EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE MÉDICAMENT, PRODUIT D'UNE INDUSTRIE EN MUTATION AU PLAN MONDIAL, EN DÉCLIN EN FRANCE

L'industrie du médicament constitue un secteur stratégique à la fois par la nature de sa production, qui constitue un outil indispensable au service de la santé des populations, mais aussi par son poids économique . Aux termes du rapport du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) du 11 avril dernier, elle contribue en outre « à la fois au rayonnement international de la recherche et de l'industrie françaises et à la souveraineté sanitaire du pays » .

Sur le plan économique et à l'échelle mondiale, le dynamisme et la compétitivité de l'industrie pharmaceutique en font un secteur particulièrement porteur pour l'avenir . Cette position s'explique à la fois par la croissance continue de la demande - en raison du vieillissement global de la population, de l'ouverture de nouveaux marchés dans les pays en développement ainsi que de la progression des maladies chroniques et des maladies rares -, et par le caractère très innovant du secteur - que l'on pense au développement des biotechnologies, des thérapies ciblées et de la médecine personnalisée, ou encore aux nouveaux usages du numérique dans le domaine de la santé.

Dans ce contexte, les entreprises françaises du secteur, traditionnellement figures de proue de l'industrie nationale, affichent une érosion continue de leur compétitivité depuis les dernières années . Selon un document préparatoire 4 ( * ) au CSIS du 11 avril dernier, cette tendance s'expliquerait « notamment par l'essoufflement du dispositif de financement et d'innovation et une recomposition difficile du secteur face à la concurrence ».

Vos rapporteurs ont dès lors souhaité entendre plusieurs acteurs de la sphère économique (représentants de l'OCDE et de la DGE, notamment) dont les contributions ont permis d'établir un état des lieux chiffré de la situation fragile de l'industrie pharmaceutique sur le territoire français (A). Les auditions conduites ont par ailleurs permis d'explorer les enjeux liés aux changements de modèle à l'oeuvre dans une industrie récemment entrée dans une nouvelle phase d'innovation (B).

Vos rapporteurs ont ainsi souhaité établir un constat objectif et neutre, qui ne préjuge pas de considérations de politique industrielle - qui ne relèvent d'ailleurs pas du champ de la commission des affaires sociales. Ils soulignent cependant que l'industrie pharmaceutique, aujourd'hui largement financiarisée, ne saurait être considérée comme une industrie tout à fait comme une autre , dans la mesure où son chiffre d'affaires et sa forte rentabilité sont largement financés par la collectivité. Pour l'ensemble de ces raisons, ils n'ont pas souhaité formuler de propositions relatives à la dimension industrielle de la politique de médicament, et ont concentré leurs préconisations sur la question de la recherche publique.

A. L'INDUSTRIE DU MÉDICAMENT EN CHIFFRES : UNE PRODUCTION STRATÉGIQUE À LA COMPÉTITIVITÉ DÉGRADÉE, UNE CONSOMMATION DE MOINS EN MOINS ATYPIQUE

L'industrie du médicament constitue traditionnellement un secteur stratégique pour la France, tout au long de la chaîne de commercialisation du produit. Du point de vue de la production, les industries de santé, en dépit de leur place importante dans l'économie française et de leur résilience face à la crise de 2008, sont entrées au cours de la dernière décennie dans une phase de décroissance. Du point de vue de la consommation, l'enjeu est bien évidemment aujourd'hui celui de la maîtrise de la dépense de médicaments remboursables, qui constituent la majeure partie des produits commercialisés. Dans ce contexte, l'administration des prix du médicament obéit à des objectifs contradictoires qui brouillent sa lisibilité.

1. Les industries pharmaceutiques, une part importante de l'économie nationale aujourd'hui en relatif déclin
a) Un secteur-clé de l'économie française...

Avec 28,7 milliards d'euros d'exportations et une contribution positive au solde commercial de la France de 3,3 milliards d'euros en 2015 5 ( * ) , les produits de santé 6 ( * ) représentent 10 % des exportations industrielles nationales (hors énergie et aéronautique) et constituent le troisième secteur des exportations françaises .

Selon le Leem, les seuls médicaments ont permis de dégager en 2014 un excédent commercial de 6 milliards d'euros , pour une part de la France dans le marché mondial du médicament de 3,9 %.

Décomposition du chiffre d'affaires de l'industrie du médicament en 2014

Source : Leem d'après Gers et statistiques douanières, hors produits sous ATU et post-ATU

Le poids des industries de santé dans l'économie nationale est par ailleurs plus important en France que dans les pays comparables : la part du chiffre d'affaires de ces industries (qui représentait au total 70 milliards d'euros en 2014) dans l'industrie manufacturière est en effet de 5,5 % en France, contre 4,1 % au Royaume-Uni et 3,6 % en Allemagne.

Du point de vue de leur contribution à l'emploi, les industries de santé employaient 130 875 salariés en 2013 7 ( * ) , soit 6 % de l'emploi industriel en France, dont 99 715 emplois directs pour le seul médicament à usage humain 8 ( * ) .

Ces chiffres absolus doivent être mis au regard de la capacité d'entraînement de ce domaine industriel sur les autres secteurs de l'économie française. Selon les indications fournies par la DGE, le médicament représenterait au total - en comptant les emplois induits - 200 000 à 300 000 salariés , dont 40 000 pour la seule production industrielle 9 ( * ) . Le rapport préparatoire au CSIS précité relève par ailleurs un potentiel d'entraînement très élevé du secteur des produits de santé , qui se caractérise à la fois par un coefficient multiplicateur sur les industries connexes élevé (2,49) et par une croissance remarquable de ce coefficient entre 2000 et 2010 (de l'ordre de 18 %).

Ce rapport souligne par ailleurs la capacité de résilience de l'industrie pharmaceutique française, en relevant qu'elle a globalement mieux résisté à la crise financière de 2008 que le reste de l'industrie manufacturière.

b) ... mais un avantage compétitif qui se dégrade

Pour autant, l'érosion de ses parts de marché sur le plan international ainsi que la baisse des investissements associés traduisent une tendance au recul des industries de santé françaises .

Le rapport du CSIS du 11 avril dernier relève ainsi « une baisse tendancielle des parts de marché françaises dans les exportations pharmaceutiques de la zone euro », qui ont chuté de plus de 20 % en 2000 à 12 % en 2015, soit une perte de valeur d'environ 10 milliards d'euros. D'après le rapport économique du Leem pour 2015, les exportations de médicaments sont en repli de 5 % en 2014, soit un montant global de 25 milliards d'euros (après cependant une hausse de 4 % en 2013).

Les investissements des entreprises du secteur se sont par ailleurs contractés de 4,5 % en moyenne chaque année entre 2010 et 2013 10 ( * ) , 80 % d'entre eux concernant en outre des sites déjà existants. Ce recul, qui intervient après une phase de croissance du début des années 2000 jusqu'à la crise de 2008 (augmentation de 2,5 milliards d'euros en 2000 à 4,5 milliards en 2008), s'expliquerait notamment par les faibles taux de marge des industries pharmaceutiques françaises par rapport à celles des pays européens comparables.

Enfin, d'après le Leem, l'année 2014 a marqué la troisième année de baisse consécutive du chiffre d'affaires des médicaments en ville (en prix fabricant hors taxes) : celui-ci s'élevait à 20 milliards d'euros, soit - 2 % par rapport à 2013, après - 2,4 % en 2013 et - 2,5 % en 2012.

2. Une dépense maîtrisée, mais une consommation de médicaments toujours supérieure à celle des pays comparables

La France se voit traditionnellement caractérisée par une consommation de médicaments supérieure à celle constatée dans les autres pays comparables . Le problème existerait à la fois du point de vue de la quantité et de la qualité de la consommation ; plusieurs des acteurs auditionnés ont ainsi rappelé que certains produits dangereux, tel que le Mediator, ont continué d'être commercialisés en France plusieurs années après leur interdiction dans d'autres pays.

Selon les acteurs entendus par vos rapporteurs, cette consommation atypique résulterait à la fois de l'attitude des patients et de celle de leurs prescripteurs, dans le cadre d'une culture générale de la « magie du médicament » : il serait ainsi admis que chaque symptôme trouverait sa solution dans la prise médicamenteuse - une simple fatigue passagère pouvant ainsi donner lieu à la prescription d'un sédatif.

Pour autant, ce phénomène d'hyperprescription et d'hyperconsommation n'est pas nécessairement facile à établir objectivement, et se trouve en lien avec une multitude de facteurs . Les travaux menés par vos rapporteurs ont ainsi permis de mettre en évidence plusieurs éléments venant nuancer ce constat, qui demeure cependant en partie vérifié.

a) Une stabilisation de la dépense de médicaments principalement due à la baisse des prix au cours des dernières années

Selon les comptes de la santé, la dépense relative à la consommation de médicaments de ville s'est élevée à 33,9 milliards d'euros en 2014 , dont 30,2 milliards pour le médicament remboursable, en augmentation de 2,7 % par rapport à l'année précédente .

Cette croissance, qui rompt avec le mouvement de baisse amorcé au cours des deux années précédentes (respectivement - 1,3 % et - 1,7 % en 2012 et 2013), s'explique principalement par la hausse très importante de la rétrocession hospitalière (+ 83 %), en raison de l'arrivée des nouveaux traitements contre le virus de l'hépatite C.

Si l'on neutralise les effets de la rétrocession, la consommation globale s'inscrit dans la tendance constatée au cours des années précédentes, avec un recul de 1,4 % en valeur et une hausse des volumes de 2,5 %.

Évolution de la consommation de médicaments en ville
(y compris rétrocession hospitalière) entre 2007 et 2014

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Ensemble (en M€)

32 249

32 972

33 505

33 661

34 013

33 586

33 021

33 903

Remboursables

29 284

29 547

29 952

30 127

30 406

29 752

29 197

30 196

dont rétrocédés

1 135

1 218

1 309

1 399

1 516

1 663

1 600

2 932*

Non remboursables

2 965

3 425

3 553

3 534

3 608

3 834

3 824

3 707

Évolution (%) valeur

3,5

2,2

1,6

0,5

1,0

- 1,3

- 1,7

2,7

prix

- 2,5

- 2,3

- 2,6

- 2,2

- 2,0

- 3,2

- 4,4

- 3,7

volume

6,2

4,6

4,3

2,7

3,1

2,0

2,8

6,6

* Estimation.

Note : La consommation de médicaments non remboursables a été révisée sur les années 2010 à 2013 à la suite de l'intégration de données définitives du Leem.

Source : Drees - Comptes de la santé

Au total, on a ainsi observé au cours des dernières années une certaine stabilisation de la dépense de médicaments - aujourd'hui remise en question dans le contexte de retour de l'innovation, avec notamment l'arrivée sur le marché des nouveaux traitements contre l'hépatite C, qui ont donné lieu à une consommation supérieure de 1,1 milliard d'euros en 2014 (avant dispositifs supplémentaires de remises conventionnelles ad hoc ).

La décomposition de l'évolution de la dépense, qui figure dans le tableau ci-dessus, montre que cette stabilisation est principalement liée à la baisse des prix . Les comptes de la santé relèvent en effet que, calculé à qualité constante par l'INSEE 11 ( * ) , le prix des médicaments diminue de 3,7 % en 2014 (-4,1 % pour les spécialités remboursables).

Cette décrue est en premier lieu due aux actions de baisse des prix, qu'il s'agisse de baisses directes, de la mise en place des tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR), du renforcement de la mesure « tiers-payant contre génériques » 12 ( * ) , ou encore de l'augmentation du nombre de spécialités généricables. Si l'on compare d'ailleurs l'évolution de la consommation de médicaments en France et en Allemagne au cours de la décennie 2000-2011, on observe en France une croissance inférieure de 14 % en chiffre d'affaires hors taxes (CAHT), bien que supérieure de 21 % en volume 13 ( * ) .

Ces actions sont complétées par divers dispositifs de maîtrise médicalisée, qui agissent tant sur la baisse des prix que sur celle des volumes de consommation - qui progressent moins vite depuis 2010, avant le rebond de 2014. Il s'agit notamment des campagnes de l'assurance maladie relatives à la consommation d'antibiotiques, de la généralisation de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), ou encore des déremboursements de médicaments dont le service médical rendu (SMR) est jugé insuffisant.

Entendus par vos rapporteurs, les professionnels du secteur, représentés par le Leem, ont estimé que l'ensemble de ces actions fait peser un poids trop important sur ces entreprises dans l'effort global de réduction des dépenses de santé, comparativement à leur contribution à ces dépenses - de l'ordre de 15 %. Ils ont par ailleurs relevé que la stabilisation des dépenses de médicament résultait bien davantage des actions de baisse des prix que de la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée.

b) Vers la fin de l'exception française en matière de consommation
de médicaments ?

Les comptes de la santé relèvent que la France est toujours « l'un des tous premiers consommateurs européens de médicaments », en volume par habitant comme en chiffre d'affaires hors taxes (CAHT) par habitant . En unités standards 14 ( * ) , la consommation y est ainsi supérieure de plus d'un quart (27 %) à la moyenne constatée pour un groupe de huit pays européens comparables 15 ( * ) .

Cette surconsommation apparente se doublerait d'un phénomène de « malprescription », évoqué devant vos rapporteurs par l'association UFC Que Choisir, dont elle a rappelé qu'elle constituait un enjeu particulièrement important pour les personnes âgées - dont l'organisme, plus fragile, élimine par ailleurs plus difficilement les substances ingérées, qui restent de ce fait plus longtemps dans l'organisme. Une étude de février 2015, publiée dans le numéro 91 de la revue Que choisir Santé , a ainsi mis en évidence, à partir de l'analyse de 327 ordonnances comportant 9 médicaments en moyenne et 21 produits au maximum, un phénomène de surprescription auprès des personnes âgées : sur 40 % de ces ordonnances figurait au moins un médicament jugé inadapté.

Le développement d'une éducation à la santé comme alternative à la consommation médicamenteuse, considéré comme l'une des grandes lacunes de la loi Bertrand de 2011, est ainsi défendu de longue date par plusieurs des acteurs entendus par vos rapporteurs, notamment la revue Prescrire. Il a également été rappelé que toute solution à une pathologie n'est pas nécessairement médicamenteuse : face à la maladie d'Alzheimer, il faudrait ainsi travailler autant sur des solutions thérapeutiques que sur le développement de l'accompagnement social.

Une étude publiée en juin 2012 par l'association des laboratoires de recherche internationaux (LIR) et la chaire santé de l'Essec, et portant sur la période 2000-2011, conclut cependant à « la fin de l'exception française en matière de consommation de médicaments ». Elle relève en effet que, si la France était bien en tête, en 2000, du classement européen de la consommation pour les huit classes thérapeutiques les plus utilisées 16 ( * ) , elle se situe en 2011 dans la moyenne européenne. Cette évolution s'expliquerait par deux facteurs : la modération relative de la consommation de médicaments en France , qui se traduit par de faibles taux d'évolution, tandis qu' un phénomène de rattrapage a été observé dans les autres pays européens .

Évolution de la consommation médicamenteuse
par classes thérapeutiques en Europe entre 2000 et 2013
(taux d'évolution moyen annuel en volume)

Anti
ulcéreux

Anti
biotiques

Anti
dépresseurs

Anxio-
lytiques

Anti
asthmatiques

Anti
diabétiques

Anti
hypertenseurs

Hypo
lipémiants

All

10,9

- 0,1

9,5

- 3,5

0,1

5,1

7,0

9,9

Be

11,9

0,2

5,1

- 1,3

- 1,0

5,3

5,2

9,3

Es

10,2

- 0,5

6,0

1,0

0,4

4,4

4,7

12 ,4

Fr

8,1

- 1,0

2,1

1,3

2,2

5,2

3,8

4,1

It

13,1

0,7

8,8

- 0,5

0,6

3,6

5,2

15

RU

8,6

2,3

6,3

- 1,4

1,6

7,6

4,5

17,7

Au total, au terme des auditions conduites par vos rapporteurs, il semblerait que « l'exception culturelle » française en matière de consommation de médicaments demeure principalement notable sous trois aspects :

- en premier lieu, la consommation d' antibiotiques , pour laquelle, malgré une diminution de 15 % entre 2000 et 2011, on observe toujours une surconsommation par rapport aux autres pays européens ;

- en second lieu, selon les informations transmises par l'OCDE, un recours plus marqué en France aux médicaments les plus chers ;

- enfin, un plus faible taux de recours aux médicaments génériques , malgré un taux de substitution satisfaisant (de l'ordre de 80 %) mais qui ne porte que sur 32 % des produits disponibles. Cet aspect devrait cependant se normaliser du fait de la généralisation de la prescription en dénomination commune internationale (DCI) et de l'arrivée de nouvelles générations de prescripteurs mieux formés aux génériques.

Plusieurs facteurs doivent par ailleurs être pris en compte pour nuancer le constat d'une consommation atypique en France.

En premier lieu, les données relatives à la consommation devraient sans doute être pondérées en fonction de la prévalence des maladies.

En second lieu, la longueur de certaines ordonnances, notamment à destination des personnes âgées, résulte sans doute en partie de la plus grande prévalence des polypathologies.

Au total, le véritable profil de la consommation française inclurait sans doute un mélange de surconsommation sur certains produits, de sous-consommation sur d'autres, et de mésusages.

3. Une administration des prix du médicament obéissant à des objectifs contradictoires et incluant une part de soutien à l'industrie

Les politiques publiques menées en matière de médicament répondent à des considérations multiples et souvent contradictoires, entre objectifs de santé publique, soutien à l'industrie et contraintes budgétaires. Elles doivent en effet à la fois permettre le plus large accès possible de la population aux innovations en matière de santé et offrir un environnement favorable au développement des industries sur le territoire français, tout en maîtrisant la dépense associée pour garantir l'équilibre du régime d'assurance maladie.

Le dialogue entre l'Etat et les industriels est formalisé de longue date en France . En 2004 a ainsi été créé le conseil stratégique des industries de santé (CSIS) , dont l'objectif est d' « oeuvrer de façon partenariale pour l'attractivité du pays dans le secteur des biens de santé, pour attirer ou maintenir sur son territoire des activités de recherche ou de production de biens de santé ». Cet organisme, dans ses derniers travaux en date d'avril 2016, a réaffirmé les principes du dialogue entre l'Etat et l'industrie et de la préférence conventionnelle en matière de régulation.

Le comité économique des produits de santé (Ceps) , placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, du budget et de l'économie et chargé de négocier avec les industriels le prix des produits de santé remboursés, s'inscrit dans la même logique.

De manière plus récente et dans le but d'anticiper l'arrivée des innovations thérapeutiques coûteuses, un comité d'interface informel entre l'État et l'industrie du médicament a par ailleurs été mis en place dans le cadre de la préparation des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et 2016.

Selon plusieurs des acteurs entendus par vos rapporteurs, qui voient dans cette organisation une forme d'opacité, il en résulterait en particulier une certaine illisibilité du système d'administration des prix à la française .

Le modèle traditionnel de soutien à l'industrie nationale est en outre soupçonné de favoriser la politique des industries, en France davantage que dans les autres pays de l'OCDE. Ainsi, du fait que les pouvoirs publics n'affirmeraient pas suffisamment leurs exigences face aux laboratoires résulterait l'abandon de certains pans de la production pharmaceutique en raison de leur faible rentabilité, en dépit de leur fort intérêt pour la santé publique. Ce serait le cas s'agissant, notamment, de certains antibiotiques, ou encore du vaccin contre la coqueluche.

Le récent avis rendu par l'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sur la campagne d'affichage de Médecins du monde, qui dénonce le coût jugé exorbitant de différents traitements pharmaceutiques, est encore venu alimenter ce soupçon.

Pour autant, plusieurs éléments permettent de nuancer ce soupçon.

En premier lieu, l'OCDE a rappelé devant vos rapporteurs la difficulté de procéder à des comparaisons internationales sur le prix des médicaments , en raison à la fois des obstacles à l'établissement d'un panier commun, de la confidentialité des rabais obtenus par les administrations de santé, et des difficultés à prendre en compte les différentes taxations touchant au champ du médicament.

En second lieu, il apparaît que l'enjeu majeur pour les administrations françaises de santé est aujourd'hui celui de la maîtrise du coût des médicaments . Cet objectif est d'ailleurs pris en compte dès le stade de l'admission au remboursement : par exemple, les produits présentant une faible amélioration du service médical rendu (ASMR 5) ne sont plus admis au remboursement que s'ils permettent de réaliser une économie dans le coût du traitement. Cette économie peut résulter du coût facial du produit comme de la forme de traitement proposée : le passage d'un traitement par intraveineuse à un traitement par voie orale permet ainsi de réaliser une moindre dépense. Il arrive ainsi, selon les indications fournies par le Ceps, que certains produits classés en ASMR 5 ne sortent pas sur le marché français.

En sens inverse, la prise en compte des contraintes de l'industrie pharmaceutique peut être opérée dans le sens de la préservation des impératifs de santé publique . Des hausses de prix peuvent ainsi être ponctuellement consenties pour des produits très anciens, dont le prix n'a pas été revalorisé depuis longtemps et dont l'exploitation devient de ce fait déficitaire, mais dont l'intérêt thérapeutique est majeur.


* 4 « Industries de santé : état des lieux et principaux enjeux », Rexecode services, 23 février 2016.

* 5 Rapport du CSIS du 11 avril 2015.

* 6 Les produits de santé recouvrent les médicaments humains et vétérinaires, les dispositifs médicaux, les outils de diagnostic ainsi que les technologies médicales et les biotechnologies.

* 7 Données Eurostat.

* 8 Selon le rapport de l'ADEC des industries de santé de juin 2015.

* 9 Dont 28 000 pour la seule entreprise Sanofi, sur 37 000 emplois au total.

* 10 Selon une enquête sur les investissements productifs réalisée par l'observatoire Leem Polepharma en 2014.

* 11 L'indice Insee du prix des médicaments est calculé chaque année à qualité constante : les médicaments innovants n'intégrant l'échantillon suivi que l'année suivant leur mise sur le marché, l'indice ne retrace pas le fait qu'ils soient plus coûteux.

* 12 Selon le rapport économique du Leem pour 2015, « cette mesure phare a grandement contribué à la chute du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique : l'impact en chiffre d'affaires PFHT sur les princeps du répertoire en décembre 2013 s'élevait à - 1 milliard d'euros et à - 501 millions d'euros sur les molécules ciblées. Cette mesure a permis à la Sécurité sociale d'économiser 448 millions d'euros sur l'exercice 2013. Elle a également eu pour conséquence une forte augmentation des ventes de médicaments génériques : leur taux de pénétration dans le répertoire conventionnel a atteint 82,5 % à fin décembre 2013, le taux cible étant de 85 %. »

* 13 Etude publiée en juin 2012 par l'association des laboratoires de recherche internationaux (LIR) et la chaire santé de l'Essec, et portant sur la période 2000-2011.

* 14 L'étude relève cependant que la comparabilité de cet indicateur est « limitée ».

* 15 Allemagne, France, Finlande, Norvège, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni.

* 16 Antibiotiques, anxiolytiques, antidépresseurs, antiulcéreux, hypolipémiants, antihypertenseurs, antidiabétiques et antiasthmatiques.

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