E. VERS LA MISE EN PLACE DE PLATEFORMES INTERDÉPARTEMENTALES D'ÉVALUATION

1. Évaluation : à l'État de prendre ses responsabilités

La protection de l'enfance constitue une mission historique des départements et cette compétence n'est aujourd'hui pas remise en cause.

Toutefois, l'afflux de personnes se présentant comme MNA et qui ne sont en fait pas mineures conduit les départements à héberger des majeurs, ce qui devrait relever de la compétence de l'État, et à assurer leur évaluation, tâche bien éloignée des missions traditionnelles des professionnels de la protection de l'enfance.

Par ailleurs, les départements sont contraints de faire face à un afflux de jeunes, dont une bonne partie est majeure, résultant d'une défaillance de l'État dans l'exercice de ses missions de souveraineté.

On peut noter au demeurant que les dépenses à la charge du département en matière sociale ont pour contrepartie leur capacité à lutter contre les déterminants de ces dépenses par des politiques de prévention. A l'inverse, les départements n'ont aucune prise sur les facteurs conduisant à la prise en charge des personnes se disant MNA.

2. La création de plateformes spécifiques pourrait remédier à un certain nombre des difficultés relevées
a) Des plateformes régionales ou interdépartementales regroupant les acteurs concernés

On pourrait donc imaginer de faire évoluer le cadre juridique de la prise en charge des personnes se disant MNA en la confiant non plus aux départements mais à des plateformes compétentes pour un territoire donné. Ces plateformes, que l'on pourrait appeler « maisons des MNA », pourraient prendre la forme de groupements d'intérêt public (GIP) formés par les différents acteurs concernés (État, départements, acteurs associatifs) et seraient financées par l'État et les collectivités selon des modalités à définir. Les moyens existant, notamment les structures d'hébergement dont disposent les départements, seraient alors mis à disposition de ces plateformes 72 ( * ) .

Toute personne se présentant comme MNA serait orientée vers l'une de ces plateformes qui aurait la responsabilité de sa mise à l'abri et de son évaluation. À l'issue de cette évaluation, le cas échéant, l'autorité judiciaire serait saisie afin de confier le mineur à la responsabilité d'un conseil départemental. Le ressort territorial de ce type de plateformes pourrait varier selon les situations locales, de l'échelon régional à l'échelon interdépartemental 73 ( * ) .

Cette proposition fait écho à des recommandations déjà émises par le passé, et notamment dès 2003 par le rapport Landrieu.

b) Une solution qui présente plusieurs avantages

Une telle solution présenterait aux yeux de vos rapporteurs de nombreux avantages.

Premièrement, elle assurerait la participation de l'État à une mission aujourd'hui supportée de manière contestable par les départements.

Elle permettrait en outre d'assurer une séparation plus nette entre la mission d'évaluation et la mission de prise en charge des jeunes reconnus, dont la confusion peut perturber les professionnels tout en alimentant une certaine suspicion de la part des milieux associatifs.

Troisièmement, la centralisation des évaluations permettrait de renforcer leur qualité en facilitant la composition d'équipes pluridisciplinaires comportant notamment des personnes connaissant la réalité des pays d'origine et des interprètes présents physiquement.

De même, le regroupement des évaluations pourrait permettre d'améliorer la coopération avec les services de l'État, et notamment ceux de la PAF, surtout si la plateforme est située dans la même ville qu'une direction zonale ou départementale de la PAF.

Enfin, l'échange d'informations entre un nombre réduit de plateformes serait facilité et permettrait d'éviter que des personnes ne tentent leur chance dans plusieurs départements successivement.

Cette amélioration qualitative serait de nature à rendre les évaluations plus légitimes et à renforcer la confiance des acteurs associatifs, des juges, ou même des départements entre eux.

Proposition n° 20 : confier l'accueil provisoire et l'évaluation des personnes se présentant comme MNA à des plateformes interdépartementales permettant l'accueil et la mise à l'abri des personnes se disant MNA et disposant de l'expertise nécessaire à l'évaluation, en lien avec les services de l'État compétents.

c) À court terme, encourager la mutualisation des moyens des conseils départementaux

La mise en place de telles plateformes et le transfert de la responsabilité de la mise à l'abri et de l'évaluation des départements vers celles-ci ne peut se faire à court terme. Une évolution législative est notamment nécessaire 74 ( * ) .

Les départements peuvent néanmoins anticiper une telle évolution en mettant en commun volontairement leurs moyens, le cas échéant en désignant un prestataire commun. Une telle mise en commun est au demeurant recommandée par le rapport des inspections de juillet 2014 (recommandation n° 11).

Proposition n° 21 : inciter à la mutualisation des moyens entre départements pour l'évaluation et étudier la possibilité de mettre en place des plateformes chargées de l'évaluation.


* 72 La centralisation au niveau régional de l'évaluation n'empêche pas que les jeunes soient hébergés de manière disséminée sur le ressort de la plateforme.

* 73 En région parisienne, où les flux d'arrivée sont particulièrement importants, ces plateformes pourraient avoir un ressort départemental.

* 74 Dans sa décision du 14 juin 2017, le Conseil d'État considère que l'évaluation incombe aux départements en ce qu'elle est liée à leur compétence en matière d'aide sociale à l'enfance (point 5 de la décision).

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