C. LA VOLONTÉ D'HARMONISER LES CONDITIONS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES SE DISANT MNA

1. Les clarifications apportées par la circulaire du 31 mai 2013

Le protocole et la circulaire du 31 mai 2013 visaient par ailleurs à permettre une harmonisation des conditions de prise en charge des personnes se présentant comme MNA.

Sans remettre en cause le cadre législatif résultant du droit commun de la protection de l'enfance 36 ( * ) , ce dispositif distinguait clairement une phase administrative de mise à l'abri et d'évaluation et une phase judiciaire débutant avec la saisine du parquet. Il proposait en outre une méthodologie pour l'évaluation de la minorité, basée sur un faisceau d'indices et reposant sur des entretiens avec le jeune.

Le rapport d'évaluation de juillet 2014 37 ( * ) estime que l'ensemble formé par le protocole et la circulaire ont permis de fournir un cadre de référence pour l'accueil et l'évaluation des jeunes étrangers isolés.

Principaux textes pris pour organiser la prise en charge des MNA

- 31 mai 2013 : protocole État-ADF et circulaire « Taubira ».

- 30 janvier 2015 : annulation partielle de la circulaire du 31 mai 2013 par le Conseil d'État.

- 25 janvier 2016 : circulaire interministérielle relative à la mobilisation des services de l'État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tel.

- 14 mars 2016 : promulgation de la loi n° 2016-297 relative à la protection de l'enfant donnant notamment une base législative au mécanisme de répartition géographique des MNA.

- 24 juin 2016 : décret relatif à l'accueil et aux conditions d'évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

- 28 juin 2016 : arrêté relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Cet arrêté institue par ailleurs la cellule dite « MMNA ».

- 17 novembre 2016 : arrêté relatif aux modalités de l'évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, fixant le référentiel national définissant les modalités d'évaluation des personnes se présentant comme MNA.

- 23 septembre 2016 : arrêté relatif à la composition et aux règles de fonctionnement du comité de suivi du dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

2. Un approche nécessairement interministérielle

La dimension complexe de la prise en charge des MNA justifie une approche interministérielle 38 ( * ) , qui s'est traduite dans la circulaire du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l'État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tel.

Cette circulaire rappelle le rôle que les différents services déconcentrés de l'État (services sous l'autorité du préfet de département, agences régionales de santé, services de l'éducation nationale) sont appelés à jouer pour accompagner les conseils départementaux dans leur mission de prise en charge des MNA. Des protocoles départementaux doivent préciser l'organisation de cet accompagnement.

3. La création d'un référentiel national visant à harmoniser la qualité des évaluations
a) Les apports du décret du 24 juin 2016

La loi du 14 mars 2016 a rappelé que les mineurs « privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » relèvent de la protection de l'enfance 39 ( * ) .

Bien que pris pour l'application de l'article L. 221-2-2 du CASF qui est relatif à la communication au ministre de la justice du nombre de MNA accueillis dans chaque département, le décret du 24 juin 2016 contient des dispositions précisant les conditions d'accueil et d'évaluation des personnes se disant mineures non accompagnées, regroupées dans une nouvelle section créée au sein du chapitre I er du titre I du livre II du CASF. Dans sa décision du 14 juin 2017, le Conseil d'État a rejeté le recours en annulation formé contre ce décret par l'ADF, qui soutenait que la mission de l'évaluation devait relever de l'État.

L'article R. 221-11 du CASF prévoit que, lorsqu'une personne se présente comme mineure et privée de la protection de sa famille, le président du conseil départemental doit organiser un accueil provisoire d'une durée de cinq jours et en aviser le procureur de la République comme il est tenu de le faire pour tout enfant admis dans le service de l'aide sociale à l'enfance en cas d'impossibilité de recueillir l'accord de ses représentants légaux (art. L. 223-2 du CASF).

L'accueil provisoire de cinq jours doit permettre aux services du conseil départemental de procéder « aux investigations nécessaires » en vue d'évaluer la situation de la personne « au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement ».

Au terme de ce délai de cinq jours, ou avant si l'évaluation a permis de conclure à la minorité et à l'isolement de l'intéressé, la phase de protection judiciaire doit commencer, avec la saisine du procureur de la République 40 ( * ) . L'accueil provisoire est alors prolongé jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait rendu sa décision. À l'inverse, si la situation de l'intéressé ne justifie pas sa prise en charge au titre de l'ASE, c'est-à-dire par exemple si la minorité ou l'isolement du jeune ne sont pas reconnus, une décision de refus lui est notifiée.

Il est précisé que cette évaluation, qui peut être réalisée par les services du conseil départemental ou, par délégation, par une structure associative, s'appuie « essentiellement » sur des entretiens conduits par des professionnels disposant d'une formation ou d'une expérience définie par un arrêté interministériel 41 ( * ) , le concours du préfet de département pour vérifier l'authenticité des documents d'identité détenus par la personne et le concours de l'autorité judiciaire lorsque des examens radiologiques osseux apparaissent nécessaires à la détermination de son âge.

b) Le référentiel national

L'article R 221-11 renvoie à un référentiel national précisant les modalités de l'évaluation, qui a été fixé par un arrêté interministériel du 17 novembre 2016. Ce référentiel reprend largement le contenu de la circulaire du 31 mai 2013, auquel il confère une valeur règlementaire.

Il précise que l'évaluation doit être « une démarche empreinte de neutralité bienveillante ». L'évaluateur doit analyser la cohérence des éléments recueillis au cours d'un ou de plusieurs entretiens, si nécessaire en demandant le concours de professionnels d'autres spécialités. Ces éléments constituent un faisceau d'indices permettant d'apprécier la réalité de l'âge et de la situation d'isolement alléguée (article 2). Il est par ailleurs précisé que le président du conseil départemental veille à ce que les évaluateurs disposent de la formation ou de l'expérience nécessaire et veille au caractère pluridisciplinaire de l'évaluation (article 4).

Les éléments de l'évaluation

L'article 6 de l'arrêté du 17 novembre 2016 liste six points que l'entretien d'évaluation doit, a minima , aborder :

- état civil ;

- composition familiale et présence éventuelle de certains membres en France ;

- présentation des conditions de vie dans le pays d'origine et notamment sur le déroulement de la scolarité ;

- exposé des motifs de départ du pays d'origine et présentation du parcours migratoire ;

- conditions de vie depuis l'arrivée en France et d'orientation vers le lieu de l'évaluation ;

- projet de la personne, notamment en termes de scolarisation et de demande d'asile.

Au terme de l'entretien, ou des entretiens, l'évaluateur rédige un rapport d'évaluation et rend un avis motivé quant à la minorité et à l'isolement de l'évalué en indiquant le cas échéant les doutes qui subsistent. Ce rapport et cet avis sont transmis au président du conseil départemental (article 7).

Sur la base de cet avis motivé et du rapport d'évaluation, le président du conseil départemental apprécie la nécessité d'une saisine des services de l'État chargés de la lutte contre la fraude documentaire ou d'une saisine de l'autorité judiciaire, soit aux fins d'assistance éducative soit afin de solliciter la réalisation d'examens radiologiques (article 8).

L'article 9 précise enfin que la notification de refus de prise en charge doit être motivée et mentionner les voies et délais de recours applicables et que l'intéressé doit alors être informé sur les droits reconnus aux personnes majeures, « notamment en matière d'hébergement d'urgence, d'aide médicale, de demande d'asile ou de titre de séjour ».


* 36 Ce cadre est notamment constitué de l'article L. 226-3 du CASF, qui confie au président du conseil départemental la mission du recueil et du traitement des informations préoccupantes et l'article L. 226-4, qui prévoit la saisine de l'autorité judiciaire en matière de protection de l'enfant.

* 37 L'évaluation du dispositif relatif aux mineurs isolés étrangers mis en place par le protocole et la circulaire du 31 mai 2013, rapport conjoint de l'IGSJ (n° 43-14), de l'Igas (n° 2014-005R) et de l'IGA (n° 14-050/14-003/01, juillet 2014.

* 38 La nécessité d'une approche interministérielle était soulignée par le rapport conjoint des inspections sur le dispositif du 31 mai 2013 (recommandation n° 35).

* 39 L'article 1 er de cette loi a réécrit l'article L. 112-3 du CASF relatif à la protection de l'enfance tout en conservant cette disposition.

* 40 Conformément aux dispositions des articles L. 223-2 du CASF et 375-5 du code civil.

* 41 Cet arrêté du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre de la famille et du ministre chargé de l'outre-mer n'était paru lors des travaux de vos rapporteurs.

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