III. UNE GESTION LOURDE POUR LES SERVICES FISCAUX, UN CONTRÔLE LIMITÉ

A. PRIORITÉ DEMANDÉE AUX SERVICES FISCAUX, LE CICE MOBILISE DES MOYENS IMPORTANTS AU DÉTRIMENT DES AUTRES TÂCHES

1. Une gestion complexe des créances

À partir de 2013, il a été demandé aux services fiscaux de donner la priorité à la gestion du CICE . Le CICE est géré par le service des impôts des particuliers pour les entreprises imposées par l'impôt sur le revenu et par le service des impôts des entreprises pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, soit l'extrême majorité de la créance. Les traitements de demandes de remboursement de CICE sont de la compétence exclusive des services des impôts des entreprises.

Alors que les services étaient auparavant organisés selon le calendrier fiscal, la gestion se fait désormais par impôt, priorité étant donnée à certains. Aussi, contrairement à d'autres dispositifs fiscaux mis en place dans les dernières années, le CICE concerne énormément de bénéficiaires. La complexité de la gestion du CICE réside notamment dans le nombre très important de dossiers et des outils peu adaptés, notamment dans les comparaisons aux données sociales fournies pour comparer la cohérence de la créance.

Le cas des dossiers de préfinancement montre la complexité du dispositif pour des services fiscaux qui n'ont pas vu de moyens supplémentaires leur être apportés. En effet, un préfinancement concerne souvent une créance en germe , non encore déclarée, engendrant un processus lourd pour un service des impôts. Pas moins d'une douzaine d'étapes sont requises dans la gestion d'un dossier de préfinancement par un service des impôts des entreprises.

Étapes nécessaires au traitement d'un dossier de préfinancement(par Bpifrance) par un service des impôts des entreprises

Après notification par Bpifrance d'une cession de créance par une entreprise :

- création de la créance dans le dossier de l'entreprise ;

- déclaration dans le système de la cession de la créance - nantissement ;

- envoi d'un certificat à Bpifrance ;

- attente de la déclaration de résultat de la société ;

- engagement du schéma de contrôle pour la restitution ;

- levée du nantissement et éventuelle notification de la créance ;

- création de l'opposition de Bpifrance ;

- enregistrement de la réclamation et de la décision ;

- retrait de la créance du dossier de la société ;

- transmission au service comptable pour la restitution ;

- dans le cas d'une créance supérieure à l'estimation : deux opérations supplémentaires, pour Bpifrance d'une part, pour l'entreprise d'autre part.

Les services des impôts font état d'une bonne communication avec Bpifrance , les relations entretenues permettant de résoudre d'éventuels problèmes légers. Cependant, alors même que Bpifrance représentait l'immense majorité des dossiers de préfinancement, le fait d'avoir un seul organisme n'a pas été un gage de simplicité pour les services fiscaux. En effet, chaque créance nécessite par exemple un nouveau numéro de compte à saisir à l'intention de Bpifrance par exemple, comme s'il y avait eu un organisme différent par créance.

La complexité de la gestion a occasionné des mobilisations de personnels parfois exclusivement occupés par le CICE sur des périodes prolongées, sans allègement des tâches déjà prévues.

Si le préfinancement est une opportunité budgétaire pour l'État, qui ambitionne de mobiliser les effets d'un dispositif fiscal en engageant son coût budgétaire de manière décalée, il pèse lourdement sur les services fiscaux .

2. Des services fiscaux sous tension

Les difficultés de gestion des services fiscaux depuis plusieurs années ne peuvent être occultées. Elles sont visibles avec l'indicateur 1.1 de la mission « Remboursements et dégrèvements » qu'est l'évolution du taux des demandes de remboursement d'excédents d'impôt sur les sociétés qui ont reçu une suite favorable dans un délai inférieur à trente jours. Comme le montre le graphique ci-après, ce taux a significativement diminué en 2014, soit au moment de la mise en place du CICE, et ne se rétablit que partiellement en 2015. Alors qu'il se maintenait depuis 2008 à un niveau supérieur à 93 %, il s'élève désormais à 87,9 %.

Évolution de la composante IS de l'indicateur 1.1 du programme 200

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le comité de suivi du CICE indique ainsi dans son rapport de 2015 que l'année 2014 a constitué « une période d'apprentissage et d'expérimentation pour les administrations en charge de gérer le déploiement du CICE » . Le rapport annuel de performances de la mission « Remboursements et dégrèvements » pour l'exercice 2014 indiquait que « cet infléchissement peut s'expliquer par la mise en place du CICE (...) : ce nouveau crédit d'impôt a conduit au dépôt de plus de 560 000 nouvelles déclarations dans les services de la DGFiP au cours de l'année 2014 ». En d'autres termes, la création du CICE a déstabilisé le suivi d'autres dispositifs fiscaux.

L'adéquation entre les moyens humains et matériels des services de la direction générale des finances publiques et les objectifs qui lui sont fixés doit également être analysée. Le rapport annuel de performances de l'exercice 2015 souligne la mobilisation des services pour atteindre un niveau satisfaisant de l'indicateur 1.1, « en dépit du nombre important de demandes de remboursement de crédit de TVA traitées et de l'importance structurelle de la gestion du CICE ». La capacité des services à assumer sur le long terme des tâches plus nombreuses et plus denses doit être surveillée, alors même que votre rapporteure spéciale soulignait déjà, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » en projet de loi de finances pour 2016, l'impact du CICE sur l'administration fiscale.

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