N° 660

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo - arrivants ,

Par M. Roger KAROUTCHI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

La formation des étrangers primo-arrivants est obligatoire et repose sur deux modules : une formation linguistique, prescrite par les agents de l'Office français de l'immigration et l'intégration (Ofii) aux immigrés qui n'ont pas le niveau A1, déclinée en trois parcours de 50, 100 ou 200 heures, et une formation civique à laquelle assistent tous les migrants, qui comprend deux journées de formation. L'une porte sur les « Valeurs et institutions de la République française » et l'autre vise à donner au migrant des informations pratiques sur la vie en France. Cette formation, intégralement gratuite, est assurée par des organismes privés avec lesquels l'Ofii a conclu un marché public.

Cette formation s'inscrit dans un parcours d'intégration plus global, qui a récemment été réformé. La loi du 7 mars 2016 a remplacé le « contrat d'accueil et d'intégration », obligatoire depuis 2007, par un « contrat d'intégration républicaine », dont l'ambition était de créer un parcours davantage individualisé et mieux relié à la politique de délivrance des titres. La réforme de la formation linguistique et civique qui a été mise en place à la suite de cette loi n'a toutefois entraîné aucune réelle amélioration.

En 2016, les crédits consommés s'élevaient à 30,2 millions d'euros pour la formation linguistique et 8,4 millions d'euros pour la formation civique. L'année 2017, première année pleine de mise en oeuvre du nouveau dispositif, est marquée par une augmentation des crédits alloués à la formation linguistique, à 47 millions d'euros. Un tel niveau de crédits est soit trop élevé, eu égard aux résultats atteints, soit trop faible au regard de l'objectif visé, permettre une intégration réussie des étrangers.

La formation linguistique se caractérise par une durée trop courte, en inadéquation avec les objectifs fixés. À la suite de la réforme, sa durée maximale et sa durée moyenne ont été réduites, respectivement de 400 à 200 heures et de 240 à 148 heures. En conséquence, le niveau théoriquement requis, timidement relevé de A1.1 à A1, n'est acquis que par la moitié des bénéficiaires du parcours de 200 heures, alors même qu'il traduit un niveau linguistique plus que rudimentaire, équivalent à un niveau d'élève d'école primaire.

Le nouveau dispositif perpétue la principale carence du système antérieur : l'absence de lien entre la formation linguistique et la politique de délivrance des titres. L'absence d'atteinte du niveau A1 par l'immigré ne fait donc pas obstacle à l'obtention d'un titre pluriannuel de séjour, sous réserve de son assiduité, du « sérieux » de sa participation aux formations, et de la réalisation d'un progrès, même minime. Seule la délivrance de la carte de résident, qui permet un séjour de dix ans, devra être effectivement soumise à l'atteinte par l'immigré du niveau A2 à compter de mars 2018.

La formation civique, quant à elle, consiste en un survol dense et académique de l'histoire et des valeurs françaises, sur la base d'une présentation atteignant quasiment cent pages. Elle est, pour ces raisons, marquée par une absence quasiment totale d'interactivité entre l'enseignant et l'auditoire, qui reste largement passif. Enfin, la formation civique ne donne lieu à aucune évaluation de l'acquisition des connaissances par les immigrés. Sa réelle efficacité peut donc être mise en doute.

Les principales recommandations

Recommandation n° 1 : prévoir des mécanismes conditionnant la délivrance des titres pluriannuels de séjour à l'obtention du niveau de langue requis, afin d'inciter les bénéficiaires à s'impliquer pleinement dans leur formation.

Recommandation n° 2 : fixer des objectifs conformes à l'exigence d'intégration des immigrés, en augmentant progressivement le niveau de langue requis à l'issue de la formation de A1 à A2 et celui requis pour la carte de résident de A2 à B1.

Recommandation n° 3 : concernant la formation linguistique, augmenter le volume horaire maximum pouvant être prescrit à 600 heures pour les publics les plus éloignés du niveau requis, afin de leur donner de réelles chances de parvenir à une maîtrise de la langue suffisante pour vivre, travailler et s'intégrer en France.

Recommandation n° 4 : afin de pouvoir adapter les méthodes pédagogiques à la pluralité des publics, former des groupes plus homogènes selon l'origine géographique des signataires et leur parcours scolaire dans le pays d'origine.

Recommandation n° 5 : afin de mieux adapter la formation linguistique aux profils susceptibles de progresser rapidement, prévoir une formation plus intensive, dont la durée serait réduite.

Recommandation n° 6 : concernant la formation civique, pour garantir une meilleure compréhension et une plus grande participation des immigrés, rénover le contenu et les méthodes pédagogiques mises en oeuvre, par exemple en unifiant les deux formations, linguistique et civique, afin de garantir un apprentissage plus progressif.

Recommandation n° 7 : afin de permettre aux bénéficiaires de mieux assimiler son contenu, remettre un support papier reprenant les principaux points évoqués lors de la formation civique.

Recommandation n° 8 : pour permettre aux publics désireux de s'acquitter de leurs obligations dans un délai court et garantir une meilleure intégration, expérimenter la mise en place de stages d'intégration intensifs, sur le modèle des Oulpan de jour israéliens.

Recommandation n° 9 : coupler la rénovation des formations à un financement réaliste tout en mettant en place une réelle démarche d'évaluation de la performance.

Recommandation n° 10 : afin d'assurer la soutenabilité financière des mesures proposées et de responsabiliser les bénéficiaires, prévoir leur participation financière aux frais de formation linguistique et civique si leurs revenus le permettent.

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