AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La maîtrise par les étrangers de la langue française et la connaissance des valeurs fondamentales de la société et de la République françaises sont des conditions préalables à l'intégration des étrangers en France et à leur participation à la société et à son développement. La réussite du parcours de leur intégration, et notamment de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, revêt donc une importance fondamentale.

En 2012, le rapport sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration que votre rapporteur spécial avait présenté 1 ( * ) mettait en évidence les principales carences de la formation des étrangers primo-arrivants telle qu'elle était alors assurée. Elle se caractérisait notamment par son manque d'ambition, en termes de niveau de langue et de connaissance du pays d'accueil et l'absence de sanction réelle de leur réussite.

La loi du 7 mars 2016 2 ( * ) a remplacé le « contrat d'accueil et d'intégration », obligatoire depuis 2007, par un « contrat d'intégration républicaine », dont l'ambition était de créer un parcours davantage individualisé et mieux relié à la politique de délivrance des titres.

Un an plus tard, il faut toutefois constater que la réforme de la formation linguistique et civique n'a entraîné aucune réelle amélioration, et que la plupart des remarques formulées en 2012 conservent donc malheureusement toute leur portée.

PREMIÈRE PARTIE - LA FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE OBLIGATOIRE DE 2007 À 2016 : UN DISPOSITIF INDISPENSABLE MAIS TROP PEU AMBITIEUX

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UNE FORMATION DES ÉTRANGERS PRIMO-ARRIVANTS

1. Un dispositif d'accueil et d'intégration progressivement renforcé

L'immigration conduit à l'échec, pour le pays d'accueil et pour l'immigré, si des efforts ne sont pas faits pour favoriser l'intégration des étrangers. Cette dernière passe par l'accès à l'emploi, au logement, et à une connaissance suffisante de la langue française et des valeurs de la République.

Pourtant, aucun dispositif d'accueil et de formation spécifique des étrangers primo-arrivants n'existait en France avant la création du contrat d'accueil et d'intégration en 2003 . Créé, sur recommandation du Haut Conseil à l'intégration, par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, le contrat d'accueil et d'intégration a tout d'abord fait l'objet d'une expérimentation 3 ( * ) .

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale lui a ensuite donné une base législative : il s'agissait alors de proposer à l'ensemble des primo-arrivants une formation civique, une formation linguistique et une journée d'information sur la vie en France. Le contrat d'accueil et d'intégration était proposé, sur une base volontaire, aux immigrés qui venaient s'installer en France pour une durée d'au moins un an, et plus particulièrement à ceux qui projetaient de s'y installer durablement.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a rendu la signature du contrat obligatoire et l'a étendu aux mineurs à partir de seize ans. La loi a par ailleurs précisé son contenu et prévu des modalités d'évaluation du suivi effectif du contrat, dont le respect était, depuis lors, pris en compte par les préfectures lors du premier renouvellement de la carte de séjour temporaire.

2. La mise en place d'une véritable formation linguistique et civique dans le parcours d'intégration obligatoire à partir de 2007

La signature du contrat d'accueil et d'intégration est devenue obligatoire au 1 er janvier 2007, mais son respect était, aux termes de la loi de 2006, seulement « pris en compte » pour renouveler les titres de séjour pluriannuels.

Le contrat comportait, outre un accueil personnalisé sous la forme d'un entretien, une formation civique, une formation linguistique et une journée d'information pratique sur la vie en France.

La formation civique , dont le suivi était obligatoire quelle que soit la nationalité du migrant ou la date de son arrivée en France, était organisée par groupes d'environ vingt à vingt-cinq migrants et durait une journée complète de 9 heures à 17 heures, le déjeuner étant offert par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. À partir d'un support de présentation standardisé, elle comprenait plusieurs modules, portant essentiellement sur l'Histoire de France, sur le fonctionnement des institutions et sur les symboles et les valeurs de la République.

La journée d'information « Vivre en France », facultative, présentait les principaux services publics et les modalités d'accès à ceux-ci. Cette formation ne s'adressait qu'aux migrants qui n'avaient jamais vécu en France et qui n'y avaient pas d'attaches familiales ; elle n'était suivie que par environ un tiers des bénéficiaires du contrat d'accueil et d'intégration.

S'il s'avérait, à l'issue d'une évaluation, que le migrant en avait besoin, une formation linguistique lui était prescrite. Gratuite et obligatoire, elle pouvait atteindre 400 heures .

Enfin, si nécessaire, l'Office français de l'immigration et de l'intégration pouvait également rediriger le migrant vers les services sociaux.

La formation linguistique
dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration

La principale prestation fournie dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration est la formation linguistique, de 400 heures maximum, délivrée gratuitement aux étrangers ne parlant pas le français à leur arrivée sur le territoire national. En pratique, l'évaluation du niveau de langue est effectuée lors de l'entretien de l'étranger avec l'auditeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) au cours duquel est signé le contrat. Si l'étranger parle manifestement le français ou s'il réussit le test auquel l'auditeur le soumet, il lui est remis une « attestation ministérielle de dispense de formation linguistique » (AMDFL).

Si son niveau est insuffisant, trois parcours linguistiques sont offerts aux signataires du contrat d'accueil et d'intégration :

- un parcours conduisant à l'obtention du diplôme initial de langue française (DILF) , sanctionnant un niveau de français rudimentaire (A1.1), qui s'adresse aux personnes peu ou jamais scolarisées et qui, pour cette raison, ne maîtrisent ni la lecture ni l'écriture de leur langue maternelle ;

- un parcours conduisant directement à l'obtention du diplôme d'études en langue française (DELF) A1 , pour les personnes qui, tout en ne parlant pas français, ont été scolarisées dans leur pays jusqu'au niveau secondaire, voire supérieur et qui, pour cette raison, ont la capacité d'apprendre le français plus rapidement ;

- un parcours spécifique et facultatif, conduisant également à l'obtention du DELF A1, qui s'adresse aux personnes francophones en situation d'analphabétisme . Ce parcours, destiné aux signataires du contrat d'accueil et d'intégration sans revêtir de caractère obligatoire, est cependant intégralement financé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

En 2011, 24 358 personnes se sont vu prescrire une formation linguistique dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, soit 23,8 % des signataires du contrat . Près de 70 % d'entre eux (17 035 bénéficiaires) sont orientés vers un parcours menant au DILF A1.1, 27,7 % (6 745 bénéficiaires) vers un parcours menant directement au DELF A1 et 2,4 % (578 bénéficiaires) vers le dernier parcours facultatif.

Même s'ils peuvent comprendre jusqu'à 400 heures de cours, les parcours linguistique sont d'une durée moyenne de 240 heures, pour un coût individuel moyen de 1 450 euros . Au total, l'ensemble des parcours du contrat d'accueil et d'intégration a représenté 4 650 000 heures de formation .

Par ailleurs, l'Office français de l'immigration et de l'intégration finance également des parcours de formation linguistiques hors contrat d'accueil et d'intégration , en particulier pour les personnes qui continuent une formation linguistique après l'avoir commencée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. En 2011, ces formations ont concerné 20 187 personnes pour 2 345 000 heures .

Source : rapport d'information n° 47 (2012-2013) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 octobre 2012, L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse

Ces mesures ont été complétées par la mise en oeuvre d'un dispositif d'évaluation et de formation dès le pays de résidence appelé pré-contrat d'accueil et d'intégration. L'Office français de l'immigration et de l'intégration a ainsi mis en place dès 2008 un dispositif permettant de préparer l'arrivée du migrant sur le territoire français et, éventuellement, d'engager le parcours d'intégration de ce dernier depuis le pays d'origine.

Dans ce dispositif, les demandeurs de visa devaient passer un test de connaissance du français et des valeurs de la République au dépôt de leur demande. En cas d'échec, ils entraient dans le dispositif du pré-contrat d'accueil et d'intégration, qui comprenait une formation linguistique de 30 heures, à l'issue de laquelle ils étaient à nouveau invités à passer le test. La délivrance du visa était conditionnée à l'assiduité à ce dispositif.

Dans ce cadre, des formations linguistiques étaient dispensées aux migrants familiaux dans leur pays de résidence, avant la délivrance du visa, dans les huit pays où l'Office français de l'immigration et de l'intégration est représenté, à savoir le Maroc, la Tunisie, la Turquie, le Mali, le Sénégal, le Canada, la Roumanie et le Cameroun, qui représentent 70 % des populations intéressées par le dispositif 4 ( * ) . Dans 41 autres pays, l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait noué des conventions avec des opérateurs de terrain qui organisent les formations et font passer les tests, notamment l'Alliance Française.

Enfin, la loi de 2006 a mis en place un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille (CAIF) , signé par les bénéficiaires du regroupement familial, dès lors qu'ils ont des enfants. Les signataires s'engageaient à participer à une journée de formation sur les « droits et devoirs des parents » et à veiller au respect de l'obligation scolaire pour leurs enfants de 6 à 16 ans.


* 1 Rapport d'information n° 47 (2012-2013) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 octobre 2012, L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse.

* 2 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 3 À compter du 1 er juillet 2003, le contrat est expérimenté dans douze départements. Il y en avait soixante fin 2005.

* 4 Rapport d'information n° 47 (2012-2013) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 octobre 2012, L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse.

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