. Quelle bonne initiative nous avons eue ! C'est la première fois que je suis ainsi chargé d'une partie de rapport. C'est un honneur de s'investir pour une noble cause, d'autant que notre assemblée nous donne les moyens de travailler. La biodiversité est un thème qui me convenait pleinement.

Au même titre que le climat, la biodiversité est en danger : 70 000 hectares sont artificialisés chaque année, les cours d'eau comptent un obstacle tous les six kilomètres, et moins d'un tiers des habitats d'intérêt communautaire est en bon état de conservation.

La lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas reléguer au second plan la préservation de la biodiversité ; ces deux objectifs, interdépendants, doivent progresser d'un même pas. La biodiversité est l'indicateur le plus visible du changement climatique, aux côtés de l'artificialisation des sols, de la surexploitation des ressources et de l'émission de polluants. Ce sont 20 à 30% des espèces qui seront exposées à un risque accru de disparition en cas d'augmentation de 1,5 à 2,5 degrés de la température.

À l'inverse, une biodiversité bien conservée concourt à la lutte contre le changement climatique. Les écosystèmes jouent un rôle essentiel : ils captent et stockent la moitié du gaz carbonique issu des activités humaines. Les océans, les forêts et les sols sont autant de « puits à carbone ». Des écosystèmes sains et vivants résistent mieux aux aléas climatiques extrêmes, dont la fréquence et l'intensité pourraient s'accentuer. Une gestion durable des zones humides, forestières ou agricoles, contribue à la résilience des milieux naturels contre les risques d'inondation, d'incendie ou de sécheresse. Des sols riches en matière organique sont porteurs de biodiversité et constituent une réponse tout à fait ordinaire et extraordinaire au changement climatique.

En protégeant les écosystèmes, les collectivités territoriales agissent directement en faveur de la biodiversité et indirectement en direction du climat. Elles disposent de leviers peu onéreux pour protéger les milieux naturels et les espèces, tels que les parcs naturels régionaux ou les espaces naturels sensibles ; elles peuvent inscrire la biodiversité dans les projets d'urbanisme et les opérations d'aménagement, via les déclinaisons de la trame verte et bleue ; développer des stratégies transversales, comme les stratégies régionales de la biodiversité et les Agendas 21 locaux ; ou encore recueillir et diffuser les connaissances, avec les observatoires locaux de la biodiversité. Parfois, un simple changement de pratiques suffit : favoriser la végétalisation, y compris spontanée, en cessant de recourir aux produits phytosanitaires, contribue à rafraîchir les agglomérations. En milieu urbain, une augmentation de 10% des surfaces végétalisées permet d'abaisser d'un degré la température dans un rayon de 100 mètres, réduisant d'autant le risque de formation d'îlots de chaleur.

Le verdissement des villes ne se limite pas à la création de jardins d'agrément ; il peut prendre la forme de potagers ou de vergers. L'agriculture urbaine est un outil de reconquête de la biodiversité en ville. Aux côtés des circuits courts, elle participe d'une nouvelle forme d'alimentation fondée sur la proximité des lieux de production et de consommation.

J'ai rencontré des porteurs de projets dans mon département, le Morbihan, le 3 juillet, et mené une série d'auditions au Sénat. J'ai étudié un espace protégé, le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan - cinquième parc créé, sur 51 aujourd'hui -, qui veille à la déclinaison de la trame verte et bleue, à la résilience des milieux aquatiques et à la promotion de stratégies d'adaptation au changement climatique ; un agenda local orienté autour de la biodiversité dans la commune de Saint-Nolff ; une démarche « zéro phyto » engagée à Versailles à partir de 2003 ; un programme de végétalisation entrepris par la Ville de Paris, qui a l'ambition de créer 100 hectares de verdure d'ici à 2050, dont un tiers dédié à l'agriculture urbaine ; un réseau d'acteurs, l'Agence pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France, qui concourt à la mutualisation des connaissances et des bonnes pratiques.

Si la biodiversité a longtemps été le parent pauvre des politiques publiques, les collectivités s'en sont largement saisies. Il faut aller encore plus loin. Parmi les pratiques à encourager figure l'abandon des produits phytosanitaires, dont l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2017 doit être anticipée. Pour s'y préparer sereinement, les collectivités peuvent prendre connaissance d'expériences, dont les plus anciennes ont une dizaine d'années, et tirer profit d'offres de formation des agents communaux ou des élus. Pourquoi ne pas proposer une résolution à la COP21 pour que cette mesure soit reprise par l'ensemble des pays de l'Union européenne ?

Dans les collectivités les plus impliquées, la biodiversité n'est plus portée par des actions ponctuelles, sinon confidentielles, elle est devenue un objectif transverse irriguant l'ensemble des politiques locales. Les collectivités gagneraient à l'intégrer davantage encore dans les opérations d'urbanisme et d'aménagement. À l'échelle nationale, l'Agence française pour la biodiversité, dont la création est en cours, doit offrir aux collectivités l'appui technique et les moyens financiers dont elles ont besoin.

Enfin, il importe de valoriser les aspects les plus méconnus du patrimoine naturel. La protection des espaces naturels et des espèces emblématiques, bien établie, doit être poursuivie et amplifiée. Cessons de négliger la biodiversité ordinaire, c'est-à-dire le patrimoine naturel ne faisant pas l'objet de mesures de protection. Une attention spécifique doit être portée à la biodiversité des sols et à la biodiversité des villes.

M. Christian Favier, co-rapporteur . - Le logement est un enjeu majeur de la transition énergétique. Le bâtiment représente environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de la consommation d'énergie. Dans les territoires fortement urbanisés, comme l'Ile-de-France, ces chiffres s'élèvent respectivement à 50 et 60 %. Nous travaillons aussi à l'amélioration du bien-être des habitants : dans notre pays, 3,5 millions de ménages déclarent souffrir du froid dans leur logement. Il y a donc des conséquences sociales importantes et un intérêt à agir afin que les économies réalisées aient des effets sur le pouvoir d'achat.

L'impact économique de la rénovation des bâtiments est très fort, puisque les chantiers de rénovation thermique et de construction représentent des emplois non délocalisables. L'Agence nationale de l'habitat (Anah), en 2014, a accordé 716,8 millions d'euros d'aide, engageant 1,4 milliard d'euros de travaux, soit 28 000 emplois créés ou préservés.

Nous avons recueilli des témoignages très divers et avons pu mesurer l'engagement fort - et souvent ancien - des collectivités territoriales dans la rénovation thermique et la construction de bâtiments respectueux de l'environnement.

Les actions menées, très variées, peuvent consister en l'accompagnement des propriétaires pour monter un projet de travaux et demander des subventions, comme en Ardèche, ou en des interventions auprès des entreprises, pour former les artisans du secteur aux nouvelles qualifications. Loches Développement, en Touraine, utilise des matériaux biosourcés et des matériaux locaux comme des déchets de tournesol, transformés en enduit. Dans le Val-de-Marne, une plateforme unique de rénovation énergétique a été mise en place pour encourager les familles modestes à faire des travaux dans leur logement. Il s'agit de les financer mais aussi de diffuser les bons gestes. Douze « ambassadeurs », en contrats-jeunes, se consacrent à l'accompagnement, du diagnostic jusqu'aux travaux. Des actions sont aussi menées pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments propres des collectivités territoriales. Paris agit sur ses bâtiments administratifs, ses crèches, ses établissements scolaires et son parc de logement, qui est très vaste. Autre action, la construction de nouveaux immeubles à très haute performance énergétique.

Plusieurs freins peuvent nuire à l'efficacité des actions menées. Les ménages, face à l'ampleur des travaux de rénovation à mener, se sentent souvent perdus. Il faut simplifier le système des aides et les rendre additionnables, mais aussi veiller à leur pérennité - si quelqu'un compte sur un dispositif, celui-ci ne doit pas s'interrompre. La sensibilisation des habitants est essentielle - sans concertation, les propositions de rénovation des bailleurs sont rejetées par crainte de coûts supplémentaires. Il est important aussi de prendre comme point de référence, pour déterminer les niveaux d'aide, les émissions réelles des bâtiments quelques années après les travaux, afin de s'assurer de la qualité de ceux-ci et de leur durabilité.

La pratique danoise est intéressante à cet égard, puisque le taux de prêt est calculé sur la base de la consommation d'énergie mesurée deux ans après les travaux. Au-delà de la construction de quelques bâtiments exemplaires, il faut réfléchir à un effort massif dont l'effet nombre soit susceptible de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie. Il faut aussi adapter les logements au changement climatique. Traditionnellement, en France métropolitaine, les enjeux portaient sur la lutte contre le froid et la possibilité de maintenir la chaleur à l'intérieur des bâtiments. On a moins prévu les périodes de fortes chaleurs... Enfin, il faut garantir des ressources durables aux organismes participant à la rénovation, tels que les bailleurs sociaux. La baisse des dotations aux collectivités territoriales rend ce sujet plus délicat encore.

M. Jean-Marie Bockel, président . - À une certaine époque, le traitement du logement dans nos collectivités était contre-exemplaire. Nous étions en retard sur les normes. Actuellement, ce type d'habitat est souvent exemplaire par rapport à l'habitat privé et le regard a changé.

Je salue le travail effectué par tous les rapporteurs, dont les analyses convergent.

Mme Nelly Tocqueville . - Ces rapports dressent un bilan exhaustif des actions et des besoins. En tant que vice-présidente de la Métropole Rouen Normandie en charge des petites communes, je suis particulièrement sensible aux problèmes des petites communes rurales. Leurs maires doivent respecter l'environnement et lutter contre l'artificialisation des sols ; mais les communes revendiquent légitimement le droit de se développer. Il faut modifier notre regard sur ces territoires. Nous devons réfléchir en termes de bassins de vie, ce qui est compliqué puisqu'il faut changer les pratiques en matière d'urbanisation. Un gros travail de pédagogie est nécessaire vis-à-vis des familles qui ont placé leurs économies dans l'acquisition de terres qui ne sont aujourd'hui plus urbanisables. L'avenir de ces territoires heurte parfois les projets personnels...

Rouen Normandie met à disposition des élus un service technique pour établir des évaluations et fournir des préconisations afin de monter des dossiers de subventions. En tant que présidente d'une entreprise sociale pour l'habitat (ESH) qui gère 11 000 logements, je privilégie les actions de pédagogie. Quand on a construit des bâtiments dont l'isolation est performante, encore faut-il changer ensuite les habitudes, ne vivre plus les fenêtres ouvertes, par exemple. Nous avons organisé des réunions avec les locataires, car le bénéfice des travaux ne sera engrangé qu'avec leur soutien.

M. Jean-Marie Bockel , président . - Merci de mettre l'accent sur cette dimension citoyenne, qui devra apparaître dans le rapport final.

M. François Grosdidier . - Ne pas ouvrir les fenêtres dans les logements sociaux pose problème aux fumeurs. C'est pourquoi nous avons construit des balcons ! Ces points de détail ont une grande importance. On se heurte à des dilemmes, comme entre la nécessaire densification et l'exigence de poumons verts en ville...

Vos rapports montrent ce que représente l'addition de toutes les initiatives des collectivités territoriales. Soulignons qu'on se heurte à un immobilisme national et international. En la matière, on n'a pas beaucoup avancé. La COP21 consistera seulement à concrétiser les engagements des COP20 et COP18. Si on ne fixe toujours pas de prix adéquat au carbone, on passera à côté de l'essentiel, malgré toutes initiatives locales. À l'échelle nationale, l'enthousiasme du Grenelle est retombé depuis la crise financière, économique et sociale. On a souligné l'enjeu de l'isolation thermique et de la meilleure performance énergétique du bâti existant. Hélas les crédits Palulos (prime d'amélioration des logements à usage locatif et d'occupation sociale) disparaissent. Il revient aux intercommunalités de prendre le relais de l'État ; mais les moyens sont limités, ceux de l'Anah par exemple.

La crise financière a éteint l'enthousiasme national du Grenelle. Il s'agit à présent d'éviter que la crise des finances locales n'affecte le dynamisme des collectivités territoriales. Certains veulent alléger les normes ; or la nouvelle règlementation des produits phytosanitaires, en sens inverse, engendre des coûts supplémentaires. Là encore, il existe une contradiction entre la contrainte financière et ce qui est souhaitable pour l'environnement.

Les collectivités territoriales ont lancé le mouvement « penser global et agir local ». Souhaitons qu'il continue à s'amplifier.

M. Alain Richard . - Nous avons entendu beaucoup de propos encourageants. Il reste des caps à franchir pour que l'action des collectivités soit vraiment décisive. Le premier est le stock d'habitat dispersé : 56 % du logement est individuel. Cela représente entre 75 et 80 % de la surface occupée dans les espaces urbains. Or nous avons de très grandes difficultés à traiter les problèmes d'optimisation énergétique de cet habitat, qui engendre aussi des problèmes de déplacements. Certains de ces espaces sont sans doute convertibles en espaces plus denses, mais pas tous. En outre, une grande partie de la population française aspire à vivre dans une maison individuelle...

Le défi est aussi budgétaire. La plupart des opérations mentionnées sont lourdes financièrement. Un phénomène déplaisant est en train de se produire : les énergies renouvelables pèsent sur le prix de l'électricité, tendanciellement croissant alors que le coût des énergies fossiles est décroissant. Cela ajoute une contrainte à nos enjeux budgétaires. Tout investissement avec un objectif de réduction des consommations n'a pas forcément de retour financier. On est obligé de passer par un mécanisme de subvention implicite.

L'essor de l'économie numérique et des technologies de l'information pourrait résoudre une partie de ces contradictions : elles recèlent un potentiel d'optimisation de la consommation. Mais la dispersion des décideurs locaux freine leur diffusion, et la société française peine à transformer rapidement l'innovation en business .

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes conduits à des arbitrages, des reports qu'on n'aurait pas envisagés il y a quelque temps. Nous serons confrontés à ces contradictions.

M. René Vandierendonck . - Je reviens sur l'exemple du plan d'urbanisme facteur 4 de Brest Métropole. Alors que 20 % du territoire français est couvert par un schéma de cohérence territoriale (Scot), il serait intéressant de faire le point sur la situation actuelle de l'étalement urbain. Cela nous renvoie à la question fondamentale de l'acceptabilité, comme l'a souligné Alain Richard. La question centrale est l'ingénierie territoriale. La loi NOTRe l'abordait à l'échelle départementale. Je partage ce qui a été dit sur le Palulos thermique... Le projet de loi de finances est caractérisé par l'insuffisance des crédits de l'Anah, en contradiction avec les objectifs de la transition énergétique définis récemment.

Mme Caroline Cayeux, co-rapporteur . - Les Scot sont l'un des outils privilégiés en matière d'étalement urbain. Le Scot de l'agglomération que je préside a été retoqué par le préfet au motif qu'il était trop gourmand de terres agricoles. Un équilibre doit être trouvé car sans terre à urbaniser, il n'y a plus de développement économique. Je réponds à notre collègue que certains départements ont mis en oeuvre une ingénierie territoriale, c'est le cas de l'Oise.

M. Éric Doligé . - Ces présentations étaient passionnantes. Quel en sera l'écho ? Il faudrait monter une bourse nationale d'échanges entre les collectivités territoriales. On a parfois le sentiment qu'il est impossible de réaliser un projet : or, combien de collectivités, nous l'avons vu dans tous ces exemples, parviennent à surmonter les difficultés !

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie.

Le rapport est adopté.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Synthèse (JM. Bockel)

Déplacement à Bologne, en Italie, le 20 août 2015, pour prendre connaissance du plan d'adaptation climatique de la ville ;

L'urbanisme (C. Cayeux)

Déplacement à Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine, le 8 octobre 2015 pour visiter l'éco-quartier du Fort d'Issy ;

Les déchets (J. Mézard)

Déplacement à Villers-Saint-Paul, dans l'Oise, le 7 octobre 2015, pour visiter le centre de tri et l'unité de Valorisation Énergétique du Syndicat Mixte de la Vallée de l'Oise, exploité par SITA, filiale de SUEZ Environnement ;

Les transports et la mobilité (MF. Perol-Dumont)

Déplacement en Haute-Vienne, le 28 septembre 2015, pour prendre connaissance des solutions de mobilité développées par le conseil départemental de la Haute-Vienne, le conseil régional du Limousin et Limoges Métropole ;

L'énergie (A. Lefèvre)

Déplacement à Nice, le 9 juillet 2015, pour visiter l'Institut méditerranéen des risques de l'environnement et du développement durable ainsi que des « réseaux intelligents » de la métropole (gestion de l'éclairage public, poste de surveillance urbain, stationnement intelligent, bornes pour véhicules électriques) pilotés par Citelum, filiale d'EDF ;

La biodiversité (J. Labbé)

Déplacement dans le Morbihan, le 3 juillet 2015, pour apprécier les actions en faveur de la biodiversité entreprises par le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan et la commune de Saint-Nolff ;

Le bâtiment et l'habitat (C. Favier)

Déplacement à Créteil, le 18 septembre 2015, pour une présentation du schéma directeur de l'énergie du département du Val-de-Marne, de la plateforme pour la rénovation énergétique pour tous (PRET) ainsi que le programme « ambassadeurs de l'énergie » qu'il vient de lancer.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Synthèse (JM. Bockel)

- M. Riccardo Malagoli, assesseur aux travaux publics de la ville de Bologne

- M. Sergio Castellari, président du conseil scientifique de « BLUEAP Project »

- M. Carlo Cacciamani et Mme Rodica Tomozeiu, ARPA Emilie-Romagne

- M. Giovanni Fini, responsable du plan d'adaptation de la ville de Bologne

- Mme Chiara Caranti, responsable du volet implication des citoyens de « BLUEAP Project »

- M. Sergio Andreis, Kyoto Club

L'urbanisme (C. Cayeux)


• Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

- M. François Bertrand, sous-directeur de l'aménagement durable

- Mme Annelise Castres Saint Martin, chef du bureau de l'aménagement opérationnel durable

- Pierre Miquel, chargé de mission, chef de projet « schéma de cohérence territoriale »


• Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

- M. Nicolas Grivel, directeur général

- Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles

- Mme Anne-Sophie Hainsellin, responsable du pôle urbanisme durable et international


• Conseil régional du Nord-Pas de Calais

- M. Nathanaël Bizeray, directeur de projet aménagement régional

- Mme Sandrine Jamon, chargée de mission environnement


• Fédération nationale des agences d'urbanisme

- Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale


• Grenoble-Alpes Métropole

- M. Stéphane Gusmeroli, directeur territorial

- Mme Julie Blais, chef de projet


• Ville d'Issy-les-Moulineaux

- M. Philippe Knusmann, adjoint au maire en charge de l'urbanisme

- M. Luc Richard, directeur général des services techniques

- M. Julien Larnicol, directeur du service urbanisme et commerces de proximité

- M. Raymond Loiseleur, directeur général de la société d'économie mixte d'aménagement de l'Arc de Seine (SEMADS)

- Mme Christelle Mauger, adjointe du directeur du service urbanisme et commerces de proximité


• Ville de Reims

- M. Arnaud Robinet, député de la Marne, maire de Reims

- M. Alexandre Mora, directeur de cabinet

Les actions internationales (M. Delebarre)


• Partenariat français pour l'eau

- M. Henri Begorre, président du partenariat français pour l'Eau

- M. Philippe Guettier, directeur général


• Cités Unies France

- M. Jean-Bernard Damien, élu référent climat et action internationale des collectivités, vice-président du conseil régional du Limousin

- Mme Astrid Frey, chargée de mission éducation à la citoyenneté mondiale et climat


• Cités et gouvernements locaux Unis

- M. Ronan Dantec, porte-parole pour la France, sénateur


• Conseil départemental de Seine-Maritime

- Mme Fleur Ferry, responsable de la mission coopération internationale

- M. Pierre Lecoutey, chargé de mission


• Ville de Quétigny

- M. Stéphane Fournier, chargé de mission coopération internationale

Les déchets (J. Mézard)


• Groupe VEOLIA

- M. Bernard Harambillet, directeur général de Veolia propreté France

- Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des relations institutionnelles, Veolia Environnement

- Mme Stéphanie Morisset, chargée de mission chez Veolia Propreté France


• Association AMORCE

- M. Nicolas Garnier, délégué général d'AMORCE, association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l'énergie et des réseaux de chaleur


• Groupe SUEZ Environnement

- Mme Anne Gourault, directrice déléguée aux relations institutionnelles France à la direction du développement et des relations institutionnelles

- M. Didier Imbert, Directeur délégué Recyclage et valorisation des déchets France

- M. Cyril Fraissinet, Directeur général adjoint en charge des opérations stratégiques recyclage et valorisation (SITA France, filiale de SUEZ Environnement)

- M. Gilles Choquer, directeur général des services du Syndicat Mixte de la Valée de l'Oise (SMVO)

- M. Olivier Clisson, directeur du site de traitement de déchets ménagers de Villers-Saint-Paul, Oise

Les transports et la mobilité (MF. Perol-Dumont)

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont remercie les élus locaux pour les entretiens accordés et les documents transmis.


• Association des maires de France (AMF)

- M. Martial Saddier, vice-président, président de la commission de l'environnement et du développement durable, député de la Haute-Savoie

- Mme Florence Masson, conseillère


• Association des communautés de France (AdCF) et Groupements des autorités organisatrices des transports (GART)

- Mme Corinne Casanova, vice-présidente de l'ADCF, présidente de la commission urbanisme, habitat et mobilités, vice-présidente du GART chargée des transports, des mobilités alternatives et de la transition énergétique

- Mme Marie Molino, adjointe du pôle mobilité durable


• Association des départements de France (ADF)

- M. François Durovray, président du conseil départemental de l'Essonne, président de la commission mobilité

- Mme Anne-Marie Frédéric, chargée de mission mobilité et aménagement du territoire

- Mme Marylène Jouvien, chef du service relations et actualité parlementaires

- M. Barthélemy Lisowsky, conseiller en charge des transports du conseil départemental de l'Essonne


• Association des régions de France (ARF)

- M. Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays-de-la-Loire, président de la commission des infrastructures et transports

- M. Amaury Lombard, conseiller en charge des infrastructures, des déplacements, et des transports


• Conseil régional de Bourgogne

- M. François Patriat, président, sénateur de la Côte-d'Or


• Conseil régional du Limousin et Limoges Métropole

- M. Gérard Vandenbroucke, président du conseil régional du Limousin, président de Limoges Métropole

- Mme Blandine Frouté-Toulemonde, directrice générale adjointe du pôle aménagement du territoire au conseil régional du Limousin

- M. Guillaume Fourgeaud, conseiller au conseil régional du Limousin

- M. David Buchet, directeur général adjoint du pôle transports à Limoges Métropole

- M. Guillaume Chalard, conseiller à Limoges Métropole


• Conseil départemental de la Haute-Vienne

- M. Stéphane Delautrette, vice-président en charge des déplacements et des routes


• Mulhouse Alsace Agglomération

- M. Christophe Wolf, directeur du pôle mobilités et transports

- M. Carino Spicacci, chargé de mission « stratégie, prospective et politiques transversales »

L'énergie (A. Lefèvre)


• Groupe GDF SUEZ (Engie)

- Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

- M. Pascal Roger, directeur de la stratégie et des partenariats de Cofely Service

- M. Hervé Casterman, directeur environnement en charge des actions du Groupe et en charge de la COP21


• Groupe EDF

- M. Jean-Noël Guillot, directeur projets territoriaux, direction marché collectivités territoriales

- M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques, direction des relations Institutionnelles

- M. Bertrand Vanden Abeele, directeur commercial France de Citelum, filiale du groupe EDF

La biodiversité (J. Labbé)


• Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France (Natureparif)

- Mme Liliane Pays, présidente

- Mme Julie Collombat-Dubois, directrice

- M. Gilles Lecuir, responsable du pôle « forum des acteurs »


• Commune de Saint-Nolff

- Mme Nadine Le Goff Garnec, maire

- Mme Anne-Laure Caudal, conseillère municipale

- Mme Julie Hervo, directrice générale des services

- M. Fréderic Letort, responsable des espaces verts


• Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

- M. Christian Le Coz, sous-directeur de la protection et de la valorisation des espèces et de leurs milieux

- M. Loïc Agnès, chef de bureau de la connaissance et de la stratégie nationale de la biodiversité

- M. Luc Mauchamp, chef de projet « Observatoire national de la biodiversité »


• Muséum national d'histoire naturelle (MNHN)

- M. Vincent Graffin, directeur délégué au développement durable, à la conservation de la nature, et à l'expertise


• Parc naturel régional du Golfe du Morbihan

- M. David Lappartient, président

- M. Luc Foucault, premier vice-président

- M. Bernard Audran, vice-président

- M. Patrice Le Penhuizic, maire de Lauzach

- Mme Sophie Giraud, chargée de mission « gestion intégrée de l'eau »

- M. Camille Simon, chargé de mission « milieux aquatiques »


• Ville de Paris

- Mme Pénélope Komites, adjointe à la maire de Paris chargée des espaces verts, de la nature, de la biodiversité et des affaires funéraires

- Mme Sarah Pecas, conseillère


• Ville de Versailles

- Mme Cathy Biass-Morin, directrice des espaces verts


• Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)

- Mme Florence Clap, chargée de programme « politiques de la biodiversité »

Le bâtiment et l'habitat (C. Favier)


• Syndicat Mixte Ardèche Pays Vert

- Mme Marie-Hélène Reynaud, présidente du Syndicat Mixte Ardèche Pays Vert

- M. Guillaume Bacciotti, chargé de mission cadre de vie et territoire durable


• Communauté de communes de Loches développement

- M. Julien Bonsens, chef de projet éco-construction

- M. Pierre Louault, président


• Ville de Paris

- M. Ian Brossart, adjoint à la maire chargé du logement et de l'hébergement d'urgence


• Conseil départemental Val-de-Marne

- Mme Mercedes Galano, directrice générale adjointe chargée du pole architecture et environnement

- Mme Fabienne Obser Sicard, responsable du secteur, direction du développement durable, secteur précarité énergétique

- Mme Alice Marteau, ambassadrice de l'énergie, direction du développement durable

- M. Alexandre Laspreses, direction des bâtiments, service énergie, perspective et faisabilité -ingénieur secteur énergie


• Agence nationale de l'habitat

- Mme Blanche Guillemot, directrice générale


• Union nationale pour l'habitat

- M. Jean-Louis Dumont, président

- M. Christophe Boucaux, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales


• Paris Habitat

- M. Stéphane Dambrine, directeur général


* 1 Source : Organisation des Nations Unies (ONU).

* 2 L'article 188 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a changé la dénomination du plan climat-énergie territorial (PCET) en plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

* 3 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

* 4 Source : Ville d'Issy-les-Moulineaux.

* 5 Villes de France, Les villes au coeur de la révolution énergétique, 2015, page 16.

* 6 Union sociale pour l'Habitat de Champagne-Ardenne, « Étude sur le devenir des zones urbaines sensibles du territoire », 2012, p. 119.

* 7 Ces communes comptent respectivement 161 071, 2 837, 16 521 et 5 553 habitants, d'après le recensement de la population 2012.

* 8 Contrat d'axe, page 24.

* 9 Contrat d'axe, page 32.

* 10 L'article 157 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour un urbanisme rénové et l'accès au logement (ALUR) a supprimé le coefficient d'occupation des sols (COS) (article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme).

* 11 Conseil régional du Nord-Pas de Calais et préfecture de la région du Nord-Pas de Calais, Évaluation de la lutte contre le changement climatique et de la prise en compte de l'environnement dans le cadre des CPER/PO 2007-2013, 2013, page 9.

* 12 Fédération nationale des agences d'urbanisme, « Les agences d'urbanisme : leviers pour des stratégies régionales », Les Dossiers FNAU, n° 29, janvier 2014, page 27.

* 13 La solidarité internationale à l'échelle des territoires : état des lieux et perspectives, rapport sénatorial n° 123 de Jean-Claude Peyronnet, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, session 2012-2013.

* 14 Son exploitation a été confiée à la société ESIANE (appartenant au groupe TIRU/NOVERGIE), via une délégation de service public, jusqu'en juin 2019.

* 15 La valorisation énergétique consiste à utiliser la chaleur issue de la combustion des déchets pour produire de l'énergie sous forme de vapeur ou d'électricité.

* 16 Permettant de produire de la vapeur surchauffée par récupération de l'énergie contenue dans les fumées.

* 17 Acier, aluminium, cartons, cartonnettes, journaux, magazines, gros de magasins (diverses qualités de papier en mélange), bouteilles et flacons en plastique (PEHD, PET clair, PET coloré, PS, PP), films alimentaires, briques alimentaires).

* 18 Polyéthylène téréphtalate.

* 19 L'opérateur sélectionne les déchets qui ne font pas partie de la famille sélectionnée et qui n'ont pas été repérés par le TSA2.

* 20 Les Paysans de Rougeline est une société de production et de distribution de fruits et légumes, créée en 1990 dans le sud de la France, pratiquant une agriculture raisonnée, sans pesticide, et avec usage minimal d'engrais.

* 21 Les déchets ménagers contiennent une proportion organique (restes alimentaires,...), dont la décomposition, dans une installation de stockage, génère du biogaz. Un réseau de tuyaux capte le biogaz, qui contient environ 50% de méthane. Ce biogaz est filtré, puis utilisé dans 8 moteurs d'une puissance de 1 à 1,4 MW, installés chacun pour produire de la chaleur, qui passe ensuite par une turbine pour produire de l'électricité.

* 22 Sources : ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie ; Agence européenne de l'environnement.

* 23 Ces types de syndicats mixtes de transport fédèrent plusieurs autorités organisatrices de la mobilité sur un même territoire, dans le but de coordonner leurs services et de mettre en place un système d'information et de tarification permettant la délivrance de titres de transports uniques ou unifiés (article L. 1231-10 du code des transports).

* 24 L'article 6 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a créé les schémas régionaux de l'intermodalité par lesquels les conseils régionaux pourront coordonner l'offre de services, l'information des usagers, la tarification et la billettique (article L. 1213-3-1 du code des transports).

* 25 L'article 15 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République fait des conseils régionaux les autorités organisatrices des services non urbains réguliers ou à la demande, à partir du 1 er janvier 2017 (articles L. 3111-1 et s. du code des transports).

* 26 L'article 15 de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République transfère aux conseils régionaux l'organisation des transports scolaires au 1 er janvier 2017 (articles L. 3111-1 et s. du code des transports).

* 27 L'article 5 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques autorise l'organisation de services de transport non urbain par autocar de façon libre, tout en permettant à une autorité organisatrice de transport d'interdire ou de limiter les liaisons inférieures à 100 km (articles L. 3111-17 et s. du code des transports).

* 28 Conseil régional du Limousin, Schéma régional des infrastructures et des transports, 2009, page 29.

* 29 Le projet, initialement porté par le conseil départemental de la Haute-Vienne, a ensuite été repris et développé par le conseil régional du Limousin.

* 30 Conseil départemental de la Haute-Vienne, budget primitif, 2014, page 8.

* 31 Mulhouse Alsace Agglomération, Rapport d'activité, 2014, page 6.

* 32 On évitera par exemple d'installer une chaufferie biomasse dans un territoire où il n'y a pas de forêt à proximité.

* 33 La « ville intelligente ».

* 34 Le centre de supervision urbain a été créé le 23 mars 2010 par Christian Estrosi, maire de Nice.

* 35 Les poubelles intelligentes offrent un service innovant, avec un ordre de passage de camions lorsque la poubelle est pleine.

* 36 Le déploiement de LED, par exemple.

* 37 L'agglomération est compétente pour les grands équipements sportifs depuis 2011.

* 38 Valorisation de l'énergie fatale, c'est-à-dire récupération de la chaleur produite par la fabrication de la glace de la patinoire pour le chauffage du centre nautique et de la halle de sport.

* 39 Récupération de la chaleur contenue dans les rejets des eaux de douche pour le préchauffage de l'eau chaude sanitaire.

* 40 L'Office public de l'habitat de la communauté urbaine de Cherbourg loge environ 18 000 habitants, soit près de 20% de de la population de l'agglomération cherbourgeoise.

* 41 Le réseau de chaleur du quartier de la Divette est géré par l'Association syndicale de la Divette, qui représente 1 308 logements (dont 1 079 logements sociaux appartenant à Presqu'île Habitat), ainsi que des locaux d'activité et des commerces.

* 42 Pour davantage d'efficacité énergétique, les pompes qui assurent la circulation d'eau dans les différents circuits ont été équipées de variateurs de vitesse, qui permettent d'adapter le régime des pompes aux besoins réels du réseau.

* 43 Dans ce contrat, en l'espèce, les performances énergétiques sont garanties sur huit ans.

* 44 À l'échelle de l'année, 1 kWh de l'énergie consommée par l'installation doit permettre de produire environ 3 kWh de chaleur.

* 45 Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), Bilan 2007 des changements climatiques : rapport de synthèse, 2007, page 14.

* 46 Commission européenne, « Le rôle de la nature dans le changement climatique », 2009, page 2.

* 47 La loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, telle que modifiée par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prohibe l'utilisation par les personnes publiques des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé, à compter du 1 er janvier 2017.

* 48 Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU), « Végétaliser les villes pour atténuer les îlots de chaleur urbains », 2007, page 2.

* 49 Sources : ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, Observatoire national de la biodiversité et Fédération nationale des parcs naturels régionaux.

* 50 Parc naturel régional du Golfe du Morbihan et Université de Bretagne Occidentale, Enjeux liés au changement climatique dans le Golfe du Morbihan, 2011, page 4.

* 51 Mairie de Paris, « Le programme de végétalisation de Paris », 2014, page 1.

* 52 Mairie de Paris, « Plan climat de Paris », 2007, page 62.

* 53 Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France, Agriculture urbaine : vers une réconciliation ville-nature, 2014, page 101.

* 54 La précarité énergétique, avoir froid ou dépenser trop pour se chauffer, mai 2011.

* 55 4,5 millions de logements sont gérés par les organismes HLM.

* 56 Ce dernier point est explicité dans le chapitre consacré à la biodiversité du présent rapport.

* 57 Soit la consommation annuelle de l'éclairage public parisien.

* 58 Soit 2,5 fois le tour de la terre en voiture.

* 59 Dans le cadre de sa troisième action, la communauté de communes de Loches développement propose aux habitants un accompagnement pour le montage des dossiers de demande de subvention. Par ailleurs, un conseiller en énergie partagée a procédé à une analyse énergétique des bâtiments communautaires et communaux.

* 60 Rapport publié en septembre 2013, mis à jour en janvier 2014.

* 61 Les IRIS sont un découpage infracommunal réalisé par l'INSEE dans les communes d'au moins 10 000 habitants et dans la plupart des communes de 5 000 à 10 000 habitants. La population moyenne de chaque IRIS est de l'ordre de 2 000 habitants.

* 62 Chiffres clés 2014, Agence nationale de l'habitat.

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