IV. LES MOYENS DE L'UNION BANCAIRE : LE CORPUS RÉGLEMENTAIRE ET LE FINANCEMENT DES DÉFAILLANCES BANCAIRES

A. L'AMBITIEUSE RÉVISION DU CORPUS RÉGLEMENTAIRE DOIT PRÉSERVER LES POSITIONS COMPÉTITIVES DU SYSTÈME BANCAIRE DE LA ZONE EURO ET SE FOCALISER SUR DES PRIORITÉS

1. La révision du corpus réglementaire

Le fonctionnement des deux premiers piliers de l'Union bancaire se fonde sur des actes législatifs spécifiques : le règlement sur le Mécanisme de surveillance unique, le règlement sur le Mécanisme de résolution unique et plus récemment la proposition de règlement sur un système européen de garantie des dépôts bancaires. L'Union bancaire s'inscrit toutefois dans le cadre de réglementations qui sont communes à l'ensemble des États membres de l'Union européenne : la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédits, CRD et CRR IV ( Capital Requirement Directive and Regulation ), la directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, BRRD ( Bank Recovery and Resolution Directive ) et la directive européenne relative aux systèmes de garantie des dépôts, DGSD (Deposit Guarantee Scheme Directive) .

Ce corpus réglementaire commun constitue le socle de l'Union bancaire. Or, nombre de ces textes doivent faire l'objet de révisions ou d'initiatives nouvelles. Il s'agit de prendre en compte non seulement les évolutions réglementaires internationales mais aussi les contraintes spécifiques à l'Union bancaire. Ainsi, à l'échelle de l'Union européenne, il est prévu d'intégrer le mécanisme sur la capacité totale d'absorption des pertes (TLAC) en le coordonnant avec les exigences minimales de détention d'engagements éligibles (MREL). Il est aussi envisagé d'intégrer dans le corpus réglementaire les travaux en cours au sein du Comité de Bâle sur le ratio de levier ( leverage ratio ), le ratio de liquidité à long terme ( NSFR ), les méthodologies internes de pondération des actifs par les risques ( RWA ) et, à plus long terme, ceux sur les expositions au risque souverain ou sur Bâle IV. D'autres initiatives législatives sont plus spécifiquement liées à la mise en place de l'Union bancaire et aux négociations en cours sur le troisième pilier. Il s'agit notamment d'une proposition de cadre harmonisé à l'échelle de l'Union en matière de hiérarchisation des créanciers bancaires en vue d'améliorer la sécurité juridique en cas de résolution bancaire, de l'harmonisation voire la suppression dans les règles prudentielles bancaires des options et discrétions nationales... À cela s'ajoutent les presque 400 actes délégués et actes d'application qui découlent des 41 directives et règlements adoptés en Europe depuis la crise financière.

Quelles qu'en soient les raisons et malgré une volonté exprimée par la Commission de moins légiférer pour mieux légiférer, le calendrier réglementaire bancaire sera particulièrement chargé d'ici la fin de l'année 2016 et les sujets complexes. Les enjeux sont de taille et conduisent à mentionner des sujets qui appellent une attention particulière.

2. Les points d'attention de l'agenda réglementaire

Les conséquences du référendum britannique sur le fonctionnement de l'Union bancaire sont encore difficilement évaluables. Quoiqu'il en soit l'importance du secteur financier au Royaume-Uni, bien qu'il ne fasse pas partie de l'Union bancaire, a jusqu'à aujourd'hui fortement conditionné et orienté l'élaboration des règles prudentielles de l'Union européenne. L'« arrangement » obtenu en février 2016 par le Royaume-Uni prévoyait d'ailleurs d'accorder un droit d'alerte au Royaume-Uni sur l'adoption d'actes législatifs relatifs à l'Union bancaire et précisait que le droit de l'Union européenne relatif à l'Union bancaire ne devait en aucun cas s'appliquer au Royaume-Uni. Ses dispositions sont désormais destinées à devenir caduques mais il convient de rester très vigilant sur toute évolution qui augurerait d'une réglementation à deux vitesses et remettrait en cause le principe des règles du jeu équitables ( level playing field ) .

Les travaux du Comité de Bâle et du Conseil de stabilité financière (voir annexe) exercent une influence considérable sur l'établissement des standards internationaux applicables au secteur bancaire. La crise financière a amplement démontré que ce changement d'échelle était indispensable. Leurs travaux, qui constituent un élément central des efforts internationaux visant à renforcer la stabilité financière, visaient à l'origine à établir des principes internationaux, tout en laissant aux régulateurs nationaux une significative marge de manoeuvre pour leurs applications concrètes. L'élaboration de principes s'est transformée progressivement en l'établissement de standards dont il est désormais extrêmement difficile de s'écarter. Dès leur diffusion, les standards sont utilisés comme références par nombre d'acteurs du secteur financier et deviennent, de fait, potentiellement contraignants. D'ailleurs, le Comité de Bâle procède lui-même à des revues régulières de l'application des principes bâlois dans les différentes juridictions. Or, en Europe, du fait d'une forte intermédiation bancaire, ces standards impactent mécaniquement près de 70 % du financement de l'économie. Certains des principes élaborés semblent méconnaître tant les caractéristiques et la diversité des modèles de financement européen que les grandes orientations prises par les régulateurs de l'Union. Ainsi, après que l'Union européenne a adopté des règles fixant les exigences minimales en capacité de renflouement (MREL), le Conseil de stabilité financière formalise un projet parallèle (TLAC) dont l'intégration pose de nombreuses difficultés. De même, dans le cadre des travaux rassemblés sous le terme de Bâle IV, la revue du risque de crédit et du risque de taux serait de nature à remettre en cause, sans justification réelle au regard de la stabilité financière, les fondamentaux du financement de l'immobilier tel qu'il est pratiqué en Europe. Il est primordial dans ce contexte de prendre en compte les enjeux de stabilité et de compétitivité du secteur financier européen dans l'élaboration de la réglementation internationale. Il paraît dès lors indispensable que l'Union européenne et la zone euro, par la voie de son superviseur bancaire unique la BCE, interviennent clairement dans les débats concernant les choix fondamentaux et parviennent à défendre leurs intérêts stratégiques au sein de ces instances.

Enfin, deux priorités peuvent être identifiées dans l'agenda législatif à venir. Il s'agit de l'intégration du TLAC et du MREL afin de mettre à terme à l'incertitude actuelle et, dans l'attente de la reprise des négociations sur un système commun d'assurance des dépôts, de l'harmonisation plus approfondie des modalités de fonctionnement des mécanismes nationaux de garantie des dépôts , qu'il s'agisse des procédures de paiement des contributions ou de l'étendue des dépôts couverts. Cette dernière mesure serait de nature à compenser partiellement l'absence de perspective sur un système de garantie commun.

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