III. - Questions d'actualité au Gouvernement

Comme la délégation aux droits des femmes l'a suggéré, la séance de questions d'actualité au Gouvernement du 8 mars 2016 a porté la marque de la Journée internationale des droits des femmes. Le souhait d'un tel moment s'est exprimé le 1 er octobre 2015, lorsque la délégation s'est réunie pour élaborer le programme de travail de la session 2015-2016.

À travers cette initiative, acceptée par tous les groupes politiques représentés dans notre assemblée, notre délégation a exprimé le voeu que soit mise à l'honneur la parole des sénatrices, qui demeurent encore minoritaires au Sénat (26 %). Elle a également estimé que cette séance pouvait être l'occasion, à travers le choix des sujets, de mettre l'accent sur les inégalités dont les femmes sont encore aujourd'hui victimes.

Au cours de cette séance inédite au Sénat, toutes les questions au Gouvernement ont été posées par des sénatrices :

- une sénatrice du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC : Chantal Jouanno, présidente de la délégation ;

- trois sénatrices du groupe Les Républicains : Catherine Deroche, Marie Mercier et Christiane Hummel ;

- trois sénatrices du groupe socialiste : Éliane Giraud, Marie-Pierre Monier et Françoise Cartron ;

- une sénatrice du groupe du Rassemblement démocratique et social européen : Hermeline Malherbe ;

- une sénatrice du groupe écologiste : Marie-Christine Blandin ;

- une sénatrice du groupe Communiste, républicain  et citoyen : Laurence Cohen.

Les questions posées ont porté sur des thématiques aussi diverses que :

- l'hébergement d'urgence ;

- le sport et la laïcité ;

- la lutte contre les cancers pédiatriques ;

- la situation de l'élevage ;

- la situation dans le camp de réfugiés à Grande-Synthe ;

- les inégalités professionnelles et les conséquences pour les femmes du projet de loi visant à réformer le code du travail ;

- la pérennisation du fonds de soutien pour les rythmes scolaires ;

- la sélection en master ;

- les difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences conjugales pour accéder à un logement social et les violences dont les femmes sont victimes dans l'espace public ;

- les impayés de pensions alimentaires.

La féminisation de cette séance s'est étendue au banc du Gouvernement puisque six ministres femmes ont répondu à huit des dix questions posées par les sénatrices :

- Emmanuelle Cosse , ministre du logement et de l'habitat durable, a répondu à la question d'Éliane Giraud sur l'hébergement d'urgence , qui concerne notamment les femmes victimes de violences ;

- Marisol Touraine , ministre des affaires sociales et de la santé, a répondu à la question de Catherine Deroche sur le cancer des enfants ;

- Clotilde Valter , secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, a répondu aux questions de Marie-Christine Blandin sur la situation dans le camp de réfugiés à Grande-Synthe , et de Marie Mercier sur la sélection en master ;

- Myriam El Khomri , ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a répondu à la question de Laurence Cohen sur les femmes et le droit du travail ;

- Estelle Grelier , secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales, a répondu à la question de Françoise Cartron sur la pérennisation du fonds de soutien pour les rythmes scolaires ;

- Laurence Rossignol , ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes a répondu aux questions de Christiane Hummel sur les droits des femmes , et de Marie-Pierre Monier sur les pensions alimentaires impayées .

Sur les dix questions posées, quatre étaient en lien avec la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes :

- la question de Laurence Cohen sur les femmes et le droit du travail alertait sur les conséquences potentielles du projet de loi « travail » pour les femmes, majoritairement affectées par la précarité ;

- la question de Christiane Hummel avait trait à la situation des femmes face à la violence sexiste qui sévit aussi bien dans la sphère privée que dans l'espace public ;

- la question de Marie-Pierre Monier sur les pensions alimentaires impayées portait sur la mise en oeuvre du dispositif expérimental de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, dispositif visant à sécuriser notamment la situation des femmes isolées, particulièrement fragilisées par ces impayés ;

- la question de Chantal Jouanno sur la laïcité dans le sport visait à souligner la nécessité pour la France, dans la perspective de la candidature de Paris aux Jeux olympiques, de promouvoir le respect le plus rigoureux de l'article 50 de la Charte olympique , qui porte sur la neutralité politique et religieuse dans le sport, qui pose la question de la participation d'athlètes voilées aux JO.

COMPTE RENDU INTÉGRAL DE LA SÉANCE DU MARDI 8 MARS 201611 ( * )

Présidence de M. Gérard Larcher, président du Sénat

M. le président . - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect des uns et des autres.

En ce 8 mars, journée consacrée à une réflexion collective sur les droits des femmes, les questions seront toutes posées par des collègues femmes. Je tiens à saluer cette initiative des groupes politiques, qui répond à une suggestion de notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

HÉBERGEMENT D'URGENCE

M. le président . - La parole est à Mme Éliane Giraud, pour le groupe socialiste et républicain, et pour deux minutes !

Mme Éliane Giraud . - Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.

Depuis le 21 janvier 2013, la politique d'hébergement s'articule autour d'un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. En 2015, le Gouvernement a consacré 1,3 milliard d'euros au renforcement des moyens alloués à la mise en oeuvre du service public de l'hébergement et de l'accès au logement pour encourager le développement d'une nouvelle offre de logements très sociaux.

Le 21 ème rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur l'état du mal-logement de janvier 2016 indique que 3,8 millions de personnes sont non logées ou très mal logées aujourd'hui en France et que cinq millions de personnes sont en situation de fragilité à court ou à moyen terme dans leur logement.

L'urgence concerne donc les plus démunis, les femmes seules, avec ou sans enfant, victimes de violences, et les demandeurs d'asile.

Le Gouvernement a également annoncé en février 2015 un plan triennal de réduction du recours aux nuitées d'hôtel, afin d'offrir aux familles des conditions d'hébergement plus dignes et mieux adaptées à leurs besoins, en réorientant les crédits. Ce plan prévoit, d'ici à 2017, la création de 13 000 places en dispositifs alternatifs adaptés aux familles, des hébergements alternatifs pour les demandeurs d'asile et le renforcement de l'accompagnement social des personnes actuellement hébergées à l'hôtel.

Ces dispositifs ambitieux répondent à une exigence sociale et humaine, face à des besoins qui ne cessent de croître, comme nous le constatons hélas aussi dans le département de l'Isère et en région Rhône-Alpes.

Dans ce contexte, et à la veille de la sortie de la période hivernale, je souhaite, Madame la ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur l'avancement de la politique mise en oeuvre concernant l'hébergement d'urgence et la réduction des nuitées hôtelières.

M. le président . - La parole est à Madame la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable . - Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la mise en oeuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, qui est coordonnée par Ségolène Neuville, et notamment sur l'hébergement des publics les plus démunis.

Je vous répondrai en citant quelques chiffres assez précis.

Tout d'abord, concernant les capacités d'hébergement, ce gouvernement a fait le choix, depuis 2012, de rompre avec la « gestion au thermomètre », en transformant des places qui étaient uniquement ouvertes l'hiver en places pérennes. Nous sommes ainsi passés de 80 000 places en 2012 à 110 000 places pérennes aujourd'hui, auxquelles s'ajoutent 10 000 places l'hiver, dont un certain nombre seront pérennisées à l'issue de la trêve hivernale.

J'ajoute que 1 150 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences ont aussi été créées. L'objectif de 1 650 places fixé dans le plan pluriannuel sera ainsi atteint en 2017.

De la même manière, l'objectif de création de 5 000 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile a été doublé et 9 000 places devraient être ouvertes durant cette année.

Nous avons beaucoup travaillé à l'amélioration des conditions d'hébergement des familles et, en particulier, des enfants. Vous avez vous-même souligné les difficultés rencontrées par ces enfants, qui vivent dans des situations d'extrême pauvreté.

Enfin, nous disposons déjà de quelques chiffres concernant la mise en oeuvre du plan national de réduction des recours aux nuitées hôtelières lancé en 2015. En huit mois, nous avons déjà transformé des places d'hôtel par 433 places en maisons relais, 2 118 places d'hébergement d'urgence pérennes et 1 453 places d'intermédiation locative.

Nous allons évidemment poursuivre ces efforts, puisque la situation n'est pas encore au niveau que nous souhaitons atteindre. Nous continuerons de faire preuve de volontarisme pour répondre durablement à la question de la grande pauvreté et du logement des personnes les plus démunies. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain . )

M. le président . - La parole est à Mme Éliane Giraud, pour la réplique.

Mme Éliane Giraud . - Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous devons continuer à faire preuve de vigilance et j'ai été heureuse d'entendre toutes ces précisions de votre bouche. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

SPORT ET LAÏCITÉ

M. le président . -  La parole est à Mme Chantal Jouanno, présidente de notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui s'exprime pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Jouanno . - Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

« Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Ces mots très précis et très précieux figurent à l'article 50 de la Charte olympique . L'objet de ce texte est de permettre que le sport soit universel et que, sur les sites olympiques, les personnes ne soient distinguées que par leurs qualités sportives et leurs performances.

Or les associations féministes nous ont alertés, depuis quelques années, sur le fait que, sous couvert de participation et d'ouverture aux femmes - sous le savant nom d'« inclusion » -, ce principe est battu en brèche. On accepte en effet au fil du temps des tenues différentes et parfaitement inadaptées au sport pour que les femmes puissent être « autorisées » à participer aux compétitions sportives.

Cette atteinte est grave. Nous nous sommes tous demandé, il est vrai, s'il n'était pas préférable que les femmes puissent ainsi participer, d'une manière ou d'une autre, aux compétitions sportives et être présentes dans cette grande fête universelle. En réalité, ce raisonnement revient à adopter une posture totalement compassionnelle qui n'a jamais été acceptée pour les hommes.

En 1968, lorsque les athlètes Tommie Smith et John Carlos avaient levé le poing en signe de lutte contre la ségrégation raciale et de solidarité avec les Black Panther , ils ont été immédiatement radiés. On n'a jamais accepté non plus d'athlètes sud-africains tant que l'apartheid a été en vigueur.

Monsieur le secrétaire d'État, nous soutenons une candidature aux jeux Olympiques. Je souhaite vivement qu'elle aboutisse, ce dont je ne doute d'ailleurs pas. Serons-nous capables, à l'occasion de cette candidature, de rappeler aussi notre attachement au respect intransigeant de l'article 50 de la Charte olympique ? (Applaudissements.)

M. le président . - La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Chantal Jouanno, qui m'interroge sur la question de la laïcité dans le sport, n'est pas sans savoir, comme vous tous, que celui-ci est un formidable vecteur de lien social.

Je tiens à vous dire que je suis extrêmement mobilisé, tout comme l'ensemble du Gouvernement, pour la défense non pas de la laïcité positive ou de la laïcité restrictive, mais de la laïcité tout court, car ce terme n'a pas besoin d'adjectif. Cette valeur fondamentale se suffit à elle-même !

C'est la raison pour laquelle je veux réaffirmer ici que tous les terrains, tous les stades, tous les gymnases, ne sont et ne doivent pas être des lieux d'expression politique ou religieuse : tous les signes d'appartenance politique ou religieuse doivent y être bannis, laissés à l'entrée de ces enceintes, qui sont des lieux de neutralité, dans lesquels ne doit être pratiqué que le sport. Telle est notre position.

Pour autant, madame la sénatrice, vous m'interrogez sur notre position par rapport à l'article 50 de la Charte olympique . Elle reprend les valeurs universelles que la France a toujours défendues, même si, aujourd'hui, vous le savez, une interprétation a vu le jour sur la question du voile porté par des femmes pratiquant le sport, voile que le CIO aurait tendance à considérer comme un signe culturel et non pas religieux.

Quoi qu'il en soit, la position de la France est la même, stricte et rigoureuse, particulièrement en cette Journée de la femme, ...

Mme Éliane Assassi . -  Journée des droits des femmes !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État . - ... qui vise des valeurs universelles, dont fait partie l'émancipation de la femme.

Nous serons donc très attentifs à cette question, même si, vous le savez, lorsque nous accueillons sur notre territoire des compétitions organisées par des institutions internationales, nous sommes obligés de nous conformer à leurs règles. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

CANCER DES ENFANTS

M. le président . - La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche . - Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Madame la ministre, le 20 février s'est tenu au Sénat, organisé par l'association Imagine for Margo , le troisième colloque consacré aux traitements spécifiques du cancer de l'enfant.

En 2007, le règlement pédiatrique européen a permis des avancées dans le domaine de la recherche et du développement de médicaments spécifiques pour les enfants par les industriels. Il apparaît aujourd'hui que ce règlement mérite, sinon d'être revu, du moins d'être réajusté.

En effet, les dérogations accordées aux laboratoires sont encore nombreuses. Par ailleurs, la mise en oeuvre des plans d'investigation pédiatriques est lourde et rigide, retardant ainsi la recherche. Certains plans sont même infaisables.

Il semblerait que la Commission européenne soit frileuse et réticente à l'idée de revoir le règlement. Pour appuyer cette démarche, il faut donc que la voix du Gouvernement soit forte.

Ma question sera simple : madame la ministre, comment comptez-vous vous engager ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président . - La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Madame la sénatrice, vous avez raison de souligner l'enjeu décisif que constitue la lutte contre les cancers pédiatriques.

Avant de répondre aussi précisément que possible à votre question, je voudrais dire que nous faisons aussi des progrès en matière de lutte contre les cancers pédiatriques. Nous le devons à la recherche et à la qualité de la prise en charge dans notre pays.

Chaque année, près de 2 500 nouveaux cas de cancer chez des enfants et des adolescents de moins de dix-huit ans sont recensés. Nous devons faire en sorte que la recherche avance et que de nouveaux traitements puissent être expérimentés.

Dans le cadre du troisième plan cancer, qui est aujourd'hui à mi-parcours, nous avons d'abord garanti l'accès des enfants à des traitements innovants grâce à six centres d'essais cliniques de phase précoce, qui sont, je veux le souligner, désormais opérationnels. Ainsi, tous les enfants qui, malheureusement, sont en situation d'« échappement thérapeutique », c'est-à-dire qui ne parviennent pas à être traités, pourront recevoir, dans le cadre d'un essai clinique unique au monde, un séquençage complet de leur génome.

Par ailleurs, la France, comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice, est très attentive à l'évolution du règlement européen sur les médicaments à usage pédiatrique, et nous entendons peser de tout notre poids sur la révision de ce texte européen. Comme je l'ai dit au commissaire européen chargé de la santé, nous voulons accélérer la recherche clinique en pédiatrie et renforcer les incitations pour les industriels à développer des molécules spécifiques pour le cancer de l'enfant.

Je puis vous l'assurer, madame Deroche, s'agissant des cancers pédiatriques, la France fera entendre sa voix et tiendra parole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président . - La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche . - En effet, la France est plutôt en pointe dans le traitement des cancers de l'enfant, mais, s'agissant du règlement, il faut agir vite, le temps étant déterminant en la matière. Même si les cas sont heureusement moins nombreux, il ne faudrait pas que les enfants soient à la traîne pour ce qui est de l'accès à une médecine de précision ou aux thérapies innovantes.

Madame la ministre, nous vous suivrons et appuierons votre démarche auprès du Conseil et de la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

SITUATION DE L'ÉLEVAGE

M. le président . -  La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Mme Hermeline Malherbe . - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. le président . - La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe . - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, qui, je crois, est retenu à Berlin pour convaincre nos partenaires européens de mieux prendre en compte la crise agricole, crise dont les causes, multiples, ont déjà été évoquées à maintes reprises dans notre hémicycle.

Même si j'ai confiance dans l'action menée avec courage et détermination par le Gouvernement dans l'intérêt de notre agriculture, je souhaiterais que des résultats immédiats se concrétisent pour nos agriculteurs et pour nos agricultrices.

Dans les Pyrénées-Orientales, depuis plus de trente ans, nous travaillons au développement d'un élevage non intensif et qualitatif contribuant à l'entretien des paysages et à la limitation du risque incendie.

Mon département vient de se doter de nouveaux outils stratégiques de développement, dont deux abattoirs, plusieurs boutiques de vente directe, ou encore de labels de qualité comme La Rosée des Pyrénées .

Hélas, la mise en oeuvre de la PAC 2015 a pour effet de déstabiliser beaucoup d'exploitations et de fragiliser cette filière. Je pense non seulement aux conséquences du principe de proratisation des aides, qui exclut les surfaces non agricoles, mais aussi et surtout à la non-reconnaissance par l'Union européenne de l'enjeu de défense des forêts contre l'incendie, la DFCI, qui ne figure pas dans le programme de développement rural.

Il est certes possible d'incorporer la DFCI via l'enjeu de la biodiversité, mais à un niveau de rémunération jugé peu incitatif par les éleveurs et les éleveures au regard des contraintes et des coûts d'entretien de ces milieux.

Aussi ma question est-elle simple : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour que nos éleveurs et éleveures (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) continuent de jouer pleinement leur rôle pour la défense des forêts contre l'incendie dans nos départements méditerranéens ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président . - La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, Mme Hermeline Malherbe interroge le Gouvernement sur la situation de l'élevage et les mesures prises pour remédier à la crise.

Je vous demande d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) , qui est en ce moment même en Allemagne avec son homologue fédéral allemand pour avancer sur la construction de réponses européennes à la crise. Il y travaille depuis de longs mois. C'est évidemment aux niveaux local, national, européen et international qu'il faut agir pour répondre à une crise multiple, dont nous connaissons tous, dans nos territoires, l'impact et la gravité.

Une action globale est engagée par le Gouvernement à cet effet, et, autour du ministre de l'agriculture, nous sommes toutes et tous mobilisés.

C'est le cas d'abord avec le plan national qui a été lancé dès cet été pour répondre en urgence à la crise : 90 millions d'euros d'allégement de cotisations au bénéfice des agriculteurs ont d'ores et déjà été décidés, de même que des aides supplémentaires de 140 millions d'euros. Ces mesures étaient nécessaires et elles commencent à produire leurs effets sur le terrain.

Depuis le début de la crise, en 2015, il y a eu une baisse de près de dix points des cotisations personnelles des agriculteurs, ce qui, alors qu'ils sont confrontés à une situation très grave, leur donne un peu d'air, même si tous les problèmes ne sont pas résolus.

De la même manière, Stéphane Le Foll est mobilisé au niveau européen pour que la Commission entende enfin les demandes de la France sur l'élevage, avec notamment l'adaptation d'un certain nombre de dispositifs.

Les banques doivent faire leur travail ; les filières doivent continuer à se structurer ; la grande distribution doit jouer le jeu. À cet égard, le Gouvernement est prêt à apporter de nouvelles adaptations à la loi de modernisation de l'économie pour répondre aux sujets qui n'ont pas été encore réglés. De même, nous continuerons à être mobilisés sur les crises du porc et du lait, y compris pour remédier aux conséquences très fâcheuses de la libéralisation des quotas laitiers.

M. le président . - Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État . - Nous nous attachons bien sûr aussi, madame la sénatrice, aux spécificités territoriales que vous avez évoquées, particulièrement à la question de la gestion des incendies et des forêts. Nous avons déjà eu l'occasion de travailler de manière précise sur le sujet,...

M. le président . - Il faut vraiment conclure !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État . - ... et nous sommes à votre disposition pour continuer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président . - La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour la réplique, en dix secondes, car M. le secrétaire d'État a largement consommé le temps de parole.

Mme Hermeline Malherbe . - Si je puis me permettre, M. le secrétaire d'État et moi-même, monsieur le président, ce n'est pas la même chose ! (Sourires.)

Ma question est vraiment d'actualité, puisqu'il y a en ce moment même un incendie de forêt à Cerbère, à la frontière entre l'Espagne et la France. Nous restons mobilisés, monsieur le secrétaire d'État, avec les maires, les conseillers départementaux, les agriculteurs et les agricultrices, pour veiller à obtenir des réponses précises de l'Europe sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

SITUATION DU CAMP DE RÉFUGIÉS À GRANDE-SYNTHE

M. le président . - La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin . - Ma question, qui pouvait s'adresser indifféremment à M. le Premier ministre ou à M. le ministre de l'intérieur, concerne la solidarité due par l'État à une commune exemplaire dans la résorption de l'insalubrité, de l'insécurité et de l'inhumanité d'un camp de migrants réfugiés.

La pauvreté des réponses européennes et le jeu de dominos des égoïsmes nationaux jettent contre les frontières des milliers d'arrivants fuyant la guerre, qui vivent dans des conditions indignes.

Dans la commune de Grande-Synthe, au lieu-dit du Basroch, terrain boueux supportant un enchevêtrement de tentes et de bâches, les humanitaires les plus aguerris peinaient à se déplacer, et les passeurs se frottaient les mains en comptant que 1 000 passages garantis à 8 000 euros représentaient pour eux un stock de huit millions d'euros...

Un maire courageux a fait front et a tempéré les craintes de ses habitants en faisant construire avec les associations une solution transitoire et digne sur un terrain stabilisé, aux normes définies par le HCR, avec des abris en bois et des services organisés, tant alimentaires que médicaux ou juridiques. Les femmes savent qu'elles y trouveront de meilleures conditions de vie. Le déménagement est en cours, même s'il a, hélas, été menacé quelques heures par une interruption administrative, ce qui montre au passage que la commune est plus menacée qu'aidée.

L'État va-t-il envoyer un autre signal devant cette initiative et prendre sa juste part à Grande-Synthe, là où dialogue et responsabilité se conjuguent ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président . - La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Blandin, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Cazeneuve, lequel, se trouvant actuellement au sommet franco-italien, ne peut répondre à votre question. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le camp de Grande-Synthe est depuis plusieurs mois dans une situation particulièrement dégradée. Dégradée, d'abord, vous l'avez dit, du point de vue de la sécurité, avec des passeurs et des regroupements communautaires. Une action déterminée a été conduite au cours de l'année passée, et vingt-cinq réseaux, qui sévissaient dans le secteur, ont été démantelés. Cette action se poursuit et un réseau a été mis hors d'état de nuire au début de la semaine dernière.

La priorité du Gouvernement dans ce secteur est de démanteler des bidonvilles, à Calais comme à Grande-Synthe, en proposant des solutions de mise à l'abri pour chaque migrant.

Pour répondre à la situation humanitaire, des maraudes, comme à Calais, sont conduites quotidiennement dans le camp du Basroch par les services de l'État et les associations.

Depuis le début de l'année, 600 migrants ont ainsi quitté Grande-Synthe pour l'un des 109 centres d'accueil et d'orientation, des moyens financiers importants ayant été dégagés à cette fin.

En complément de ces propositions, des solutions de mise à l'abri ont été offertes à proximité de Grande-Synthe pour les personnes particulièrement vulnérables : trois cents places ont déjà été mises à disposition et nombre de migrants ont ainsi pu être accueillis.

Ces efforts ont permis une réduction très nette de l'affluence dans ce camp du Basroch : lors du dernier recensement, le nombre de personnes était passé de 3 000 à 1 050.

La solution passe donc non par un déplacement de ce camp...

M. le président . - Il faut penser à conclure, madame la secrétaire d'État !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État . - Le préfet du Nord a sollicité la réunion d'une commission de sécurité. Les questions ont été traitées. Les services de l'État oeuvrent dans ce secteur pour protéger les migrants, car ces derniers ont avant tout besoin de protection. Ils restent en relation étroite avec les élus sur ce territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président . -  La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour la réplique. Vous avez dix secondes !

Mme Marie-Christine Blandin . - Dix secondes pour plaider la solidarité ! Initiative communale éthique : 900 personnes à l'abri avec des repas, mieux que dans des containers sans douche ! Nous demandons une égalité de traitement, c'est tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

FEMMES ET DROIT DU TRAVAIL

M. le président . - La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain et citoyen. Vous avez deux minutes, ma chère collègue.

Je demande à chacun de respecter son temps de parole.

Mme Laurence Cohen . - Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, a cette année une résonance particulière.

Avec plus d'un million de signatures, le projet de loi visant à réformer le code du travail est en train de mobiliser contre lui - à juste titre ! - une grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Dès ce soir, la manifestation féministe fera de la lutte contre ce texte l'un de ses principaux mots d'ordre. Et des manifestations contre ce projet de loi auront lieu demain sur l'ensemble du territoire.

Si c'est bien l'ensemble des salariés qui sont visés par cette réforme, comme l'a dénoncé Annie David la semaine dernière, les femmes risquent de payer le plus lourd tribut.

Les inégalités professionnelles demeurent criantes : 27 % d'écart salarial et 40 % d'écart pour les pensions de retraite entre les femmes et les hommes.

Aujourd'hui, les femmes sont bien plus exposées à la précarité, aux bas salaires, à la ségrégation professionnelle, aux horaires atypiques, avec une explosion des temps partiels subis - 80 % d'entre eux sont occupés par des femmes -, mais aussi au chantage exercé par des patrons qui veulent plus de flexibilité.

Ma question est simple : madame la ministre, pouvez-vous dire aux femmes de ce pays en quoi ce projet de loi, qui enterre définitivement le seuil minimal de 24 heures hebdomadaires des contrats à temps partiel, autorise la flexibilité des horaires et des salaires, facilite les licenciements tout en limitant les indemnités prud'homales, qui met à mal le paiement des heures supplémentaires, oui, pouvez-vous leur dire en quoi ce texte permettra d'améliorer leur situation et de réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président . - La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Madame la sénatrice, je voudrais mettre ici en perspective ce projet de loi, qui n'est aujourd'hui qu'un avant-projet examiné par le Conseil d'État.

Vous le savez, nous avons rouvert un cycle de discussions avec l'ensemble des partenaires sociaux, qu'il s'agisse des organisations syndicales ou des organisations patronales. En effet, des questionnements sincères s'expriment autour de ce texte - il y a, c'est vrai, un juste point d'équilibre à trouver -, ce qui n'exclut pas une certaine manipulation ou une certaine désinformation. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Foucaud . - De quel côté ?

Mme Myriam El Khomri, ministre . - D'ailleurs, ne dites-vous pas vous-même, madame la sénatrice, que le projet de loi dérogera à la règle des 24 heures hebdomadaires ?

Mme Laurence Cohen . - Je le dis parce que c'est vrai !

Mme Myriam El Khomri, ministre . - Non, ce n'est pas vrai ! Je tiens à le rappeler ici, c'est ce gouvernement qui a, après une négociation avec les partenaires sociaux, inscrit dans la loi la durée minimale de 24 heures hebdomadaire pour éviter les temps partiels subis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Dans toute la partie consacrée au temps de travail, le texte ne prévoit rien sur cette durée minimale.

Il en va de même de la durée hebdomadaire de travail. On veut faire croire que la loi autoriserait à travailler soixante heures. C'est totalement faux !

Je confirme donc qu'il existe une part de désinformation et de manipulation autour de ce projet de loi. Permettez-moi de vous donner quelques éléments pour illustrer mon propos.

Ce texte vise en réalité à répondre à la situation que connaît notre pays, où 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, vous avez raison sur ce point.

On observe parfois chez certains employeurs, notamment dans les TPE ou PME, parmi les commerçants ou les artisans - il suffit d'entendre ce qui remonte du terrain -, des réticences à embaucher en CDI. Les victimes de cette attitude sont les personnes les plus précaires, à savoir les jeunes, les femmes et les personnes les moins qualifiées. En encourageant le recrutement en CDI, notre objectif est justement de lutter contre ces comportements.

Ce projet de loi prévoit, de plus, la création d'un compte personnel d'activité.

Mme Annie David . - C'est une coquille vide, on le sait bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre . - Les personnes dont les parcours comportent les ruptures les plus nombreuses sont bien les femmes. La question de la conciliation de la vie personnelle et professionnelle est aussi au coeur de ce projet de loi.

M. le président . - Il faut conclure !

Mme Myriam El Khomri, ministre . - Par ailleurs, une partie importante du texte est consacrée à la protection.

Telles sont les grandes lignes de ce projet de loi, qui n'est encore qu'un avant-projet. À l'issue des échanges avec les partenaires sociaux, nous le présenterons en conseil des ministres. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président . - La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique, en trente et une secondes !

Mme Laurence Cohen . - S'agit-il de pédagogie ? Je pense que les gens savent lire ! Ils comprennent ce dont il est question dans ces mesures ! (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la ministre, quand on a la volonté politique de réduire la flexibilité et de mettre un terme à la précarité et au chômage, on se garde bien de faciliter les licenciements dans les entreprises et d'inverser les normes : on prend vraiment des résolutions politiques pour ramener le temps de travail à 32 heures et mettre un terme aux temps partiels contraints des femmes. On fait en sorte de valoriser leurs salaires et de favoriser une réelle mixité des emplois !

C'est une affaire de volonté politique. En tout cas, pour notre part, nous sommes du côté de ceux qui luttent et veulent améliorer leurs conditions de travail ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

PÉRENNISATION DU FONDS DE SOUTIEN
POUR LES RYTHMES SCOLAIRES

M. le président . - La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Françoise Cartron . - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales.

Mandatée pour conduire une mission d'évaluation de la mise en place des rythmes scolaires, plus particulièrement en milieu rural, j'ai été amenée, ces derniers mois, à rencontrer de très nombreux élus locaux, dans toute la France.

Dans leur immense majorité, les élus ont relevé avec détermination, imagination et courage le défi qui leur était posé, à savoir la réorganisation du temps de l'enfant.

Ainsi, aujourd'hui, plus de 90 % des projets éducatifs territoriaux, les PEDT, ont été validés et signés. Une évidence, donc, les territoires se sont fortement mobilisés, quelle que soit leur taille ou leur particularité géographique. Néanmoins, au-delà du constat, une interrogation subsiste partout.

Cette réforme a pu se mettre en place de façon satisfaisante grâce à l'accompagnement financier de l'État pour toutes les communes. L'aide a été majorée pour les plus défavorisées, qu'elles soient rurales ou urbaines.

Aujourd'hui, afin d'assurer la poursuite des projets mis en place, les maires ont besoin de lisibilité. Ils ont besoin d'être rassurés et de se projeter sereinement dans l'avenir, en sachant que, demain, leurs efforts ne seront pas fragilisés par une remise en cause des aides apportées.

J'en viens à ma question. Le Comité des finances locales a émis, le 28 janvier dernier, un avis favorable au maintien de la majoration forfaitaire accordée à certaines communes, pour une durée de trois ans, de l'aide aux activités périscolaires.

Pouvez-vous nous en dire plus, madame la secrétaire d'État, en détaillant les aides prévues par le Gouvernement afin d'accompagner toutes les communes dans la poursuite de la mise en place des rythmes scolaires en 2016 et 2017 ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume . - C'est une très bonne question !

M. le président . - La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales . - Madame la sénatrice, je vais vous répondre au nom de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous l'avez précisé, la rentrée 2015 a été la deuxième année d'application des nouveaux rythmes scolaires, celle aussi de la généralisation des projets éducatifs territoriaux, qui concernent 92 % des territoires et regroupent 96 % des élèves des écoles publiques.

La ministre de l'éducation nationale et le Gouvernement ont toujours rappelé l'engagement de l'État, qui se tient aux côtés des maires pour les aider à financer des activités périscolaires. Ainsi, le Gouvernement a pris, le 17 août dernier, des décrets pérennisant le fonds de soutien et le fonds d'amorçage de la réforme des rythmes scolaires, ce qui correspondait à une demande forte des élus locaux.

Le 6 mars dernier, Mme Najat Vallaud-Belkacem a fait publier au Journal officiel deux décrets qui donnent de la visibilité financière aux élus en garantissant un niveau d'aide constant durant la mise en oeuvre du projet éducatif territorial.

Ces deux décrets, qui ont reçu un avis favorable du Comité des finances locales, consulté au mois de février, permettent de maintenir ce niveau d'aide pour une durée de trois ans au profit des communes éligibles aux dotations cibles que sont la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Ces communes sont donc bénéficiaires de l'aide majorée, laquelle est portée de cinquante euros à quatre-vingt-dix euros par enfant et par parent.

M. Didier Guillaume . - C'est une excellente mesure !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État . - Aucune commune ne perdra donc brutalement le bénéfice de cette majoration. Cela vaut dès cette année et, pour être tout à fait précise, dès que sera versé le solde du soutien au titre des années 2015 et 2016.

Cette mesure favorable concernera également les communes qui, compte tenu des règles d'éligibilité de cette aide majorée DSU-DSR cible, en perdraient le bénéfice au cours des années scolaires 2016-2017 et 2017-2018.

M. le président . - Il faut conclure !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État . - Cela concerne 370 communes, petites mais aussi plus grandes. Tel est en effet le cas de la commune de Marseille, au profit de laquelle l'État consent un effort à hauteur de 5,5 millions d'euros. (M. Jean-Claude Gaudin approuve. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le président . - La parole est à Mme Marie Mercier, pour le groupe Les Républicains, et pour deux minutes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier . - Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Un sénateur du groupe Les Républicains . - Elle est en vacances !

Mme Marie Mercier . - Deux conceptions s'affrontent s'agissant de la sélection en master : certains sont contre, dans une logique égalitariste de poursuite des études ; d'autres sont pour, afin de maintenir un niveau de compétences et de connaissances homogènes.

En pratique, des universités appliquent déjà une sélection. Cependant, depuis plusieurs années, l'absence de décret a instauré un vide juridique laissant libre cours à l'hypocrisie.

En qualifiant de « rétrogrades » ces universités, Mme la ministre de l'éducation nationale a rouvert le débat. Rappelons que les diplômes sont une garantie de qualification et même d'excellence en master 2. Ils doivent se traduire sur le marché du travail en emplois, en responsabilités et en salaires.

Or le taux de chômage de nos jeunes vient d'atteindre 25,7 %, taux supérieur de 5,7 points à la moyenne européenne. De plus, 40 % de nos jeunes diplômés, particulièrement ceux qui sont issus de l'université, ne trouvent toujours pas d'emploi un an après l'obtention de leur diplôme.

En dévalorisant les masters au nom de l'égalitarisme, c'est un alignement par le bas qui est proposé aux étudiants. N'êtes-vous pas en train de les tromper ? L'égalitarisme est une utopie ravageuse, voire une « tyrannie », selon Raymond Aron.

Mme Catherine Troendlé . - C'est vrai !

Mme Marie Mercier . - Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous confirmer que la position du Gouvernement est bien, finalement, d'assumer la sélection en master , de manière à garantir la compétitivité de nos universités sur les plans national et international ? En outre, je voudrais savoir si le Gouvernement a la volonté d'accompagner l'orientation de nos étudiants et de favoriser les passerelles entre études et emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président . - La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, et de M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Murmures ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je répondrai donc à leur place.

Je souhaite, tout d'abord, éviter la confusion entre deux sujets. Vous avez fait référence à des propos tenus par la ministre concernant la sélection - ou l'absence de sélection - à l'entrée à l'université. Vous avez également mentionné les masters . Il y a donc bien deux sujets différents.

Pour la ministre, il n'est pas question de sélection à l'entrée à l'université. La situation n'est pas la même en ce qui concerne les masters , sujet sur lequel le Conseil d'État a rendu un avis extrêmement récent, puisqu'il date du 10 février 2016. Cela montre bien que le retard auquel vous faites référence ne reflète pas exactement la situation.

Cet avis précise le cadre juridique applicable aux cycles des masters . Il rappelle que les procédures sélectives sont possibles, mais qu'elles doivent être prévues par une liste, laquelle fait l'objet d'un décret. Voilà quelques semaines, dès qu'il a pris connaissance de cet avis, le Gouvernement a entrepris la rédaction d'un décret, en relation avec la conférence des présidents d'université.

La liste des exceptions reprendra l'ensemble des formations qui mettent aujourd'hui en oeuvre une sélection entre le master 1 et le master 2, de manière à sécuriser sur le plan juridique la prochaine rentrée universitaire.

Pour autant, dès que le décret aura été pris, la ministre de l'éducation nationale et le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche organiseront - ils s'y sont engagés - une concertation avec l'ensemble des parties sur l'organisation du cycle des masters, pour clarifier la situation.

Tout le monde en est bien conscient, la situation n'est pas satisfaisante. Le Gouvernement s'emploie à l'améliorer en encourageant la poursuite du dialogue, qui n'a jamais cessé, entre les présidents d'université et les étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président . - La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique, mais en dix-sept secondes...

Mme Marie Mercier . - Madame la ministre, les présidents d'université travaillent chaque jour à la qualité des formations et à l'attractivité de nos universités. Ils estiment que le master est une formation sur mesure, nécessitant une sélection assumée, sur des critères objectifs.

Lorsque la jeunesse est en souffrance, c'est toute la société qui est blessée. Les jeunes ont besoin d'avoir confiance en l'avenir et en leur pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

DROITS DES FEMMES ET DISCRIMINATION

M. le président . - La parole est à Mme Christiane Hummel, pour le groupe Les Républicains.

Mme Christiane Hummel . - Ma question était adressée à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Tous les 8 mars, le projecteur est mis sur la condition des femmes, condition qu'elles vivent 365 jours par an, que ce soit dans l'espace public, dans la sphère familiale ou au sein du couple.

Je souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur trois points particuliers.

Premier point, les victimes de violences physiques ou psychologiques ont l'obligation d'apporter la preuve de leur calvaire, ce qui est souvent très difficile. Ne pourrait-on pas mener une réflexion pour diminuer la portée de cette obligation ?

Deuxième point, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite « loi DALO », avait prévu d'offrir aux femmes victimes de violences un accès prioritaire au logement social. Tel n'est pas le cas aujourd'hui : d'autres critères, sur lesquels je ne m'étendrai pas ici, sont reconnus plus prioritaires par les commissions d'attribution. J'en parle en toute connaissance de cause puisque je siège au sein de ces commissions.

Mon troisième point concerne l'espace public, où les femmes ont de plus en plus de difficulté à être en sécurité : elles ont, tout simplement, peur de sortir. Des événements similaires à ceux qui se sont produits à Cologne ont lieu dans des quartiers de nos grandes villes. Les femmes sont victimes de nouveaux modes opératoires sexistes.

Monsieur le Premier ministre, comptez-vous enfin prendre en compte ces problèmes, qui sont ceux de beaucoup de femmes au quotidien ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président . - La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - Madame la sénatrice, j'espère que vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que ce soit la ministre chargée des familles, de l'enfance et des droits des femmes qui vous réponde, en lieu et place du Premier ministre . (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je tiens d'abord à vous remercier de votre question. Effectivement, chaque année, le 8 mars nous permet de dresser collectivement le diagnostic des discriminations, des inégalités et des dominations spécifiques dont les femmes sont victimes.

Vous avez évoqué plus particulièrement trois sujets.

S'agissant des violences faites aux femmes, au-delà du seul Gouvernement, vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, êtes chaque jour mobilisés dans vos permanences pour accompagner et aider les femmes victimes de violences, notamment dans leurs démarches judiciaires.

Un décret publié la semaine dernière indique très justement que les auditions de femmes victimes de violences doivent inclure une dimension médicale : un accueil spécifique doit leur être offert.

Vous avez également évoqué, madame la sénatrice, l'accès prioritaire au logement social des femmes victimes de violences. Mon diagnostic sur ce point est moins radical que le vôtre : le système fonctionne, malgré des imperfections. De fait, les femmes victimes de violences ont un accès prioritaire au logement social.

Malheureusement, ces femmes sont nombreuses, trop nombreuses, alors que les logements sociaux disponibles ne le sont pas toujours assez pour répondre à la demande. Néanmoins, Mme la ministre du logement et moi-même avons fait de cet accès prioritaire au logement social l'une de nos priorités afin de mettre ces femmes à l'abri des hommes violents qui leur ont fait fuir leur domicile.

Enfin, le troisième sujet que vous avez évoqué concerne plus largement la convergence entre la laïcité et les droits des femmes. En effet, la République, dans toutes ses caractéristiques de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité, est le meilleur allié des droits des femmes.

Je me préoccupe tout autant du recul, sous la pression de groupes actifs, de l'éducation sexuelle à l'école que de l'effacement des femmes dans l'espace public. C'est bien l'une des priorités du Gouvernement que de faire appliquer la laïcité partout, à l'école comme dans la rue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président . - La parole est à Mme Christiane Hummel, pour la réplique.

Mme Christiane Hummel . - Madame la ministre, braquer un projecteur un jour par an ne suffira pas, hélas, à changer quoi que ce soit à des réalités quotidiennes que notre société refuse de regarder en face. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Les pressions communautaristes dont sont victimes les femmes prennent des proportions inquiétantes. Il est temps d'ouvrir les yeux et de réagir en affirmant les valeurs de la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique Bailly . - Quelle réponse spontanée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

GARANTIE CONTRE LES IMPAYÉS
DES PENSIONS ALIMENTAIRES

M. le président . - La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Marie-Pierre Monier . - Ma question s'adresse à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.

Selon des chiffres cités par le rapport Fragonard d'avril 2013 sur les aides aux familles, 40 % des pensions alimentaires ne seraient pas entièrement payées, alors qu'elles représentent près d'un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres ; 90 000 foyers sont potentiellement concernés. Dans 85 % des cas, il s'agit d'une mère qui élève seule son enfant ou ses enfants.

Les statistiques indiquent que les familles monoparentales comptent parmi les familles les plus pauvres, même après l'effet redistributif des prestations.

La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a prévu, dans son article 27, l'expérimentation d'une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Celle-ci a commencé le 1 er octobre 2014 dans vingt départements ; elle doit s'achever le 1 er avril 2016.

À cette date, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a prévu la généralisation de ce dispositif à l'ensemble du territoire. Cela apportera une réponse concrète à la pauvreté des familles monoparentales, réponse dont les acteurs de la politique familiale ont salué la pertinence.

Ce dispositif permet au parent qui a la charge de l'enfant de toucher une pension alimentaire complémentaire différentielle pour que toute pension atteigne au minimum cent euros par mois et par enfant. Il rend également plus juste l'allocation de soutien familial en prévoyant un versement dès le premier mois d'impayés, ce qui permettra aux parents subissant des paiements irréguliers d'en bénéficier. Enfin, ce dispositif permet de responsabiliser davantage le parent débiteur par l'amélioration des procédures de recouvrement par la CAF.

Nous saluons ce dispositif. Il constitue un réel progrès social et une aide très concrète, principalement à destination des femmes, singulièrement des mères isolées.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous dresser un bilan de l'expérimentation de ce dispositif dans les vingt départements concernés ? Pouvez-vous également nous fournir quelques éléments sur la création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires, évoquée comme un moyen de compléter ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président . - La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - Madame la sénatrice, en effet, aux violences déjà bien identifiées - violences intrafamiliales, violences sexuelles, viols -, s'ajoute un autre type de violence à l'encontre des femmes et, en particulier, des familles monoparentales : la violence économique que constitue le non-paiement des pensions alimentaires, qui plonge ces femmes et leurs enfants dans une situation d'extrême pauvreté.

Vous avez évoqué le rapport Fragonard, selon lequel 30 % à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas versées ou sont payées partiellement ou irrégulièrement.

J'évoquerai également un phénomène plus difficile à quantifier, mais qui n'en existe pas moins, celui des pensions alimentaires non établies. Quand un couple non marié se sépare, il ne va pas toujours faire établir une pension alimentaire par un juge ; certains se séparent suivant une espèce de convention à l'amiable, auquel cas la mère ne peut se prévaloir d'un jugement pour obtenir le versement de sa pension alimentaire. C'est une autre source de non-paiement de la pension alimentaire.

Pour faire face aux grandes difficultés subies par les familles monoparentales, nous avons en effet expérimenté durant les deux dernières années, dans vingt départements, un mécanisme de garantie contre les impayés des pensions alimentaires. Son bilan est extrêmement positif ; il l'est même tant que nous avons décidé de généraliser cette garantie à compter du 1 er avril prochain.

M. Marc Daunis . - Très bien !

Mme Laurence Rossignol, ministre . - Cette allocation, qui sera versée à toutes les familles monoparentales ne bénéficiant pas d'une pension alimentaire, garantira cent euros par mois et par enfant. Elle pourra également apporter un complément de revenus à celles dont les pensions seraient inférieures à cent euros.

Cette allocation présente un autre avantage : les caisses d'allocations familiales sont subrogées dans les droits de la personne et peuvent poursuivre, à la place des mères, les débiteurs. Cela mettra ces femmes à l'abri d'éventuelles violences identifiées préalablement au cours du processus de rupture.

Cette garantie des impayés des pensions alimentaires est très attendue ; c'est une belle réforme.

Nous travaillons également, comme vous l'avez évoqué, à la création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires, qui nous permettrait de concentrer l'ensemble des procédures liées à l'établissement des pensions alimentaires, comme cela se fait actuellement au Québec.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la Journée des droits des femmes, ce n'est pas uniquement le 8 mars, c'est chaque jour, pour le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Jean-Louis Carrère . - Mais pas pour Les Républicains !

M. le président . - Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.


* 11 Le compte rendu intégral de cette séance a été publié au Journal officiel du mercredi 9 mars 2016.

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