C. CONSOLIDER LE MODÈLE FRANÇAIS PAR LEQUEL LES PARIS HIPPIQUES FINANCENT LE SOCLE TERRITORIAL DE LA FILIÈRE ÉQUINE

La seconde orientation vise à consolider le modèle français par lequel un faible pourcentage des paris hippiques finance le socle territorial de la filière équine, remplissant ainsi une mission de service public .

LE SOUTIEN DES SOCIÉTÉS DE COURSE À LA FILIÈRE ÉQUINE :
UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC DÉFINIE PAR LA LOI

La loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a modifié l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

Le législateur a ainsi précisé le rôle des sociétés de courses de chevaux en indiquant que celles-ci « participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural ».

Encore faut-il que le Gouvernement prenne suffisamment en compte cette exigence de solidarité financière en fixant les paramètres financiers relevant de sa compétence de façon à mieux préserver l'attractivité des paris hippiques : c'est pourquoi il est proposé, d'une part, de garantir l'égalisation des taux de retour aux parieurs pour pérenniser les soutiens à l'activité équine de base et, d'autre part, une réflexion tendant à rationaliser les différents fonds mis en place au fil des ans.

1. Un rappel : le relatif désengagement de l'État a été compensé par une solidarité gérée par la filière avec la création des fonds Éperon et Équitation

Jusqu'en 2002, le financement public de la filière équine par des ressources issues des paris hippiques s'effectuait par le canal d'un reversement du PMU via un compte spécial du Trésor. Depuis la loi de finances pour 2002, le prélèvement de l'État sur les enjeux du PMU est intégré dans les recettes du budget général.

Ce désengagement relatif de l'État a alors été compensé par la création de deux fonds de financement alimentés par un prélèvement sur les enjeux des courses et gérés par les professionnels de la filière .

Il s'agit d'abord du fonds Éperon I (Encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux), créé en 2005, qui représente 10 millions d'euros par an et cofinance environ 100 projets d'investissements ou actions de développement de la filière.

LE FONDS ÉPERON I

Ce fonds est alimenté par un prélèvement sur les enjeux sur les Courses hippiques, institué au profit de la Fédération Nationale des Courses Françaises (FNCF).

Son Comité d'engagement détermine les critères de sélection des projets et statue sur la participation du Fonds à leur financement.

Il est composé de neuf membres désignés pour trois ans : trois membres représentant l'Institution des Courses (SECF, France Galop et FNCF) ; trois membres représentant les Conseils Régionaux des Chevaux ; un membre représentant la Fédération Nationale du Cheval ; un représentant l'État, désigné par le ministère en charge de l'agriculture et une personnalité qualifiée désignée par les 8 autres membres.

Les projets présentés concernent des équipements ou des actions immatérielles : ils doivent être financés au moins à 50 % par d'autres canaux que le Fonds Éperon pour être éligibles.

Les Conseils Régionaux de Chevaux sont associés au fonds Éperon et sont le premier interlocuteur pour les porteurs de projets régionaux. La FNCF assure la gestion financière du Fonds et le versement des participations financières à chaque bénéficiaire.

Bilan d'activité

De 2005 à 2009, pendant les cinq premières années de son existence, le Comité a examiné 683 dossiers et retenu 382 projets pour un concours total de 41,2 millions d'euros.

Avec la diminution de la participation financière des deux sociétés-mères à la section 2 du fonds Éperon (-1 million d'euros), l'enveloppe disponible en 2014 s'est élevée à 11,6 millions d'euros .

En 2014, sur les 175 dossiers présentés, le comité d'engagement en a retenu 138, pour un engagement total de subvention de 15,7 millions d'euros y compris les engagements antérieurs pris par le comité pour un montant de 1,45 million (JEM 2014, Coupe du monde de CSO et dressage Lyon 2014).

Parmi les projets les plus notables financés par le Fonds Éperon, on relève, au niveau national :

- École Internationale du Cheval (SECF, pour 1 350 000 euros) ;

- Jeux Équestres Mondiaux (Association Normandie 2014, pour 1 000 000 euros) ;

- Dynamisation de la filière équine française à l'international (UNIC, pour 500 000 euros) ;

- Construction d'une unité de recherche spécialisée dans le contrôle antidopage pour les équidés en France (Hippolia, pour 450 000 euros) ;

- Coupe du monde de CSO et dressage Lyon 2014 (GL Events Exhibitions, pour 450 000 euros) ;

- Réalisation d'infrastructures pour l'accueil de compétitions nationales et internationales de Concours Complets, des chevaux et du public à Lamotte-Beuvron (FFE, pour 300 000 euros) ;

- Jeux Équestres Mondiaux (UNIC, pour 300 000 euros) ;

- SoGen - La génomique des chevaux de sport (IFCE, pour 276 000 euros) ;

et au niveau régional :

- Construction d'un centre de valorisation du jeune cheval (Parc du cheval en Rhône-Alpes, pour 500 000 euros) ;

- Pôle d'équitation de pleine nature et de tourisme équestre de la Pinatelle (Communauté de Communes du Pays de Murat, pour 400 000 euros) ;

- Développement de l'association Equit'Aide Handi Cheval Lorraine (Equit'Aide Handi Cheval Lorraine, pour 392 800 euros) ;

- Centre d'urgences et de soins intensifs pour équidés (VetAgroSup, pour 250 000 euros) ;

- Aménagement des sols des carrières hippiques et abords de la Plaine Saint-Hubert (Association Plaine Saint-Hubert, pour 150 000 euros) ;

- Aménagement du pôle hippique de Lorraine (Pôle Hippique de Lorraine, pour 118 500 euros).

Éperon II a ensuite été institué en 2011 pour allouer des ressources à la Société Hippique Française (SHF) qui rassemble l'ensemble des acteurs de la production, de la valorisation et de la commercialisation des jeunes chevaux et poneys de sport. Ce fonds a subi une baisse constante de son allocation : 3 millions d'euros en 2013, 2 en 2014 et un million en 2015. Or, comme cela a été démontré au cours des auditions, il est impératif de donner les moyens à la SHF de perfectionner notre force de frappe à l'exportation de chevaux, car le marché s'est internationalisé et nos marchands de chevaux sont trop disséminés par rapport à leurs homologues allemands ou hollandais. On peut signaler, à ce sujet, que la production française d'équidés n'est plus absorbée par les acheteurs situés sur notre territoire et il est particulièrement souhaitable d' affermir la solidarité entre élevage et équitation grâce à une palette d'outils, en particulier fiscaux . Il est, en effet, paradoxal d'observer que nos chevaux d'excellence sont mondialement reconnus tandis que les centres équestres ont parfois tendance à acheter leurs chevaux de loisir à l'étranger, et surtout en Irlande.

LA SOCIÉTÉ HIPPIQUE FRANÇAISE (SHF)

C réée en 1865 afin de sélectionner des chevaux, la Société Hippique Française (SHF) rassemble 16 000 éleveurs, de petite taille pour la plupart - un tiers de la production étant concentrée en Normandie, 13 000 propriétaires, 10 000 cavaliers et 20 000 chevaux.

Entendus par le groupe d'études, les représentants de la SHF ont souligné la baisse catastrophique des naissances d'équidés. Malgré l'excellence des chevaux français qui figurent en tête des palmarès des courses, on constate une forte diminution des naissances : moins 42 % entre 2004 et 2014 (9 317 à 5 380). Ce repli s'explique par plusieurs facteurs convergents qui ont été analysés tout au long de ce rapport : la diminution du pouvoir d'achat des classes moyennes, la fragilisation financière des éleveurs, les hausses de taux de TVA ainsi que la modification des rythmes scolaires.

La SHF a également démontré la nécessité, pour la France, de s'adapter à l'internationalisation du marché des équidés . Alors que la production française était traditionnellement absorbée par les acheteurs situés sur notre territoire, avec peu d'exportations, le marché s'est internationalisé, ce qui implique désormais de perfectionner notre capacité exportatrice. En effet, les marchands de chevaux allemands ou hollandais traitent des milliers d'animaux alors qu'en France, la dissémination des acteurs rend nécessaire le renforcement de l'action collective.

L'évolution récente du marché du cheval fragilise nos éleveurs, car la surproduction européenne actuelle entraîne une baisse des cours et une augmentation des importations. De plus, l'acheteur d'un cheval recherche aujourd'hui un « produit fini » et, en pratique, cette évolution contraint l'éleveur à vendre ses meilleurs chevaux pour pouvoir financer son activité et à conserver d'autres chevaux moins brillants pour les valoriser.

Du côté des exportations, la Chine constitue un énorme marché potentiel si la classe moyenne de ce pays se tourne vers l'équitation, mais le conquérir impliquera de surmonter des freins sanitaires.

Bref rappel sur le commerce des chevaux

Le marché des chevaux de course est structuré par les ventes aux enchères : 10 à 20 % de chaque génération, soit environ 3 000 trotteurs et autant de galopeurs y sont présentés chaque année, mais seuls 65 à 75 % d'entre eux y sont effectivement vendus. Ces ventes sont majoritairement organisées par une agence nationale, l'ARQANA, ainsi que des agences régionales. En 2009, le montant annuel d'enchères était d'environ 75 millions d'euros en galop et 25 millions en trot.

Le marché du cheval de selle représente un flux financier annuel d'environ 200 millions d'euros pour 50 000 chevaux et poneys échangés, dont 10 % issus d'importations.

60 % des éleveurs s'efforcent de produire des chevaux de course afin de les vendre à un prix élevé. En pratique, 70 % des équidés sont acquis pour le loisir et l'instruction, 25 % pour la compétition amateur et seulement 5 % pour la compétition professionnelle. En dehors de ces derniers, les prix d'achats constatés sont en moyenne inférieurs au coût de production : 5 000 euros minimum à trois ans.

En 2010, 10 328 chevaux ont été importés, dont presque la moitié de chevaux de selle, 35 % de chevaux de course et 15 % de poneys. En dix ans, les importations ont été multipliées par cinq pour les chevaux de selle et dix pour les poneys, mais n'ont augmenté que de 40 % pour les chevaux de course . Si l'importation de chevaux de loisir peut s'expliquer par une relativement faible production française de ces chevaux, l'importation de chevaux de saut d'obstacles met surtout en évidence la forte concurrence internationale et une meilleure organisation des circuits de commercialisation étrangers, comme l'ont souligné les représentants de la SHF au cours de leur audition.

À ces deux fonds Éperon est venu s'ajouter un fonds dit Équitation . Sa création a été annoncée en janvier 2014 par le Gouvernement : doté de 16 millions d'euros prélevés sur les jeux hippiques et versés à la Fédération française d'équitation, il vise à compenser les baisses d'activité dans les centres équestres consécutives à l'augmentation du taux de TVA à 20 %.

Le désengagement de l'État, compensé par la création des fonds Éperon et Équitation, va dans le sens de l' autonomie et de la professionnalisation de la filière cheval . Mais ce schéma n'est viable qu'à deux conditions : lever les incertitudes sur la pérennité du financement par les recettes du PMU et donner une meilleure visibilité aux fonds de soutien du socle territorial de la filière .

2. La nécessité d'un rééquilibrage et d'une limitation des entraves aux efforts déployés pour maintenir les recettes issues des paris hippiques

Pour consolider les recettes issues des paris hippiques , votre présidente de la section « Cheval » a présenté, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, un amendement de rééquilibrage visant à alléger la fiscalité des paris mutuels hippiques en alourdissant celle des paris sportifs. Le Sénat a approuvé cette initiative pour deux raisons : d'un côté, elle se justifie par la concurrence très sévère de la Française des Jeux qui affaiblit le PMU et, d'autre part, son but est de dégager des ressources pour la sauvegarde et le développement de la filière hippique ancrée dans les territoires. Le Gouvernement a été sensible à ce raisonnement mais s'y est finalement opposé pour des raisons budgétaires immédiates et l'amendement du Sénat n'a pas été repris par les députés. Comme en a convenu le ministre en charge du Budget, le sujet est important et devra être traité à l'avenir : c'est pourquoi le présent rapport propose de réaffirmer la nécessité d'un rééquilibrage de la fiscalité des paris hippiques, quitte à en calibrer les modalités de façon différente pour assurer la viabilité de la filière dans son ensemble.

SÉNAT - SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 2015 SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 (EXTRAIT)

Mme Anne-Catherine Loisier. - Le présent amendement vise à préserver les ressources de la filière des courses hippiques et, plus globalement, de la filière cheval, financée par ce biais. Il s'inscrit dans le prolongement du rapport adressé en juin 2015 par les sociétés mères des courses hippiques aux ministres compétents.

Ce rapport, mes chers collègues, dresse un constat inquiétant d'affaiblissement des ressources de la filière française des courses hippiques, dû, notamment, à la concurrence des paris sportifs en points de vente, exploités en exclusivité par la Française des jeux, alors que le PMU n'est pas autorisé, à ce jour, à les distribuer dans son réseau.

Pourtant, l'un des objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, tel qu'il figure dans la loi du 12 mai 2010, est, notamment, de « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ».

Or nous sommes bien dans une situation de déstabilisation de la filière hippique, avec des conséquences qui se mesurent, aujourd'hui, au quotidien sur l'élevage français, pourtant prestigieux et exportateur. Des menaces pèsent également sur le Fonds d'encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux, l'EPERON, et le Fonds d'investissement, qui soutiennent directement les centres équestres et tous les emplois afférents dans nos zones rurales.

Le présent amendement procède donc à un aménagement de la fiscalité des jeux en dur - paris hippiques et paris sportifs - afin de garantir la viabilité de la filière française des courses, tout en assurant la neutralité du dispositif pour les recettes fiscales de l'État et l'absence de modification des prélèvements concernant les jeux et paris en ligne.

L'application des taux de prélèvement proposés - 9,8 % pour les paris sportifs offline et 4,1 % pour les paris mutuels hippiques offline - permettrait, pour la filière hippique, de compenser la perte estimée de ressources, avec comme point de référence l'année 2012, date à partir de laquelle la Française des jeux a considérablement développé son activité de paris sportifs dans son réseau de points de vente et siphonné ainsi les ressources du PMU et de la filière cheval.

Les ressources supplémentaires ainsi dégagées seront de nouveau affectées à cette mission de service public que constitue le développement de la filière hippique, activité agricole et économique à part entière, exportatrice de surcroît, qui représente près de 180 000 emplois non délocalisables dans nos zones rurales.

Mme la présidente. - Quel est l'avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - L'adoption de cet amendement contribuerait à augmenter la fiscalité sur les paris sportifs en points de vente, lesquels risqueraient ainsi de se trouver une nouvelle fois pénalisés. Nous avons déjà évoqué ce sujet à propos de la vente des produits du tabac.

Nous n'avons toutefois pas eu le temps d'expertiser précisément cet amendement. A priori, nous ne sommes pas favorables à une hausse de la fiscalité sur les paris sportifs en points de vente, mais le Gouvernement pourra peut-être nous fournir un éclairage complémentaire.

Mme la présidente . - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est un sujet important. La filière hippique ne se porte pas très bien. En tout cas, elle a besoin d'être sécurisée, dans la mesure où une grosse partie de ses ressources provient des recettes du PMU, dont l'attractivité n'est plus ce qu'elle a pu être dans le passé.

Le PMU est concurrencé par d'autres types de jeux, peut-être plus modernes, qui séduisent davantage les jeunes générations. Les mises sur les courses hippiques ont plutôt tendance à baisser. Le PMU s'est positionné sur d'autres créneaux, mais cela ne compense pas, pour l'instant, le recul des paris hippiques.

La filière hippique a été conduite à se restructurer de différentes façons. Elle a fait un certain nombre d'économies sur sa chaîne de télévision, le système de retraites, la rémunération des personnels qui prennent les paris sur les champs de courses. Je ne veux pas minimiser les efforts consentis par les deux actionnaires principaux du PMU, les sociétés Le Trot et France Galop, dont la situation financière est peut-être moins fragile qu'il y a un ou deux ans. C'est d'ailleurs pour cette raison que la rénovation de l'hippodrome de Longchamp a été autorisée par le Gouvernement.

Dans les mois ou les années qui viennent, il faudra réfléchir à une évolution des réseaux, peut-être par le biais d'une mutualisation, en veillant à ce qu'ils restent bien implantés dans les bureaux de tabac.

Cet amendement est, en apparence, neutre financièrement, puisqu'il est prévu de réduire la fiscalité sur le PMU de 88 millions d'euros et d'augmenter celle sur les paris sportifs en points de vente de 88 millions d'euros, mais, en fait, l'équilibre ne sera pas atteint. En effet, si la contribution directe de la Française des jeux sur le produit des jeux augmente de 88 millions d'euros, le montant de son impôt sur les sociétés sera mécaniquement minoré des deux tiers, c'est-à-dire de 60 millions d'euros environ. Dans l'autre sens, le PMU n'étant pas, lui, soumis à l'impôt sur les sociétés, il n'y aura pas de recettes supplémentaires à ce titre.

L'amendement n'est donc pas neutre financièrement et son adoption représenterait pour l'État, in fine, une charge de 60 millions d'euros.

Pour autant, il a le mérite de soulever une question que nous devrons traiter à l'avenir. Nous en avons discuté avec le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, et avec les représentants de la filière hippique. Des choses restent à faire, même si, depuis deux ou trois ans, des réformes difficiles ont été engagées, qui ont d'ailleurs donné lieu à des conflits dont la presse s'est fait l'écho.

En conclusion, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente . - La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Tout le monde constate aujourd'hui l'affaiblissement des recettes du PMU, largement dû à la concurrence déloyale de la Française des jeux. Le PMU est soumis à une fiscalité pesante, alors qu'il assure également une mission d'intérêt général, notamment en finançant la filière hippique, dont je rappelle qu'elle est la seule filière sportive à s'autofinancer.

Aujourd'hui, souhaitons-nous privilégier la Française des jeux ou la filière cheval française ?

Mme la présidente . - Je mets aux voix l'amendement n° I-296 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente . - En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter .

Le même objectif de consolidation des recettes des paris hippiques afin de pérenniser les soutiens à la filière appelle deux suggestions complémentaires.

Il convient de rappeler que la tendance générale à la hausse des paris sportifs ne bénéficie au PMU que pour un segment représentant 2 % de son chiffre d'affaires (CA) global. En revanche, les paris hippiques initiés en France (84 % du CA du PMU) sont en repli de 3,6 % depuis le maximum atteint en 2012, cette baisse étant très partiellement compensée par le dynamisme des enjeux hippiques à l'international (+ 42 % pour un compartiment représentant 8 % du CA).

Les efforts d'investissement consentis par le PMU pour infléchir cette évolution risquent, selon les indications recueillies par votre rapporteure, d'être contrecarrés par l' inégalité des taux de retour au parieur (TRP) - définis comme la proportion des sommes gagnées par rapport à la totalité des mises - entre paris hippiques et sportifs.

En ce qui concerne non pas les paris en ligne - dont le taux de retour au joueur (TRJ) est plafonné à 85 % des mises 7 ( * ) - mais ceux qui sont passés dans le réseau physique , le taux de retour au parieur (TRP - le terme étant synonyme de celui de TRJ) est fixé, conformément à l'article 42 de la loi n° 84-1208 de finances pour 1985, par arrêté du ministre chargé du budget. En application de cette loi, l'arrêté du 9 mars 2006 fixant la répartition des sommes misées sur les jeux exploités par La Française des Jeux (modifié le 28 décembre 2015) prévoit, pour l'ensemble des jeux de pronostics sportifs, que la part affectée aux gagnants est en moyenne de 75 % .

Pour sa part, le PMU, afin de maintenir sa rentabilité dans un contexte dépressif, a dû non seulement diminuer ses charges mais aussi ramener son TRP moyen de 75 à 73 % alors que la Française des jeux a pu maintenir ce taux à 75 % pour les paris sportifs qu'elle distribue dans les points de vente physiques, en concurrence directe avec le PMU.

Afin de dégager des marges de financement pour soutenir la filière équine, il serait opportun de faire bénéficier le PMU d'une mesure de rééquilibrage en appliquant un principe d'égalité du TRP pour les paris hippiques et sportifs réalisés dans les points de vente des réseaux à droits exclusifs . Juridiquement, une telle suggestion se justifie par le fait que la base législative de la fixation du TRP demeure régie par un texte assez ancien - la loi de finances pour 1985 - et qu'il convient de tenir compte de l'exigence introduite par le législateur dans la loi du 12 mai 2010 de développement équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

3. Réaffirmer l'exigence de la solidarité financière au sein de la filière équine et clarifier ses canaux de transmission

Le principe du soutien des sociétés de course à la filière équine a une assise juridique solide, puisqu'il s'agit d'une mission de service public définie par la loi, mais son application effective nécessite des financements suffisants, ce qui suppose qu'une attention particulière soit portée à l'évolution des paris hippiques.

De ce point de vue, il convient de rappeler que l'article 3 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture des jeux d'argent en ligne assigne à la politique de l'État quatre missions, parmi lesquelles votre présidente de la section « Cheval » souligne celle de veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées .

Pour appliquer cet objectif, la loi avait institué auprès du Premier ministre un comité consultatif des jeux ayant compétence sur l'ensemble du secteur - alors que l'ARJEL ne régule que les jeux en ligne. En raison des compétences purement consultatives de ce comité, les dispositions législatives le concernant ont fait l'objet d'une procédure de déclassement. Puis un décret a supprimé ce comité en laissant subsister ses deux commissions spécialisées qui en étaient les composantes opérationnelles. L'une d'entre elles, la commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX), est compétente en matière de paris hippiques.

Le décret du 9 mars 2011 prévoit que la COJEX, composée d'une dizaine de membres, élit son président pour un mandat non renouvelable de cinq ans. Par ailleurs, les services relevant du ministre du budget et du ministre chargé de l'agriculture assurent le secrétariat de la commission.

La COJEX a pour principale mission de conseiller le Gouvernement sur la politique d'encadrement des paris. Le décret du 9 mars 2011 prévoit également que cette commission peut être consultée par les deux ministres en charge du budget et de l'agriculture sur toute question relative au contrôle et à l'encadrement des paris exploités par le groupement d'intérêt économique « Pari mutuel urbain ».

D'après les remontées de terrain, aucune réunion de ces comités n'a porté sur l'équilibre des jeux et du risque de déstabilisation de la filière équine alors même que la loi prévoit explicitement cette mission et qu'on constate l'accumulation des indicateurs baissiers dans les différents segments du monde du cheval. De plus, le Gouvernement n'a pas sollicité d'avis sur ce point.

L'inscription à l'ordre du jour de ce thème ainsi qu'une saisine de ce comité par le Gouvernement sembleraient, dès lors, amplement justifiées.

S'agissant de la répartition des soutiens entre les différentes composantes de la filière , on peut d'abord rappeler que l'organisation institutionnelle du monde du cheval comprend un grand nombre d'organismes qui correspondent certes à des besoins spécifiques mais ne facilitent pas la lisibilité, l'efficacité de la gouvernance et la solidarité entre les différentes composantes de la filière équine.

Panorama de l'organisation de la filière équine

La filière équine s'est construite au fil du temps sans véritablement se structurer. La différenciation entre les segments a abouti à une structuration assez complexe avec une galaxie d'organismes.

Outre l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), on recense trois organisations transversales :

- les conseils des chevaux, instances régionales collectives, représentent l'ensemble de la filière auprès des collectivités locales. Aux niveaux national et européen, la filière est représentée par la fédération nationale des conseils des chevaux ;

- le GESCA (groupement des entreprises du secteur cheval en agriculture) développe et coordonne les relations et actions de tous les segments, en particulier dans le cadre de propositions de réformes et d'adaptation du droit ;

- la Fédération nationale du cheval (FNC) est la section spécialisée «  cheval » de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles).

Le secteur des courses s'organise autour de deux sociétés mères : France Galop, créée en 1995 par la fusion de trois sociétés existantes, et Le cheval français (SECF), créée en 1864 pour les courses de trot.

Ces sociétés ont pour objectif d'encourager et d'améliorer l'élevage de chevaux de courses et d'assurer le développement des courses. Elles assurent des fonctions juridictionnelles, disciplinaires et financières et gèrent directement dix hippodromes. Ces deux sociétés mères sont regroupées dans une fédération nationale unique qui a également en charge la gestion du laboratoire des courses hippiques (LCH), chargé du contrôle anti-dopage, et le fonds « Eperon ». L'organisation en région dépend de fédérations régionales et de leurs comités, chargés de la bonne organisation des réunions et de la définition du calendrier de courses.

Le segment de la viande chevaline est structuré par la section équine de l'interprofession du bétail et des viandes : Interbev équin, créée en 2002, fédère des représentants de plusieurs professions (producteurs, commerçants, coopératives, industriels, bouchers chevalins, distributeurs et entreprises de restauration).

En amont, les neuf races de chevaux de trait sont regroupées au sein de l'association France Trait.

S'agissant des activités sport-loisir-travail , la première interprofession officiellement reconnue par les pouvoirs publics a été la FIVAL (Fédération interprofessionnelle du cheval de sport). Créée en 1997, elle rassemblait les acteurs de l'amont (étalonniers, éleveurs) et de l'aval (exploitants de centres équestres, marchands) mais ne répondait pas aux besoins des différentes professions et n'est plus active depuis 2008.

Depuis, les acteurs de la filière sport se sont fédérés et la société Hippique française (SHF), créée en 1865, est devenue en 2011 la société mère du cheval et du poney de sport : elle rassemble les acteurs de la production, la valorisation et de la commercialisation des jeunes équidés de sport.

La Fédération française d'équitation, créée en 1987 par le regroupement de trois délégations nationales, a en charge l'organisation des utilisations des chevaux et le développement de la compétition de haut niveau.

La Société française des équidés de travail, créée en 2012 par France Trait, la fédération des chevaux de territoire et France ânes et mulets, se positionne comme la maison mère des équidés de travail. Elle a pour objectif d'encourager l'élevage, la formation, la valorisation et la commercialisation des chevaux de trait, ânes, mulets et équidés de territoire et d'en favoriser l'utilisation.

Outre ces principales structures collectives, de nombreuses organisations professionnelles existent dans tous les domaines : élevage, utilisation, commercialisation.

(Source : Rapport précité : La filière équine française à l'horizon 2030)

Le simple énoncé de cette multitude d'organismes suffit à montrer la nécessité d'une rationalisation qui, au-delà d'une meilleure lisibilité, doit induire une solidarité accrue entre les acteurs de la filière équine.

Dans ce contexte, il paraît souhaitable de lancer une piste de réflexion sur une réorganisation des canaux de transmission de ces soutiens financiers qui pourrait prendre, par exemple, la forme d'un fonds unifié dont les allocations seraient réparties de façon équilibrée entre les sports équestres et l'élevage. Sur ce point, qui est très sensible, il est avant tout nécessaire de respecter l'autonomie de gestion des acteurs de la filière équine pour que les décisions soient consensuelles et prises au plus près des besoins de terrain.

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Pour assurer la viabilité de notre filière équine et la prémunir contre l'effondrement constaté chez nos voisins européens, les recommandations du présent rapport portent sur des sommes minimes : ainsi, les fonds Éperon et Équitation qui soutiennent le socle de l'élevage et des activités équestres totalisent moins de 30 millions d'euros. Le bilan coût-avantages de l'ensemble de ces propositions est donc très attractif puisque la filière équine représente 76 000 emplois directs et au moins un milliard d'euros de recettes, chaque année, pour le budget de l'État. Économiquement, ce potentiel de rebond s'explique par le fait que, dans une conjoncture difficile, pour beaucoup d'entreprises qui sont à l'équilibre ou légèrement « dans le rouge », le dépôt de bilan ou la continuation de l'activité dépendent souvent d'un simple « coup de pouce » financier.

Perspectives de très long terme de la filière équine

À l'horizon 2030, comme le suggère le rapport précité du groupe de travail « Prospective équine » publié en octobre 2012, plusieurs facteurs méritent d'être pris en compte.

Tout d'abord, les bouleversements de la filière équine sont étroitement liés aux évolutions générales, économiques, sociales et technologiques. Dans le passé, l'essor de la pétrochimie a fait chuter le besoin de traction animale. Au cours des vingt prochaines années, l'augmentation de la population mondiale qui pourrait passer de 7 à 8,8 milliards d'habitants, avec une augmentation de la population de trois à huit millions de personnes en France, est de nature à susciter une forte poussée de la demande alimentaire mondiale, une pression accrue sur les espaces cultivables et une augmentation du prix des céréales dont pourrait pâtir la filière équine.

S'agissant, ensuite, des perspectives d'évolution de l'économie et de la société françaises, la principale interrogation porte sur la situation des classes moyennes : a priori , seul un retour à une croissance soutenue pourrait contrecarrer son appauvrissement et ainsi favoriser la massification des activités équestres et hippiques. Par ailleurs, l'allongement de la durée de la vie et le développement du temps libre pourraient favoriser la recherche d'affinités à travers des réseaux qui s'organisent en lien avec le cheval et le développement du tourisme équestre ou de l'équithérapie.

En même temps, la raréfaction des contacts avec les animaux dans la vie courante urbaine s'est accompagnée de l'émergence de nouvelles attitudes face au monde animal : si le sentiment de rejet des souffrances évitables est parfaitement légitime, les débats en commission des Affaires économiques appellent à ne pas céder de façon excessive à une forme d'anthropomorphisme imputant aux animaux les états mentaux et affectifs des humains.


* 7 Il convient de rappeler que, parmi les mesures destinées à lutter contre l'addiction au jeu et le blanchiment, le décret du 4 juin 2010 relatif à la proportion maximale des sommes versées en moyenne aux joueurs par les opérateurs agréés de paris hippiques et de paris sportifs en ligne prévoit le plafonnement du taux de retour au joueur (TRJ) à 85 % des mises pour les paris en ligne alors que les opérateurs alternatifs déjà présents sur le marché français avant l'ouverture du secteur des jeux en ligne proposaient des TRJ pouvant atteindre 90 à 95 % des mises.

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