PREMIÈRE PARTIE - LES OPEX : UN COÛT DURABLEMENT ÉLEVÉ, UNE BUDGÉTISATION INSINCÈRE

I. LES ARMÉES FRANÇAISES SONT ENGAGÉES DANS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES D'UNE DURÉE ET D'UNE INTENSITÉ EXCEPTIONNELLES

A. DÉFINITION DES OPEX

1. Les OPEX se distinguent des autres « services hors métropole »

Le ministère de la défense définit les opérations extérieures comme des « interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire national ». Or cette définition recouvre, dans les faits, un champ beaucoup plus large que celui des seules opérations extérieures. Les armées françaises sont appelées à exercer trois types de missions hors des frontières nationales :

- les forces de présence . Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rappelle ainsi que « la prévention des crises qui affectent notre environnement inclut des actions diversifiées [...] Dans cette perspective, la France s'appuiera notamment sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes et sur des moyens prépositionnés » . Stationnées à Djibouti, au Gabon, au Sénégal, en Côte-d'Ivoire et aux Émirats-Arabes unis, les forces de présence jouent un rôle de premier plan : réservoirs de force en cas de survenance d'une crise, participation à la stabilité des régions dans lesquelles elles sont présentes, participation aux activités de coopération opérationnelle régionale , défense des français, du territoire national et des intérêts de la France ;

- les opérations extérieures stricto sensu . Les opérations extérieures procèdent d'une décision du président de la République. La nature et le cadre spatio-temporel d'une opération extérieure éligible aux surcoûts OPEX sont définis lors d'un conseil de défense et de sécurité nationale décisionnel. Cette décision fait ensuite l'objet d'une traduction dans l'ordre d'opération (plus précisément dans la directive administrative et logistique, qui fixe les modalités administratives, logistiques, financières, juridiques et techniques de chaque opération) rédigée et diffusée par l'état-major des armées. Ainsi, les opérations d'évacuation au Yémen en avril 2015 n'ont pas été définies comme OPEX ;

- les opérations, généralement ponctuelles, n'ayant pas fait l'objet d'une ouverture par voie formelle.

Au sein des services dits « hors métropole », il convient en outre de distinguer les forces implantées dans les départements et collectivités d'outre-mer (Antilles, Guyane, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Océan Indien). On parle alors de « forces de souveraineté » . Réparties en trois théâtres (Caraïbes, Pacifique et Océan Indien), elles assurent des missions très variées (lutte contre le trafic de drogue et l'orpaillage illégal en Guyane, sécurisation des voies de navigation et lutte contre la piraterie et le trafic d'êtres humains dans l'Océan Indien, etc.).

En juin 2016, les opérations extérieures et les forces prépositionnées (forces de présence et forces de souveraineté) représentaient un total de près de 17 500 soldats .

Carte des opérations et missions militaires en juin 2016

Source : ministère de la défense

2. Une notion recouvrant des réalités extrêmement variables

L'expression « opérations extérieures » recouvre des réalités très différentes tenant à l'organisation de la chaîne de commandement , qui peut être nationale ou multinationale (par exemple, placée sous commandement de l'Organisation des Nations unies, comme cela est le cas pour l'opération Daman au Liban), à la durée de celles-ci (allant de plusieurs semaines à plusieurs années, voire décennies), au format des forces engagées (17 000 militaires lors de la première guerre du Golfe, contre environ un millier pour les opérations Sangaris, Chammal et Daman), ou encore à la grande diversité des théâtres d'opération (Europe, Afrique, Moyen-Orient).

Les objectifs poursuivis par les opérations extérieures sont également très variables . Comme le rappelaient nos collègues députés Guy-Michel Chauveau et Hervé Gaymard dans un rapport d'information de 2015 2 ( * ) , « l'outil militaire a été utilisé pour une palette d'engagements variant, sur l'échelle du degré de coercition, de l'acheminement d'aide humanitaire (Orcaella, Birmanie, 2008) à la guerre conventionnelle (guerre du Golfe), en passant par des missions d'observation (MONUIK, Koweït, 1991), de formation (Épidote, Afghanistan, 2002), d'interposition (Épaulard, Liban, 1982), de protection des ressortissants (Totem, Éthiopie, 1991)... En réalité, beaucoup d'opérations ont constitué un mélange de ces différentes formes d'engagements, menées à bien cumulativement ou successivement. Les engagements de la France en Afrique ont souvent comporté des volets coercition, protection des ressortissants, formation et conseil aux forces armées locales... L'archétype de ces engagements " multiformes " a sans doute été l'opération Épervier, conduite au Tchad entre 1986 et 2014 ».

Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 classe les opérations extérieures en deux catégories : les opérations de gestion de crise et les opérations de coercition (cf. encadré infra ).

Typologie des opérations extérieures

L'intervention extérieure de nos forces s'inscrit dans un triple objectif : assurer la protection de nos ressortissants à l'étranger ; défendre nos intérêts stratégiques, comme ceux de nos partenaires et alliés ; et exercer nos responsabilités internationales.

Selon le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, ces opérations continueront à relever de deux grandes catégories :

- les opérations de gestion de crise , visant à faire cesser les situations de violence, notamment en cas de déstabilisations régionales ou de défaillances d'États. Ces opérations de gestion de crise sont susceptibles de prendre des formes diverses, qu'il s'agisse de maintien de la paix, d'interposition, de sécurisation des approches maritimes ou aériennes d'États faillis, de lutte contre les trafics, la piraterie ou le terrorisme, d'assistance à un gouvernement ou de contre-insurrection. Leur objectif politique principal est de rétablir et de maintenir les conditions de sécurité nécessaires à une vie normale. Dans un processus difficile pouvant donner lieu à des pics de violence, il s'agit de contraindre les adversaires à déposer les armes, plus que de rechercher leur destruction. Ces opérations exigeront que nos forces puissent, dans tous les milieux, exercer le contrôle de vastes espaces, ce qui requiert un volume de forces suffisant. Elles se caractérisent par un engagement dans la durée, pouvant s'étaler de quelques mois à quelques années ;

- les opérations de coercition , dans un contexte de haute intensité, notamment dans l'hypothèse où une aggravation de la situation internationale les conduirait à affronter militairement les forces d'un État. Dans ces conflits conventionnels, l'action militaire visera à contraindre de vive force la volonté politique de l'adversaire, en neutralisant, par exemple par une campagne d'attrition, les sources de sa puissance. La mission des forces armées est envisagée sur une durée courte, pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois.

Source : ministère de la défense


* 2 « Engagement et diplomatie : quelle doctrine pour nos interventions militaires ? », rapport d'information n° 2777 présenté par MM. Guy-Michel Chauveau et Hervé Gaymard et fait au nom de la Commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 14 novembre 2012, Assemblée nationale, 20 mai 2015.

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