RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE ET JUDICIAIRE

Sur les différents points soulevés par le Sénat, des avancées importantes ont été enregistrées.

EUROPOL
L'accord du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2015 sur le règlement portant réforme d'EUROPOL

Grâce au nouveau règlement, EUROPOL pourra plus facilement créer des unités spécialisées afin de réagir sans délai aux menaces émergentes dans le domaine du terrorisme et d'autres formes de criminalité grave et organisée. Le règlement prévoit par ailleurs des règles claires sur les unités, comme l'unité de signalement des contenus sur Internet qui veille à la suppression rapide de sites web faisant l'éloge d'actes terroristes et encourageant les citoyens de l'Union européenne à rejoindre des organisations terroristes.

EUROPOL sera en mesure d'échanger des informations directement avec les entités privées telles que des entreprises ou des ONG, qui devraient lui permettre de travailler plus rapidement. Afin d'éviter des lacunes en matière d'information dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, les nouvelles règles proposées stipulent que les États membres devraient fournir à EUROPOL les données nécessaires pour remplir ses objectifs.

Les députés européens ont veillé à ce que les nouveaux pouvoirs d'EUROPOL aillent de pair avec une augmentation des garanties en matière de protection des données et du contrôle parlementaire. Le contrôleur européen de la protection des données sera responsable du travail de surveillance d'EUROPOL et une procédure claire de plaintes sera mise en place pour les citoyens. Afin d'assurer un « contrôle démocratique », l'activité d'EUROPOL sera supervisée par un « groupe parlementaire conjoint » composé de membres des parlements nationaux et du Parlement européen. Le Parlement européen a veillé à ce que tous les accords d'échange d'informations entre EUROPOL et les pays tiers soient évalués dans les 5 ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, afin d'assurer qu'ils soient conformes aux règles de protection des données et des normes de l'Union européenne en matière de police.

L'agence devrait être ainsi renforcée dans sa lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité et la criminalité transfrontalière en obligeant les États à fournir à EUROPOL les informations nécessaires. Le « compromis » a été approuvé par la commission Libé. Il devrait être adopté par le Parlement européen en avril 2016 et sera appliqué dans tous les États membres à partir du 1 er avril 2017.

Lors de la réunion des présidents de la COSAC du 8 février 2016, des inquiétudes se sont exprimées en ce qui concerne la surveillance de certaines agences européennes.

Selon l'article 88 du TFUE, il revient au Parlement européen ainsi qu'au Conseil, par voie de règlement, de déterminer, par exemple, le fonctionnement et la structure d'EUROPOL. Ces règlements précisent l'étendue du contrôle d'EUROPOL par le Parlement européen ainsi que par les parlements nationaux.

Un compromis final, entre le Parlement européen et le Conseil, a été obtenu le 26 novembre 2015 sur la question du contrôle parlementaire d'EUROPOL. La commission Libé a accepté le projet de règlement le 30 novembre 2015.

L'article 53 du projet prévoit que le groupe de contrôle parlementaire conjoint susmentionné surveillera l'ensemble de l'activité d'EUROPOL ainsi que leur impact sur les droits fondamentaux et les libertés des personnes physiques. À cet effet, le groupe pourra organiser des réunions, demander l'envoi de documents pertinents et nécessaires à la surveillance. Toutes les conclusions faites par ce groupe seront transmises pour information au Conseil, à la Commission ainsi qu'à EUROPOL.

L'article 54 insiste sur la possibilité pour le Parlement européen d'accéder à l'ensemble des informations générées par EUROPOL.

La création du nouveau Centre européen de contre-terrorisme le 25 janvier 2016

Ce centre, installé à EUROPOL, sera chargé de coordonner les informations des cellules nationales de lutte contre le terrorisme. L'objectif est de faire en sorte que les États membres se réunissent plus souvent afin de partager des informations et de travailler en confiance. Il devient impératif d'améliorer le partage de renseignements pour accroitre les capacités à traquer les financements terroristes, mais également pour mieux surveiller les activités de l'État islamique et d'autres groupes sur internet et les réseaux sociaux, en particulier leur propagande et leurs méthodes de recrutement.

L'accord de coopération stratégique conclu entre EUROPOL et les Émirats Arabes du 15 décembre 2015

On signalera, encore, pour être complet, l'accord de coopération stratégique conclu entre EUROPOL et les Émirats Arabes du 15 décembre 2015. Cet accord exclut l'échange d'informations sur les données à caractère personnel mais concerne l'expertise, les comptes rendus généraux, les résultats d'analyses stratégiques, les informations sur les procédures d'enquêtes pénales et les informations sur les méthodes de prévention de la criminalité, la participation à des activités de formation, ainsi que la fourniture de conseils et de soutien dans des enquêtes. La coopération avec les Émirats Arabes devient importante dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave compte tenu du poids économique que représente ce partenariat : une coopération de ce genre peut être un moyen important pour combattre la fraude ou le blanchiment d'argent.

L'accord de coopération « stratégique et opérationnelle » entre EUROPOL et la Bosnie Herzégovine du 15 décembre 2015

Il s'agit de mêmes mesures qui s'appliquent aux Émirats Arabes. Contrairement aux accords opérationnels, les accords stratégiques permettent non seulement un échange d'informations techniques et stratégiques, mais aussi un échange de données personnelles.

L'approbation des accords conclus entre EUROJUST, l'Ukraine et le Monténégro

En accord avec la décision 2002/187/JAI du Conseil du 28 février 2002 qui vise à renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité et qui permet à l'Agence européenne de conclure des accords de coopération avec des pays tiers et des organisations, EUROJUST a approuvé, avec l'Ukraine et le Monténégro, des dispositions sur l'échange d'informations, y compris l'échange de données personnelles, et sur le détachement d'officiers et de magistrats de liaison auprès de l'agence. Ces accords ont pour but de renforcer la coopération judiciaire, surtout en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la criminalité organisée.

L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS À CARACTÈRE JUDICIAIRE

Il faut, ici, signaler la proposition par la Commission d'une directive du Parlement européen et du Conseil du 21 janvier 2016 modifiant la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil en ce qui concerne les échanges d'informations relatives aux ressortissants de pays tiers ainsi que le Système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS) et remplaçant la décision 2009/316/JAI du Conseil

L'ECRIS est un système électronique d'échange d'informations sur les condamnations antérieures prononcées par des juridictions pénales de l'Union européenne à l'encontre de ressortissants européens.

Pour mieux lutter contre la criminalité transfrontière et le terrorisme, la réforme propose de faciliter l'échange d'informations relatives aux casiers judiciaires en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers condamnés dans les États membres.

LE PARQUET EUROPÉEN

Il ne paraît pas inutile de faire le point sur le dossier du Parquet européen.

Rappelons qu'aux termes de l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, « Le Conseil européen peut décider d'étendre les attributions du Parquet européen (dont la vocation est au départ de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union) à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière » , donc au terrorisme.

Dans une communication faite devant la commission des affaires européennes du Sénat le 10 mars 2015, il a été rappelé que la notion de Parquet européen avait été suggérée dès 1977 par le président Valéry Giscard d'Estaing.

L'adoption, par la Commission, d'une proposition de règlement du Conseil portant création du Parquet européen remonte au 17 janvier 2013.

La structure, proposée initialement, consistait en une organisation unique à deux niveaux : une unité centrale chargée essentiellement de superviser, de coordonner et, le cas échéant, de diriger les enquêtes et des poursuites menées dans les États membres, et un second niveau constitué par les procureurs européens délégués, appartenant à la fois au Parquet européen et aux ministères publics nationaux, qui mèneraient lesdites enquêtes et poursuites de manière autonome.

Le 15 janvier 2013, le Sénat adoptait une première résolution soutenant la création d'un Parquet européen en jugeant possible de procéder par étapes en commençant par la protection des intérêts financiers de l'Union, tout en souhaitant une extension rapide des compétences de l'institution à la criminalité grave transfrontière .

Dans une seconde résolution européenne portant avis motivé du 3 octobre 2013, le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, a jugé qu'en faisant un choix « centralisateur et directif », la Commission européenne était allée, en contrevenant au principe de subsidiarité, au-delà du nécessaire pour atteindre l'objectif d'un meilleur pilotage et d'une coordination renforcée en matière judiciaire. On s'en souvient, 14 chambres de parlements nationaux ont suivi la position du Sénat et ont transmis à la Commission des avis motivés. Le seuil était donc atteint pour que soit adressé à la Commission, au mois de décembre 2013, le « carton jaune ».

Si la Commission a refusé de renoncer à son texte, il reste que le « carton jaune » des parlements nationaux a eu un impact évident au niveau du Conseil des ministres des États membres. Ces derniers se sont majoritairement prononcés pour un Parquet européen collégial et décentralisé , conformément aux voeux du Sénat.

On rappellera que la discussion s'articule autour de plusieurs débats :

- sur la structure du Parquet européen ;

- sur l'extension de la compétence du Parquet européen ;

- sur la compétence partagée du Parquet européen avec celle des autorités judiciaires des États membres ;

- sur la compatibilité des règles relatives au fonctionnement du Parquet européen avec les droits internes des États membres ;

- sur la question de la recevabilité et de l'évaluation des preuves afin de garantir les droits de la défense ;

- sur la mise en place d'un recours judiciaire effectif.

Pour le Sénat, en tout cas, le débat sur la structure du Parquet européen apparait fondamental car mettant directement en cause la question de la souveraineté des États membres.

Où en est le débat européen aujourd'hui ?

En réalité, s'il prend du retard, c'est que les États membres au sein du Conseil et le Parlement européen campent toujours sur des positions fort différentes. Quant à la Commission, elle est prête à des accommodements tout en souhaitant que le « niveau central » du Parquet européen continue à disposer d'un maximum de prérogatives.

Dans sa résolution du 29 avril 2015, le Parlement européen a réaffirmé sa volonté de créer un Parquet européen à partir d'EUROJUST. Il a demandé une clarification des relations entre EUROJUST, le Parquet européen et l'Office anti-fraude (OLAF). Il a rappelé la nécessité de tenir compte des droits fondamentaux. Il a surtout insisté sur l'indépendance nécessaire du Parquet européen. Pour lui, l'organisation collégiale, de même que tout lien du procureur européen avec son État d'origine, pourrait nuire à l'indépendance de l'institution.

Quelle est la position des différents États au Conseil ?

Des pays comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique, la Roumanie et la Bulgarie sont en faveur d'une approche « intégrée » du Parquet européen.

Des pays comme l'Allemagne, l'Autriche et la Pologne sont proches de cette position en étant également favorables, par principe, à la création du Parquet européen.

Des pays comme la Finlande, la Suède, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie et même les Pays-Bas manifestent de fortes réticences.

Quant au Royaume-Uni, à l'Irlande et au Danemark, ils ont indiqué, d'ores et déjà, qu'ils ne participeraient pas à la nouvelle institution. Le président de la commission des lois de la Chambre des communes britannique a ainsi fait la déclaration suivante : « Nous partons du constat que les systèmes et pratiques judiciaires diffèrent profondément d'un pays à l'autre de l'Union. En conséquence, en l'état actuel des choses, nous considérons qu'EUROJUST et l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) suffisent largement à la tâche. »

D'une manière générale, on peut parler d'un consensus d'une majorité d'États autour de trois idées :

- la structure collégiale d'un Parquet européen composé de membres nationaux issus de leurs systèmes judiciaires respectifs ;

- la compétence partagée entre le Parquet européen et les autorités nationales avec un droit général d'évocation ;

- la nécessité de garantir l'indépendance, l'efficacité et la valeur ajoutée du Parquet européen.

Quelle est aujourd'hui la position française ?

Elle réaffirme, tout d'abord, qu'elle est favorable au principe de la création d'un Parquet européen en soulignant que l'OLAF, pour l'heure, ne dispose pas de pouvoirs suffisants en matière de fraude. Elle exprime le souhait que le Parquet européen puisse favoriser une politique pénale européenne harmonisée, ce qui suppose l'existence d'une autorité centrale. Comme le Conseil, et conformément aux voeux du Sénat, elle est favorable à une structure collégiale. Elle conçoit le Parquet comme un véritable instrument d'entraide judiciaire permettant d'agir dans l'ensemble des États membres sans recourir aux instruments classiques. En revanche, la position française souhaite éviter les contentieux de masse en jugeant que le futur Parquet européen ne devrait se saisir que des affaires importantes.

La question du principe même et de la structure du Parquet européen étant toujours en débat au sein du Conseil lui-même, entre le Parlement européen et le Conseil, d'autre part, la Commission se réservant toujours, en troisième lieu, le droit de faire prévaloir ses solutions, il est clair que la question de l'extension des compétences du futur Parquet européen à la lutte contre le terrorisme n'est pas, pour l'heure, à l'ordre du jour.

Certains regretteront, peut-être, que l'accélération du processus sur le PNR due, en grande partie, aux attentats, ne se soit pas produite pour le Parquet européen alors que celui-ci, potentiellement, pourrait constituer un formidable instrument dans la lutte contre le terrorisme.

Il reste que les conditions de l'intervention d'un Parquet européen, doté d'un statut spécifique, dans 28 systèmes judiciaires dans lesquels les définitions d'infractions, les règles procédurales, les garanties des droits de la défense et les recours sont loin d'être homogènes, expliquent et légitiment les discussions en cours.

En application de l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la création du Parquet européen ne peut être le fait que d'un règlement adopté conformément à une procédure législative spéciale : le Conseil devant statuer à l'unanimité après approbation du Parlement européen. L'unanimité étant, en tout état de cause, impossible à obtenir au Conseil, c'est tout au plus dans le cadre de la coopération renforcée, prévue par les traités, d'un groupe composé d'au moins neuf États membres que le Parquet européen pourra voir le jour.

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