B. UNE RÉFORME TIMIDE ET COURT-TERMISTE

1. Des arbitrages a minima
a) Une réforme centrée sur les questions de gouvernance

Il existe un double décalage entre la lettre de mission, le contenu des propositions du rapport de l'inspection générale des finances et les mesures in fine retenues . De fait, ce sont essentiellement les recommandations relatives à la gouvernance de la politique immobilière de l'État et à l'organisation administrative qui ont été reprises. De surcroît, les arbitrages rendus se cantonnent aux solutions minimales. Tel est par exemple le cas de la transformation de France Domaine en direction de l'immobilier de l'État, intégrée à la DGFiP. Les analyses de la mission de l'inspection générale des finances la conduisaient à préférer un rattachement direct au ministre des finances et, en tout état de cause, à écarter « la création d'une direction au sein de la DGFIP [dans la mesure où] le maintien de l'entité représentant l'État propriétaire au sein de la DGFiP ne marquerait pas suffisamment la volonté de considérer la politique immobilière de l'État comme une politique de gestion d'actifs, mission qui ne relève pas a priori des compétences, fiscales ou comptables, de cette direction générale » .

De même, la nouvelle gouvernance est critiquée par les ministères occupants pour son formalisme exagéré et son caractère chronophage, dès lors que la création d'une instance unique s'est conjuguée avec l'abandon des réunions bilatérales, pourtant nécessaires pour prendre en compte la spécificité des besoins immobiliers de certains ministères, et une multiplication des réunions multilatérales - la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP), pourtant instituée le 6 juin 2016, s'étant ainsi réunie à vingt-deux reprises en 2016, puis à dix reprises au cours du premier trimestre 2017. Par exemple, alors que jusqu'à présent le ministère de la justice participait en moyenne à un comité d'orientation de la politique immobilière de l'État (COMO) par mois, quelques réunions de l'instance nationale d'examen des projets immobiliers (INEI) dans l'année et deux comités de politique immobilière (CPI) par an, il doit désormais être présent aux CNIP.

Si cette démarche peut être comprise à titre exceptionnel pour permettre la mise sur pied du nouveau cadre de la politique immobilière de l'État et par un souci d'amélioration de la connaissance partagée du parc immobilier, y compris spécifique, elle exige un investissement qui ne saurait être soutenable dans la durée. Renforcement de l'État propriétaire et formalisme ne doivent pas être confondus.

b) L'intégration du programme 309 au sein du CAS constitue une « rénovation superficielle » (IGF)

Analysant les différentes voies d'évolution pour répondre aux enjeux de financement de la politique immobilière de l'État, la mission de l'inspection générale des finances souligne que « l'option d'un élargissement du CAS aux crédits du programme 309 ne serait qu'une rénovation superficielle et insuffisante » . Or cette solution fut finalement privilégiée ce qui traduit, sur le plan stratégique, une timidité, mais surtout, sur le plan budgétaire, un opportunisme certain (cf. infra ).

De surcroît, aucune actualisation de la maquette de performance n'est intervenue pour prendre en compte l'extension des dépenses et des recettes retracées par le CAS depuis 2017. Ainsi, aucun indicateur relatif à l'entretien du parc, s'attachant aux anciennes dépenses du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », ni aucun indicateur s'attachant à la dynamisation des produits tirés des redevances domaniales, ne sont aujourd'hui prévus. Or l'appréciation de la direction de l'immobilier de l'État sur l'évolution de la maquette de performance semble avoir changé : alors que la directrice, Nathalie Morin, précisait à l'automne 2016 que ce chantier nécessaire n'avait pas été mené à bien faute de temps, les informations transmises en mars 2017 indiquent que la maquette de performance actuelle reflète fidèlement les caractéristiques du CAS.

2. L'opportunisme budgétaire semble avoir primé sur la stratégie immobilière

L'unification des vecteurs budgétaires de l'État propriétaire constitue une avancée vers plus de souplesse que vos rapporteurs spéciaux soutenaient et, partant, approuvent. Le constat de leur éparpillement était en ce sens souvent déploré, et avait été à nouveau mis en évidence lors de l'expérimentation initiale des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR). Cette situation conduisait de facto à l'imputation de dépenses relevant en théorie du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » 41 ( * ) , tandis que le programme 309 finançait essentiellement des travaux de mise en conformité et de remise en état, loin de son esprit initial.

De même, la logique de priorisation des financements sur les opérations structurantes et jugées les plus performantes présidant désormais aux financements supportés par le CAS répond à la critique récurrente du saupoudrage des crédits sur des dépenses de montants réduits plutôt que sur des opérations significatives.

Pour autant, vos rapporteurs spéciaux critiquent les modalités de cette unification, qui sous-tend la recherche d'objectifs d'économies budgétaires plutôt que la rationalisation du circuit de la dépense. En effet, l'intégration du programme 309 est opérée sans contrepartie, de sorte que la suppression de la contribution obligatoire au désendettement de l'État apparaît dans ces conditions comme une condition nécessaire à l'équilibre du CAS et comme un moyen de réduire artificiellement les dépenses du budget général de l'État. Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent donc sur les motivations principales de l'unification budgétaire des vecteurs budgétaires de l'État propriétaire. Le graphique ci-dessous illustre ainsi cette diminution agrégée des crédits immobiliers interministériels à périmètre constant.

Comparaison à périmètre constant des crédits immobiliers interministériels (CP)

(en euros)

- 7 %

525 000 000

563 655 844

573 354 077

Source : commission des finances du Sénat

Or cette baisse s'inscrit dans une tendance d'attrition du programme 309 depuis sa création. Les problèmes de calendrier 42 ( * ) entraînaient une sous-exécution structurelle du programme, conduisant « la direction du budget à réduire les crédits du programme, alors même qu'elle ne reflétait pas une absence de besoin mais traduisait davantage des difficultés de gestion » 43 ( * ) (cf. graphique infra ). Les autorisations d'engagement initiales du programme 309 ont diminué de 37 % entre 2011 et 2016, baisse doublée d'annulations de crédits importantes en cours de gestion.

Évolution comparée des crédits ouverts et des crédits exécutés

sur le programme 309

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

Taux de consommation des crédits

82 %

91,5 %

83,2 %

96,1 %

89,7 %

Évolution des crédits ouverts

- 4 %

- 1,2 %

- 20 %

-2 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires successifs.


* 41 Rappelons que la répartition des dépenses immobilières entre le programme 309 et le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » était fixée par la notion d'augmentation de la valeur vénale de l'immeuble concerné. Ainsi, lorsque des opérations structurantes (déménagement, réhabilitation, restructuration etc.) conduisaient à l'augmentation de cette valeur, les dépenses afférentes devaient être rattachées au CAS. Les dépenses d'entretien lourd relevant du propriétaire, qui sont seulement destinées à maintenir le bien dans un bon état d'utilisation (remplacement d'une chaudière, etc.), devaient par contre être rattachées au programme 309.

* 42 Principalement expliqués par l'absence de visibilité en n-1 sur les crédits disponibles en n, empêchant les gestionnaires d'anticiper les marchés publics à passer en préalable de la réalisation des travaux.

* 43 Cf. rapport précité « Rénovation du cadre institutionnel et modernisation des outils de la politique immobilière de l'État », Inspection générale des finances, novembre 2015.

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