EXAMEN PAR LA COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 21 janvier 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par MM. Jean Bizet et  Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :

M. André Gattolin . - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Trois points posent néanmoins problème.

Il existait un consensus, avant les élections européennes et la désignation de la nouvelle Commission, sur la surabondance législative. Toutefois, l'action de Jean Claude Juncker en matière de retrait a été pour le moins rapide ; mon groupe en a été victime, avec le retrait du paquet Qualité de l'air. Après les scandales Volkswagen, Audi et peut-être Renault, il est apparu que les normes Euro 5 étaient en réalité plus polluantes qu'Euro 1 ! Or l'action législative dans ce domaine a été suspendue. Tous les groupes ont été touchés par le comportement cavalier de la nouvelle Commission : des rapporteurs du parti majoritaire, le PPE, se sont vu signifier qu'ils n'avaient plus aucun rôle. On peut critiquer le Parlement européen, mais la méthode est franchement contestable et d'autant plus regrettable que le renforcement de la légitimité du président de la Commission, acté par sa désignation au sein du parti arrivé en tête des élections, faisait l'objet d'un large consensus. Il y a aujourd'hui un véritable creux législatif. Avec le paquet sur la qualité de l'air, qui avait vocation à renforcer la cohérence des actions dans ce domaine, une occasion a été manquée.

Je suis favorable à l'élargissement de l'initiative législative, aujourd'hui exclusivement détenue par la Commission, aux parlements nationaux ; mais, plus largement, je préconise un système mixte de nature à éviter les heurts avec les institutions démocratiques européennes, je pense au Parlement européen. Ainsi, il serait souhaitable de prévoir des initiatives soutenues par au moins cinquante ou cent eurodéputés ; sinon, le Parlement européen s'effacera devant des groupements d'intérêts nationaux. Quant à la coopération renforcée, elle pourrait sonner le glas de l'Europe.

Troisième observation : j'ai interrogé le secrétaire d'État aux affaires européennes, Harlem Désir, sur Nord-Stream 2. Il ne m'a pas répondu. Les Polonais, les États baltes sont vent debout contre ce projet de doublement d'un gazoduc existant reliant la Russie à l'Allemagne à travers le golfe de Finlande et la Baltique. J'insiste sur la Pologne. Son poids est bien supérieur à celui de la Hongrie. Elle constitue en cela une véritable bombe à retardement. On se préoccupe à juste titre du Brexit ; mais la Pologne doit aussi être écoutée. À cet égard, les projets du gouvernement Cameron ne facilitent pas les choses, avec les 100 000 Polonais qui travaillent au Royaume-Uni.

Je suis opposé aux sanctions généralisées contre la Russie et la France tient une ligne intelligente dans ce dossier. Mais officiellement, 42 % de notre approvisionnement en gaz est approvisionné par la Norvège - et en réalité beaucoup plus. Voilà une réalité plus importante que nos relations avec la Russie, où l'État de droit est mal en point. Le coup de force de l'Allemagne sur Nord-Stream risque d'engendrer de graves tensions au sein de l'Union européenne.

M. Jean Bizet, président . - Nous aborderons ces questions dans le cadre du débat sur l'Union de l'énergie. Pour ma part, je n'ai pas d'opposition a priori au projet Nord Stream.

M. Éric Bocquet . - Nous nous félicitons de ce que la fiscalité des entreprises et la question des travailleurs détachés figurent à l'agenda de la Commission. Ce sont des enjeux centraux, source du désamour dont souffre l'Europe. Sur Accis, nous avons des réserves : la concurrence fiscale reste forte, même si la Commission s'est récemment attaquée aux avantages fiscaux accordés par la Belgique aux multinationales.

La proposition de résolution mentionne des « contrats de travail flexibles et sûrs » et un « allégement de la fiscalité du travail ». Certes, c'est une vieille antienne mais, pour nous, cela pose problème.

Enfin, sur la question des travailleurs détachés, c'est le statu quo au Conseil européen. Sur le fond, la directive européenne sur le détachement de 1996 doit être révisée. La fixation d'un salaire plancher dans le pays d'accueil est un minimum ; mais ne pas imposer le paiement de cotisations sociales, c'est ouvrir la voie à une concurrence déloyale.

M. Simon Sutour . - Le rôle de la Commission européenne est de proposer des textes. Ceux-ci sont parfois retirés au terme de la procédure de contrôle de la subsidiarité, dite du carton jaune - ainsi de la directive européenne sur le droit de grève pour les travailleurs détachés. Le retrait doit être encadré, mais il fait bien partie des compétences de la Commission. Jean-Claude Juncker a eu l'intelligence de s'adjoindre comme premier vice-président un social-démocrate, Frans Timmermans. Il faut être critique vis-à-vis de Bruxelles, mais la nouvelle Commission me plaît.

Sur le carton vert et le rôle du Parlement européen, j'entends vos remarques. Le Parlement européen a toutefois un rôle, puisqu'il a réussi à bloquer pendant huit ans le registre PNR !

J'assume le texte initial de la proposition de résolution, mais je suis prêt à retirer l'adjectif « flexibles » de l'expression « contrats de travail flexibles et sûrs » pour qu'elle soit votée. Sur ce point, ma position n'est pas unanimement partagée par ma famille politique. Quant à l'allègement de la fiscalité du travail, j'y suis favorable mais je suis ouvert à la discussion.

M. Jean Bizet, président . - La notion de flexibilité répond aux évolutions de notre époque, mais nous sommes prêts à retirer le mot « flexibles » et « sûrs » du texte dans le souci de parvenir à un consensus.

M. Pascal Allizard . - C'est la flexisécurité !

M. Jean Bizet, président . - Nous entrerons pleinement dans ces sujets en 2016. Les questions du détachement et du marché intérieur sont intimement liées, et leur règlement est la clé d'un retour à la compétitivité.

M. André Gattolin . - Peut-on retirer la mention de Nord-Stream 2 du point 14, pour tenir compte de la forte opposition de la Finlande, de la Suède, des pays baltes et de la Pologne ?

M. Jean Bizet, président . - Je n'y suis pas favorable. Il faut aussi envoyer un message de fermeté à la Pologne.

M. André Gattolin . - Au point 8, il est écrit : « les parlements nationaux contribuent activement au fonctionnement de l'Union » - mais pas un mot sur le Parlement européen...

M. Jean Bizet, président . - Je propose d'ajouter la formule « conjointement avec le Parlement européen » au point 8.

M. Éric Bocquet . - Au nom de mon groupe, je m'abstiendrai.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté la proposition de résolution européenne suivante, ainsi qu'un avis politique qui en reprend les termes et qui sera transmis à la Commission européenne, le groupe Communiste Républicain et Citoyen, s'abstenant.

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