B. LES RÉFORMES VISANT À RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DE LA PLACE APPARAISSENT INSUFFISANTES ET PARTIELLEMENT CONTRADICTOIRES

Si ces actions doivent être saluées, elles ne sauraient néanmoins se substituer à la mise en oeuvre d'un train de réformes plus structurelles visant à répondre aux difficultés rencontrées par la place de Paris pour attirer les entreprises et les capitaux internationaux.

Telle était bien l'ambition de la démarche française, comme en témoigne par exemple la volonté du Gouvernement d'analyser les améliorations possibles du cadre juridique français , avec une mission concernant le droit du travail, confiée à l'inspection générale des finances (IGF), et une mission relative aux chambres commerciales internationales, conduite par Guy Canivet, président du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, visant à créer des formations de jugements aptes à connaître du contentieux de droit des affaires présentant un élément d'extranéité. Il s'agit notamment d'attirer le contentieux financier à Paris en envisageant la création d'une chambre spécialisée au sein de la Cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation permettant de plaider en anglais et de juger en application du droit britannique.

À ce stade, les réformes engagées ne semblent toutefois pas à la hauteur des ambitions affichées.

1. La sécurisation bienvenue du financement du Charles-de-Gaulle-Express

Avec plus de 65 millions de voyageurs annuels, l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle se classe à la deuxième place des aéroports européens, derrière Heathrow à Londres, et constitue un atout indéniable. Toutefois, il n'offre pas encore une connexion multimodale adéquate pour rejoindre le centre-ville. Le classement Cities of opportunity 2016 du cabinet PwC place ainsi Paris en deuxième position derrière Londres parmi les trente villes en termes d'accessibilité et de capacités d'accueil, ce qui intègre également les hôtels et le nombre de touristes. S'agissant uniquement de l'accès au centre d'affaires depuis l'aéroport, Paris ne figure en revanche qu'à la douzième place.

Un signal fort a été donné fin 2016 173 ( * ) avec la sécurisation du financement du projet de liaison ferroviaire rapide et dédiée entre Paris et l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle , aussi appelé CDG Express, indispensable pour l'attractivité de la place de Paris. Il s'agit d'un élan nouveau donné à un projet initié au début des années 2000, qui permettra d'ici 2023, une desserte quotidienne tous les quarts d'heure depuis la gare de l'Est en 20 minutes. La déclaration d'utilité publique modificative ayant été signée fin mars 2017 et le protocole d'accord entre les trois acteurs de la société de projet défini, les travaux devraient être engagés début 2018.

Ce projet majeur s'ajoute au renforcement du réseau de transport public dans le cadre du Grand Paris Express , constitué de 72 gares et de 200 kilomètres de lignes nouvelles, interconnectées au réseau existant, avec une mise en service échelonnée de 2019 à 2023 et après.

2. Une réforme du régime des impatriés qui ne permet pas d'apporter une réponse suffisante au différentiel de coût du travail entre la place de Paris et ses concurrents

Le régime des impatriés 174 ( * ) est ouvert aux personnes détachées temporairement en France par une entreprise étrangère ou recrutées localement en France depuis l'étranger, à condition qu'elles n'aient pas été fiscalement résidentes en France durant les cinq années précédentes et qu'elles choisissent d'établir leur nouvelle résidence fiscale en France. Il entraîne une exonération d'impôt sur le revenu applicable à la fois sur les revenus d'activité et sur certains revenus patrimoniaux étrangers, jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la prise de fonction. Ainsi que le précise le rapport de l'IGF sur l'attractivité internationale de France 175 ( * ) , ces dispositions « sont plus favorables que les régimes applicables dans les principaux pays européens (...). Il est unanimement défendu par les personnes rencontrées » . De fait, le gain moyen s'élève à 18 405 euros par foyer fiscal, pour près de 12 000 bénéficiaires.

Dans le cadre des initiatives de valorisation de la place de Paris, un double renforcement du régime des impatriés a été opéré par la loi de finances pour 2017 176 ( * ) :

- d'une part, sa durée d'application a été allongée de cinq à huit ans 177 ( * ) ;

- d'autre part, son champ d'application a été étendu , en prévoyant que les primes d'impatriation sont également exonérées de taxe sur les salaires. Cette disposition vise tout particulièrement le secteur financier.

Si ce renforcement accentue l'attractivité de la place de Paris, en particulier l'extension à la taxe sur les salaires, qui cible prioritairement le secteur financier, il laisse subsister un écart de coût du travail très important avec nos concurrents , comme cela a été précédemment évoqué.

3. Une baisse bienvenue du taux de l'impôt sur les sociétés, désormais inférieur au taux allemand, mais contrebalancée par le renoncement à supprimer complètement la C3S

Au-delà des mesures modifiant le régime des impatriés, la loi de finances pour 2017 178 ( * ) comportait également une diminution de l'impôt sur les sociétés, dont le taux devrait être abaissé à 28 % en 2020 179 ( * ) . Progressive, cette diminution sera surtout effective à compter de 2019, exercice à partir duquel le taux sera réduit à 28 % sans limites de bénéfices pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à un milliard d'euros, et d'application complète en 2020. Il s'agit sans conteste d'un facteur d'accroissement de l'attractivité française, lui permettant, à taux constants ailleurs, de passer de la deuxième place des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant le taux le plus élevé, à la huitième, derrière l'Allemagne (30,18 %).

Pour autant, cette mesure relève avant tout du signal , dès lors que pour les grandes entreprises, aucune diminution de l'imposition sur les sociétés ne trouve à s'appliquer avant les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2019.

À cet égard, le renoncement du Gouvernement à supprimer complètement la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) , qui s'ajoute à l'impôt sur les sociétés, n'a pas contribué à renforcer la crédibilité des engagements pris en matière fiscale .

4. Le durcissement malvenu de la taxe sur les transactions financières et du régime des actions gratuites

Enfin, l'examen de la loi de finances pour 2017 a conduit à l'adoption par l'Assemblée nationale de dispositions nouvelles entrant en contradiction directe avec les efforts de valorisation de la place de Paris .

Deux sujets sont plus particulièrement en cause :

- d'une part, la taxe sur les transactions financières a été doublement renforcée, son taux ayant été augmenté de 0,2 % à 0,3 %, et son assiette étendue aux opérations intrajournalières 180 ( * ) ;

- d'autre part, comme cela a été précédemment évoqué, les députés ont souhaité revenir sur les dispositions prévues par la loi dite « Macron » du 6 août 2015 181 ( * ) concernant les actions gratuites . Adoptée à l'Assemblée nationale en première lecture contre l'avis du Gouvernement, cette mesure a in fine été en partie vidée de sa substance, sauf lorsque le gain d'acquisition excède 300 000 euros 182 ( * ) .

Ces initiatives, même si elles n'aboutissent qu'en partie, retiennent l'attention des investisseurs étrangers , accentuant le sentiment d'une instabilité fiscale française et sapant les efforts conjoints déployés par ailleurs.


* 173 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 174 Art. 155 B du code général des impôts (CGI).

* 175 Rapport précité, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », Inspection générale des finances, avril 2016.

* 176 Article 71 de la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 177 Pour les personnes dont la prise de fonction en France intervient à compter du 6 juillet 2016.

* 178 Article 11 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 179 Contre 33,1/3 % actuellement.

* 180 Articles 25 et 62 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 181 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 182 Article 61 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

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