B. DES THÉÂTRES D'OPÉRATION ÉPROUVANTS

1. Des théâtres difficiles par leurs caractéristiques physiques

En outre, ces théâtres, notamment la BSS et le Levant, sont situés dans des zones climatiques et géographiques particulièrement rudes en raison de leurs caractéristiques : une chaleur élevée excédant parfois 50°, une présence abondante de sable et de poussière, des vents de forte intensité, des terrains cassants et des roches coupantes.

Ces conditions éprouvent les personnels et les matériels déployés.

Certains de ces théâtres en Afrique, notamment en BSS et en RCA, ne disposent pas d'infrastructures routières solides avec un revêtement en dur. Cela ralentit les communications et fragilise les matériels.

En Centrafrique, la saison des pluies et l'absence de réseau routier rendent les déplacements très difficiles et même impossibles dans certaines zones et à certaines périodes, contribuant à leur isolement.

2. Des théâtres dans lesquels l'approvisionnement local est difficile

En BSS, les approvisionnements en produits locaux, pour l'alimentation notamment, sont difficiles à la fois en raison de leur rareté, de l'absence de diversité, mais aussi parfois pour des raisons sanitaires.

L'approvisionnement en eau, dont la consommation est élevée pour les combattants dans les conditions de chaleur de ces régions, est un problème important. L'approvisionnement dans les puits ou à partir des nappes utilisées par les populations locales en situation de stress hydrique est malvenu ou conditionnée à la réalisation d'infrastructures dans le cadre des opérations civilo-militaires. Les forces ont donc principalement recours pour l'eau de consommation à de l'eau embouteillée achetée localement ou dans les pays voisins ou transportée depuis la France. Ces approvisionnements et leur sécurisation sont une préoccupation majeure en BSS.

Ce peut être le cas également pour les carburants, certains matériels exigeant des produits spécifiques.

3. Des contraintes supplémentaires

Dans ces conditions climatiques et géologiques difficiles (chaleur, vent de sable, dureté du terrain), les forces doivent être particulièrement endurantes, entraînées et aguerries. L'éloignement des zones de combats rend nécessaire une organisation spécifique du soutien santé.

a) Des conséquences pour les matériels engagés

Les conditions climatiques et géologiques, le caractère parfois très sommaire des réseaux routiers, les distances inhabituelles à parcourir, se traduisent par une usure accélérée des matériels roulants, notamment les châssis et les pneumatiques. L'EMA estime qu'une année en OPEX équivaut à la consommation de potentiel de 2,5 années en métropole pour le matériel terrestre.

La surintensité, notamment pour les matériels aéronautiques, entraîne une surconsommation des moteurs pour les hélicoptères, des hélices pour les avions de transport tactique, et des taux d'usure important sur les coques radar des avions de chasse ; pour le matériel terrestre, des phénomènes de surchauffe, d'oxydation et de corrosion, une surconsommation de durites, de flexibles de piles, de batteries et de pneumatiques, ainsi que des ruptures mécaniques sont observés.

En outre, le tempo opérationnel et les distances à parcourir entraînent une suractivité élevée. Un véhicule de l'avant blindé (VAB) déployé dans le cadre de l'opération Serval était susceptible de parcourir, en un mois, une distance six à sept fois plus importante que dans la cadre de l'opération Pamir en Afghanistan et 200 fois plus qu'en métropole. Au retour d'opérations de longue durée, il est fréquent qu'une proportion non négligeable des matériels engagés (30 à 40 %) nécessite des opérations curatives plus ou moins profondes.

Compte tenu de l'intensification des frappes au Levant depuis les attentats du 13 novembre 2015 et de l'éloignement des bases des zones de combat, les M2000D en Jordanie quintuplent leur activité par rapport à la métropole, pouvant parfois dépasser les 100 heures de vol par mois 113 ( * ) .

Ces conditions peuvent avoir pour conséquence une indisponibilité complète du matériel dans certaines conditions et pour certaines missions. Le déploiement de matériel sophistiqué présente parfois des contraintes fortes en termes de robustesse dans des conditions climatiques et géologiques particulières. C'est ainsi que certains matériels de communication important pour la conduite des opérations connaissent des pannes récurrentes au-delà d'une certaine température. Les hélicoptères Caracal ne sont toujours pas en mesure d'être déployés à Madama en raison du caractère extrêmement abrasif du sable présent dans cette région pour leur moteur, malgré les améliorations des systèmes de filtrage mis en oeuvre depuis les observations de votre commission sur le renforcement des forces spéciales 115 ( * ) .

b) Une chaîne logistique adaptée

La contrainte sur les approvisionnements, notamment en produits alimentaires, obligent à l'instauration d'une organisation spécifique, en régie au plus près des zones de combat, ou déléguée à l'Economat des armées ou exceptionnellement à des opérateurs privés 116 ( * ) sur les implantations sécurisées, sur la base de contrats avec des fournisseurs locaux (produits frais, produits secs) ou de métropole et une organisation logistique pour les transports avec des affrètements privés sur les axes sécurisés et des transports tactiques militaires pour l'approvisionnement de certaines bases avancées temporaires, - l'alimentation en ration militaire de combat constituant la base de la nourriture dans certaines enceintes.


* 113 Dans leur rapport sur les conséquences du rythme des opérations extérieures sur le maintien en condition opérationnelle des matériels 114 , les députés Alain Marty et Marie Récalde indiquent que, sur la base aérienne projetée en Jordanie, chaque avion du détachement de chasse effectue en moyenne 72 heures de vol par mois contre 21 heures en métropole, soit une activité 3,4 fois supérieure. Assemblée nationale, n° 3323 décembre 2015.

* 115 http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-525-notice.html - Rapport d'information n° 525 (2013-2014) de MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier et Gérard Larcher.

* 116 Cas spécifique de la base avancée d'Aguelal visitée par le groupe de travail qui reçoit ses repas du traiteur servant les mines d'Arlit, proche.

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