B. UNE ATTEINTE À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET À LA PLURALITÉ DE L'INFORMATION

Les opposants à la proposition de loi dénoncent pour leur part une grave atteinte à la liberté d'expression .

La proposition de loi a notamment suscité une réaction du président de la Conférence des évêques de France (CEF) qui en a appelé directement au Président de la République pour faire échec à ce texte. Il dénonce « un précédent grave de limitation de la liberté d'expression sur Internet » 26 ( * ) .

Il affirme également que la proposition de loi porte « une atteinte très grave aux principes de la démocratie » 27 ( * ) et qu'elle « met en cause les fondements de nos libertés et tout particulièrement de la liberté d'expression qui ne peut être à plusieurs vitesses selon les sujets ». La proposition « contribuerait à rendre [l'IVG] de moins en moins volontaire, c'est-à-dire de moins en moins libre ».

Pour sa part, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, fustige une proposition de loi qui relève selon lui de « la police des idées ».

Certains responsables des sites visés par la proposition de loi se sont exprimés dans la presse, estimant que le texte sera difficile à mettre en oeuvre et qu'il s'agit en tout état de cause d'une « entrave à la liberté d'expression» 28 ( * ) .

Par ailleurs, l'association pro-vie Alliance Vita a réuni 40 000  signatures dans une pétition contre la « censure gouvernementale ».

À l'Assemblée nationale, de nombreux amendements de suppression 29 ( * ) ont été déposés. On notera également un certain nombre d'amendements portant article additionnel après l'article unique et visant à remettre en cause le droit à l'IVG . Cela confirme la vigilance qui doit continuer à s'exercer pour protéger les droits sexuels et reproductifs .

Les principaux arguments évoqués contre cette proposition de loi sont les suivants :

- elle créerait un « véritable délit d'opinion » ;

- elle porte atteinte à la liberté d'expression. Sur ce point, la rapporteure du texte à l'Assemblée nationale a rappelé qu'en 1996, la Cour de cassation avait estimé que la liberté d'opinion et la liberté de manifester ses convictions pouvaient « être restreintes par des mesures nécessaires à la protection de la santé ou des droits d'autrui » 30 ( * ) .

- il existe une différence de nature entre le délit d'entrave institué en 1993 , qui visait des actes violents, et cette proposition d'extension à l'information numérique qui concerne des sites sur lesquels on ne trouve pas d'appel à la haine ou de déclarations diffamatoires . Ainsi, la consultation d'un site internet présentant une information différente ne peut pas être comparée aux « commandos anti-IVG » des années 1990 qui s'enchaînaient dans les hôpitaux ;

- la fiabilité des informations sur l'avortement ne peut être garantie sans la pluralité des sources d'information ;

- la rédaction est dangereusement générale , ce qui l'expose d'ailleurs à un grief d'inconstitutionnalité : le texte ne donne pas de définition claire des « allégations » ou des « indications » auxquelles il est fait référence.


* 26 Source : Bulletin Quotidien du mercredi 30 novembre 2016.

* 27 Source : Le Monde du mercredi 30 novembre.

* 28 Source : Le Monde du mercredi 30 novembre 2016.

* 29 Ils émanent notamment de MM. Poisson, Gosselin ou de Mme Maréchal-Le Pen.

* 30 Cour de cassation, chambre criminelle, 31 janvier 1996, 95-81.319, citée par Catherine Coutelle.

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