IV. UN PROCESSUS DE TRANSITION POLITIQUE DIFFICILE À METTRE EN PLACE

A. LA CRISE RÉSULTE SOUVENT DES DÉFAILLANCES DU POUVOIR POLITIQUE EN PLACE

Les différentes crises auxquelles la France a dû chercher, par une opération militaire, à apporter une solution ont toutes pour origine une défaillance du pouvoir politique en place qui s'abstient de mettre en oeuvre des politiques suffisamment inclusives, se désintéresse voire opprime une partie de la population sur des bases souvent ethniques, claniques ou religieuses ou laisse se développer des phénomènes de corruption et de clientélisme qui favorise le développement d'activités économiques illégales et prédatrices, quand il ne ruine pas le développement économique d'un pays dans son ensemble.

Ces pratiques sont d'autant plus sensibles qu'il s'agit d'États fragiles, souffrant de sous-développement économique, d'une démographie incontrôlée et peu résilients aux catastrophes naturelles ou climatiques (sécheresse).

En Côte d'Ivoire , la crise est née d'une rébellion au sein des populations du Nord qui se sentaient mal représentées et le conflit a connu une recrudescence au moment où le président sortant Laurent Gbagbo a refusé le résultat d'une élection présidentielle dont il avait fini par accepter l'organisation après en avoir reculé la date à plusieurs reprises.

En Libye , c'est bien, dans le contexte des printemps arabes, une révolte de la population des villes contre la dictature de Kadhafi, arrivé au pouvoir en 1969 par un coup d'état et dans un pays sans véritable structure étatique nationale traversé par des multiples divisions que se trouve le fait déclencheur de la crise.

Au Mali , l'incapacité pour le président ATT de contrôler la situation dans le nord où les populations isolées de l'Azawad, en conflit ancestral avec celles du sud plus nombreuses trouve dans le renforcement qu'elles reçoivent en armes et en hommes suite à la chute de Kadhafi en Libye, l'opportunité d'une nouvelle révolte irrédentiste, conduit à un coup d'état militaire et à une situation de crise à Bamako. La rébellion du nord, elle-même divisée entre le MNLA indépendantiste traditionnel et des groupes salafistes dont certains affiliés AQMI s'empare des grandes villes de la boucle du Niger.

L'histoire de la Centrafrique est marquée par une série de coups d'État et de fréquentes révoltes des populations du nord et de l'est, la pauvreté est chronique et les dirigeants politiques n'ont pas été capables de faire progresser le pays dans la voie du développement économique. Le contexte immédiat de l'opération est celui de l'effondrement du pouvoir du président Bozizé, qui avait accédé à cette fonction en 2003 à la suite d'un coup d'état, remis en cause par une rébellion armée persistante depuis le nord du pays. Après une accalmie entre 2007 et 2012 à la suite d'un accord politique, la rébellion avait repris les hostilités autour d'une alliance (Séléka en sango).

En décembre 2011, la Séléka s'approche de Bangui. Un nouvel accord de paix est signé à Libreville en janvier 2013. Il maintient Bozizé au pouvoir et installe le leader de l'opposition Djotodjia, au poste du Premier ministre.

La prise de Bangui le 24 mars 2013 par la coalition Séléka issue du nord-est du pays, sa domination brutale sur le pays, la chute du président Bozizé remplacé par le président auto-proclamé Michel Djotodjia, puis l'émergence en réaction du mouvement anti-balaka, ont ouvert une crise aiguë en RCA.

En Irak , après la chute de Saddam Hussein dans la guerre menée par la coalition dirigée par les États-Unis, la majorité chiite domine le gouvernement insuffisamment inclusif dirigé par Nouri Al-Maliki, et le Parlement, laissant cependant une grande autonomie à la région du Kurdistan irakien au nord. La minorité sunnite qui détenait le pouvoir sous Saddam Hussein n'est pas suffisamment associée. Ceci va conduire peu à peu à une insurrection des tribus sunnites. L'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech), groupe terroriste au départ de la mouvance Al Qaeda, mais qui a pris son autonomie, va s'appuyer sur cette insurrection pour accroître sa progression territoriale. Ce groupe se renforce, étend son influence et ses actions en Syrie en proie à une guerre civile et va conduire une offensive au printemps 2014 pour prendre le contrôle de nombreuses villes dont Mossoul en juin.

En Syrie , le refus du président Bachar Al-Assad d'entamer un dialogue avec l'opposition à la suite des manifestations dans la foulée du mouvement dit des « Printemps arabes » en mars 2011 et la répression des manifestants va conduire à une guerre civile. Les groupes les plus radicaux dont Daech vont prendre le contrôle d'une partie du territoire notamment dans l'est du pays. Ce groupe qui a recruté de nombreux combattants étrangers s'oppose aussi bien aux forces fidèles à Bachar qu'aux autres groupes de l'opposition syrienne et aux groupes kurdes.

L'intervention militaire, même sur la requête du gouvernement en place, a pour objectif de restaurer l'ordre et la sécurité et de protéger les populations civiles. Elle conduit à un changement dans le rapport des forces en présence, mais elle fournit aussi l'occasion, pour la diplomatie française et internationale, de peser sur les dirigeants pour mettre en oeuvre une politique plus inclusive qui ne soit pas le retour au statu quo ante, en partie responsable de la crise. Il y a donc, quand cela est possible, la mise en place de gouvernements plus inclusifs ou de processus de transition débouchant sur de nouvelles élections.

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