B. MOBILISER L'ENSEMBLE DES PARTICIPANTS AU REPÉRAGE

Les différents acteurs appelés à connaître, à des degrés divers, à titre principal ou plus généralement dans le cadre de leurs missions, de mineurs souffrant de troubles pouvant relever de la psychiatrie ont mis en place des dispositifs pour participer au repérage et éventuellement à l'accompagnement vers le soin.

Éducation nationale, médecins généralistes et pédiatres, PMI et aide sociale à l'enfance (ASE), protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : il est indispensable que tous oeuvrent dans le même sens même si cela peut s'avérer difficile du fait de la multiplicité des missions de chacun.

1. L'Éducation nationale
a) Le rôle de l'Éducation nationale comme institution-clé pour le repérage des situations de souffrance doit encore s'affirmer
(1) La place de l'Éducation nationale dans le repérage de la souffrance
des jeunes...

L'Éducation nationale constitue une institution-pivot pour le repérage des situations de souffrance psychique. Endroit de construction et d'insertion sociale du jeune, l'école correspond également aux phases de transition entre les différents âges, avec les ruptures successives que constituent les passages au collège puis au lycée. Ces différentes étapes peuvent coïncider avec l'apparition de difficultés psychiques plus ou moins importantes. Parfois, cette souffrance se cristallise autour de l'institution scolaire elle-même, comme en témoigne l'importance prise par les phobies scolaires. La souffrance peut également être accentuée par la vie en groupe dans le cadre scolaire, par exemple lorsqu'un mineur en difficulté devient l'objet de violences répétées de ses camarades, allant jusqu'au harcèlement.

Parallèlement, l'école constitue un lieu privilégié pour identifier les souffrances des enfants et adolescents. Le Pr Marie-Rose Moro relève que « trois niveaux vont permettre d'évaluer où en est l'enfant. Le premier niveau est celui de son développement intrinsèque. Le deuxième niveau concerne le relationnel et consiste à savoir comment il se comporte avec les autres - frères, mère, père, grand-mère, amis, professeurs. Enfin, troisième niveau : dans quel environnement évolue-t-il ? Y a-t-il des ruptures, des violences ou est-il content ? » 48 ( * ) . De fait, lieu de vie quotidien des jeunes, l'école permet l'évaluation à ces trois niveaux. En ce sens, les pédopsychiatres soulignent que le regard des enseignants est déterminant pour identifier, parmi leurs élèves, les enfants faisant face à des difficultés psychiques. De même, les enfants repèrent souvent les signes de mal-être parmi leurs camarades, et fournissent des détails permettant d'évaluer son ampleur.

Alors que la stigmatisation du recours à la psychiatrie demeure une réalité, surtout pour les parents eux-mêmes, et que plusieurs personnes auditionnées ont souligné le plus faible taux de recours à la pédopsychiatrie des adolescents par rapport à d'autres classes d'âge, l'école doit jouer un rôle clé pour repérer les troubles et favoriser le premier aiguillage vers un professionnel de santé. L'institution scolaire, tiers inséré par rapport à la relation adolescent-parent, peut permettre de remédier à cette difficulté en assurant l'accompagnement du jeune en souffrance vers une prise en charge.

La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République 49 ( * ) traduit la récente prise en compte par l'institution scolaire des problématiques de santé mentale chez les élèves. Son annexe précise que « l'école a pour responsabilité l'éducation à la santé et aux comportements responsables. (...) Elle s'appuie pour cela sur des équipes pluriprofessionnelles comportant les médecins, les personnels infirmiers et les psychologues de l'Éducation nationale, mais également sur l'ensemble des personnels, afin de dépister et de diagnostiquer les troubles susceptibles d'entraver les apprentissages, de scolariser les élèves atteints de maladies chroniques et en situation de handicap et de faciliter l'accès aux soins et à la prévention pour les élèves. (...) La promotion de la santé favorise le bien-être et la réussite de tous les élèves » . Surtout, l'article 6 de la loi étend le champ des visites médicales et de dépistage obligatoires lors de la scolarité à « un bilan de l'état de santé physique et psychologique des élèves » .

La mission d'information se félicite des efforts entrepris par l'institution scolaire pour prendre en compte la santé somatique et psychique des jeunes. Elle forme le voeu que les moyens nécessaires pour répondre à cette ambition pourront être mobilisés. Elle juge également indispensable que cette approche puisse être prolongée lors de l'entrée dans les études supérieures .

Celle-ci intervient en effet à la fin de l'adolescence, un moment où des troubles psychiatriques peuvent commencer à se manifester et où il faut éviter l'éloignement des structures de soins. Il existe aujourd'hui 57 services de médecine universitaire préventive et de promotion de la santé (SUMPPS). Chaque étudiant devrait bénéficier d'un bilan de santé complet et y trouver les informations nécessaires sur l'accompagnement dont il peut faire l'objet.

Proposition n°7 : Lors de l'entrée dans l'enseignement supérieur, prévoir pour chaque étudiant une visite médicale permettant de faire un bilan de santé somatique et psychique et une information sur l'accompagnement dont il peut bénéficier.

Dans le cadre de cette nouvelle approche de la santé à l'école, la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) a initié des travaux en collaboration avec des associations de professionnels de santé pour édicter des guides récapitulatifs à destination des membres de la communauté éducative. En particulier, un guide de repérage des signes de souffrances psychiques et de troubles du développement a été élaboré de façon conjointe avec les médecins membres du collège de pédopsychiatrie de la fédération française de psychiatrie (FFP) et publié en octobre 2013 à l'usage des infirmiers et assistants de service social de l'Éducation nationale. Plus largement, un guide intitulé « Une école bienveillante face aux situations de mal-être des élèves » a été diffusé auprès de l'ensemble des équipes éducatives à la rentrée 2013 pour les aider à mieux connaître et repérer les signes de mal-être chez les élèves.

(2) ... doit être mieux prise en compte

À l'occasion de la remise du rapport Moro-Brison, une convention-cadre a été conclue entre le ministère de la santé et celui de l'Éducation nationale et de la recherche. Elle s'inscrit à la suite de la convention signée entre le ministère de l'Éducation nationale et l'association nationale des maisons des adolescents (MDA) le 16 juin 2016, qui traduisait la nouvelle orientation de l'école en faveur du bien-être des élèves. Ces instruments définissent le cadre général des collaborations à développer dans les territoires entre établissements scolaires et structures de soins. Il est prévu que des conventions régionales déclineront les modalités et objets concrets de ces partenariats et qu'une personne référente sera désignée dans chaque agence régionale de santé (ARS) et chaque rectorat.

La DGESCO indique en outre que, dans le cadre du plan « Bien-être et santé des jeunes » et de l'appréhension plus globale des questions de santé mentale, le guide de repérage des signes de souffrances psychiques et de troubles du développement sera actualisé par l'insertion de volets pédagogiques et éducatifs et s'adressera désormais aux 855 000 enseignants.

L'efficacité de ces instruments dépend de la capacité des membres de la communauté éducative à s'en saisir effectivement. Or les sujets à traiter sont complexes et les personnels de l'Éducation nationale particulièrement nombreux, ce qui suppose une action de formation de grande ampleur qui ne peut être menée que sur une période suffisamment longue .

Il revient à chaque académie de transcrire ces priorités au sein d'un plan académique de formation. Le constat est que les enseignants demeurent insuffisamment formés au repérage et à la prise en compte des souffrances de leurs élèves. La mission d'information considère qu'un socle de connaissances en psychologie de l'adolescent fait partie du bagage nécessaire à tout enseignant. S'il ne leur revient pas d'engager le parcours de soins, il convient qu'ils disposent des outils de compréhension et de repérage des difficultés psychologiques caractérisant cette période charnière de la vie.

C'est pourquoi la mission d'information recommande de mieux intégrer cette dimension dans la formation initiale et continue des enseignants.

Proposition n°8 : Renforcer la formation initiale et continue des enseignants en psychologie de l'adolescent.

L'école est en prise avec de nombreuses questions sociales, addictions, civisme, sexualité, faisant chacune l'objet d'un traitement spécifique, et qui constituent autant de priorités qu'on lui demande de traiter. Ces sollicitations diverses peuvent parfois contribuer à noyer le message auprès des enseignants. Pour le Dr Vincent Garcin rencontré par la mission d'information à Lille, cela explique l'échec de l'expérimentation d'une équipe mobile mixte soignants-enseignants à Tourcoing dans le cadre de l'Établissement public de santé mentale Lille-Métropole en 2012.

Par conséquent, l'association de l'Éducation nationale au repérage de la souffrance des jeunes doit reposer sur un partage des tâches pertinent avec le sanitaire, conjuguant sensibilisation des enseignants et renforcement des compétences sanitaires de l'Éducation nationale.

b) Les compétences sanitaires de l'Éducation nationale doivent être renforcées
(1) De l'insertion à l'inclusion scolaire

Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), pour les élèves du premier cycle, s'inscrivent dans cette perspective. Composés de psychologues et d'enseignants spécialisés, ils interviennent par un accompagnement spécifique des élèves éprouvant des difficultés que leur enseignant ne peut traiter seul.

En diminution de 20 % entre 2010 et 2012, moins de 10 000 postes ayant été alloués aux RASED cette année-là, leur nombre s'est ensuite stabilisé au-dessus de 10 000 postes, avec 10 202 postes en 2016 50 ( * ) , tandis que leur rôle et leur mission ont été précisés par voie de circulaire 51 ( * ) .

Deux types d'accompagnement sont distingués : d'une part, une aide directe apportée par les enseignants aux élèves manifestant des difficultés persistantes d'apprentissage ou de comportement, d'autre part, un appui aux équipes pédagogiques dans l'aide aux élèves en difficulté. Alors que l'intérêt des RASED a été relevé par plusieurs spécialistes auditionnés par la mission d'information, celle-ci appelle à conforter la double mission d'accompagnement des réseaux, auprès des équipes pédagogiques et directement auprès des élèves .

Proposition n°9 : Redonner toute leur place aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) tout en maintenant leur double mission auprès des équipes pédagogiques et des élèves en difficulté.

L'article 2 de la loi précitée du 8 juillet 2013 marque le passage de l'insertion des enfants présentant un handicap à leur inclusion dans le milieu scolaire. Cette évolution entraîne de facto de grandes conséquences pour l'école, dans la mesure où il lui revient de s'adapter aux besoins spécifiques de ces élèves. Selon les données du ministère de l'Éducation nationale, lors de l'année scolaire 2015-2016, 278 978 enfants en situation de handicap ont été scolarisés dans les écoles et établissements relevant du ministère de l'Éducation nationale (public et privé), dont 160 043 dans le premier degré et 118 935 dans le second degré. Parmi ces enfants, près de 19 % présentaient des troubles psychiques, soit 52 582 élèves.

Deux formes d'inclusion doivent être distinguées : l'inclusion individuelle, éventuellement favorisée par un projet d'accueil individualisé (PAI) ou un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH 52 ( * ) ), et l'inclusion collective, en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), à l'école primaire comme au collège et au lycée. Les élèves concernés par des troubles psychiques sont moins souvent scolarisés dans un cadre collectif que les autres élèves en situation de handicap. Les enjeux se concentrent donc sur une meilleure prise en compte de la santé mentale par les dispositifs en vigueur. En ce sens, lors de leur audition, les représentants de la DGESCO ont indiqué que, dans le sillage du plan « Bien-être et santé des jeunes », les modalités d'élaboration des PAI devraient être prochainement actualisées, afin notamment de mieux intégrer les questions de santé mentale.

Surtout, la qualité du soutien apporté par les AESH aux élèves présentant des troubles psychiques doit être renforcée. Ceci implique qu'ils soient mieux formés. Ces personnels doivent être titulaires d'un diplôme professionnel dans le domaine de l'aide à la personne 53 ( * ) , ce qui recouvre une grande diversité de profils. Afin d'assurer l'appréhension homogène de la spécificité du handicap psychique, la mission d'information considère qu'un socle commun minimum devrait être défini dans leur formation et que cette dernière doit déboucher sur un diplôme d'État .

Proposition n°10 : Prévoir, pour les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), une formation débouchant sur un diplôme d'État.

De façon plus générale, si la scolarisation s'intègre nécessairement dans le projet thérapeutique, en garantissant socialisation et enseignement, les structures d'enseignement spécialisé ont également une place, en articulation avec l'enseignement classique. L'inclusion scolaire, qu'elle soit individuelle ou collective, ne doit pas être opposée à la scolarisation en établissement médico-social : l'intérêt de l'enfant doit primer sur la volonté d'inclure tous les handicaps à l'école. Aussi les compétences des éducateurs spécialisés sur lesquelles s'appuie la scolarisation doivent-elles être préservées.

(2) Les compétences sanitaires de l'Éducation nationale

L'Éducation nationale dispose de compétences sanitaires propres, avec la médecine scolaire. Or celle-ci fait face à de nombreuses difficultés, parmi lesquelles une baisse sensible des effectifs : en 2016, alors que 1 400 équivalents temps plein (ETP) étaient inscrits au sein de la mission « Enseignement scolaire », seuls 1 100 postes avaient été effectivement pourvus, soit un ratio moyen d'un médecin scolaire pour 11 000 élèves.

Cette situation s'explique notamment par des conditions de rémunération peu attractives, conduisant certains médecins scolaires à solliciter un détachement vers la fonction publique territoriale pour exercer dans des services de protection maternelle et infantile (PMI) ou de maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ; elle se double d'une pyramide des âges défavorable.

À la suite d'une mission d'évaluation conjointe des inspections générales de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), de l'Éducation nationale (IGEN) et des affaires sociales (IGAS) conduite au premier semestre 2015, plusieurs mesures de revalorisation salariale ont été prises en novembre 2015. En parallèle, des mesures visant à mieux faire connaître cette profession en accueillant des internes en médecine générale, en pédiatrie ou en psychiatrie ont permis, selon la DGESCO, d'amorcer une remontée des recrutements.

Les efforts doivent être poursuivis, compte tenu de l'importance de la médecine scolaire pour le repérage des troubles psychiques. Le Dr Catherine Lacour-Gonay insiste sur l'importance des liens entre la médecine scolaire et la pédopsychiatrie : « le partenariat avec la médecine scolaire est essentiel et il est essentiel qu'il continue d'exister (...) Nous avons besoin d'une médecine scolaire forte à nos côtés » 54 ( * ) . Intervenant dans un contexte différent de la médecine de ville, la médecine scolaire dispose d'un regard spécifique sur les élèves ; elle joue également un rôle de pivot entre monde scolaire et professionnels de santé particulièrement important pour les adolescents, qui peuvent vouloir évoquer ces sujets en dehors du cadre familial et de la médecine de ville .

Afin de renforcer cette articulation, la mission d'information estime que ces relations de travail doivent être approfondies, en développant l'accueil dans les services de médecine scolaire d'étudiants de médecine dès le deuxième cycle, ainsi que d'internes en médecine générale, pédiatrie et psychiatrie.

Proposition n°11 : Afin d'accroître l'attractivité de la médecine scolaire, développer l'accueil, dans les services de médecine scolaire, d'étudiants du 2 e cycle d'études médicales et d'internes en médecine générale, pédiatrie et psychiatrie.

Le renforcement des compétences propres de l'Éducation nationale en matière de santé mentale se traduit également par la réforme des psychologues scolaires du premier degré et des conseillers d'orientation-psychologues du second degré . Le décret du 1 er février 2017 55 ( * ) fusionne, à compter de la rentrée de 2017, ces deux corps pour créer celui des psychologues de l'Éducation nationale, et leur confère une mission d'évaluation du développement et des potentialités de chaque enfant sur les plans social, affectif et intellectuel. Intégré au sein de l'équipe pédagogique, le psychologue scolaire devra élaborer avec les enseignants les « projets d'aides spécialisées » pour les élèves en difficulté d'apprentissage et en situation de handicap, intervenant dans la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des mesures individuelles ou collectives d'aide des élèves. Dans les cas les plus complexes, le psychologue scolaire peut également orienter les enfants vers une prise en charge pédopsychiatrique.

Cette réforme participe de la prise en compte renforcée par l'école des questions de santé mentale ; elle devrait accroître les capacités de l'institution scolaire à repérer et évaluer les situations de troubles psychiques voire psychiatriques. Intervenant comme structure de premier niveau, le psychologue de l'Éducation nationale n'a pas une fonction thérapeutique, mais une mission d'évaluation et d'orientation des cas problématiques, en articulation avec les professionnels de santé. Marie-Odile Krebs, professeur de psychiatrie et chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, s'est montrée ainsi favorable à cette réforme à condition que les psychologues de l'Éducation nationale « procèdent à une évaluation cognitive - derrière un trouble du comportement, il peut y avoir un trouble de l'attention majeur ou une déficience intellectuelle - car il s'agit d'adapter l'accompagnement du jeune dans son parcours scolaire. » 56 ( * )

La création d'un corps unique regroupant les psychologues scolaires actuels et les conseillers d'orientation-psychologues ne doit pas occulter leur faible nombre , avec seulement 7 500 professionnels, soit un ratio moyen de 1 600 jeunes suivis par psychologue. Les arrêtés du 3 février 2017 ouvrant les concours de recrutement dans le nouveau corps précisent que plus de 300 postes seront ouverts. En tout état de cause, alors que le ratio moyen au sein de l'Union européenne d'enfants suivis est de 800 par professionnel, cet effort doit être poursuivi.

Sous réserve de ces observations, la mission d'information approuve la réforme mise en oeuvre, et considère qu'il conviendra d'être particulièrement attentif à ce qu'elle puisse jouer son rôle dans l'articulation entre milieux scolaire et sanitaire.

Proposition n°12 : Soutenir la mise en place du corps des psychologues de l'Éducation nationale afin de renforcer le repérage en milieu scolaire et de mieux l'articuler avec l'orientation vers la prise en charge.

c) L'articulation entre l'Éducation nationale et les structures sanitaires
et sociales doit être améliorée

Se consacrant au repérage et à l'accompagnement de la scolarisation des élèves en souffrance psychique, les personnels de l'Éducation nationale compétents en matière sanitaire constituent également l'interface avec les autres niveaux et structures de prise en charge. Or comme l'a relevé Mme Claudine Berr, présidente de la commission spécialisée « maladies chroniques » du Haut conseil de la santé publique (HCSP), lors de la présentation à la mission d'information de l'évaluation du plan « psychiatrie et santé mentale 2011-2015 » conduite par le Haut conseil, il existe « des problèmes d'adressage des enfants [lequel] s'opère de moins en moins par le scolaire » 57 ( * ) .

Si le renforcement des compétences sanitaires de l'Éducation nationale est un préalable, il convient ensuite de s'assurer d'une part que la transition vers une prise en charge soit effectivement organisée, et d'autre part que des outils permettent de faciliter cette transition pour les élèves et leur famille .

À l'appui de la préconisation du rapport Moro-Brison d'un « p@ss santé » des jeunes, l'article 68 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 58 ( * ) prévoit l'expérimentation pendant quatre ans du financement par l'assurance maladie de consultations permettant la prise en charge de jeunes de six à vingt-et-un ans chez lesquels des signes précoces de souffrance psychique ont été repérés. Dans ce cadre, il est prévu que « les médecins ou psychologues scolaires peuvent, après évaluation, orienter vers des consultations de psychologues libéraux, en fonction des besoins et de la situation du jeune et de sa famille » .

Cette expérimentation, pilotée par les ARS, sera mise en oeuvre dans trois territoires de trois régions différentes - Grand-Est, Île-de-France et Pays de la Loire - et concernera 2 000 jeunes au total. À l'occasion du déplacement de la mission d'information dans les Bouches-du-Rhône, il a été constaté l'intérêt suscité par cette mesure au-delà des territoires d'expérimentation. Elle offre une solution complémentaire au repérage précoce en milieu scolaire.

Une relation renforcée et formalisée entre regroupements d'établissements scolaires et MDA s'inscrirait dans le même objectif. Déclinant à l'échelle d'un territoire la convention signée le 16 juin 2016 entre le ministère de l'Éducation nationale et l'association nationale des maisons des adolescents, cet accord permettrait un accès privilégié des jeunes en souffrance repérés en milieu scolaire vers des professionnels de santé (voir infra ).

Plus largement, il convient de fluidifier l'articulation entre le monde scolaire et le monde sanitaire et social, non au moyen de structures spécifiques, mais par le biais d'un vocabulaire et de pratiques en commun, ainsi que de relations directes entre intervenants. C'est le sens de la recommandation faite par le Pr Maurice Corcos 59 ( * ) en faveur d'une « hybridation des pratiques ». La mission d'information soutient cette approche qui pourrait se traduire par des échanges de professionnels entre les champs éducatifs, sociaux et sanitaires. Un professionnel de CMP pourrait ainsi être détaché à temps partiel, selon des modalités à définir, dans des établissements scolaires du secteur. Ce faisant, tant le repérage des troubles avant le déclenchement d'une crise, que l'adressage vers une prise en charge thérapeutique seraient facilités. Parallèlement, le nouveau corps de psychologues de l'Éducation nationale a vocation à intervenir dans des structures sanitaires et sociales, ce qui nécessite d'inverser la tendance récente observée s'agissant des psychologues scolaires.

Une enquête réalisée en 2013 par la Fédération nationale des CMPP soulignait ainsi la baisse de près de 25 % du personnel de l'Éducation nationale dans ces centres entre 2008 et 2012 : « des postes ont été massivement repris par le ministère. Ce phénomène remet évidemment en cause l'essence même des CMPP (...) et interroge le lien entre l'école et le lieu de soins. Moins de la moitié des CMPP voient les personnels de l'Éducation nationale travailler dans les CMPP » 60 ( * ) . Cette diminution s'est accentuée, puisque le nombre de psychologues et d'enseignants de l'Éducation nationale mis à disposition des CMPP et des CAMSP a diminué de 35 % 61 ( * ) .

Proposition n°13 : Généraliser sous certaines conditions les dispositifs permettant l'intervention à temps partiel d'un professionnel de centre médico-psychologique (CMP) (infirmier, psychologue, psychiatre) dans un établissement scolaire du secteur.

d) La question des troubles des apprentissages

S'agissant du handicap non physique, un enjeu particulier se présente pour l'école avec les troubles spécifiques des apprentissages, parfois regroupés sous le préfixe générique « dys » (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie). Si la prévalence de ces troubles n'a pas augmenté, leur meilleur dépistage depuis une quinzaine d'années entraîne des conséquences en matière d'accompagnement scolaire des élèves concernés, compris selon les études entre 5 % et 8 % des enfants d'âge scolaire, soit environ 40 000 à 50 000 nouveaux cas par an. A l'occasion du déplacement de la mission d'information dans les Bouches-du-Rhône, le Dr Pierre Taudou, médecin-conseil du rectorat d'Aix-Marseille, a indiqué que ces troubles représentaient désormais la majorité des demandes de tiers-temps et étaient en forte augmentation ces dernières années. De fait, ils constituent le motif principal de demande de compensation du handicap.

Une séance dédiée de l'Académie nationale de médecine s'est tenue sur cette question le 30 juin 2015 62 ( * ) . La dernière version de la classification américaine des troubles mentaux (DSM-5 63 ( * ) ) les regroupe dans les troubles neurodéveloppementaux, ce qui souligne le caractère précoce de ces troubles et leur retentissement sur le développement fonctionnel. Ils concernent des enfants à l'intelligence normale, dont la scolarité se trouve de ce fait entravée. Les facteurs génétiques expliqueraient entre 30 % et 50 % des cas, complétés par des facteurs socioéconomiques et d'autres facteurs liés à l'environnement.

Compte tenu de ces caractéristiques, les troubles spécifiques des apprentissages relèvent stricto sensu plutôt d'une approche neurologique que d'une approche psychologique, et partant, d'un traitement pluridisciplinaire associant notamment neurologues et orthophonistes . Le Dr Michel Habib précise que « si une majorité des enfants - 65 % à 70 % d'entre eux - peuvent être traités de façon ordinaire par orthophonie et un système scolaire volontaire, tout se passe bien. Mais pour les 30 % restants, il faudrait des équipes pluridisciplinaires » 64 ( * ) . Les représentants de la Haute Autorité de santé (HAS) ont indiqué qu'un groupe de travail sur les parcours de soins des enfants porteurs de troubles « dys » avait été mis en place, auquel les pédopsychiatres sont associés. La complexité naît de l'aspect multifactoriel de ces troubles, qui peuvent parfois alimenter des difficultés psychiques.

L'école tient un double rôle, dans le repérage d'une part, dans l'accompagnement d'autre part. Le repérage précoce est d'autant plus important qu'il permet d'éviter que l'absence de traitement initial entraîne d'autres troubles. Le Pr Mario Speranza, chef du service universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du Centre hospitalier de Versailles, souligne ainsi que « l'un des principaux paramètres qui influencent la trajectoire psychopathologique des dyslexiques est la précocité du diagnostic » 65 ( * ) .

Dans ces conditions, le traitement des troubles spécifiques des apprentissages nécessite l'intervention de disciplines multiples, parmi lesquelles la pédopsychiatrie doit tenir une place complémentaire , notamment dans l'évaluation de l'extension des troubles. Certes, les pédopsychiatres n'ont pas à connaître de dyslexie simple, mais, comme le relève le Dr Catherine Lacour-Gonay, « dans ma pratique du quotidien, au contact des adolescents, je ne vois pas de troubles des apprentissages isolés, mais seulement des troubles des apprentissages complexes qui sont intégrés dans des troubles du développement, sans que l'on sache s'il s'agit d'une cause ou d'une conséquence » 66 ( * ) . De fait, la pédopsychiatrie doit intervenir à chaque fois qu'il est nécessaire d'évaluer l'existence ou non de troubles psychiques associés.

Au total, la spécificité des troubles des apprentissages, désormais mieux appréhendée, doit conduire à ne pas les considérer sous le prisme exclusif de la psychopathologie.

2. Les médecins généralistes et les pédiatres

Les autorités sanitaires s'appuient sur les médecins généralistes et les pédiatres notamment pour déployer la politique de santé mentale en direction des mineurs. La Haute Autorité de santé (HAS) en particulier considère qu'il « s'agit de rétablir la place du généraliste dans le parcours » 67 ( * ) .

Elle a indiqué à la mission d'information travailler à une recommandation labellisée sur la coordination entre le généraliste et le psychiatre, document qui serait prochainement publié.

Il convient cependant de souligner qu'accaparé par une multiplicité de tâches, le médecin généraliste, dont on semble attendre qu'il soit au coeur de tout, n'a pas la possibilité de l'être. Les conditions réelles d'exercice rendent difficile la réalisation de ce qui peut apparaître comme un leitmotiv depuis plusieurs décennies.

Plusieurs difficultés ont été relevées s'agissant de la prise en compte des troubles de santé mentale 68 ( * ) : l'insuffisance des repérages, les cas diagnostiqués à tort ou encore les prescriptions inadéquates. Deux exemples peuvent être cités. En 2009, une étude indiquait que parmi les patients ayant consulté un médecin généraliste pour un épisode dépressif majeur, seuls 21,5 % étaient traités conformément aux recommandations de bonnes pratiques. En 2005, une étude européenne constatait pour sa part que les médecins généralistes français avaient un taux d'adressage plus faible que les autres médecins européens.

Les médecins généralistes conservent cependant une place centrale dans le dispositif d'accès aux soins ; il faut donc leur donner, ainsi qu'aux pédiatres, les moyens d'assumer le travail de dépistage et d'orientation qu'on leur demande . Ceci implique que les médecins généralistes soient mieux inclus dans les réseaux de soins en psychiatrie des mineurs et qu'ils soient régulièrement informés par les autres professionnels de la situation des patients qu'ils leur adressent.

En amont, parallèlement au renforcement de la formation initiale et continue à laquelle ils peuvent accéder, une aide au diagnostic est également nécessaire. A cet égard, M. Michel Laforcade suggère de mettre en place une permanence téléphonique accessible notamment aux médecins généralistes qui souhaitent recueillir un avis dans le domaine de la pédopsychiatrie. Votre rapporteur estime qu'un tel dispositif pourrait s'avérer utile à la condition qu'il soit bien calibré.

Proposition n°14 : Prévoir un dispositif téléphonique de permanence permettant de répondre aux besoins d'avis pédopsychiatriques des médecins généralistes.

Les dispositifs de télémédecine qui semblent se développer aujourd'hui offrent également la possibilité de soutenir le médecin généraliste dans son activité de prise en charge des troubles mentaux.

3. Les services départementaux de protection de l'enfance

Depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance 69 ( * ) , les missions de la PMI ont évolué. L'article 1 er de la loi définit la protection de l'enfance comme ayant « pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs ».

Placée sous la responsabilité du président du conseil départemental, cette politique se traduit notamment par l'obligation d'organiser :

- des consultations prénuptiales, prénatales et postnatales et des actions de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes ;

- des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans ainsi que l'établissement d'un bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, notamment en école maternelle ;

- des actions médico-sociales préventives à domicile pour les femmes enceintes, notamment des actions d'accompagnement si celles-ci apparaissent nécessaires lors d'un entretien prénatal précoce proposé systématiquement et réalisé à partir du quatrième mois de grossesse et pour les enfants de moins de six ans requérant une attention particulière ;

- et des actions médico-sociales préventives et de suivi, assurées pour les parents en période post-natale, à la maternité, à domicile, notamment dans les jours qui suivent le retour à domicile ou lors de consultations.

Ces missions sont assurées par le service départemental de PMI dirigé par un médecin et qui comprend des personnels qualifiés notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique 70 ( * ) .

L'orientation-clé de la loi du 5 mars 2007 est la prévention des risques de mise en danger de la vie de l'enfant. Dans ce cadre, les services de PMI ont dû consacrer une part croissante de leur activité à la prévention de la maltraitance au détriment des actions de santé publique. Ce phénomène est accentué par la faiblesse des moyens dont ils disposent. Comme l'a souligné le Dr Sylviane Gissinger, pédiatre de PMI, « actuellement, la priorité absolue accordée au traitement des informations préoccupantes risque de se faire au détriment du travail global dans les services départementaux concernés et peut également aggraver l'état psychologique de certains enfants . » 71 ( * )

Le constat de de l'hétérogénéité des services de PMI selon les territoires est établi. Les professionnels sont demandeurs d'une plus grande coordination des actions au niveau national, d'une meilleure reconnaissance statutaire de leurs équipes ainsi que de l'allocation de moyens supplémentaires. La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 réaffirme la place de la PMI dans la politique nationale de santé. Sur ce fondement, la DGS indique avoir mis en place un comité technique pour l'animation nationale des actions de PMI. Le Dr Zinna Bessa a indiqué à la mission d'information que « l'une des missions sera de remonter les actions de ces structures de proximité, accessibles, et de travailler à l'émulation et à l'échange des pratiques qui ont fait leurs preuves, mais aussi à l'identification des actions manquantes. Le comité, outil majeur, sera animé conjointement par l'Assemblée des départements de France et la DGS et se réunira deux à trois fois par an . » 72 ( * )

Afin d'assurer au mieux leurs missions sanitaires en ce qui concerne la santé mentale des mineurs, le Dr Colette Bauby, médecin au centre de PMI de Gennevilliers, a insisté sur les nécessaires échanges entre PMI et pédopsychiatrie et a appelé à poursuivre les efforts déjà engagés à certains endroits du territoire : « de nombreux moyens de travail commun ont été créés par des centres de PMI et de pédopsychiatrie : des pédiatres travaillent ainsi dans les CMP et organisent des consultations conjointes tandis que des pédopsychiatres et des psychologues travaillent en PMI. De telles démarches, qui aboutissent à un soin commun et au partenariat si important pour la prise en charge des enfants, doivent être développées. A l'issue de vingt années d'expérience, il me paraît judicieux qu'un pédiatre soit présent à chaque inter-secteur de pédopsychiatrie. A trop séparer ce qui concerne le corps et l'esprit, on fait fausse route. Ces réflexions, qui concernent les tout-petits, sont aussi valables pour les plus grands ». Le Dr Christian Müller a lui aussi insisté sur la nécessité de développer les liens avec la pédopsychiatrie : il faut « organiser une pédopsychiatrie de liaison avec les services de la protection de l'enfance, comme elle existe déjà auprès des services de pédiatrie » 73 ( * ) .

La mission d'information partage cette volonté et souligne l'intérêt qu'il y aurait à développer l'intervention des pédopsychiatres dans les services de protection de l'enfance.

L'insuffisance des liens avec la pédopsychiatrie est encore plus visible pour la prise en charge des enfants confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) dont les travailleurs sociaux peuvent se sentir démunis pour le repérage et les réponses à apporter aux situations pouvant nécessiter une orientation vers le soin psychiatrique.

Proposition n°15 : Développer l'intervention des pédopsychiatres dans les services de protection de l'enfance.

4. Les maisons des adolescents

Les maisons des adolescents (MDA), dont la première a été créée en 1999 au Havre, ont connu un essor à partir de 2005 avec la mise en place d'un programme national de développement des maisons des adolescents cofinancé par l'État, l'assurance maladie et la fondation Hôpitaux de Paris-hôpitaux de France.

Le rapport Moro-Brison y consacre des développements importants car elles sont un acteur de premier plan du repérage et de l'orientation . Le mineur, avec ou sans son entourage, ainsi que les parents, peuvent y rencontrer une équipe pluridisciplinaire à la fois pour une écoute et pour une orientation vers une prise en charge adaptée.

L'association nationale des maisons des adolescents les décrit comme « des lieux qui accueillent les adolescents, quels que soient leurs questionnements ou leurs préoccupations (médicale, sexuelle, psychique, scolaire, juridique, sociale...) » 74 ( * ) . L'accueil y est gratuit et anonyme si besoin, avec ou sans rendez-vous.

L'importance des MDA a été soulignée à de multiples reprises au cours des travaux de la mission d'information. Leur rôle en matière de souffrance psychique a été récemment réaffirmé. Une circulaire de la DGOS en date du 28 novembre 2016 entend faire d'elles « une pierre angulaire du dispositif de réponse à la souffrance psychique et au mal-être des jeunes » 75 ( * ) .

Il existe aujourd'hui un peu plus d'une centaine de ces maisons, dont près de la moitié sont adossées à un service hospitalier et 25 % sont de nature associative. Les autres sont organisées en groupements d'intérêt public, en service d'un conseil départemental, en groupement de coopération sanitaire et médico-sociale (GCSMS) ou de statut privé.

Si elles bénéficient d'un cadre juridique souple, le constat est celui de l'hétérogénéité de leur organisation et de l'efficacité variable de leurs actions . Le Pr Marie-Odile Krebs indique notamment qu'elles « ont des compositions, des fonctionnements, des moyens extrêmement variés. Lorsqu'il y a une grande coopération entre la maison et le service de psychiatrie des jeunes adultes, cela peut fonctionner. Ma seule réserve porte sur le repérage des jeunes présentant un risque d'évolution sévère. Il faudrait un langage et des objectifs communs ainsi que l'implantation systématique d'une évaluation simple. C'est très faisable. »

De même, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales de 2013 76 ( * ) souligne le succès de ce dispositif mais son arrimage insuffisant aux services de psychiatrie. « Les interventions rapides des MDA sont efficaces, mais cette efficacité peut parfois être compromise par l'absence de relais pris par les services de psychiatrie au demeurant saturés ».

L'efficacité du projet est aussi très dépendante des personnes qui le portent et qui le font vivre. Le rapport Moro-Brison a identifié plusieurs autres axes d'amélioration. Il s'agit tout d'abord d'améliorer le maillage territorial et de renforcer le financement des structures. Il y aurait aujourd'hui une quinzaine de départements dépourvus de MDA. Un autre enjeu est celui qui consiste à trouver une meilleure articulation avec les points d'accueil écoute jeune (PAEJ) et les espaces santé jeunes (ESJ) dont les missions sont proches de celles des MDA.

L'enjeu principal en matière de repérage demeure celui de développement des liens avec l'Éducation nationale . Selon le rapport Moro-Brison, entre 25 et 30 % des jeunes accueillis par les MDA ont été adressés par des professionnels des collèges ou lycées.

La mission d'information partage le constat de ce rapport sur l'importance que tous les responsables d'établissements scolaires soient informés de la façon dont l'accès aux soins de premier recours est organisé sur le territoire et tout particulièrement des MDA. « Selon la taille et la situation des établissements, une convention peut être passée avec la MDA ou une autre structure ressource ou de soins spécifique des ados. Elle peut inclure plusieurs collèges ou lycées réunis en réseau. En tout état de cause aucun collège et aucun lycée ne peut ignorer la MDA ou la structure ressource pour les jeunes la plus proche. Les procédures de sollicitation de la MDA doivent être connues par chaque établissement afin d'être transmises aux parents et aux jeunes eux-mêmes en cas de besoin. » 77 ( * )

La mission d'information soutient cette préconisation et estime qu'un préalable devrait être l'homogénéisation de l'offre de service des MDA.

Proposition n°16 : Développer les conventions entre maisons des adolescents (MDA) et regroupements d'établissements scolaires pour assurer une meilleure connaissance par les responsables d'établissement des dispositifs existants et des procédures d'admission.

5. La protection judiciaire de la jeunesse

Dans le cadre de ses compétences, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) du ministère de la justice est appelée à connaître de mineurs dans deux situations. Il s'agit, d'une part, des mineurs délinquants ayant fait l'objet d'une condamnation pénale, et, d'autre part, des mineurs qui font l'objet d'une mesure de placement judiciaire dans le cadre de la protection de l'enfance. Quelle que soit leur situation, ces mineurs sont susceptibles de présenter des troubles psychiatriques qu'il faut repérer et accompagner.

La PJJ rappelle que les jeunes qu'elle prend en charge présentent fréquemment des troubles du comportement qui s'imposent aux professionnels qui s'en occupent et ne nécessitent donc pas de repérage. Elle considère cependant, qu' « il est essentiel de pouvoir faire bénéficier les jeunes d'un avis spécialisé pour identifier les pathologies psychiatriques éventuellement sous-jacentes qui nécessiteraient une prise en charge spécialisée » 78 ( * ) .

Du point de vue de la santé publique, elle insiste sur l'utilité de l'accompagnement éducatif qu'elle assure dans le cadre judiciaire car il permet de toucher des jeunes éloignés des dispositifs de soins.

A plusieurs titres, la PJJ s'appuie sur une expertise en psychiatrie. Sa mission d'aide à la décision des magistrats implique l'organisation d'évaluations psychologiques ou psychiatriques. Par ailleurs, les jeunes qui relèvent de sa compétence peuvent avoir besoin de consultations psychiatriques.

Pour la prise en charge psychiatrique en milieu ouvert ou en placement, la DPJJ indique faire fréquemment appel au réseau des MDA. Un partenariat a été formalisé par la signature d'une convention nationale avec l'association nationale des maisons des adolescents le 16 juin 2016.

Lors de son déplacement dans les Bouches-du-Rhône, la mission d'information a rencontré les représentants de la direction inter-régionale de la PJJ qui a confirmé la volonté de s'adjoindre des pédopsychiatres. Certains services de la PJJ bénéficient déjà de prestations réalisées par des psychiatres dont les missions sont de donner des avis cliniques et de guider la pratique éducative, de faciliter l'accès aux soins et d'assurer un travail d'information ou de soins avec les familles.

La volonté d'améliorer l'articulation des missions de la DPJJ avec les secteurs sanitaire et médico-social doit être reconnue. Dans le prolongement d'une circulaire du 3 mai 2002 relative à la prise en charge concertée des troubles psychiques des enfants et adolescents en grande difficulté, une « stratégie d'action en santé 2005-2008 » a été mise en place et un contrat-cadre entre la direction générale de la santé (DGS) et la DPJJ signé le 1 er décembre 2007.

La DPJJ indique que le bilan de ces instruments est apparu peu satisfaisant « en raison de la faiblesse des articulations effectives et de l'insuffisance de moyens psychiatriques ».

C'est pourquoi la DPJJ a sollicité une mission d'appui nationale sur les articulations entre PJJ et psychiatrie, qui l'a conduite à ouvrir un poste à mi-temps de conseiller technique pédopsychiatre ou psychiatre, auprès de chaque direction inter-régionale. L'animation de ce réseau est assurée par un pédopsychiatre depuis l'administration centrale de la DPJJ. Cependant, ce dispositif reste peu opérant en raison de la difficulté de recrutement de ces psychiatres, et du problème posé par l'existence de règles statutaires différentes en fonction des lieux d'exercice .

Ces obstacles ont été confirmés lors du déplacement de la mission d'information dans les Bouches-du-Rhône. Ces difficultés doivent être levées.

Proposition n°17 : Lever les obstacles statutaires au recrutement de psychiatres et de pédopsychiatres par la protection judiciaire de la jeunesse dans les directions inter-régionales. En particulier, assurer un régime indemnitaire favorable au recrutement de praticiens hospitaliers à temps partiel.

Pour améliorer les synergies avec les autorités de santé, une convention-cadre entre la DGS et la PJJ devrait être signée le 25 avril 2017 selon les informations communiquées à la mission d'information. Son objectif est de renforcer les échanges entre les ARS et des directions territoriales de la PJJ.

La DPJJ indique que « d'autres pistes sont en réflexion : proposition de faciliter les postes partagés entre fonction publique d'État et fonction publique hospitalière, ainsi que des expérimentations de télémédecine pour faire profiter [les] jeunes et [les] équipes éloignés des services de psychiatrie d'un accompagnement spécialisé pour les prises en charge ».


* 48 Audition du mardi 10 janvier 2017.

* 49 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 50 Données fournies par la DGESCO.

* 51 Circulaire n° 2014-107 du ministère de l'Éducation nationale du 18 août 2014, « Fonctionnement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) et missions des personnels qui y exercent ».

* 52 Il s'agit de la nouvelle dénomination des anciens auxiliaires de vie scolaire (AVS).

* 53 Circulaire n° 2014-083 du ministère de l'Éducation nationale du 8 juillet 2014 relative aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap.

* 54 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 55 Décret n° 2017-120 du 1 er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale.

* 56 Audition du mardi 7 février 2017.

* 57 Audition du mardi 17 janvier 2017.

* 58 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

* 59 Propositions sur la psychiatrie des mineurs adressées à la mission d'information le 24 février 2017 par le Pr Maurice Corcos, le Dr Marie-Aude Piot et le Dr Jean-Christophe Maccotta.

* 60 « Enquête nationale menée sous l'égide de la fédération nationale des CMPP », novembre 2014, pages 8 et 9.

* 61 Données transmises par la DGESCO.

* 62 Séance dédiée «Les troubles spécifiques des apprentissages chez l'enfant», Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 199, n° 6, 851-891, séance du 30 juin 2015.

* 63 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.

* 64 Audition du mardi 21 février 2017.

* 65 Audition du mardi 21 février 2017.

* 66 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 67 Audition du mercredi 11 janvier 2017.

* 68 Ces difficultés sont recensées par la Drees dans une note de cadrage accompagnant les actes du séminaire de recherche sur l'organisation de l'offre de soins en psychiatrie et santé mentale, série études et recherches n°129, avril 2014.

* 69 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

* 70 Articles L. 2112-1 et L. 2112-2 du code de la santé publique.

* 71 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

* 72 Audition du jeudi 12 janvier 2017.

* 73 Audition du mercredi 1 er février 2017.

* 74 Voir : www.anmda.fr/les-mda/les-missions/missions/

* 75 Circulaire n° 5899-SG du 28 novembre 2016 relative à l'actualisation du cahier des charges des Maisons des adolescents.

* 76 Évaluation du dispositif « maison des adolescents » (MDA), octobre 2013.

* 77 Rapport Moro-Brison.

* 78 Réponses au questionnaire adressé par la mission d'information.

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