B. LA MISE EN PLACE D'UN MÉCANISME DE RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE

Premières initiatives locales

Au cours des années 2000, l'engorgement de certains départements, notamment Paris et la Seine-Saint-Denis a conduit les pouvoirs publics à mettre en place des solutions plus ou moins expérimentales et locales pour organiser l'accueil des MIE.

Certaines ont été l'oeuvre de l'État, comme le dispositif dit « Versini » créé en 2002 27 ( * ) pour la prise en charge des MNA présents à Paris. En 2011, l'État a organisé une répartition vers une vingtaine de départements de MIE pris en charge par l'ASE de la Seine-Saint-Denis 28 ( * ) .

Par ailleurs, plusieurs conseils généraux ont commencé à mettre en place une organisation spécifique destinée à l'accueil et à l'orientation des jeunes se présentant comme MIE. En 2011, Paris a mis en place une permanence d'accueil et d'orientation des mineurs isolés étrangers (Paomie), fonctionnant comme un guichet unique de l'accueil des personnes se présentant comme MNA et un secteur éducatif auprès des mineurs non accompagnés (Semna), structure spécialisée de l'ASE du département.

1. Un premier dispositif issu d'un accord entre l'État et les départements

Le dispositif issu de la circulaire et du protocole du 31 mai 2013 visait à organiser une solidarité interdépartementale dans l'accueil des MIE en prévoyant que le choix du département auquel le mineur est confié par décision judiciaire « sera guidé par le principe d'une orientation nationale [qui] s'effectue d'après une clé de répartition correspondant à la part de la population de moins de 19 ans dans chaque département » 29 ( * ) . Les magistrats appelés à prendre une décision de placement d'un mineur étaient ainsi invités à contacter une cellule nationale créée au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) 30 ( * ) chargée de « mettre à tout moment à disposition des parquets des informations actualisées leur permettant de savoir dans quel département il sera opportun de placer le mineur, et qui sera en mesure de l'accueillir ».

Toutefois, saisi par plusieurs départements, le Conseil d'État a jugé qu'en l'absence de disposition législative, le Garde des Sceaux ne pouvait définir ainsi les critères de l'orientation géographique des mineurs concernés et a partiellement annulé la circulaire du 31 mai 2013 dans une décision du 30 janvier 2015 31 ( * ) .

2. La sécurisation juridique du dispositif dans la loi du 14 mars 2016 et ses décrets d'application

La loi du 14 mars 2016 a conféré une base législative au mécanisme de répartition géographique des mineurs non accompagnés afin de remédier à l'annulation partielle prononcée par le Conseil d'État 32 ( * ) . Ce mécanisme résulte ainsi désormais de l'articulation de l'article 375-5 du code civil et de l'article L. 221-2-2 du CASF.

L'article L. 221-2-2 du CASF impose aux présidents de conseils départementaux de transmettre au ministre de la justice les informations dont ils disposent sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans leur département. Le ministre de la justice est lui chargé de fixer les objectifs de « répartition proportionnée » des accueils de ces mineurs entre les départements « en fonction de critères démographiques et d'éloignement géographique ».

À l'article 375-5 du code civil, relatif au placement provisoire des mineurs en danger, la loi du 14 mars 2016 a inscrit l'obligation pour le magistrat amené à prendre une décision de placement d'un jeune « privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille » 33 ( * ) de demander au ministère de la justice « de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l'orientation du mineur concerné ». Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision « en stricte considération de l'intérêt de l'enfant », qu'il apprécie notamment au regard des informations qui lui sont transmises par le ministère de la justice.

Dans une décision du 14 juin 2017 34 ( * ) , le Conseil d'État a jugé que ce mécanisme ne porte pas atteinte au pouvoir d'appréciation des magistrats et ne peut être regardé comme fixant d'autres critères de placement que celui de l'intérêt de l'enfant.

Les modalités d'application de ce mécanisme ont été précisées par le décret du 24 juin et l'arrêté du 28 juin 2016 35 ( * ) .

Il ressort des dispositions des articles R. 221-13 et R. 221-14 du CASF, créés par le décret du 24 juin 2016 que les présidents de conseils départementaux sont tenus de transmettre à la cellule nationale les informations relatives au nombre de mineurs pris en charge au 31 décembre de l'année précédente au plus tard le 31 mars de l'année en cours. À défaut de transmission dans les délais, le nombre retenu est fixé à zéro.

La clé de répartition calculée sur la base de ces informations est rendue publique au plus tard le 15 avril de chaque année. Pour 2017, la clé de répartition a été fixée par la décision du 11 avril du ministre de la justice, publiée au Journal officiel du 14 avril 2017.

La clé de répartition géographique des MNA

La clé de répartition, dont les modalités de calcul sont précisées à l'article R. 221-13 du CASF et à l'article 4 de l'arrêté du 28 juin 2016, prend en compte à la fois la population de moins de 19 ans du département et l'écart observé au 31 décembre de l'année précédente entre le nombre de mineurs effectivement confiés au département et le nombre qui aurait résulté d'une répartition purement proportionnelle à la population des moins de 19 ans.

La clé de répartition, appelée K3, est calculée ainsi :

K3 = K1 + (0,2*K2)

Avec :

- K1 (clé de répartition démographique) = nombre de jeunes de 19 ans et moins dans le département/nombre total de jeunes de 19 ans et moins dans les départements de métropole.

- K2 (taux de variation relatif) = (stock théorique du département/stock réel du département)/stock réel total des départements de métropole.

- Le stock réel correspond au nombre de mineurs effectivement pris en charge en application d'une décision judiciaire, au 31/12 de l'année précédente.

- Le stock théorique correspond au stock qui aurait résulté d'une répartition strictement proportionnelle et est égal à (K1 * stock réel total des départements de métropole).

L'article R. 221-15 prévoit par ailleurs la mise en place d'un comité de suivi présidé par le ministre de la justice.

L'arrêté du 28 juin précise que seuls les départements de métropole participent au dispositif de répartition (même si tous les départements sont concernés par les dispositions relatives à la remontée d'informations). Cet arrêté mentionne par ailleurs la cellule qui avait été créée à la suite de la circulaire du 31 mai 2013 et précise qu'elle est placée sous l'autorité de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

Il ressort des auditions menées par vos rapporteurs que, à de rares exceptions près, les propositions d'orientations formulées par la cellule sont toujours suivies par l'autorité judiciaire.


* 27 Ce dispositif, nommé en référence à Dominique Versini, alors secrétaire d'État chargée de la lutte contre la précarité et l'exclusion, visait à organiser l'accueil et l'orientation des MIE avant leur prise en charge par l'ASE. Ce dispositif a rapidement été débordé par l'intensification des flux d'arrivée

* 28 En septembre-octobre 2011, le président du conseil général de Seine-Saint-Denis a annoncé ne plus être en mesure d'accueillir les MIE qui lui étaient confiés par décision de justice. Face à ce refus de prise en charge, le parquet de Bobigny a organisé une répartition des mineurs arrivant dans le département vers une vingtaine de départements plus ou moins voisins.

* 29 Circulaire du 31 mai 2013.

* 30 Cette cellule préfigure la mission MNA.

* 31 CE, 30 janvier 2015 - n° 371415. Le rapport conjoint des inspections soulignait en juillet 2014 l'insécurité juridique entourant ce dispositif.

* 32 Ces dispositions, qui ne figuraient pas dans le projet de loi déposé par nos collègues Muguette Dini et Michelle Meunier, ont été introduites par le Gouvernement au cours de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.

* 33 Il ressort de la rédaction de l'article 375-5 du code civil que cette obligation n'est valable que lorsque c'est un service d'ASE qui signale la situation du mineur.

* 34 CE, 14 juin 2017, n° 402890.

* 35 Décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l'article L. 221-2-2 du code de l'action sociale et des familles et relatif à l'accueil et aux conditions d'évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et arrêté du 28 juin 2016 pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

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