TITRE 2 - UN CADRE GLOBALEMENT RESPECTÉ

Les Livres blancs de 2008 et 2013, comme les lois de programmation qui s'ensuivent, définissent un cadre conceptuel des interventions. Ce cadre apporte une réponse à l'analyse des menaces et des opportunités. Il fixe, en règle générale, les objectifs des interventions, les zones géographiques dans lesquelles elles sont susceptibles d'être prioritairement réalisées, le cadre légal et les modalités envisageables de mise en oeuvre.

Les opérations mises en oeuvre depuis 2008 respectent globalement ce cadre, défini de façon peu contraignante, afin de laisser au Président de la République une grande liberté d'appréciation et de décision. Il conviendra néanmoins de définir comme s'y étaient risqués les rédacteurs du Livre blanc de 2008 et, dans une moindre mesure, ceux du Livre blanc de 2013, d'exposer des principes directeurs susceptibles de guider la décision d'intervention qui, à défaut de limiter l'autonomie du Président de la République, peuvent constituer une base méthodologique, dans le cadre de l'établissement d'un bilan.

I. LES OBJECTIFS ET FINALITÉS

A. LIVRE BLANC 2008 : UNE DOUBLE FINALITÉ D'INTERVENTION ET L'ESQUISSE D'UNE APPROCHE CIVILO-MILITAIRE

Le Livre blanc de 2008 22 ( * ) considère l'intervention à l'extérieur du territoire national comme « un mode d'action essentiel de nos forces armées ». « La capacité d'intervention doit permettre de garantir nos intérêts stratégiques et d'assumer nos responsabilités internationales. Il convient d'en prévoir la possibilité sur tout l'éventail possible des actions à distance du territoire national » (...).

L'incertitude de l'environnement international conduit à envisager l'engagement de la France dans deux catégories de circonstances :

- une guerre entre États qui ne peut être exclue malgré l'apaisement des tensions issues depuis la fin de la Guerre froide. « Cette perspective demeurera donc un facteur déterminant pour notre effort de défense, pour les objectifs assignés aux armées et pour la nature de nos capacités et équipements » ;

- les missions de stabilisation et de gestion de crise qui sont envisagées comme « l'un des cadres d'emploi privilégiés de nos forces armées dans les années à venir ». « L'adaptation de nos forces aux nouvelles caractéristiques de ce type d'opération, leur doctrine, leur entraînement et leur équipement doivent donc recevoir une attention particulière » .

La définition et le dimensionnement des capacités d'intervention sont fondés pour les quinze ans à venir sur cette double hypothèse. « Cet objectif conduit à écarter une organisation des armées qui aurait été ordonnée autour des seules missions de stabilisation. »

S'agissant des opérations militaires, le Livre blanc 23 ( * ) exclut à l'horizon prévisible des opérations strictement militaires sur le territoire national, « en dehors de l'appui à des opérations de gestion de crise consécutives, par exemple, à des attaques terroristes, ou à une catastrophe naturelle ou technologique ». « C'est donc à distance du territoire national que les forces armées continueront à mener des opérations en défense de nos intérêts de sécurité et en soutien de l'action politique et diplomatique de la nation ». Selon toute vraisemblance, ces opérations continueront à relever de deux grandes catégories :

• les opérations de stabilisation , opérations très différenciées d'interposition entre belligérants, de stabilisation, consécutives à des conflits internes, de sécurisation de pays ou de régions, relevant de la responsabilité de protéger 24 ( * ) ;

• les opérations de force de grande ampleur . L'opération elle-même comporte généralement une phase aiguë, de coercition, suivie d'une phase de stabilisation progressive qui peut s'étendre sur des années 25 ( * ) .

• Le Livre blanc précise qu' « il n'y a pas de césure stricte entre ces deux types d'opérations ». Une opération majeure peut être suivie d'une opération de stabilisation ou une opération de stabilisation connaître une flambée de violence. Quel que soit le type d'opération, la force déployée doit « rester en mesure d'adapter sa posture au contexte et de mener simultanément des actions ponctuelles de combat de haute intensité, de sécurisation de zone, ou de secours aux populations » 26 ( * ) .

• Il envisage également des opérations mixtes, civiles et militaires hors du territoire national. Le cas le plus courant est celui d'opérations qui accompagnent ou prolongent une action militaire, notamment pour la reconstruction ou la consolidation de la paix. La coupure entre les opérations militaires, les guerres et les opérations civiles et civilo-militaires s'est estompée, depuis la fin de la guerre froide, de telle sorte « qu'il n'est plus guère possible de concevoir une opération militaire qui ne serait pas accompagnée d'une action civile ».

• Enfin, même s'il n'en tire aucune conséquence explicite sur la finalité des interventions, le Livre blanc de 2008 met l'accent sur la continuité entre sécurité intérieure et sécurité extérieure , ce qui justifie qu'il englobe pour la première fois Défense et Sécurité nationale . La distinction traditionnelle n'est plus pertinente 27 ( * ) . « Une telle continuité revêt désormais une dimension stratégique dont il est urgent que la France et l'Europe tirent toute les conséquences. Elle implique la définition de stratégies d'ensemble, intégrant les différentes dimensions de la sécurité dans une même approche 28 ( * ) ».


* 22 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale p. 73 - Odile Jacob et La documentation française juin 2008.

* 23 Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale p. 129 et suiv. Odile Jacob et La documentation française, juin 2008.

* 24 « La France devrait rester un contributeur très sollicité. Sa participation aux opérations devra respecter les principes directeurs énoncés précédemment (chapitre 3). Elle impliquera généralement des contingents relativement limités (de l'ordre de 1 000 à 5 000 militaires, sans compter les moyens navals et aériens). Les forces armées auront à déployer et entretenir des contingents de ce type sur plusieurs théâtres, dans des zones géographiques lointaines, souvent peu accessibles, aux caractéristiques physiques, humaines et économiques difficiles. Ces opérations s'inscrivent dans un temps long et connaissent de fortes évolutions, qui nécessitent sur place une adaptation permanente du dispositif, et, par contrecoup, une adaptation dans l'économie générale des déploiements français. Deux risques devront être sans cesse circonscrits : le recours à des unités combattantes en dehors de leur cadre d'emploi (par exemple dans des missions de police ou de maintien de l'ordre) et la dispersion excessive des moyens sur plusieurs théâtres. »

* 25 Le recours à une force militaire dans une guerre nécessite un délai de préparation et de déploiement de plusieurs mois.

* 26 Cette capacité d'adaptation permanente explique pourquoi la France ne fait pas le choix de la spécialisation de ses forces, mais vise la polyvalence. Le critère du nombre - effectifs et équipements - demeure pertinent et ne peut être entièrement compensé par la qualité.

Rapproché du constat du durcissement des conflits, accroissant les risques pesant sur les forces au contact, il nécessite de poursuivre l'effort sur la protection et la capacité offensive des forces françaises - notamment à distance - afin qu'elles conservent leur liberté d'action.

L'aptitude à durer dans les engagements découle de la faculté d'adaptation des moyens disponibles - ainsi que d'une redondance raisonnable -, de leur adaptation aux contextes prévisibles et, en définitive, de la qualité des hommes et des femmes au combat ainsi que de leur entraînement.

* 27 « Le terrorisme agit sur les territoires des pays européens à partir d'implantations multiples, tout en cherchant à infiltrer les sociétés françaises et européennes. La criminalité organisée exploite les avantages de la mondialisation et l'effacement des frontières. La sécurité énergétique ne peut se concevoir qu'à l'échelle globale. La vulnérabilité des systèmes d'information n'a ni territoire, ni frontière. Il en va de même des risques naturels et sanitaires ».

* 28 Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale p. 57. Odile Jacob et La documentation française juin 2008.

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