III. LA GARANTIE UNIQUE DES DÉPÔTS BANCAIRES : UN TROISIÈME PILIER CONFLICTUEL DONT L'ADOPTION PARAÎT MENACÉE

A. UNE PROPOSITION ASSOCIÉE À DES MESURES TRÈS AMBITIEUSES DE RÉDUCTION DES RISQUES

1. La proposition de règlement sur un système européen de garantie des dépôts bancaires

En novembre 2015, la Commission a proposé, dans la droite ligne du rapport des cinq présidents du 22 juin 2015 « Compléter l'Union économique et monétaire », le troisième et dernier volet de l'Union bancaire : un système européen de garantie des dépôts bancaires au sein de l'Union bancaire (SEGD) ( European Deposit Insurance Scheme-EDIS ).

SEGD se fonde sur l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet l'adoption de règles d'harmonisation au sein du marché unique et se propose d'amender le règlement relatif au mécanisme de résolution unique 22 ( * ) . Cette solution permet d'étendre les attributions du Conseil de résolution unique à la gestion d'un fonds dédié d'assurance des dépôts. SEGD prévoit la création de ce fonds européen de garantie des dépôts en trois phases successives :

- une première phase de trois ans de réassurance durant laquelle les fonds nationaux de garantie pourraient bénéficier, en cas d'insuffisance de leurs ressources propres, de soutiens complémentaires plafonnés du fonds européen, le fonds européen assumerait 20 % des pertes éventuelles au-delà d'un niveau de franchise. Les contributions des banques au fonds européen seraient précisées par un acte délégué de la Commission sur des bases identiques à celles prévues par la directive DGSD ( Deposit guarantee scheme directive ). Au terme de cette période, le fonds européen atteindrait environ 5 milliards d'euros ;

- une deuxième phase de quatre ans de coassurance durant laquelle les fonds nationaux bénéficieraient d'un soutien en liquidité déplafonné. Le fonds européen assumerait les pertes éventuelles selon une clé croissante de 20 % à 80 % sur la période. Durant cette phase, les contributions seraient calculées sur une méthodologie, précisée par un acte délégué de la Commission, liée aux montants des dépôts couverts mais aussi aux risques associés à chaque établissement, comparativement à l'ensemble des banques de l'Union bancaire ;

- une troisième et ultime phase de pleine assurance , où le fonds européen serait totalement mutualisé et doté d'environ 44 milliards d'euros afin de financer en totalité des éventuelles interventions en garantie. En tout état de cause, au terme de cette dernière phase qui n'interviendrait pas avant 2024, les fonds nationaux pourraient perdurer en parallèle et le fonds européen représenterait 0,8 % des dépôts couverts.

Le champ d'application géographique du système de garantie serait identique à celui du mécanisme de surveillance unique - c'est-à-dire les 19 États membres participants avec la possibilité, pour tout autre État de l'Union européenne, de rejoindre en bloc l'ensemble des trois piliers de l'Union bancaire. L'accès des fonds nationaux, y compris les systèmes propres aux caisses d'épargne, notamment allemandes, au fonds de garantie européen serait conditionné au respect par chacun d'eux des obligations de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (DGSD) 23 ( * ) . En théorie, les banques les plus importantes ne seraient pas utilisatrices de ce système de garantie car, en cas de difficulté, elles seraient placées en résolution et les dépôts seraient exclus du renflouement. Les banques bénéficiaires seraient donc principalement les banques les moins importantes au regard des règles de l'Union bancaire c'est-à-dire non soumises à la supervision directe de la BCE. Ainsi, paradoxalement, les banques importantes contribueraient au fonds de garantie au bénéfice de plus petites banques qui, elles, n'y contribueraient pas.

2. Les mesures parallèles d'accompagnement

La Commission accompagne la proposition législative d'une communication spécifique sur l'Union bancaire 24 ( * ) dans laquelle elle appelle les États membres participants à travailler en parallèle sur une série de mesures, dont certaines sont identifiées comme visant à réduire les risques du système bancaire . La liste des mesures envisagées est particulièrement ambitieuse même si une majorité de ces mesures reste cohérente avec les exigences de poursuite de l'Union bancaire : la finalisation de la transposition des directives sur le redressement et la résolution des crises bancaires (BRRD) et sur le système de garantie des dépôts (DGSD), la ratification de l'accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au fonds de résolution unique, la mise en place d'un financement relais au profit du fonds de résolution unique et d'un dispositif de soutien budgétaire mutualisé en tant que dernier recours au plus tard fin 2023, la réduction des options et discrétions nationales dans l'application des règles prudentielles, l'harmonisation des modalités de financement des mécanismes nationaux de garantie des dépôts, le versement effectif des contributions des banques au fonds de résolution unique, l'application des exigences individuelles d'engagements éligibles au renflouement interne (MREL et TLAC), l'obligation de respecter strictement les règles relatives aux aides d'État afin de permettre une application cohérente des règles de renflouement interne, l'intégration des mesures issues des travaux en cours au Comité de Bâle liées à la pondération des actifs par les risques, au ratio de levier et au ratio de liquidité à long terme...

D'autres mesures comme l'harmonisation des régimes nationaux d'insolvabilité ou le traitement prudentiel des expositions des banques au risque souverain sont plus problématiques car elles paraissent politiquement et techniquement difficiles à mettre en oeuvre.


* 22 Règlement (UE) n° 806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010.

* 23 Directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts

* 24 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Vers l'achèvement de l'Union bancaire » le 24 novembre 2015.

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