C. L'ITALIE

1. Un « Jobs Act » pour réduire la dualité du marché du travail

Deux séries de réformes ont été menées, en 2012 puis en 2014-2015. Les premières ont accompagné la réforme des retraites de 2011, tandis que le « Jobs Act » du gouvernement Renzi est présenté comme le volet d'un plan de réforme plus large comprenant une réforme constitutionnelle, une réforme du système éducatif, une réforme de l'administration publique et une réforme de la compétitivité.

Rappelons que le marché du travail italien est caractérisé par une forte dualité entre les contrats de travail standards (les CDI à temps plein concernant encore 65 % des salariés) et les autres formes d'emplois (CDD, emplois à temps partiel, etc.) représentant 70 % des flux d'embauches. À cette dualité, s'ajoute d'autres dualités, entre les employés avec et sans protection sociale, entre le Nord et le Sud, etc. Le chômage était proche de 13 % en 2014, se situant au-dessus de la moyenne de la zone euro, après un phénomène d'accélération depuis la crise de 2008 .

La réforme du « Jobs Act », entrée en vigueur en 2015, est basée sur la flexisécurité, la simplification des contrats de travail, la baisse des charges pour les entreprises d'une part, et une protection renforcée des chômeurs comme un élargissement de leur couverture sociale d'autre part. Le Job Acts a quatre objectifs majeurs :

- la réduction de la dualité du marché du travail ;

- l'augmentation des emplois en CDI ;

- la diminution du nombre de procédures judiciaires ;

- l'amélioration des services à l'emploi et des politiques actives.

Le décret Poletti est le premier acte de cette réforme, visant les contrats à durée déterminée et les contrats d'apprentissage. Il a ainsi permis :

- l'allongement de la durée maximale des CDD, en passant de 12 à 36 mois,

- la suppression de la période d'intervalle (2 mois minimum entre chaque contrat),

- l'augmentation des cotisations pour les CDD (+ 1,4 point),

- l'encadrement de la proportion du nombre de CDD par rapport au nombre total de contrats dans l'entreprise (20 % maximum). Il est néanmoins possible de déroger à ce taux par le biais des accords de branche.

À noter également qu'auparavant, le CDD devait être justifié « pour des raisons techniques, ou des raisons tenant à des impératifs de production, d'organisation ou de remplacement de salarié », y compris dans l'activité ordinaire de l'entreprise. Cette justification disparaît.

Le deuxième acte du Jobs Act a eu lieu avec l'adoption de la loi du 10 décembre 2014, et des huit décrets d'application. Ce paquet portait sur quatre points clés :

- la suppression de l'article 18 du Code du travail qui disposait qu'en cas de licenciement injustifié ou non-motivé, le salarié pouvait prétendre à une réintégration. Seuls les licenciements injustes (pour discrimination) donnent droit à cette réintégration aujourd'hui. L'obligation de réintégration est dorénavant remplacée par une indemnisation, plafonnée. Il faut bien noter le changement de philosophie qui sous-tend cette modification : l'Italie est ainsi passée d'une logique de réparation (la réintégration du salarié) à une logique d'indemnisation (plafonnée) .

Durant une procédure de licenciement, un système de conciliation est mis en place : l'employeur peut proposer une indemnisation exonérée d'impôt équivalant à un mois de salaire par année de service. Si le montant est moins élevé que dans le cas d'une indemnisation « classique » (deux mois de salaire par année de service, avec un minimum de 4 ans et un maximum de 24 ans), il permet une indemnisation plus rapide et nette d'impôt. L'acceptation de l'indemnité confirme la rupture du contrat de travail. Comme l'a signalé le conseiller de l'ambassade d'Italie en France, cette réforme a permis de diminuer le pouvoir arbitraire du juge et par conséquent l'insécurité juridique qui pesait sur les employeurs ;

- la création d'une nouvelle forme de contrat à durée indéterminée « à protection croissante » , qui facilite le licenciement au cours des trois premières années -avec des conditions de rupture pré-établies- et la mise en place d'un barème d'indemnisation de licenciement en fonction de l'ancienneté des salariés ;

- la suppression des contrats de collaboration, « un statut intermédiaire entre salariat et travail indépendant, destiné à des travailleurs non soumis à un lien de subordination. Dans les faits, ce sont des travailleurs indépendants qui dépendent d'une seule entreprise cliente ». Ces contrats concernaient 200 000 personnes. ;

- la réforme de l'assurance chômage, avec une extension des systèmes d'indemnisation. La durée d'indemnisation est étendue à 24 mois, contre 12 mois auparavant pour les moins de 55 ans et 18 mois pour les plus de 55 ans. Le montant est proportionnel aux cotisations versées au cours des quatre années avant la période de chômage. Les allocations chômage ont augmenté en moyenne. La compensation octroyée pour les cas de « chômage technique » est élargie aux apprentis et aux entreprises entre 5 et 15 employés.

Une agence nationale pour l'emploi, mettant en place un guichet unique liant recherche d'emploi et proposition de formation, a également été mise en place . Cette agence est également chargée d'uniformiser la politique de l'offre d'emploi dans les différentes régions du pays.

Parallèlement au Jobs Act, le gouvernement italien a choisi de réduire le coût du travail . Le point majeur de la loi de finances est l'exonération totale des cotisations de sécurité sociale pour une durée de 3 ans sur les nouveaux CDI à protection croissante ou sur les CDD transformés en CDI. Le plafond de cette exonération est fixée à 8 060 euros par an pour les embauches ayant eu lieu en 2015 concernant des personnes sans emploi permanent dans les 6 mois précédant leur embauche. Pour les embauches de l'année 2016, l'exonération se fait à hauteur de 40 % pendant deux ans. La taxe professionnelle pour les contrats permanents a été supprimée.

En matière d'aide, différentes mesures ont été prises :

- une exonération fiscale des services d'assistance (éducation, aide sociale,...) convenus au niveau de l'entreprise ;

- une inclusion active : aide de 80 euros accordée à chaque personne dans les familles pauvres d'au moins 5 membres ayant des enfants de moins de 18 ans ;

- un bonus structurel de 80 euros par mois est accordé aux travailleurs permanents gagnant moins de 26 000 euros annuellement.

2. Une hausse des contrats à durée indéterminée à confirmer

Les effets du Jobs Act sont difficilement quantifiables de façon précise en raison de son caractère très récent. Le FMI 14 ( * ) estime que la réforme du marché du travail, prise isolément, aurait un impact positif mais mesuré sur la production : + 1,1 % de PIB à horizon de 5 ans, + 1,8 % à long terme.

Selon les informations transmises par l'ambassade à votre rapporteure, on note une forte augmentation des contrats à durée déterminée et une diminution des contrats temporaires :

Source : Ambassade d'Italie en France (chiffres 2015)

Dans la monographie consacrée à l'Italie issue du rapport sur les réformes des marchés du travail en Europe de novembre 2015, le COE confirme cette tendance qui doit être confirmée : la part des CDI dans les nouvelles embauches serait passée de 29,7 % en 2013 à 33,8 % en 2015. De même il souligne une augmentation de 34 % du taux de transformation des CDD en CDI entre 2014 et 2015 . Le rapport conclut que « la croissance de l'emploi apparaît donc tirée, depuis le début 2015, par la croissance de l'emploi permanent . »

Dans une étude d'octobre 2015 de la Banque d'Italie, les mesures du Jobs Act seraient à l'origine d'environ un quart de la progression de l'emploi dans le pays, le reste s'expliquant pour l'essentiel par l'évolution de l'activité économique. La Banque centrale estime également que les exonérations sociales expliqueraient les deux tiers de la croissance de l'emploi permanent, le tiers étant lié aux nouvelles règles de licenciement.

Enfin, pour l'Insee, le Jobs Act a permis de dynamiser l'emploi, avec une hausse de 0,8 % directement liée à l'incitation fiscale.

En revanche le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) reste encore parmi les plus élevés d'Europe , passant de 41,2 % début 2015 à 37,9 % en décembre de la même année.

***

Ces exemples européens montrent que de nouvelles pistes ont déjà été tracées hors de nos frontières pour mieux lutter contre le chômage. Les réformes adoptées convergent autour d'un objectif d'accroissement de la flexibilité du marché du travail, mais aussi de sécurisation juridique et économique des entreprises.


* 14 Céline Antonin, note de l'OFCE, n° 48.

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