II. LA SOUTENABILITÉ DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE N'EST PAS ASSURÉE

Les modifications mises en oeuvre en 2016-2017 n'apportent pas une réponse suffisante aux « défauts qui nuisent à l'efficacité générale » 1 de la politique immobilière de l'État recensés dans la lettre de mission précitée, au premier rang desquels le fait que « la majorité des crédits immobiliers restent portés par les programmes supports des ministères occupants, et échappent donc au contrôle de France Domaine qui [...] n'est pas en capacité de s'assurer de leur pertinence ni de concevoir une programmation immobilière d'ensemble cohérente » 44 ( * ) . Deux difficultés s'ensuivent :

- d'une part, l'impossibilité d'établir avec précision le coût total de la dépense immobilière , contrevenant en ce sens aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ;

- d'autre part, les ministères occupants maîtrisant près de 95 % des crédits immobiliers , la portée de la voix de l'État propriétaire demeure bien souvent réduite.

A. LA DÉPENSE IMMOBILIÈRE TOTALE NE PEUT ÊTRE TOTALEMENT RETRACÉE

1. Si la dépense immobilière totale n'est pas établie avec précision...

Selon les données du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2017, le montant total des crédits consacrés à la politique immobilière de l'État en 2017 s'élève à près de 9 milliards d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 6,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). À titre indicatif, la politique immobilière de l'État ne pouvant être appréhendée de façon autonome des politiques publiques qu'elle soutient, elle représente un poids budgétaire sensiblement équivalent à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour les AE (9,6 milliards d'euros), ou aux missions « Aide publique au développement », « Culture » et Outre-mer » réunies. Sur les trente-et-une missions du budget général, elle constituerait la quatorzième mission en montant d'AE 45 ( * ) .

Encore ces chiffres ne constituent-ils qu'une estimation, dès lors qu'aucune vision globale, homogène et précise des dépenses immobilières de l'État n'est disponible. Déjà constatée par la Cour des comptes fin 2014 46 ( * ) , cette impossibilité est à nouveau relevée par la mission de l'inspection générale des finances : « les données du DPT ne permettent pas de mesurer la dépense immobilière de l'État [...]. Ces travaux demeurent liés à une comptabilité budgétaire, sans lien avec la comptabilité générale et la vision de l'immobilier comme un « actif » [...] et ne permettent pas d'évaluer la qualité de la dépense immobilière, notamment en raison de l'absence de comptabilité analytique de l'État, et donc de l'impossibilité de mesurer le « coût immobilier complet » du parc de l'État » . Suivant une méthode ad hoc , la mission évalue les paiements de l'État sur son budget général à 9 milliards d'euros par an en matière immobilière en moyenne pour la période 2012-2014, alors que le montant figurant dans le DPT est 17 % moins important (7,5 milliards d'euros).

Ce flou, auquel aucune réponse n'a été apportée par la réforme de 2016, est préjudiciable à double titre :

- sur le plan du droit budgétaire, il ne respecte pas les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Il se double de la difficulté d'identifier les crédits relevant du propriétaire et de l'occupant au sein des programmes ministériels ;

- sur le plan de l'efficacité de la politique menée, dans la mesure où la connaissance de la dépense immobilière totale constitue le préalable indispensable à la définition d'une stratégie immobilière par l'État propriétaire . La programmation des dépenses de l'ex-programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » sans vision sur les autres dépenses d'entretien lourd engagées par les ministères en constitue une traduction.

2. ... la baisse des crédits immobiliers interministériels est certaine

S'il est difficile d'estimer la totalité des crédits immobiliers éclatés entre les programmes ministériels, il est plus aisé d'analyser les crédits immobiliers interministériels et leur baisse tendancielle depuis 2013 (- 27 %).

Évolution des crédits immobiliers interministériels (P309 et P723)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat


* 44 Lettre de mission du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d'État chargé du budget adressée au Chef de service de l'inspection générale des finances le 31 mars 2015 pour conduire une réflexion sur la rénovation du cadre institutionnel et la modernisation des outils actuels de la politique immobilière de l'État.

* 45 Cette comparaison est mentionnée à titre indicatif afin d'appréhender l'importance budgétaire de cette politique, dans la mesure où les crédits immobiliers sont eux-mêmes inscrits à plus de 90 % au sein des différentes missions du budget général de l'État.

* 46 « Le bilan de la politique immobilière de l'État », référé n° 71427, 30 décembre 2014.

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