N° 193

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 décembre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les dispositifs d' hébergement d' urgence ,

Par M. Philippe DALLIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principaux constats

- La sous-budgétisation chronique des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence complexifie le travail des services déconcentrés de l'État et l'activité des structures gestionnaires, lesquelles sont même parfois amenées à couvrir temporairement les besoins de financement. Il faut souhaiter que le rebasage opéré dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 permette de revenir sur cette situation pour l'année à venir.

- Cette insincérité budgétaire a aussi contribué au déficit de pilotage de cette politique publique par ailleurs patent . En particulier, la « gestion dans l'urgence » de l'hébergement d'urgence conduit parfois au « sacrifice » de solutions plus qualitatives qui mériteraient pourtant d'être davantage développées.

La politique de l'hébergement d'urgence est très largement déconcentrée, avec des conditions de prises en charge variées selon les territoires.

- D' indéniables efforts ont été réalisés, au cours des dernières années, pour améliorer la prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées, en particulier avec l'augmentation des capacités du parc généraliste de l'hébergement d'urgence (30 000 places créées entre 2012 et 2015).

Toutefois, le recours aux nuitées d'hôtels constitue une grande part de cette augmentation puisqu'elles ont, elles-mêmes, doublé depuis 2012 , pour représenter 41 000 places en juin 2016. Ainsi, si le plan de réduction des nuitées hôtelières semble produire des effets, il permet uniquement de contenir la hausse.

- En outre, malgré le développement de l'offre de places disponibles, le secteur de l'hébergement d'urgence semble au bord de l'asphyxie , avec une demande sans cesse en progression, sous l'effet à la fois de la crise économique et de la hausse des demandeurs d'asile.

- La saturation des dispositifs d'hébergement d'urgence s'explique aussi par un taux de rotation trop faible sur les places existantes et le manque de solutions à la sortie pour les publics hébergés . La situation particulière des personnes à droits incomplets sur le territoire français, mériterait, à ce titre, d'être traitée plus particulièrement, alors que 50 % des nuitées d'hôtels à Paris seraient notamment occupées par des ménages dont l'un des membres serait dans cette situation.

- La priorité doit désormais être donnée, non plus nécessairement à la création de places nouvelles, mais à une plus grande rationalisation des coûts et à des solutions de « sortie » des dispositifs d'hébergement d'urgence .

Les principales recommandations

Recommandation n° 1 : Mettre un terme définitif à la sous-budgétisation initiale du budget consacré à l'hébergement d'urgence, afin de sécuriser le financement des dispositifs et permettre aux services déconcentrés une gestion plus efficace de leurs crédits au cours de l'année.

Recommandation n° 2 : Mettre fin à la sous-budgétisation chronique du programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration », pour éviter qu'un nombre important de demandeurs d'asile non logés ne soit pris en charge sur les dispositifs de droit commun et pour qu'ils disposent d'un accompagnement plus adapté.

Recommandation n° 3 : Rééquilibrer la répartition des crédits entre les régions afin que les crédits initialement prévus soient plus proches de la consommation finalement exécutée.

Recommandation n° 4 : Améliorer le pilotage de cette politique publique, en renforçant notamment le suivi de l'activité des services déconcentrés et des structures qui y participent, ainsi que des crédits exécutés.

Recommandation n° 5 : Éviter de trop grandes distorsions dans l'interprétation de l'accueil inconditionnel et continu des personnes sans abri en situation de détresse prévu dans le code de l'action sociale et des familles, afin de garantir une égalité de traitement des situations sur l'ensemble du territoire national.

Recommandation n° 6 : Poursuivre les efforts de rationalisation des coûts, en généralisant, en particulier, la politique de convergence tarifaire à l'ensemble des structures et en systématisant le conventionnement.

Recommandation n° 7 : Favoriser la fluidité des informations et le suivi du parcours des publics hébergés, en poursuivant notamment le développement des services intégrés d'accueil et d'orientation uniques (SIAO uniques) dans tous les départements, par une action renforcée et concertée des services déconcentrés des territoires concernés.

Recommandation n° 8 : Faire en sorte que le système d'information développé pour les SIAO (SI-SIAO) puisse être utilisé, à terme, par l'ensemble des acteurs (volets urgence et insertion), tant pour faciliter la régulation par les structures gestionnaires que pour un meilleur pilotage de cette politique publique, par une meilleure connaissance de la demande (et des parcours des personnes hébergées) et une offre plus adaptée.

Prévoir un temps de mise en place adapté pour certains territoires, en particulier l'Île-de-France, compte tenu de ses spécificités et des outils déjà élaborés par le Samu social de Paris.

Recommandation n° 9 : Parallèlement aux efforts pour contenir le recours aux nuitées hôtelières et à défaut de pouvoir le supprimer à court ou moyen terme, développer les modalités de contrôle de ces structures pour garantir l'accueil de familles dans un hébergement décent (respect des règles de la commande publique, généralisation des chartes de qualité, contrôles effectifs des hôtels et éventuelles sanctions) et offrir un accompagnement social plus actif dans ces établissements.

Recommandation n° 10 : Soutenir les opérations de rachat d'hôtels, afin de rationaliser les coûts tout en offrant de meilleures modalités d'accueil des publics hébergés.

Recommandation n° 11 : Pour agir sur la fluidité des parcours au sein de l'hébergement d'urgence et améliorer ainsi le taux de rotation sur les places existantes, accélérer le développement des solutions plus qualitatives et pas nécessairement plus coûteuses, en particulier dans le logement accompagné, et des solutions de logement pérennes (logements sociaux et privés).

Recommandation n° 12 : Soutenir le développement de l'intermédiation locative et prévenir la pénurie de logements proposés :

- par une communication active à destination des bailleurs et en s'appuyant sur les professionnels de l'immobilier, en particulier les agences ;

- par un dispositif d'incitation efficace envers les bailleurs.

En outre, un soutien renforcé doit être prévu auprès des services déconcentrés et des associations qui rencontrent des difficultés à la mettre en place.

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