II. UNE PRISE EN CHARGE MÉDICALE TROP LONGTEMPS FONDÉE SUR DES OPÉRATIONS PRÉCOCES SYSTÉMATIQUES, MAIS UNE ÉVOLUTION DES PRATIQUES EN FAVEUR D'UNE INFORMATION PLUS TRANSPARENTE ET D'UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS ET DE LEURS FAMILLES

Cette partie aborde la question des opérations effectuées sur les personnes présentant des variations du développement sexuel, et plus particulièrement sur les enfants, pour leur assigner un sexe masculin ou féminin .

Comme l'a souligné Benjamin Moron-Puech, docteur en droit, auteur de plusieurs articles sur les personnes « intersexes » 40 ( * ) , au cours de la table ronde du 12 mai 2016, « Le bien-fondé des actes médicaux réalisés sur les personnes intersexuées est en débat, qu'il s'agisse des actes réalisés in utero , des interruptions de grossesse pour diagnostic thérapeutique après douze semaines de grossesse, des traitements de féminisation à la dexaméthasone, ou des actes réalisés sur les enfants après leur naissance pour les assigner dans un sexe masculin ou féminin . »

Selon un collectif de défense des personnes « intersexes », « Ces interventions d'assignation sexuée sont (...) problématiques en ce qu'elles sont pratiquement toujours irréversibles et rarement effectuées avec le consentement libre et éclairée de la personne intersexuée, enfant ou adulte. Elles consistent notamment à modifier la taille du sexe, la cavité vaginale, ou à enlever les organes génitaux externes et internes (testicules, ovaires, utérus). » 41 ( * )

A. LA PRATIQUE DES OPÉRATIONS ET DES TRAITEMENTS HORMONAUX PRÉCOCES A LONGTEMPS ÉTÉ LA RÈGLE

Pour l' Organisation internationale des intersexes ( OII ) et les juristes entendus le 12 mai 2016, ces pratiques relèvent de la « torture » ; elles doivent cesser immédiatement et une indemnisation des personnes concernées devrait être mise en oeuvre pour les dédommager des préjudices subis.

A l'inverse, les médecins auditionnés le 25 mai 2016 ont insisté sur l'évolution des pratiques au cours de la deuxième moitié du XX ème siècle et sur les progrès qui ont été réalisés pour améliorer l'accompagnement et le soutien des patients et de leurs familles , dans des situations souvent très difficiles.

Comme l'a résumé Benjamin Moron-Puech, docteur en droit, « Pour les uns, ces actes médicaux seraient des mutilations car il n'y aurait pas de pathologie ; pour les autres, ces actes seraient des traitements . » 42 ( * )

1. La question des interventions chirurgicales pratiquées dans une certaine opacité
a) Des interventions vécues par certain-e-s comme mutilantes

Au cours de la table ronde du 12 mai 2016, la grande majorité des intervenants ont dénoncé les opérations systématiques réalisées dans la seconde moitié du XX ème siècle sur les enfants présentant des variations du développement sexuel, ainsi que l'opacité qui a prévalu sur les pratiques du corps médical à cette époque.

Les témoignages des personnes « intersexes » présentes le 12 mai 2016 ont particulièrement ému et touché les membres de la délégation .

En effet, ces personnes parlent, concernant le traitement qu'elles ont subi, de « mutilations » et de « tortures ». Elles ont insisté sur les conséquences dramatiques et douloureuses de ces opérations , aussi bien sur le plan physique, à travers des douleurs post-opératoires importantes, que psychologique . C'est en particulier le sens des témoignages bouleversants de Vincent Guillot et Mathieu Le Mentec.

Vincent Guillot : « Depuis l'âge de dix-huit ans, je suis souvent sous anxiolytiques, antidépresseurs, alors qu'avant d'être mutilé, j'étais un enfant en bonne santé (...). Aujourd'hui, j'ai cinquante-et-un ans et toujours des douleurs : je souffre d'infections urinaires, j'ai des lésions neurologiques liées aux chirurgies qui me font souffrir en permanence et m'obligent à marcher avec une canne. Ne pensez pas que le terme de torture pour ce que j'ai subi soit disproportionné. J'ai été torturé . »

Mathieu Le Mentec : « Au total, j'ai subi sept interventions entre trois ans et huit ans . Certaines de ces opérations ont été effectuées en urgence, dans un contexte de septicémie , des suites des précédentes opérations. Qu'est-ce que cela veut dire, être hospitalisé pour de la chirurgie de la sphère génitale quand on a trois, quatre, cinq, six, sept ans ? Cela signifie des douleurs , des contentions, car il faut éviter que l'enfant ne touche aux dispositifs médicaux, ce sont des sondes urinaires, des infections, des odeurs, et un profond sentiment d'abandon (...). Les enfants bénéficient d'une amnésie. Il n'en reste pas moins des traces physiques et psychiques qui surgissent tôt ou tard sous la forme de traumatismes (...). Je dois désormais surveiller de nombreux problèmes, dont des kystes prostatiques contractés du fait des opérations . »

Ces témoignages douloureux font écho au roman de Martin Winckler 43 ( * ) , Le Choeur des femmes , qui évoque le calvaire vécu par un jeune garçon intersexué auquel les médecins ont assigné un sexe féminin, en accord avec sa famille : « La grande intervention s'est très mal passée. Camille a fait plusieurs hémorragies sur la table. Puis, à plusieurs reprises pendant les jours qui ont suivi, des sutures ont lâché. Et puis, elle... il s'est mis à faire plusieurs surinfections, l'une après l'autre. Une fin d'après-midi, quinze jours après l'intervention, j'étais de garde, on m'a appelé à son chevet (...). Quand je suis arrivé, Camille souffrait le martyre, ses plaies ne guérissaient pas, et bien entendu personne ne voulait lui donner de morphine » 44 ( * ) .

Dans le même roman, le personnage principal exprime d'ailleurs le point de vue selon lequel ce type de geste chirurgical sur les nourrissons est « purement cosmétique » et « pourrait avoir des conséquences dramatiques pour eux en termes de perte de sensibilité, de cicatrisation problématique », rappelant aussi que les organes génitaux « non conformes aux canons » ne menacent pas leur vie dans l'immédiat .

Une autre citation du même ouvrage résume superbement les dérives dues à des interventions chirurgicales systématiques et leurs conséquences sur les personnes « intersexes » : « Je crois qu'avant de toucher au corps d'un individu, il faut mûrement réfléchir aux conséquences, mais malheureusement, trop de chirurgiens coupent d'abord et réfléchissent ensuite. » 45 ( * )

Les personnes entendues le 12 mai 2016 estiment, dans le même esprit, que les traitements chirurgicaux et hormonaux imposés par le corps médical « n'ont aucune finalité médicale » , et que « ce sont des chirurgies esthétiques non consenties . » 46 ( * )

Les co-rapporteures notent que l'Organisation internationale des intersexes ( OII ) dénonce aussi bien les opérations de chirurgie que les interruptions médicales de grossesse et les traitements in utero , comme l'a très clairement exprimé Vincent Guillot au cours de la table tonde du 12 mai 2016 : « Nous dénonçons les avortements systématiques lorsqu'il y a suspicion d'intersexuation du foetus ainsi que les thérapies in utero de féminisation de foetus présupposés intersexués au moyen de la dexaméthasone. »

Il faut toutefois rappeler que les opérations pratiquées au cours de la seconde moitié du XX ème siècle s'inscrivaient dans un contexte où les progrès de la médecine étaient beaucoup moins avancés qu'aujourd'hui, et où la question des personnes « intersexes » demeurait peu connue, voire taboue.

Ainsi que l'a rappelé Vincent Guillot lors de la table ronde du 12 mai 2016, ces personnes pouvaient avoir l'impression d'être considérées comme des « monstres de foire ». Leur prise en charge médicale était donc marquée, selon ces témoignages, par une grande opacité , par l' absence de dialogue avec les médecins, par une information gravement défaillante et par un accompagnement psychologique inexistant, tant pour les patient-e-s que pour les familles. Cela était incompatible avec un consentement libre et éclairé des parents.

Le témoignage des personnes entendues le 12 mai 2016 renvoie, peut-on espérer, à une époque révolue :

Vincent Guillot : « Dès l'âge de six ans, j'ai subi des interventions chirurgicales sans que jamais l'on me dise ou que l'on dise à mes parents ce que l'on me faisait. Je ne connaîtrai donc jamais la réalité de ma situation car je n'ai obtenu qu'une toute petite partie de mon dossier médical. Selon cette partie de mon dossier, je n'aurais subi que trois opérations alors que j'ai dix cicatrices au bas ventre. Comment se construire sereinement quand on n'a pas le droit de dire ce qu'on ne nous a pas dit que nous étions ? »

Nadine Coquet : « J'ai grandi sans avoir conscience d'être intersexes malgré des difficultés de comportement (...). Je n'avais pas conscience d'avoir un problème d'hermaphrodisme ».

Elle décrit aussi comment des gonades lui ont été retirées à son insu, sans son consentement et sans qu'elle en ait été informée. Elle rappelle le tabou que constituaient alors les « intersexes », les médecins employant des mots comme « rarissime », « monstrueux », « indicible », « caché et honteux » et parlant d'une vérité qui devait « rester cachée » 47 ( * ) .

Le manque de transparence dans lequel étaient pratiquées les opérations au cours de cette période explique par ailleurs l'absence de statistiques officielles sur le nombre d'opérations .

Du reste, le professeur Mouriquand, entendu le 25 mai 2016 par les co-rapporteurs, a reconnu lui-même le manque de transparence dans lequel se pratiquaient les opérations .

Il a toutefois souligné les difficultés rencontrées par les médecins pour prendre en charge les personnes « intersexes », à une époque où les techniques médicales étaient moins performantes qu'aujourd'hui , ce qui réduisait aussi les possibilités d'information et d'investigation : « Nous sommes très souvent critiqués et attaqués au sujet des décisions que nous avons prises. Je souhaiterais que l'on accepte de comprendre quel était le contexte du moment (...). On nous reproche aujourd'hui des décisions que nous avons prises à un moment où l'échographie, l'imagerie médicale et la biologie moléculaire n'existaient pas ou n'étaient pas aussi sophistiquées qu'aujourd'hui . Nous avons évolué et nous évoluerons encore, je l'espère, car beaucoup de problèmes ne sont pas encore résolus à ce jour. »

Les co-rapporteures tiennent à souligner ici le vécu très différent des témoins de l'association Surrénales , qui apporte un soutien aux personnes atteintes d'hyperplasie congénitale des surrénales et à leurs familles, s'agissant des opérations.

Ces personnes ont au contraire souligné l'accompagnement et l'information dont elles ont bénéficié de la part du corps médical au moment des interventions ( cf. infra ).

Il est difficile d'expliquer une telle différence de ressenti et d'appréciation , et l'on ne peut approcher cette question de manière frontale. Dès lors, l'ensemble des points de vue doit être pris en compte avec l'humilité qui convient à des non spécialistes .

Ces divergences sont peut-être liées, comme cela a été envisagé dans l'avant-propos, à la différence des pathologies, aussi complexes que diverses, à l'époque à laquelle ont été réalisées les opérations, à l'évolution des pratiques médicales au fil du temps, ou encore à des approches variables du corps médical selon les centres de soin, certaines équipes pouvant être mieux sensibilisées que d'autres à la question de l'intersexuation et à la nécessité de mieux accompagner et informer les patient-e-s et les familles.

On peut dès lors se demander si les progrès évoqués par certains témoins sont valables pour toutes les équipes médicales, quel que soit l'établissement.

En tout état de cause, le docteur Claire Bouvattier, endocrinologue, a exprimé au cours de l'audition du 25 mai 2016 la nécessité d'une réflexion éthique du corps médical : « Il est parfois difficile pour un médecin d'annoncer à une jeune adolescente qu'elle n'a pas d'utérus, qu'elle n'aura jamais de règles et qu'elle possède un caryotype de garçon. C'est extrêmement douloureux pour ces jeunes femmes. Il est plus facile de mentir, de prendre la décision à la place de l'enfant qui n'est pas en âge de la prendre et de l'imposer aux parents. Il faut reconnaître que le pouvoir du corps médical est grand face à ces gens désemparés par l'annonce du diagnostic . Il faut aussi se rendre compte à quel point il est difficile d'entendre, lorsque l'on est une femme, que l'on possède des testicules, et le supporter psychologiquement. C'est difficile pour le patient, pour les parents, mais aussi pour le médecin. Dans certaines situations, la transparence peut révéler ses limites. »

Consultée par les co-rapporteures, Claire Nihoul-Fékété, professeure émérite de chirurgie infantile et membre du CCNE de 1994 à 1999, a estimé parfaitement compréhensibles les réactions des personnes « intersexes ». Elle a fait valoir que les variations du développement sexuel créent des situations très difficiles pour les patients comme pour les familles et a rappelé que les souffrances de ces personnes peuvent les conduire au suicide .

b) Une tendance à la normalisation des corps en lien avec la pression sociale qui résulte d'une conception binaire de l'identité sexuée

Au cours de la table ronde du 12 mai 2016, plusieurs intervenants ont souligné l'importance de la binarité des sexes dans notre société, la force de la pression sociale qu'elle suscite et y ont vu l'un des facteurs expliquant le recours systématique aux opérations sur les enfants présentant des variations du développement sexuel.

La volonté de privilégier l'opération peut ainsi s'expliquer par le souhait des parents, très compréhensible, d'éviter à leur enfant les souffrances de la stigmatisation et de l'exclusion.

À cet égard , l'intervention de Philippe Reigné, juriste, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), est particulièrement éclairante : « Pourquoi administre-t-on, dès la naissance, des traitements chirurgicaux ou hormonaux aux personnes intersexuées ? Parce que nous obéissons encore à la logique du « sexe d'élevage » , que formalisent, dans les années 1950 aux USA, les travaux du sexologue John Money. Celui-ci propose de modifier les organes génitaux des enfants intersexués au plus tôt, pour que ceux-ci puissent s'identifier à l'une des catégories de sexe dès la petite enfance . C'est pourquoi il y a intervention sur les nouveau-nés, et non plus tard. »

Or, la théorie de Money a eu une incidence disproportionnée sur le traitement médical des personnes « intersexes » . Dans ce contexte, les opérations étaient perçues comme des traitements de « normalisation » , ainsi que l'ont exprimé plusieurs intervenants de la table ronde du 12 mai 2016 :

Nadine Coquet : « Grâce à Internet, j'ai enfin compris qui j'étais et que j'étais victime d'un système qui considère la différence entre les sexes comme binaire : on est soit un homme, soit une femme. Or, ce système est un leurre : nous sommes la preuve que la biologie peut ignorer la binarité. »

Mathieu le Mentec : « La médecine continue d'intervenir sur des enfants en bonne santé afin de normaliser leur apparence physique pour les faire correspondre aux stéréotypes masculins et féminins. En matière d'intersexuation, dans la très grande majorité des cas, la pratique médicale s'appuie sur des conceptions morales de la normalité dans le domaine du sexe et de la sexualité. »

Christèle Fraïssé, maître de conférences en psychologie sociale à l'Université de Bretagne occidentale (UBO) : « Ces opérations visent à normaliser les corps des enfants qui naissent avec ce que l'on nomme une « ambigüité sexuelle » ou encore un « désordre, un trouble, une anomalie du développement sexuel (...) Les sexes sont pensés comme deux catégories strictement différentes et étanches l'une à l'autre. On considère que l'on est homme ou femme, il n'existe pas d'autre possibilité. » Selon elle, les opérations réalisées sur les enfants qui naissent intersexués font ainsi partie de ces « pratiques régulatrices visant à normaliser leur corps et à le rendre compatible avec cette représentation binaire de la différence des sexes » mais « ne répondent pas à une nécessité médicale vitale. »

Au-delà de la binarité des sexes, Christèle Fraïssé a mis en avant le concept d'hétéro-sexisme, défini comme un « Système idéologique qui invisibilise les sexualités autres qu'hétérosexuelles , et qui établit une hiérarchie des sexualités au sein de notre société. » Dans cette logique, « Les opérations sont réalisées en partant d'un présupposé d'hétérosexualité. Il s'agit en effet de fabriquer un corps masculin ou un corps féminin dans l'optique de rapports hétérosexuels. En effet, le premier objectif cité par [les médecins] est de restaurer une anatomie génitale fonctionnelle afin de permettre de futures relations sexuelles pénétrantes comme un homme ou comme une femme. On voit ici comment la médecine et les médecins sont tributaires de la société dans laquelle ils exercent, et ceci au-delà de la dimension médicale et scientifique . »

Enfin, Jacqueline Descarpentries, maître de conférences en sciences de l'éducation à l'Université de Paris VIII-Vincennes, a souligné le poids de la norme qui tend à « invisibiliser », voire à nier les personnes « intersexes » pour les conformer au modèle dominant et faire d'eux des hommes ou des femmes : « Ce qui est au coeur du débat qui nous réunit aujourd'hui est la question de la norme, en particulier de la normativité biologique, qui va nous déterminer en tant qu'être « normal », en tant qu'homme ou femme. La supériorité de la normativité biologique sur la normativité sociale induit des processus d'éducation à la sexualité à la fois binaristes et genrés . Les travaux de Michel Foucault ont d'ailleurs parfaitement démontré comment l'éducation participe à la normation des corps et comment la normativité biologique utilise l'éducation à la sexualité pour normer les corps, pour construire un corps masculin et un corps féminin. » 48 ( * )

Cette binarité des sexes induisant une forme de rejet de tout ce qui n'est pas homme ou femme est très caractéristique de nos sociétés occidentalisées , mais elle n'est pas la règle partout. Ainsi, Claire Nihoul-Fékété, chirurgien pédiatrique, professeure émérite de chirurgie infantile et membre du CCNE de 1994 à 1999 a souligné que, dans d'autres sociétés moins marquées par la binarité des sexes, par exemple dans des sociétés primitives des îles Caraïbes ou encore chez les Bantous d'Afrique du Sud, où l'on dénombre plusieurs cas d'hermaphrodisme vrai, on n'opère pas ces enfants et ils « changent » de sexe à la puberté en fonction de leur identité.

Enfin, il faut relever aussi la « pression légale » 49 ( * ) qui peut exister sur les parents pour assigner un sexe masculin ou féminin à leur enfant présentant une variation du développement sexuel . En effet, l'article 55 du code civil dispose que les déclarations de naissance sont faites dans les cinq jours suivant l'accouchement . En outre, l'article 56 indique que l'acte de naissance est rédigé « immédiatement » après la déclaration de naissance. Aux termes de l'article 57 du même code, celui-ci doit énoncer, entre autres, « le jour, l'heure, le lieu de naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui seront donnés (...) ».

c) La question du nombre d'opérations réalisées

L'une des problématiques qui a également émergé au cours de la table ronde du 12 mai 2016 tient à l'évaluation du nombre d'opérations réalisées dans le cadre de la réassignation d'un genre à des personnes présentant une variation du développement sexuel. L' OII souhaite ainsi que « soit rendu public le nombre de personnes concernées par les chirurgies génitales non consenties en France, depuis l'origine de ces pratiques. » 50 ( * )

Un courrier relayant cette demande a d'ailleurs été adressé en octobre 2016 par Vincent Guillot au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) 51 ( * ) .

Cette demande est liée au souhait, exprimé le 12 mai 2016 par Benjamin Moron-Puech, docteur en droit, de « connaître le coût des remboursements et le nombre des interventions » 52 ( * ) .

Dans un article récent, le magasine Causette évoque pour sa part un chiffre de « 200 [opérations] par an dans l'hexagone, sans que cette estimation soit confirmée par les médecins » 53 ( * ) .

Interrogé par les co-rapporteures sur le nombre annuel d'opérations effectuées en France, le ministère de la Santé indique qu'il « ne dispose ni de données sur le nombre d'opérations de réassignation réalisées chaque année, ni sur le suivi des personnes concernées ». Il précise également que « Le rapport d'activité du Centre de référence des maladies rares (CRMR) des anomalies du développement génital déclare 399 nouveaux patients en 2015, sans que le détail des patients (type d'ADG, âge, etc.) et les prises en charge thérapeutiques effectuées ne soient décrites, ces informations n'ayant pas été demandées dans le rapport d'activité ».

La délégation formulera une recommandation pour étendre les missions du Centre de références des maladies rares (CRMR) en charge des variations du développement sexuel à l'établissement de statistiques précises et détaillées sur les opérations de réassignation effectuées chaque année et sur le suivi médical des personnes concernées.

2. Des pratiques dénoncées par certaines associations et par les organismes de défense des droits de l'homme
a) La France mise en cause par le Comité des droits de l'enfant et le Comité contre la torture de l'ONU

Les opérations précoces pratiquées sur les enfants « intersexes » , en l'absence de stricte nécessité médicale, sont aujourd'hui considérées par certaines associations et par plusieurs organismes de défense des droits de l'homme comme des violations des droits de l'homme à deux égards : d'une part, elles sont assimilées à des mutilations , voire à de la torture.

D'autre part, elles remettraient en cause le droit à l'autodétermination des personnes défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) qui garantit à chacun le « droit au respect de sa vie privée et familiale . »

S'agissant du premier point, il convient de rappeler que le Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations Unies (ONU), le 29 janvier 2016, et son Comité contre la torture, en mai 2016, ont reproché à la France de soumettre les enfants dits « intersexes » à des actes médicaux irréversibles et pourtant non nécessaires sur un plan médical. Ils ont recommandé de s'abstenir de pratiquer des interventions médicales précoces comportant des conséquences irréversibles, si elles n'étaient pas nécessaires ou urgentes, et de veiller, lorsqu'un traitement était envisagé, à une information complète des enfants et des parents afin qu'ils connaissent les différentes options possibles 54 ( * ) .

S'agissant de la violation du droit à l'auto-détermination, le juriste Philippe Reigné a estimé, au cours de la table ronde du 12 mai 2016, que « les traitements chirurgicaux et hormonaux pratiqués sur les nouveau-nés qui ont pour but de les faire adhérer psychologiquement à l'une ou l'autre des deux catégories de sexe, sont radicalement contraires au droit à l'autodétermination . Il n'est pas possible de les concilier avec la jurisprudence de la CEDH. Nous sommes clairement dans un cas de violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et, puisque ces traitements s'appliquent à des enfants nouveaux-nés, de la Convention relative aux droits de l'enfant. » 55 ( * )

En outre, le Conseil de l'Europe a pris, à la suite du rapport de la députée Marlene Rupprecht 56 ( * ) , une résolution qui mentionne une catégorie de violences particulières : celles qui sont infligées à l'enfant. Cette résolution recommande de mettre fin aux traitements de normalisation des personnes « intersexes » médicalement non justifiés, y compris la chirurgie irréversible des organes génitaux, lorsque ces traitements sont forcés ou pratiqués sans le consentement libre et pleinement éclairé de la personne concernée.

On notera que la chirurgie des enfants dits « intersexes » est traitée en même temps que les mutilations génitales féminines et la circoncision à des fins religieuses :

« L'Assemblée parlementaire est particulièrement préoccupée par une catégorie particulière de violations de l'intégrité physique des enfants , que les tenants de ces pratiques présentent souvent comme un bienfait pour les enfants, en dépit d'éléments présentant manifestement la preuve du contraire. Ces pratiques comprennent notamment les mutilations génitales féminines, la circoncision de jeunes garçons pour des motifs religieux, les interventions médicales à un âge précoce sur les enfants intersexués , ainsi que les piercings, les tatouages ou les opérations de chirurgie plastique auxquels les enfants sont parfois soumis ou contraints. » 57 ( * )

b) L'appel de l'Organisation internationale des intersexes (OII) en faveur de l'arrêt des opérations sur les mineur-e-s en l'absence de nécessité médicale avérée

Les personnes entendues au cours de la table ronde du 12 mai 2016 ont exprimé un certain nombre de positions et de revendications au sujet des opérations.

L 'arrêt immédiat des opérations et traitements consentis sur les mineurs « intersexes » lorsque leur pronostic vital n'est pas engagé est une préoccupation exprimée comme une demande prioritaire par la majorité des intervenants à la table ronde du 12 mai 2016.

Vincent Guillot : « Nous demandons en premier lieu l'arrêt des mutilations. Nous ne sommes pas contre les opérations si la personne le demande. Par contre, nous sommes contre les opérations dans la petite enfance qui ne seraient pas justifiées par un risque vital (...). Nous exigeons, avec des associations de personnes intersexuées du monde entier (...) l'arrêt immédiat des traitements non consentis sur les mineurs intersexes lorsque le pronostic vital n'est pas engagé ».

Nadine Coquet : « Ma principale revendication est que l'on arrête les mutilations qui sont reconnues comme des tortures par l'ONU . »

Mathieu Le Mentec : « Il est urgent d'arrêter toute intervention sur les enfants, dès lors que le pronostic vital n'est pas en jeu . »

À cet égard, les co-rapporteures notent avec intérêt que le récent plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT 58 ( * ) abonde dans ce sens, puisqu'il contient une mesure intitulée « Arrêter les opérations et mutilations sur les enfants intersexes ».

Cette mesure est ainsi déclinée : « La France a été condamnée à trois reprises en 2016 sur cette question par l'ONU : en janvier par le Comité des droits de l'enfant, en mai par le Comité contre la torture, et en juillet par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Lorsqu'elles ne sont pas impératives pour raisons médicales, ces opérations sont des mutilations et doivent cesser . »

Le corollaire de la demande d'arrêt des opérations, exprimé par Vincent Guillot, est le respect du droit à l'intégrité physique des personnes dites « intersexes » : « Nous exigeons le droit à l'intégrité physique des personnes intersexes, conformément à la résolution n° 1952/2013 du Conseil de l'Europe et aux demandes expresses des Comités des tortures et Comité des droits des enfants de l'ONU, qui classent les modifications corporelles non consenties sur les mineurs intersexes comme des mutilations génitales, des actes inhumains et dégradants, des tortures . »

En attendant un arrêt définitif des opérations, l' Organisation internationale des Intersexes se satisferait d'un moratoire , ainsi que l'a indiqué Vincent Guillot au cours de la table ronde du 12 mai 2016.

Comme l'a précisé Philippe Reigné, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), le moratoire présente l'avantage d'une issue plus rapide : « Pour agir rapidement, il existe aussi la possibilité d'intervenir par voie administrative. Ces opérations pourraient faire l'objet d'un moratoire, simple décision de l'administration, afin de se donner le temps d'y voir plus clair. De plus, une telle décision n'engage pas l'avenir et ne dépend que du ministère de la Santé . »

Par ailleurs, la demande consistant à dérembourser les opérations de réassignation sexuelle pratiquées sur les enfants a été exposée lors de la table ronde du 12 mai 2016 par les représentants des personnes « intersexes ».

Vincent Guillot a alors dénoncé ce qu'il considère comme des « pratiques illicites ou illégales sur les enfants intersexes dans les hôpitaux français, avec la complicité de l'État et de la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie) qui rembourse les mutilations génitales . »

Nadine Coquet a pour sa part jugé le remboursement de ces opérations incohérent avec le fait qu'il s'agit selon elle de tortures et de traitements inhumains et dégradants, réprimés par les conventions internationales auxquelles la France est partie.

Ce point de vue n'est pas partagé par le ministère de la Santé . Interrogée par les co-rapporteures, la Direction générale de la santé estime au contraire que, « En l'absence de recommandations médicales sur le sujet (notamment de la Haute Autorité de Santé), il n'existe pas de justification à ce que les interventions médicales concernées ne soient plus prises en charge par l'assurance maladie . Les actes visant la correction des ambiguïtés sexuelles peuvent aussi concerner des adultes consentants ou des enfants ayant des anomalies génitales sans impossibilité de déterminer le sexe . Ainsi, un déremboursement à visée dissuasive n'apparaît ni justifié, ni pertinent , en l'absence de raison purement médicale et de recommandations scientifiques. » 59 ( * )

c) Quelle réparation des préjudices subis ?

Au-delà de l'arrêt des opérations, les représentants des personnes « intersexes » requièrent une indemnisation au titre des préjudices subis , comme ils l'ont exprimé au cours de la table ronde du 12 mai 2016.

Mathieu Le Mentec : « Il est nécessaire que la médecine et l'État reconnaissent l'horreur de ces pratiques et qu'un dispositif de réparation soit constitué . »

Vincent Guillot : « Nous exigeons que la prescription juridique soit abrogée pour les traitements inhumains, dégradants et les tortures, conformément à la demande de l'ONU, afin que les personnes intersexes puissent demander réparation des préjudices subis . Nous demandons que l'État français prenne ses responsabilités et reconnaisse des décennies de pratiques inhumaines, dégradantes, humiliantes et de tortures à l'encontre des personnes intersexes. Nous demandons que l'État mette immédiatement en place des mesures de dédommagement pour les personnes ayant subi ces traitements . » 60 ( * )

Comme l'a relevé Astrid Marais, professeure de droit à l'Université de Bretagne occidentale, au cours de son audition le 13 décembre 2016, à ce jour, en France, aucun médecin n'a été condamné pour avoir pratiqué une opération sur des enfants « intersexes » 61 ( * ) .

Selon Benjamin Moron-Puech, docteur en droit, cette absence de procès, et donc, de condamnation, s'explique par la difficulté pour les victimes de s'engager dans une démarche judiciaire : « Les victimes doivent aujourd'hui faire face à un obstacle psychologique car mener un procès requiert de l'énergie et suppose d'être inséré dans la société. Or, lorsque vous luttez quotidiennement pour trouver un logement ou même pour vous lever le matin, il semble difficile de mobiliser l'énergie nécessaire pour prendre part à un procès. »

Sur ce point, Mila Petkova, avocate, a mis en exergue le caractère encore très récent des associations de défense des personnes « intersexes » . Elle a donc proposé que celles-ci puissent se constituer en partie civile. Il faudrait pour cela lever la condition qui exige que ces associations aient une antériorité de cinq ans, laquelle est prévue par les articles 2-2, 2-3 et 2-6 du code de procédure pénale.

De surcroît, les juristes entendus au cours de la table ronde du 12 mai 2016 estiment que les dispositions existantes en matière de responsabilité civile ou pénale ne sont pas satisfaisantes . Selon eux, la meilleure solution pour garantir une réparation des préjudices subis consisterait à créer un fonds d'indemnisation , sur le modèle de ce qui a été proposé par le Conseil d'éthique allemand.

Ainsi, le rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe indique que le Conseil d'éthique allemand, dans son Avis sur l'intersexualité 62 ( * ) , estime, entre autres, qu'il « conviendrait d'envisager un dédommagement financier par l'intermédiaire d'un fonds financé par l'État ou d'une fondation, et de reconnaître ainsi que les interventions médicales considérées aujourd'hui comme des erreurs ont été tolérées et non interdites par l'État. » 63 ( * )

Entendu par la délégation le 16 février 2017, le Défenseur des droits a estimé pertinente la possibilité d'envisager un dispositif d'indemnisation qui pourrait être pris en charge par l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (Oniam) 64 ( * ) .

La solution de l'indemnisation semble en effet préférable à celle de la réparation qui passerait par la mise en cause d'une responsabilité civile et pénale des professionnels de santé . Il convient à cet égard de remettre les choses en perspective et de rappeler quel était le contexte de l'époque, marqué par des techniques médicales beaucoup moins performantes.

Les co-rapporteures souscrivent à l'analyse du Défenseur des droits et insistent sur le fait qu'elles ne sont pas favorables à une judiciarisation a posteriori sur des cas très anciens, ni à des recours individuels contre les soignants.

Pour se référer aux termes du Défenseur des droits, ce serait un « anachronisme intellectuel et scientifique » de prendre aujourd'hui de telles positions sans se référer à l'état de la science à cette époque ( cf. infra ).

D'ailleurs, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a évoqué à plusieurs reprises « d'adéquates compensations », sans parler de condamnation.

La délégation formulera donc une recommandation pour que soit mise à l'étude l'indemnisation des personnes ayant souffert des conséquences d'opérations pratiquées en lien avec une variation du développement sexuel, qui pourrait être confiée à l'ONIAM, le cas échéant dans le cadre d'un fonds dédié.

3. La question du consentement éclairé des enfants

Selon Laurence Brunet, juriste au Centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin, entendue le 25 mai 2016, « Il est nécessaire de mettre en place un cadre plus respectueux de l'information et du consentement des enfants eux-mêmes. Il ne faut pas que ces interventions deviennent des opérations routinières et il faut absolument réfléchir avant d'entreprendre toute chirurgie. » 65 ( * )

Les co-rapporteures notent avec intérêt que des réflexions sur le sujet ont été menées de manière approfondie en Allemagne et en Suisse et ont abouti à la conclusion qu'a ucune intervention visant à déterminer le sexe d'un enfant de manière irréversibl e, s'il n'existe pas de nécessité médicale ou d'urgence, ne doit être effectuée avant que l'enfant soit en mesure de se prononcer lui-même .

C'est aussi le point de vue défendu par le personnage principal du roman Le Choeur des femmes , qui, au cours d'un dialogue avec une personne lui faisant remarquer qu' « on ne peut tout de même pas demander l'avis d'un nourrisson », répond ainsi, soulignant l'importance du temps qu'il faut laisser aux parents et aux enfants pour « digérer ce qui [leur] arrive » et permettre l'auto-détermination de la personne « intersexes » : « Non, mais on peut informer les parents sans leur mettre le scalpel sous la gorge et leur dire qu'il est possible d'attendre que leur enfant soit assez grand pour exprimer un avis. Il ne restera pas nourrisson éternellement. On n'exige pas des enfants pré-pubères qu'ils expriment ce que seront leurs préférences sexuelles. Alors, de la même manière, je pense qu'il n'est pas scandaleux d'attendre la puberté pour laisser les enfants intersexués exprimer ce qu'ils veulent faire de leur corps 66 ( * )

La Commission nationale d'éthique suisse a par exemple proposé que cette décision puisse être prise entre l'âge de dix et quatorze ans , tout en relevant que l'identité sexuée peut, parfois, être définie avant l'âge de dix ans. À titre d'exemple, la Cour constitutionnelle colombienne a considéré qu'un enfant de huit ans pouvait être à même de donner son avis dans ce domaine.

Entendue par les co-rapporteures le 13 décembre 2016, Marie-Astrid Marais, professeure de droit à l'Université de Bretagne Occidentale, propose que cet âge soit celui de la majorité sexuelle , c'est-à-dire quinze ans : « Concernant la majorité, une question se pose : faut-il attendre la majorité civile (dix-huit ans) ou seulement la majorité sexuelle (quinze ans) ? En l'espèce, si l'intervention médicale pouvait faciliter l'appréhension des rapports sexuels des mineurs, ne faudrait-il pas permettre à ce mineur de quinze ans d'autoriser une telle intervention ? » 67 ( * )

Interventions médicales sur le corps de l'enfant,
portée du consentement de celui-ci et responsabilité médicale

« S'agissant des interventions médicales sur le corps de l'enfant, elles sont licites à la condition de répondre, selon l'article 16-3 du code civil, à une « finalité médicale ». La « finalité médicale » est un terme large qui englobe des actes médicaux de nécessité et de gravité variables. Il y a des actes nécessaires et d'autres simplement utiles. De même, certains actes portent une atteinte grave à l'intégrité de la personne, alors que d'autres lui causent une atteinte bénigne. En raison de cette variabilité, chaque médecin est tenu, en vertu de la règle de la raison proportionnée, de s'assurer, avant de porter atteinte à l'intégrité du patient, que les bénéfices de l'acte sont proportionnés à ces risques ; plus les bénéfices sont limités, moins l'atteinte doit être grave.

« En application de la règle de la raison proportionnée, l'article R. 4127-41 du code de la santé publique interdit au médecin de pratiquer une intervention mutilante sans motif médical très sérieux .

« Pour apprécier la licéité de l'acte médical « d'assignation » d'un sexe à un enfant, il est impératif de peser ses risques et ses avantages, avec d'autant plus d'attention que l'enfant en bas âge, par définition, n'a pas la faculté de discernement lui permettant d'exprimer son consentement éclairé, et que nul ne pourra, à sa place, garantir quel sera son sexe psychologique.

« En matière d'intersexuation, certaines interventions répondent à une finalité médicale certaine : il en est ainsi parfois des personnes qui ont un génotype féminin et un sexe apparent masculin. Les interventions qui visent à les féminiser se justifient dès lors que l'absence de traitements hormonaux pourrait mettre la vie de l'enfant en danger et que les traitements chirurgicaux sont destinés à permettre l'évacuation des menstruations et à rendre possible les rapports sexuels.

« En revanche, la finalité médicale du traitement d'autres ambiguïtés sexuelles est parfois plus controversée . Ce qui est le cas pour certains enfants ayant un génotype masculin, mais une apparence plutôt féminine. Le bilan risque/bénéfice de l'acte doit alors être soigneusement réalisé par une équipe médicale.

« Si, à l'issue du bilan, un doute persiste sur la nécessité médicale de pratiquer une chirurgie irréversible, il y a lieu d'attendre que l'enfant puisse prendre, lui-même, la décision en fonction de son degré de maturité, voire de la retarder jusqu'à sa majorité, afin qu'il puisse exprimer la réalité de son sexe psychologique.

« À défaut de nécessité médicale, la responsabilité du médecin qui pratiquerait une intervention mutilante sur un enfant « intersexué » pourrait-être engagée ».

Source : compte rendu de l'audition d'Astrid Marais, professeure de droit à l'Université de Bretagne occidentale

Pour sa part, le Défenseur des droits, entendu par la délégation le 16 février 2017, estime que seul doit primer l'intérêt de l'enfant et qu'il n'est donc pas nécessaire de fixer un âge légal à partir duquel celui-ci serait apte à exprimer son consentement. Il défend ainsi la position d'une « présomption de discernement » de l'enfant.

Il a en outre rappelé que le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, à Genève, demande de manière constante que l'enfant soit entendu et donne son consentement éclairé dans les décisions qui le concernent.

La délégation formulera une recommandation pour que, sur la base de la présomption de discernement de l'enfant, celui-ci soit associé dans la mesure du possible par les équipes médicales à toute décision le concernant.


* 40 Voir notamment Le respect des droits des personnes intersexuées, Chantiers à venir ? , sous licence Creative Commons, (CC-BY-NC-ND), et L'identité sexuée des personnes intersexuées : les difficultés psychologiques d'un changement de paradigme , Recueil Dalloz, n° 16, 28 avril 2016.

* 41 Stop aux mutilations des personnes intersexuées , tribune parue dans Libération du 31 mai 2016, signée par un collectif de personnes défendant les droits des personnes intersexes.

* 42 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 43 Martin Winckler, de son vrai nom Marc Zaffran, est un écrivain et médecin français, né à Alger en 1955.

* 44 Martin Winckler, Le Choeur des femmes , éditions Folio, 2009.

* 45 Martin Winckler, Le Choeur des femmes , édition Folio, 2009.

* 46 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 47 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 48 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 49 Expression utilisée par le Défenseur des droits au cours de son audition, le 16 février 2017.

* 50 Compte rendu de la table ronde du 12 mai.

* 51 Le courrier demande des informations relatives à « l'avancée de l'étude approfondie permettant de dégager un état des lieux précis de la prise en charge des soins et actes médicaux visant les personnes intersexuées en France », ainsi que sur le « nombre d'interventions chirurgicales génitales pratiquées sur les mineurs en France ».

* 52 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 53 Magazine Causette , n° 72 : Intersexes : le droit de ne pas choisir , par Hélène Guinhut.

* 54 Dans ses Observations concernant le septième rapport périodique sur la France , le Comité contre la torture de l'ONU a recommandé à notre État « de prendre des mesures législatives, administratives ou autres nécessaires pour garantir le respect de l'intégrité physique des personnes intersexuées » (§33.a).

* 55 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 56 Children's right to physical integrity (Doc. 13297 du 6 septembre 2013) par Marlene Rupprecht, députée européenne (Allemagne, SPD).

* 57 Résolution 1952 (2013) Le droit des enfants à l'intégrité physique .

* 58 Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT : Plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT, la République mobilisée contre la haine et les discriminations anti-LGBT , janvier 2017.

* 59 Réponse de la Direction générale de la santé au questionnaire des co-rapporteures.

* 60 Compte rendu de la table ronde du 12 mai 2016.

* 61 Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe note un seul cas de personne ayant porté plainte contre son chirurgien, en Allemagne, en 2007.

* 62 Conseil d'éthique allemand, Avis sur l'intersexualité, 2013.

* 63 Rapport du commissaire aux droits de l'homme du conseil de l'Europe : Droits de l'homme et personnes intersexes , p. 55-56.

* 64 Établissement public créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l'Oniam a pour mission d'organiser le dispositif d'indemnisation - amiable, rapide et gratuit - des victimes d'accidents médicaux.

* 65 Compte rendu de l'audition du 25 mai 2016.

* 66 Martin Winckler, Le Choeur des femmes , éditions Folio, 2009.

* 67 Compte rendu de l'audition du 13 décembre 2016.

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