III. UN DIALOGUE POLITIQUE NOURRI AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE

La Commission européenne dispose en principe d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées dans l'avis politique de la commission des affaires européennes. Ces réponses sont directement adressées à M. le Président du Sénat, avec copie au président de la commission des affaires européennes. Elles sont généralement signées par M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé de l'amélioration de la législation, des relations inter-institutionnelles, de l'État de droit et de la Charte des droits fondamentaux, et cosignées, le cas échéant, par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.

Parmi les 15 avis politiques adoptés par la commission entre le 1 er octobre 2014 et le 11 février 2016, 9 ont reçu une réponse de la Commission (60 %).

La qualité des réponses apportées par la Commission aux avis politiques au titre du dialogue politique est inégale .

Il apparaît toutefois de ces réponses que la Commission prend en considération, au moins partiellement, les observations de la commission des affaires européennes .

La réponse relative à l'avis sur le « paquet déchets » est à mettre à part, car la proposition de directive afférente a été retirée le 25 février 2015
- la réponse de la Commission a été envoyée trois mois après ce retrait - « au profit d'une approche plus ambitieuse » qui doit être présentée dans le courant de l'année 2015, ce que la Commission a effectivement fait le 2 décembre dernier. La Commission indique dans sa réponse que l'avis politique de la commission des affaires européennes « fournit une contribution importante et sera dûment pris en compte lors de l'élaboration de cette nouvelle initiative » .

De fait, certaines des préoccupations exprimées par la commission ont été prises en compte dans le nouveau « paquet », la collecte séparée de bio-déchets dans des conditions réalistes en particulier. En revanche, on l'a vu précédemment, plusieurs aspects du nouveau dispositif ne répondent pas aux orientations retenues par l'avis politique : le recours aux actes délégués, qui reste fréquent ou encore les incertitudes persistantes sur le rapport d'alerte proposé qui comprend une estimation de la réalisation des objectifs par chaque État membre et la liste des États qui risquent de ne pas atteindre lesdits objectifs.

Sur le plan d'investissement pour l'Europe , la commission a adopté trois avis politiques, le premier dès la présentation du dispositif d'ensemble, le deuxième sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), chargé d'en assurer le fonctionnement concret, et le troisième, plus récemment, sur son démarrage et la place qu'y occupent les collectivités territoriales. Les deux premiers avis ont fait l'objet d'une réponse commune et le troisième a reçu une réponse très récemment.

Le fait d'avoir apporté une réponse commune aux deux premiers avis n'est guère satisfaisant. En effet, le premier avis avait pour objectif de lever les nombreuses incertitudes qui existaient alors sur le dispositif annoncé, en particulier sur les modalités de son financement, notamment l'éventuelle contribution des fonds structurels alloués à la politique de cohésion - sur ce point, la réponse est particulièrement floue : « Les États membres pourront également utiliser les fonds structurels pour financer des projets qui nécessitent un haut niveau de participation du secteur public et pour lesquels il pourrait être plus difficile de trouver des investisseurs privés, compte tenu des niveaux de rentabilité plus limités » . Or, la Commission a attendu la publication de sa proposition de règlement instituant le FEIS pour répondre, alors que certains des points soulevés dans le deuxième avis de la commission des affaires européennes avaient nécessairement évolué. Quant à la réponse d'ensemble de la Commission, elle consiste moins à apporter les précisions demandées qu'à reprendre les termes des documents qu'elle avait préparés pour communiquer sur le « Plan Juncker ». Comme l'indique d'ailleurs la réponse, « une documentation complète est disponible sur le site web de la Commission » ... Les autres sujets abordés ne reçoivent pas davantage de réponse, la plateforme européenne de conseil en investissement par exemple. Il ne s'agit donc pas d'une réponse personnalisée rédigée de manière à répondre aux points mis en avant par la commission des affaires européennes dans son avis politique.

Toutefois, l'avis portant sur la mise en oeuvre du « Plan Juncker » a reçu une réponse d'une qualité bien supérieure à la réponse commune précédente. La Commission prend soin de préciser que « l'avis du Sénat a été transmis aux services compétents. Il constitue une contribution utile que la Commission prendra en compte dans la mise en oeuvre du Plan d'investissement ainsi que dans les étapes ultérieures d'évaluation » . Elle indique également prendre « très au sérieux l'intérêt porté par le Sénat au sujet du rôle des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du plan d'investissement » . Elle apporte des précisions sur des points importants soulevés dans l'avis politique : la mise en place du système de gouvernance - les membres du comité de pilotage du FEIS ont été nommés et le recrutement du directeur général, de son adjoint et la sélection des membres du comité d'investissement ont été menés à bien -, l'institution de la plateforme européenne de conseil en investissement, désormais opérationnelle, et l'entrée en fonction du portail européen de projets d'investissement prévue pour le premier trimestre 2016.

La réponse développe assez précisément la situation concernant notre pays : « En ce qui concerne plus particulièrement la France, 8 projets, dont 3 ont déjà reçus la garantie du FEIS, ont été approuvés par le conseil d'administration de la BEI pour le seul volet « infrastructure et innovation » , ce qui mobilise un financement de la BEI de 1,17 milliard d'euros et devrait générer un investissement prévisionnel total de 4 milliards d'euros. Quant au volet PME mis en oeuvre par le FEI, le FEIS a soutenu trois intermédiaires financiers français à travers des garanties à hauteur de 51,4 millions d'euros au bénéfice des PME en France. Le FEI a également apporté une contribution de 204 millions d'euros à six fonds d'investissement et de capital risque qui investissent dans des PME et entreprises de taille intermédiaire ».

Enfin, la réponse comporte une annexe répondant aux observations du Sénat qui présentaient un caractère technique et visant des aspects spécifiques soulevés dans l'avis politique : le rôle des plateformes d'investissement, le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement, auquel les collectivités territoriales pourront recourir gratuitement, et du portail européen de projets d'investissement, le volet réglementaire du plan d'investissement, etc. Ce dernier volet est sans doute celui qui obtient la réponse la moins satisfaisante en raison des actions qui en relèvent et qui portent sur le moyen, voire le long terme : charges administratives et complexité réglementaire, marché unique numérique, union de l'énergie, union des marchés de capitaux, réformes structurelles nationales dans le cadre du semestre européen, etc., soit autant de mesures, européennes et nationales, visant à lever les obstacles à l'investissement.

Sur l'avis politique relatif à l' union des marchés de capitaux , la Commission expose l'économie générale et les objectifs de ses propositions plus qu'elle ne répond véritablement aux points soulevés par la commission des affaires européennes, ce qui illustre en réalité les divergences des positions respectives, comme on l'a vu plus haut. Elle relève toutefois la suggestion de la commission de créer une labellisation pour la titrisation européenne et, tout en y apportant des nuances, considère que la responsabilité de celle-ci pourrait être éventuellement confiée à l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

La réponse de la Commission est plus précise lorsque l'avis politique porte sur un sujet ou un texte au champ plus restreint . C'est le cas, par exemple, de sa réponse sur les propositions de règlements relatifs aux médicaments vétérinaires et aux aliments médicamenteux pour animaux . La Commission a répondu sur chacun des quatre sujets techniques soulevés par l'avis politique qui proposait aussi de modifier la rédaction de certains articles des textes soumis : l'interdiction d'une utilisation préventive des médicaments vétérinaires, les ventes par Internet, les importations de médicaments vétérinaires et d'animaux et de produits alimentaires issus d'animaux et le contrôle des procédures d'autorisation de mise sur le marché.

La Commission a répondu de façon argumentée à l'avis politique portant sur son programme de travail pour 2015 . Elle s'est réjouie de ce que la commission des affaires européennes partage son approche de « concentrer l'action de la Commission sur un nombre limité de dossiers prioritaires » . De fait, la Commission s'est associée à la plupart des remarques du Sénat, en particulier sur l'identification de trois chantiers prioritaires : l'énergie, le numérique et la lutte contre le terrorisme. Elle a également rappelé le retrait, le 25 février 2015, de 73 propositions législatives, annoncé dans son programme de travail, « certaines d'entre elles ayant suscité des réserves de la part du Sénat lors de leur présentation » . Elle a néanmoins émis deux réserves concernant, d'une part, l'élargissement des compétences du parquet européen auquel elle n'est pas favorable et, d'autre part, les moyens de l'agence Europol qui, selon elle, sont contraints par les perspectives financières 2014-2020. Plus largement, elle s'est montrée assez critique sur l'émergence d'un droit d'initiative des parlements nationaux, dit « carton vert », mis en avant dans l'avis politique. Elle note en effet que, « plutôt que de se lancer dans des discussions sur de nouvelles procédures ou des nouveaux arrangements interinstitutionnels non prévus par le traité, il convient de trouver des solutions plus pragmatiques et immédiates » . Elle considère que le dialogue politique ou les réunions interparlementaires peuvent constituer le cadre pour des échanges directs.

De même, la réponse de la Commission à l'avis politique relatif au paquet « mieux légiférer » est précise et circonstanciée et adopte une démarche didactique évidente. Elle précise que « la Commission [...] a transmis l'avis du Sénat à ses représentants dans les négociations en cours afin d'éclairer les débats » . Elle donne des précisions sur la méthode qu'elle entend employer pour ce qui concerne le renforcement du dialogue politique et les études d'impact. La Commission s'associe aux remarques du Sénat relatives au droit de retrait, jugeant qu'elle respectait de facto la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle rappelle que le suivi des trilogues relève des États représentés au Conseil, qui doivent informer les parlements nationaux. Elle ne souhaite pas de changement concernant le contrôle des actes délégués et insiste sur la nécessité de mieux évaluer les textes au niveau national. Enfin, elle se montre moins réservée sur le « carton vert » que dans sa réponse relative à l'avis politique sur le programme de travail 2015 en indiquant qu' « elle est toujours prête à discuter de suggestions constructives si des parlements nationaux estiment que l'Union devrait répondre aux préoccupations des citoyens par une action dans un domaine politique spécifique » .

La réponse de la Commission est également très précise sur la pêche au bar . Il est vrai que, sur ce dossier, le Sénat avait obtenu satisfaction : « La Commission souhaite indiquer au Sénat que les préoccupations qu'il a exprimées dans son avis ont été prises en compte lors des discussions du Conseil des Ministres de la pêche de décembre 2015 établissant les possibilités de pêche pour 2016. En effet, la dépendance au bar des métiers de l'hameçon exploitant cette espèce a été prise en considération et le Conseil a décidé d'une période de fermeture de la pêche de deux mois contre six mois pour les autres métiers. D'autre part, la Commission s'est engagée par déclaration écrite lors du Conseil de décembre 2015 à « suivre les débarquements de bar capturés en tant que prise accessoire afin d'évaluer si la mesure concernant les prises accessoires est suffisante » » .

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