B. BPIFRANCE A DÛ ASSURER LE PRÉFINANCEMENT DES CRÉANCES DES TPE-PME

1. Bpifrance, banque incontournable du préfinancement depuis 2014, particulièrement pour les TPE-PME

Une réelle frilosité des banques commerciales a été relevée sur l'année 2013 à l'égard du préfinancement du CICE. Elles n'étaient pas nécessairement outillées pour assurer cette mission, mais affichaient surtout une grande réticence sur les risques liés aux petites créances. Les petites entreprises se sont mobilisées , notamment via les chambres de commerce et d'industrie et les chambres des métiers et de l'artisanat, en vue d'un assouplissement des règles fixées pour le préfinancement de Bpifrance . Le seuil de 25 000 euros de créance a été levé, et les frais de dossiers supprimés pour les créances inférieures à ce seuil.

Bpifrance a alors dû assumer la gestion d'un très grand nombre de petits dossiers . Cette mission n'était pas prévue dans son modèle initial et a nécessité le recrutement de 70 personnes supplémentaires et la création d'un site internet dédié, se révélant une mécanique lourde pour l'institution .

Bpifrance a ainsi octroyé en 2015 pour plus d'1,7 milliard d'euros de préfinancements « A+ Emploi » . La répartition est indiquée par secteur et par taille d'entreprise dans le tableau suivant.

Répartition des crédits alloués par Bpifrance (autorisations 2015)

Secteur d'activité

Taille d'entreprise

Montant préfinancé

en euros

Nombre d'entreprises

Commerce, transports, hébergement et restauration

TPE

5 020 107

669

Commerce, transports, hébergement et restauration

PME

61 601 082

1 778

Commerce, transports, hébergement et restauration

ETI

78 285 197

403

Commerce, transports, hébergement et restauration

GRANDES

14 811 129

13

Construction

TPE

2 212 201

269

Construction

PME

36 252 311

1 077

Construction

ETI

17 549 540

103

Industrie manufacturière, industries extractives et autres

TPE

2 651 470

286

Industrie manufacturière, industries extractives et autres

PME

67 125 732

1 401

Industrie manufacturière, industries extractives et autres

ETI

72 536 663

207

Industrie manufacturière, industries extractives et autres

GRANDES

156 285 598

8

Services aux entreprises

TPE

4 564 166

307

Services aux entreprises

PME

73 816 829

1 269

Services aux entreprises

ETI

219 614 608

680

Services aux entreprises

GRANDES

166 722 807

389

TIC

TPE

555 710

73

TIC

PME

8 487 742

211

TIC

ETI

17 708 913

69

Autres secteurs

TPE

7 740 857

316

Autres secteurs

PME

85 457 405

1 605

Autres secteurs

ETI

360 856 992

904

Autres secteurs

GRANDES

251 861 987

26

NA

PME

287 699

5

NA

ETI

14 000

1

NA

NA

8 460 213

190

Total

1 720 480 958

12 259

Source : Bpifrance

2. Un profil de bénéficiaires qui illustre les besoins des entreprises

Le profil des bénéficiaires de l'offre de préfinancement de Bpifrance permet de cerner les besoins des entreprises selon leurs caractéristiques.

Ainsi, en considérant les montants préfinancés par secteurs d'activité, on peut constater une forte représentation des services aux entreprises ainsi que de l'industrie, loin devant le secteur du commerce. Cette répartition, visible dans le diagramme ci-après, n'est pas la même que celle des créances .

Le secteur industriel , quasi équivalent au secteur commercial en termes de créances, est près de deux fois plus concerné par le préfinancement . On constate également dans les répartitions que la différence semble particulièrement sensible au niveau des grandes entreprises.

Il est également utile de constater dans cette répartition la sous-représentation du secteur de la grande distribution, non détaillé ici mais inscrit au sein du secteur commercial, révélant souvent l'absence de besoin de trésorerie de ce secteur.

Répartition des préfinancements A+ octroyés par Bpifrance en 2015,
par secteur d'activité

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par Bpifrance

L'analyse de la répartition des préfinancements par taille d'entreprise est également instructive. Les deux diagrammes ci-après montrent bien une logique en miroir inversé entre le nombre de bénéficiaires et les montants dégagés. Les TPE et PME dominent très largement le nombre de dossiers traités, couvrant plus des trois quarts des demandes de préfinancement auprès de Bpifrance. Cependant, ces deux catégories ne représentent ensemble qu' à peine 20 % des montants engagés par l'institution publique.

Répartition des préfinancements A+ octroyés par Bpifrance en 2015,
par taille d'entreprise

(en montant)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par Bpifrance

Répartition des préfinancements A+ octroyés par Bpifrance en 2015,
par taille d'entreprise

(en nombre de dossiers)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par Bpifrance

L'intérêt des entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises pour le préfinancement auprès de Bpifrance est essentiellement celui des grandes entreprises déficitaires , ne pouvant imputer le CICE sur leur impôt sur les sociétés, ne pouvant en demander une restitution immédiate et devant donc potentiellement attendre l'année n+4 avant de bénéficier de leur créance de l'année n. Cela explique sans doute leur représentation en termes de montants alloués par Bpifrance.

La répartition des bénéficiaires et la forte représentation des petites entreprises d'une part et du secteur industriel d'autre part montrent bien la pertinence de l'institution. Elle est également renforcée par la situation des bénéficiaires : Bpifrance fait état de nombre d'entreprises dans une situation de grande fragilité . Ces éléments confirment la nécessité d'une telle banque publique au service de l'économie.

3. Un dispositif coûteux et parfois risqué pour Bpifrance

La mission de préfinancement d'un tel dispositif fiscal n'était pas prévue à la création de Bpifrance. Le préfinancement du CICE est venu s'ajouter aux autres missions, nécessitant la création d'un nouveau produit financier, la mobilisation d'équipes sur des tâches supplémentaires. L'amplification du dispositif par son ouverture aux petites entreprises a nécessité des personnels supplémentaires et une gestion plus lourde. De plus, la mobilisation autour des opérations liées au préfinancement du CICE fait l'objet d'une grande saisonnalité. D'un point de vue financier, le coût du préfinancement est à mettre en comparaison avec les faibles frais demandés par Bpifrance. Ainsi, l e bilan économique et financier de cette mission s'avère très difficile à dresser pour Bpifrance. Si l'équilibre financier global devrait être respecté , ce résultat est essentiellement dû aux grandes entreprises, compensant le résultat relativement négatif lié aux petites.

Aussi, des risques ont été soulignés par Bpifrance sur cette mission, notamment dans les cas de contentieux d'entreprises. Lors de liquidations, la récupération des déclarations et pièces justificatives a pu se révéler difficile, mettant en péril le recouvrement de la créance. Les services de l'État ont pu depuis 2015 simplifier les démarches et l'arrêt des comptes n'est plus nécessaire, les mandataires sociaux pouvant ainsi transmettre uniquement une déclaration. Selon Bpifrance, les montants non recouvrés ont représenté des montants importants . En 2015, ce sont 30 millions d'euros de créances qui n'auraient pu être recouvrés, conduisant à un resserrement de la politique du risque en 2015. Les simplifications apportées par l'État ont cependant permis un nouvel assouplissement de la politique du risque.

4. Une fine connaissance du paysage industriel et commercial français

La mission assumée par Bpifrance et ses directions régionales dans le cadre du préfinancement du CICE a montré la pleine pertinence de cette institution financière publique . Il a également été une réelle vitrine pour cette « nouvelle » banque publique, avec des retours très favorables en termes d'image de la part du secteur économique et notamment des petites entreprises. Bpifrance a acquis avec cette mission une connaissance et une expérience précises du paysage industriel et commercial français.

Au-delà du rôle national moteur que doit conserver Bpifrance, cette expérience montre la pertinence de banques publiques territoriales , à l'échelon régional, en complément de Bpifrance. Plus que des directions régionales de Bpifrance, un réseau de banques publiques territoriales doit se constituer. Elles s'appuieraient sur une connaissance des réseaux et spécificités locaux. Véritables interlocutrices des entreprises, intégrées aux politiques publiques locales, de telles structures ont pleine vocation à s'insérer dans des logiques de développement régional.

Recommandation n° 4 : Créer, en complément de Bpifrance, un réseau territorial de banques publiques d'investissement, véritables BPI régionales, proches des collectivités locales et des tissus industriels et commerciaux, ayant notamment pour mission de répondre aux besoins de trésorerie et de financement des TPE-PME.

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