B. LA DÉPENSE IMMOBILIÈRE DEMEURE MAÎTRISÉE PAR LES OCCUPANTS, Y COMPRIS POUR CELLES RELEVANT DU PROPRIÉTAIRE

En regard de cette baisse des crédits interministériels, la part des ministères occupants dans la dépense immobilière s'est accrue pour répondre aux besoins. Ainsi, les crédits de paiement consacrés à l'entretien lourd recensés dans le DPT pour 2016 sont plus de six fois supérieurs aux crédits ouverts dans l'ex-programme 309.

Comme le relève le rapport de l'inspection générale des finances, « il est manifeste que les ministères occupants maîtrisent à la fois l'ensemble des crédits de l'occupant et l'essentiel des crédits du propriétaire . En 2014, 77 % des crédits du propriétaire sont inscrits sur leurs programmes » . Cette proportion atteint même 96 % pour le ministère de la justice en 2016 47 ( * ) .

Répartition des dépenses immobilières du propriétaire

du ministère de la justice en 2016

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par le ministère de la justice

Au sein même des ministères, la dépense immobilière est éclatée. Le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères 48 ( * ) renforce leur rôle de mutualisation des fonctions transverses, dont l'immobilier. Pourtant, une certaine hétérogénéité subsiste. S'agissant du ministère de la justice, le secrétaire général demeure moins directement associé à l'immobilier pénitentiaire et à l'immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse, qui constituent pourtant près de 60 % des sites du ministère et 78 % de ses crédits immobiliers en 2016. Toutefois, sa position devrait prochainement être consolidée, avec une responsabilité étendue à l'immobilier de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et à l'immobilier non spécifique de la direction de l'administration pénitentiaire 49 ( * ) .

C. UNE SITUATION INSTABLE, FAVORISANT L'ESSOR DE MONTAGES FINANCIERS COMPLEXES, PESANT SUR LES FINANCES PUBLIQUES

De la mainmise des ministères occupants sur le levier budgétaire et de la faiblesse des crédits immobiliers interministériels découle le recours croissant à des tiers-financeurs dans les projets immobiliers . S'ils revêtent des caractéristiques propres - partenariat public-privé, crédit-bail immobilier - ils partagent l'avantage immédiat de lisser la charge budgétaire de l'État, le tiers supportant le financement de l'opération initiale. Pour autant, leur intérêt économique à long terme demeure incertain , a fortiori dans un contexte de taux d'intérêt très faibles. Or si ces choix sont opérés par les ministères occupants, leurs conséquences financières engagent l'État propriétaire. S'agissant des crédits-baux immobiliers, le rapport de l'inspection générale des finances a ainsi calculé que le coût global de des cinq contrats conclus entre 2012 et juin 2015 pour un montant total de 1,1 milliard d'euros, serait renchéri de 5 % par rapport à un financement direct de l'État, sans intermédiaire.

Cette situation concerne au premier chef le ministère de la justice, confronté ces dernières années à un conflit entre la tension sur les crédits budgétaires et à un besoin croissant de construction, notamment pour l'immobilier pénitentiaire. Ainsi, dix contrats de partenariat conclus représentent 26 % des crédits immobiliers du programme 107 « Administration pénitentiaire » en 2016 , pour un loyer annuel d'environ 170 millions d'euros, en progression constante jusqu'à atteindre 226 millions d'euros en 2022 . En regard, les bâtiments ainsi financés ne concernent que 14 % de la surface hors oeuvre nette (SHON) domaniale de l'administration pénitentiaire. En application de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 50 ( * ) , une revue de dépenses sur les partenariats publics privés pénitentiaires est en cours afin d'éclairer l'opportunité d'un nouveau recours à ce type de contrat pour la construction de nouveaux établissements pénitentiaires.

Comparaison de la part des 10 PPP pénitentiaires dans les crédits immobiliers

du programme 107 et dans la SHON domaniale de la DAP

Source : commission des finances du Sénat.

Aux loyers relatifs à l'administration pénitentiaire s'ajoutent, pour la mission « Justice », ceux concernant l'administration centrale et les juridictions. Par exemple, le nouveau palais de justice de Paris, situé à Clichy-Batignolles, entraînera le paiement d'un loyer annuel moyen de près de 90 millions d'euros pendant vingt-sept ans, soit l'équivalent de plus de la moitié des crédits de paiement consacrés à l'investissement judiciaire pour 2017 51 ( * ) .


* 47 406,5 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits sur les différents programmes de la mission « Justice » pour les dépenses du propriétaire, contre 16,6 millions d'euros à destination de cette mission dans les programmes 309 et 723.

* 48 Décret n° 2014-834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères.

* 49 L'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), établissement national à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du secrétariat général du ministère, de la direction des services judiciaires et de la direction de l'administration pénitentiaire, est compétente pour l'immobilier pénitentiaire spécifique.

* 50 Article 22 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 51 Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, 4 avril 2017, pages 85 et 86.

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