L'AVIS POLITIQUE, ET APRÈS ?

À l'instar de ce qui a été réalisé en 2015, vos rapporteurs souhaitent que la proposition de résolution européenne, adressée au gouvernement français, soit doublée d'un avis politique qui en reprend les termes mais qui est directement adressé à la Commission européenne. Ce faisant, nous utilisons le cadre de la procédure du dialogue politique mis en place depuis 2005 et réformé avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Ce dialogue direct avec la Commission européenne est centré sur les questions concernant le contenu des documents adressés aux parlements nationaux. Il a pris pour cette raison le nom de « dialogue politique » 11 ( * ) . Notre commission peut ainsi réagir aux documents qui lui sont adressés par la Commission européenne, en adoptant des « avis politiques ». La Commission européenne doit normalement répondre dans les trois mois. Ce délai est cependant rarement respecté et les réponses de la Commission européenne demeurent peu argumentées.

Notre commission s'est déjà exprimée sur la nécessité de renforcer le dialogue politique et dépasser le cadre du simple avis politique 12 ( * ) . Au regard de leur rôle particulier dans le processus législatif et compte tenu de l'objectif affiché par la Commission Juncker de renforcer la coordination avec eux, il apparaît légitime de mieux associer les parlements nationaux à la procédure législative européenne. Il convient donc de faire émerger un droit d'initiative ou « carton vert », qui confère aux parlements nationaux la possibilité de proposer des actions à mener par l'Union européenne ou d'amender la législation existante. Il s'agit aussi d'éviter que les parlements nationaux ne soient cantonnés à un rôle d'opposant perpétuel, via le contrôle de subsidiarité et la procédure de « carton jaune ». Le Parlement européen est assez réservé sur cette association, comme en témoigne le document de travail sur l'amélioration du fonctionnement de l'Union européenne en mettant à profit le potentiel du Traité de Lisbonne présenté le 30 octobre 2015. Les deux rapporteurs s'opposent sur une extension du rôle des parlements nationaux, Mercedes Bresso (Italie - Socialistes et démocrates) souhaitant une meilleur implication alors qu'Elmer Brok (Allemagne - PPE) entend cantonner le rôle des parlements nationaux au contrôle de subsidiarité 13 ( * ) .

La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), qui réunit tous les semestres les représentants des commissions des affaires européennes des Parlements des États membres et des pays candidats ainsi qu'une délégation du Parlement européen a défini, lors de sa réunion des 30 novembre et 1er décembre 2015 à Luxembourg, les contours du carton vert 14 ( * ) . Celui-ci s'inscrit dans le cadre d'un dialogue politique renforcé et coordonné, sans compromettre le droit d'initiative législative de la Commission européenne et dans le plein respect des dispositions des Traités actuels et de l'équilibre interinstitutionnel des pouvoirs. Ce carton vert pourrait proposer de nouveaux textes européens et amender ou abroger la législation existante. Un seuil minimal de parlements nationaux participants à cette procédure, un délai et un échéancier de participation devraient être mis en place. Ce seuil minimum devrait toujours être le même et, s'il n'est pas atteint, le texte pourrait être envoyé par les parlements nationaux participants à la Commission européenne en tant que texte conjoint, sans qu'il soit considéré comme un « carton vert ». Il serait également possible d'introduire des amendements au texte initial conformément à un délai décidé par le parlement à l'origine du carton vert. Seraient en outre autorisés la signature ex-post et le retrait d'un « carton vert » à tout moment.

Trois « cartons verts » ont d'ores et déjà été initiés :

- La chambre des Lords britannique a présenté un texte sur le gaspillage alimentaire, cosigné par le Sénat. La Commission européenne a répondu à cette initiative le 17 novembre 2015 en insistant, au-delà du texte lui-même, sur la nécessité de repenser le dialogue politique avec les parlements nationaux en 2016 ;

- L'Assemblée nationale française a présenté une proposition relative à la responsabilité sociétale des entreprises ;

- La Saeima lettone a proposé de son côté une révision de la directive « Services de médias audiovisuels », adoptée en 2010.

Dans ces conditions, l'avis politique sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2016 qui reste, malgré tout général, pourrait être doublé dans les prochaines semaines d'un « carton vert » sur la question du terrorisme. Il s'agit, de la sorte, de contribuer encore plus nettement à l'activité législative de l'Union européenne en transmettant des propositions ambitieuses dans ce domaine.


* 11 L'examen des textes européens au regard du principe de subsidiarité est, quant à lui, encadré par le Protocole n°2 annexé au traité de Lisbonne.

* 12 Union européenne : Mieux légiférer avec les parlements nationaux, Rapport d'information n° 84 (2015-2016) de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 15 octobre 2015 et Résolution du Sénat n°41 (2015-2016) du 20 novembre 2015

* 13 Document de travail sur l'amélioration du fonctionnement de l'Union européenne en mettant à profit le potentiel du Traité de Lisbonne, présenté par Mme Mercedes Bresso et M. Elmar Brok au nom de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, 30 octobre 2015.

* 14 Contribution de la LIVème COSAC, Luxembourg, 30 novembre - 1er décembre 2015

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