B. LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES INTERNATIONALES PAR VOIES HERTZIENNES

L'ancien article L. 241-3, créé par l'article 20 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications disposait que les transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont soumises à aucune autorisation préalable du Premier ministre ni à aucun contrôle a posteriori par la CNCIS.

Dans son vingtième rapport d'activité, la CNCIS a rappelé que les dispositions de l'article L. 241-3 sont« parfaitement distinctes des interceptions de sécurité et des procédures de recueil de données techniques de communications entrant dans le champ du contrôle de la CNCIS 69 ( * ) . Elle a précisé que« l'article L. 241-3 est relatif aux mesures générales de surveillance des ondes incombant au gouvernement pour la seule défense des intérêts nationaux et ne peut servir de base à la mise en oeuvre d'interceptions de communications individualisables et portant sur une menace identifiée ».

Cette surveillance est effectuée pour assurer la« défense d'intérêts nationaux » qui est une notion très large comme l'a rappelé la CNCIS : « il appert que cette notion «d'intérêts nationaux » est très large et générique, incluant l'ensemble des « intérêts» de la communauté nationale, quel que soit le domaine considéré » 70 ( * ) Pour faire l'objet de cette surveillance, les transmissions concernées doivent emprunter la voie hertzienne et les mesures de surveillance et de contrôle doivent s'effectuer« de manière aléatoire et non individualisée ».

Ces mesures sont plus larges que les seules interceptions de sécurité ou le recueil de données techniques. Elles sont aussi par nature aléatoires et non ciblées sur une communication. Elles relèvent davantage d'une logique de prévention.

Au regard des évolutions technologiques, s'est rapidement posée la question des téléphones portables, dont les communications passent par la voie hertzienne. Dès 1998, la CNCIS a toutefois précisé que le principe de liberté publique primait sur l'évolution technologique , l'exception de l'article L. 241-3 devant ainsi s'interpréter strictement. La CNCIS rappelait ainsi dans son rapport pour l'année 1998 que « toute interception de correspondance échangée par la voie des télécommunications, qui n'entre pas dans le champ de l'article 20, est soumise quel que soit le mode de transmission filaire ou hertzien aux conditions et aux procédures fixées par la loi du 10 juillet 1991 ».

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement n'a pas modifié la rédaction issue de la loi de 1991, elle l'a simplement déplacée dans le code de la sécurité intérieure en créant un article L. 811-5 ainsi rédigé : « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre, ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale . »

Dans son avis du 15 octobre 2015 précité, le Conseil d'État a conforté ce dispositif s'agissant de la surveillance des communications internationales que « la référence au II de l'article L.854-1, au terme de « réseaux de communications électroniques n'a ni pour effet de modifier le champ d'application des mesures de surveillance tel qu'il a été défini par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement » et en précisant que « les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne continuent en effet, en application de l'ensemble du livre VIII du code de la sécurité intérieure, comme c'était déjà le cas dans la législation applicable antérieurement. »

Le choix de retenir les numéros et les identifiants rattachables au territoire national plus que la nationalité des interlocuteurs offre également une sécurité juridique et une clarification pratique.

S'il offre aujourd'hui une protection juridique suffisante, le concept d'exception hertzienne, si utile et justifié soit-il, n'en demande pas moins une attention vigilante.

D'ores et déjà, il a subi quelques altérations :

• l'interprétation donnée par la CNCIS en 1998 dans son rapport d'activité ( voir supra)

• l'insertion, dans les procédures d'autorisation et de contrôle, du recueil de renseignement au moyen de dispositifs de proximité ***.

Sans doute, l'interprétation de la CNCIS de 1998, devra-t-elle être confirmée par la CNCTR à la lumière de la nouvelle législation. Dans l'hypothèse d'une confirmation, il lui faudra, le cas échéant, décider, probablement par analogie, selon la nature des communications ou la localisation des points d'émissions et de réceptions du régime applicable (régime de communication nationale ou régime des communications internationales).

Dans la mesure où ces captations seraient réalisées à partir du territoire national, il est légitime de s'interroger sur la capacité des services à réaliser sur les ondes hertziennes des interceptions qui concerneraient des communications rattachables au territoire national, du moins à en exploiter et à en conserver les données, si ces interceptions ne permettent pas d'identifier a priori les communications interceptées (sauf les dérogations du type de celle introduite à l'article L.854-1 du code de la sécurité intérieure s'agissant des communications électroniques internationales) ou les modalités selon lesquelles pourraient être exploitées des communications mixtes.

Il conviendrait également de s'interroger sur ce que recouvre la notion de territoire national, et sur son caractère attractif en droit international aux navires sous pavillon, aux aéronefs voire aux satellites.

Enfin, cette problématique pourrait être transposée à l'ingénierie de l'observation depuis l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique. Le développement de législations ou de jurisprudences protectrices de la vie privée et des droits de l'Homme applicables à la vidéosurveillance ou à l'usage des drones de loisir, y compris dans les espaces publics ou ouverts au public, notamment sur le territoire national pourrait à terme, par assimilation partielle et progressive, restreindre les capacités d'utilisation de ces outils.

Il est donc important que le Gouvernement, et notamment le SGDSN, en liaison avec les services juridiques des services spécialisés, soit attentif aux évolutions de tout un ensemble de législations concernant l'usage des technologies de la communication et de l'observation, mais aussi aux interrogations légitimes des citoyens, afin de trouver les modalités juridiques permettant d'apporter les réponses légales conciliant le besoin opérationnel des services et le respect des droits et de la vie privée comme la législation relative au renseignement a pu le faire en 2015.

***


* 69 CNCIS, 20 ème rapport d'activité 2011-2012, pp. 40 et suiv .

* 70 Ibid., p. 43.

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