LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LA CULTURE

I. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, ACTEURS ESSENTIELS DES POLITIQUES CULTURELLES

Comme l'ont fait observer Mme Jacqueline Gourault et M. Yves Krattinger dans le rapport d'information précédemment évoqué, « Le domaine culturel a été massivement investi par les collectivités territoriales de tous niveaux : les élus locaux y sont très attachés et l'addition des initiatives et des financements y est bien souvent vitale » 4 ( * ) .

Cet investissement a été permis, d'une part, par les transferts de compétences de l'État aux collectivités , consécutifs notamment aux lois de décentralisation de 1982-1983 puis de 2004 et, d'autre part, par les initiatives volontaires des collectivités dans le cadre de leur compétence générale, souvent bien plus anciennes s'agissant des communes.

Avant même les lois de décentralisation, la culture s'est donc très tôt affirmée comme une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités et l'État .

Traduction tangible de cet enchevêtrement de compétences, les interventions culturelles reposent sur des financements croisés , que les collectivités abondent dans des proportions parfois plus élevées que le ministère de la Culture et de la Communication lui-même.

C'est donc dans le volontarisme des collectivités, et singulièrement des communes , complété par les missions de soutien, de contrôle, de conseil, et d'évaluation des services déconcentrés de l'État, et notamment des DRAC, que réside largement l'action culturelle locale.

Ainsi une démarche de co-construction des politiques culturelles , associant pleinement les collectivités, est-elle tout à fait déterminante pour en garantir l'efficacité, l'efficience et sans doute la légitimité.

A. UNE RESPONSABILITÉ JURIDIQUE ET FINANCIÈRE

Un bref examen des principales compétences et dépenses des collectivités en matière culturelle témoigne de leur implication.

1. Des compétences partagées

Des compétences très étendues ont été reconnues aux différents échelons locaux dans le domaine de la culture.

Les communes jouent en particulier un rôle fondamental. Elles interviennent en matière de patrimoine, par exemple pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont elles sont propriétaires. Elles participent également à la protection patrimoniale des espaces dans le cadre de leur compétence d'urbanisme, consécutivement à la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État. En outre, les communes disposent d'équipements culturels tels que des musées, des bibliothèques ou des écoles de danse, de musique ou d'art dramatique. Leur compétence a d'ailleurs été reconnue à l'égard des bibliothèques municipales par la loi du 22 juillet 1983 complétant la loi du 7 janvier 1983, et des missions d'enseignement initial et d'éducation artistique des écoles précitées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (LRL).

Depuis la fin des années 1990, l'action culturelle des communes tend à s'inscrire dans un cadre intercommunal. Selon une étude publiée en 2008 5 ( * ) par le ministère de la Culture et de la Communication, 75% des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) interviennent ainsi dans les affaires culturelles, dont 66% sur le fondement d'une compétence spécifique. La lecture, l'enseignement artistique et le spectacle vivant sont les premiers domaines d'action de ces établissements.

Longtemps plus en retrait, les conseils départementaux ont vu leurs compétences renforcées par la loi du 22 juillet 1983 : d'une part, ils sont responsables des services départementaux d'archives, qui reçoivent et gèrent les archives des services déconcentrés de l'État ainsi que certaines archives communales ou régionales ; d'autre part, ils disposent des bibliothèques départementales. Autres attributions notables, les conseils départementaux ont été chargés des crédits de l'État pour la conservation du patrimoine rural non protégé, ainsi que du schéma départemental de développement des enseignements artistiques, par la loi LRL.

Quant aux conseils régionaux , ils se sont investis dès les années 1980 avec la mise en place des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) ou de dispositifs de soutien aux secteurs du cinéma et de l'audiovisuel. Cette implication s'est poursuivie avec le transfert à leur profit de l'inventaire général du patrimoine par la loi LRL. En outre, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) a attribué aux conseils régionaux l'enseignement préparant à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant 6 ( * ) , ainsi que la faculté d'élaborer un schéma régional de développement des enseignements artistiques.

2. Des financements croisés

À cet enchevêtrement des compétences correspond une imbrication des financements.

Selon les chiffres rendus publics par le ministère de la Culture et de la Communication en 2014 7 ( * ) , les dépenses des collectivités en matière culturelle sont estimées à 7,6 milliards d'euros en 2010 , soit deux fois plus que les crédits consacrés par l'État à la Mission Culture.

Le bloc communal 8 ( * ) concentre 73% de ces dépenses , contre 18% pour les conseils départementaux et 9% pour les conseils régionaux. En moyenne, 8% du budget des communes et 7% de celui des intercommunalités sont consacrés à la culture, cette proportion étant de 2,7% pour les conseils départementaux et de 2,1% pour les conseils régionaux.

Parmi ces interventions financières, 58% sont dédiées à l'expression artistique et aux activités culturelles (spectacle vivant, arts plastiques, cinéma, enseignement artistique...) et 39% à la conservation et à la diffusion des patrimoines (bibliothèques, musées, monuments, archives...). En outre, 78% d'entre elles sont comptabilisées en section de fonctionnement , et 22% en section d'investissement.

Des disparités peuvent être relevées entre les échelons locaux.

L' expression artistique et les activités culturelles représentent ainsi 61% du budget culturel des communes, 60% de celui des EPCI et 76% de celui des conseils régionaux, tandis que la conservation et la diffusion des patrimoines mobilisent 59% des dépenses des conseils départementaux.

Par ailleurs, les charges de personnels concentrent 44% des engagements financiers des communes et 42% de ceux des EPCI, alors que les subventions en fonctionnement totalisent 28% des frais des conseils départementaux et 57% de ceux des conseils régionaux.

Ces écarts sont révélateurs d'un positionnement différencié de ces différents échelons à l'égard des compétences culturelles :

- le bloc communal assure la gestion de nombreux équipements culturels, ce qui explique l'importance de ses dépenses de personnels, les conseils départementaux et régionaux intervenant davantage au travers de subventions aux autres collectivités et aux acteurs culturels ;

- les conseils départementaux sont dotés de compétences étoffées en matière de patrimoine, qui représente ainsi leur premier poste de dépenses, le soutien du bloc communal et des conseils régionaux allant d'abord à l'expression artistique et aux activités culturelles.


* 4 Rapport d'information « Faire confiance à l'intelligence territoriale » n° 471 (2008-2009), de M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, déposé le 17 juin 2009, p. 132.

* 5 Ministère de la Culture et de la Communication, « L'intercommunalité culturelle : un état des lieux », octobre 2008.

* 6 Ce dispositif a remplacé le cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), qui avait été créé par l'article 101 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (LRL).

* 7 Ministère de la Culture et de la Communication, « Les dépenses culturelles des collectivités territoriales en 2010 : 7,6 milliards d'euros pour la culture », mars 2014.

* 8 Communes et intercommunalités de plus de 10 000 habitants.

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