II. LES INCIDENCES BUDGÉTAIRES D'UN ÉVENTUEL « BREXIT »

Force est de constater que la question budgétaire a acquis une position centrale dans le cadre des débats relatifs au « Brexit » . En effet, les tenants d'une sortie du Royaume-Uni estiment que celle-ci permettrait de réduire, voire de supprimer la contribution britannique au budget de l'Union européenne.

Toutefois, les économies budgétaires à attendre d'un « Brexit » ne doivent pas, pour le Royaume-Uni, être surestimées , d'autant que le ralentissement de l'activité susceptible de résulter d'une sortie de l'Union pourrait venir peser sur les finances publiques. Aussi, les développements qui suivent s'attachent à examiner les possibles conséquences budgétaires d'un « Brexit » pour le Royaume-Uni, mais également pour les autres États membres qui, eux, auraient à supporter un « coût » supplémentaire ne pouvant être négligé .

A. LE « BREXIT » : UN GAIN BUDGÉTAIRE DISCUTABLE POUR LE ROYAUME-UNI,...

La baisse de la contribution britannique au budget européen en cas de « Brexit » serait étroitement liée à la nature des relations qui prévaudraient entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ; en effet, ainsi que cela a été rappelé précédemment, bien que n'étant pas membres de l'Union européenne, tant les pays parties à l'accord de l'Espace économique européen (EEE) que la Suisse contribuent au budget de cette dernière, et de manière significative. Par suite, le maintien de l'accès du Royaume-Uni au marché unique pourrait, dans des conditions similaires, donner lieu au versement d'une contribution financière en contrepartie.

1. Une moindre contribution au budget de l'Union européenne ?

La contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne - qui comprend les ressources dites « RNB » et « TVA », les droits de douane, etc. - s'est élevée à 15,2 milliards d'euros par an en moyenne entre 2010 et 2014 . Toutefois, celle-ci est inférieure à la contribution « théorique » du pays en raison de l'existence du « rabais britannique », institué durant les années 1980, d'un montant moyen de 4,3 milliards d'euros au cours de la même période (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 15 : Montants reçus et versés par le Royaume-Uni
au budget de l'UE au cours de la période 2010-2014

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Moyenne

Contribution théorique

18 222,0

17 421,2

19 981,1

21 397,8

20 138,6

19 432,1

Rabais britannique

- 3 562,7

- 3 595,9

- 3 803,6

- 4 329,5

- 6 066,3

- 4 271,6

Contribution post-rabais

14 659,4

13 825,2

16 177,5

17 068,4

14 072,3

15 160,6

Montants reçus

6 745,6

6 570,0

6 933,9

6 308,3

6 984,7

6 708,5

Contribution nette

7 913,7

7 255,2

9 243,6

10 760,1

7 087,6

8 452,0

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

Comme cela était indiqué précédemment, contrairement à ce qu'avancent certains, un « Brexit » ne permettrait pas une économie d'un montant égal à l'actuelle contribution britannique au budget de l'Union européenne . En effet, le Royaume-Uni a reçu, au cours de la même période, 6,7 milliards d'euros par an en moyenne de crédits en provenance de ce même budget - versés en faveur du financement de la recherche, dans le cadre du programme « Horizon 2020 », ou encore de la cohésion territoriale et de l'agriculture 79 ( * ) , en particulier au Pays de Galles et en Irlande du Nord 80 ( * ) . Aussi, il paraît peu probable qu'en cas de sortie de l'Union, les autorités britanniques ne soient pas contraintes de maintenir ces dépenses au niveau national.

Par conséquent, l'économie budgétaire que pourrait réaliser le Royaume-Uni en cas de sortie de l'Union serait, au plus, égale au montant de la contribution nette britannique au budget de l'Union européenne
-
soit 8,5 milliards d'euros au plus (0,3 % du PIB), compte tenu de la moyenne observée entre 2010 et 2014. Il s'agit néanmoins d'un maximum, dès lors qu'une telle économie nécessiterait que le Royaume-Uni cesse toute contribution au budget de l'Union européenne ; or, en contrepartie de leur accès au marché unique, les pays de l'Espace économique européen (EEE) de même que la Suisse sont appelés à contribuer à ce dernier.

Selon le Centre for European Reform 81 ( * ) , si le Royaume-Uni venait à rejoindre l'EEE dans des conditions similaires à celles de la Norvège, sa contribution au budget de l'Union européenne serait réduite de 9 % et s'il se trouvait dans une situation identique à celle de la Suisse, cette contribution serait diminuées de 55 %.

Dès lors, en continuant de considérer la contribution moyenne nette du Royaume-Uni au budget européen observée au cours des années passées, l'économie résultant d'une sortie de l'Union serait comprise entre 760 millions d'euros et 4,6 milliards d'euros - soit entre 0,03 et 0,18 % du PIB - selon que le pays rejoigne l'EEE sur le modèle norvégien ou parvienne à établir une relation bilatérale proche de celle de la Suisse .

2. Les incidences budgétaires d'un ralentissement de l'activité

Seulement, établir un « bilan » budgétaire du « Brexit » implique nécessairement de prendre en compte les conséquences de ce dernier sur l'activité économique et, partant, sur les recettes et les dépenses publiques . À cet égard, le Trésor britannique a estimé qu'« après quinze années, même avec des économies provenant de contributions réduites à l'Union européenne, les recettes seraient inférieures de 20 milliards de livres à l'estimation centrale dans le scénario EEE, de 36 milliards de livres par an dans le cadre d'un accord bilatéral négocié et de 45 milliards de livres dans l'alternative OMC ».

À plus court terme, l'impact sur les finances publiques n'en serait pas moins significatif . À titre de rappel, à l'horizon 2020, PricewaterhouseCoopers 82 ( * ) a évalué l'incidence d'un « Brexit » sur le PIB britannique à - 3,1 %, dans l'éventualité où le Royaume-Uni parviendrait à conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne, et à - 5,5 % si les échanges avec les États membres devaient être encadrés par les seules règles de l'OMC.

Sur la base de ces estimations et des hypothèses de l'OCDE relatives à la sensibilité des finances publiques britanniques à la conjoncture 83 ( * ) , les effets sur le solde public en 2020 peuvent être évalués, dans le cadre d'un accord de libre-échange, à - 1,2 point de PIB et à - 1,9 point de PIB si les échanges étaient régis par les règles de l'OMC . Dans le premier cas, les effets sur les recettes fiscales et les dépenses de chômage du ralentissement de la croissance seraient moins prononcés et le « gain » budgétaire lié à la réduction de la contribution au budget de l'Union européenne serait proche de 0,16 point de PIB - à supposer que le Royaume-Uni fasse l'objet d'un traitement comparable à celui de la Suisse (cf. supra ). Dans le second, si les incidences conjoncturelles sur le solde seraient plus fortes, l'économie liée à l'absence de contribution au budget européen serait de 0,3 point de PIB et, par ailleurs, le Royaume-Uni percevrait des recettes supplémentaires du fait, notamment, du rétablissement des droits de douane à hauteur de 0,3 point de PIB - si l'on en croit les travaux de l'OCDE.

Il apparaît donc que dans aucun des deux scénarii envisagés, un « Brexit » n'est associé à une amélioration de la situation budgétaire britannique , et ce en dépit de la diminution, voire de la suppression de la contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne.


* 79 À titre indicatif, le Royaume-Uni a perçu, en 2014, 3,9 milliards d'euros au titre de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de développement rural.

* 80 P. Hüttl et J. Martí Romero, « Northern Ireland and EU funds », Bruegel Blog Post, mai 2016.

* 81 Centre for European Reform, op. cit.

* 82 PricewaterhouseCoopers, op. cit.

* 83 OCDE, op. cit. , avril 2016.

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