II. UN CONTRÔLE A RÉAFFERMIR

Au-delà de la procédure spécifique prévue par l'article 35 de la Constitution, le Parlement dispose de ses moyens d'information et de contrôle traditionnels. De fait, l'information et le contrôle se trouvent concentrés au sein des commissions chargées de la défense et des forces armées ou des affaires étrangères, et entre les mains des rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « défense » des commissions des finances, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Le législateur, dans la loi de programmation militaire 2014-2019 du 18 décembre 2013, a introduit un dispositif 329 ( * ) qui prévoit que « les opérations extérieures en cours font, chaque année, l'objet d'un débat au Parlement . Le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours. » Ces dispositions n'ont pas été mises en oeuvre ni en 2014, ni en 2015.

Le groupe de travail ne peut que le regretter, d'une part, parce qu'il permettrait un véritable échange sur des interventions autorisées depuis plusieurs années, et qui ne font pas l'objet d'une information systématique, certaines ayant évolué sensiblement dans leurs objectifs, leurs périmètres et les moyens affectés, d'autre part, parce que nos armées qui agissent pour défendre nos valeurs et notre politique étrangère doivent pouvoir bénéficier régulièrement du soutien explicite de la souveraineté nationale et du pays tout entier même s'il n'est pas sanctionné par un vote. Ce qui vaut pour la prolongation d'une intervention, quelques mois après son engagement, vaut tout autant lorsque ces interventions perdurent. Au-delà du contrôle, c'est aussi un soutien pour le Président de la République et pour nos forces armées elles-mêmes.

Proposition : Mettre en oeuvre les dispositions de l'article 4 de la Loi de programmation militaire 2014-2019.

La préparation de ce débat annuel aura une influence sur les méthodes de travail des commissions parlementaires chargées de la défense et fera émerger progressivement une méthodologie de contrôle des OPEX.

A l'heure actuelle, l'information des commissions parlementaires résultent des auditions qu'elles organisent régulièrement des ministres des affaires étrangères et de la défense, ainsi que des chefs d'état-major et autres commandants militaires. Le cadre restreint de ces auditions, parfois à huis clos, permettent d'obtenir une information plus précise et plus complète. Elles organisent également des missions d'informations et des groupes de travail sur les opérations militaires en cours, qui associent parlementaires de la majorité comme de l'opposition qui donnent lieu à la publication de rapports d'information. Enfin, les membres de ces commissions, dans le cadre de ces groupes de travail et missions d'information, mais aussi dans le cadre de leurs travaux de rapporteurs pour avis du budget de la défense et dans le cadre plus général de l'information de la commission, effectuent des déplacements sur le terrain à la rencontre des militaires engagés en OPEX. La récurrence de ces travaux leur permet de développer certaines compétences et capacités à faire des recommandations au Gouvernement à partir de leurs observations.

Pour autant, les contrôles plus occasionnels que systématiques, plus circonscrits à une thématique précise (le MCO, les forces spéciales) ou à un théâtre (Mali), sont aléatoires dans leur périodicité. Ils permettent de traiter de façon approfondie et rigoureuse certaines questions et de proposer des remédiations souvent efficaces aux dysfonctionnements observés. S'ils restent indispensables, ils ne permettent guère une mise en perspective et une vue d'ensemble qui embrasse tous les aspects des opérations et les problématiques propres à des engagements simultanés sur plusieurs théâtres. Ils abordent souvent les questions à travers le prisme militaire alors que les questions soulevées par les crises actuelles exigent des réponses au-delà de la simple action des forces armées.

C'est le plus souvent dans le suivi et la durée, dans un dialogue permanent avec l'exécutif, que les commissions sont en mesure d'influencer la politique suivie. Encore faudrait-il qu'elles disposent d'un cadre méthodologique plus éprouvé et d'un dialogue avec l'exécutif fondé sur des rendez-vous réguliers et la communication d'informations plus complètes. C'est ce qui est théoriquement prévu dans le cadre de la LPM.

C'est à cette tâche que le groupe de travail a essayé de s'atteler avec la difficulté de son ampleur, de délais courts, de contraintes propres à l'organisation de déplacements sur le terrain, mais surtout de la difficulté à élaborer au préalable une méthodologie et des indicateurs pertinents dans des domaines où l'appréciation est complexe. Modestement, sa contribution doit être considérée comme une esquisse.

Les commissions concernées auraient tout intérêt, à l'avenir, si elles souhaitent assurer un suivi de ces questions importantes, de se doter d'une telle méthodologie à établir avec leurs interlocuteurs de l'exécutif et sous la conduite d'un ou de plusieurs parlementaires disposant d'une mission permanente de l'ordre de celle des rapporteurs pour avis du projet de loi de finances. Ils pourraient en outre es-qualité être habilités à se faire communiquer, dans la limite du besoin d'en connaître, des informations couvertes par le secret de la défense nationale, à l'instar des parlementaires membres d'autres instances.

Proposition : Construire une méthodologie d'évaluation et de contrôle des opérations extérieures et mettre en place, au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un rapporteur ou des rapporteurs permanents chargés de préparer un débat annuel sur les OPEX.


* 329 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale - Article 4.

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