B. UNE ATTENTION PARTICULIÈRE PORTÉE À LA MIXITÉ SOCIALE ET FONCTIONNELLE ET AU TRAITEMENT DES COPROPRIÉTÉS DANS LE CADRE DU NPNRU

En matière d'habitat, lors de l'examen des projets, l'Anru est notamment attentive :

- à la diversification de l'habitat dans ces quartiers ;

- au niveau de reconstitution de l'offre de logements locatifs sociaux démolis et notamment à la typologie des logements reconstruits ;

- à la reconstitution hors site de la totalité des logements démolis sauf exception ;

- aux modalités de traitement des copropriétés dégradées.

1. Favoriser la mixité sociale et fonctionnelle

Les politiques de peuplement sont essentielles à la réussite du projet de rénovation. Pour favoriser la mixité sociale, plusieurs modes d'action sont envisageables : agir sur les attributions de logements sociaux ou encourager les démolitions et inciter à construire des logements privés.

S'agissant des attributions de logements sociaux , vos rapporteures ne peuvent que constater les contradictions de l'État pris en étau entre la nécessité de loger le plus grand nombre de personnes et l'objectif de favoriser la mixité sociale dans les quartiers prioritaires.

De même, vos rapporteures ont pu constater suite aux opérations de renouvellement urbain une tentation de reloger les habitants dans des quartiers non encore réhabilités par l'Anru où les loyers demeurent peu élevés, ajoutant ainsi de la pauvreté à la pauvreté. Elles appellent l'État et l'Anru à être particulièrement attentifs aux propositions de reconstitution de l'offre en dehors des quartiers prioritaires à des coûts abordables pour les habitants.

Elles souhaitent que l'État veille à ce que les ménages aux ressources les plus modestes ne soient pas systématiquement orientés vers les quartiers faisant l'objet d'un programme de renouvellement urbain. Elles demandent également au Gouvernement de mener une étude sur la politique de peuplement des quartiers faisant l'objet d'un programme de renouvellement urbain.

Un autre moyen de favoriser la mixité sociale passe par la multiplication des démolitions . En effet, selon l'ONPV, « c'est dans les quartiers [concernés par le PNRU] où les démolitions ont été les plus intenses que l'évolution du peuplement des quartiers a été la plus grande » 15 ( * ) .

Cependant, lors de leurs visites, vos rapporteures ont pu constater que la démolition n'est pas forcément le choix le plus répandu, soit parce que les bailleurs préfèrent faute de moyens suffisants procéder à des réhabilitations, soit par choix des élus locaux qui considèrent la démolition « comme l'ultime solution à des problématiques sociales ou urbaines identifiées » localement. Vos rapporteures se sont interrogées sur ce choix. Plusieurs raisons ont été avancées : un manque de capacité à reloger les ménages dans des conditions financières supportables, une volonté de ne pas fragiliser plus encore certaines résidences, caractérisées par un nombre important de ménages sous les plafonds PLAI et de bénéficiaires des APL, en y relogeant des personnes aux revenus très modestes, ou encore le souci de ne pas fragiliser plus encore des équipements « à l'image dégradée » ainsi que les commerces de proximité en diminuant le nombre d'utilisateurs et de clients. Pour plusieurs acteurs, certains sites supposeraient plutôt qu'une démolition une restructuration lourde que n'encouragerait pas le nouveau règlement du NPNRU.

Cependant, pour l'Union sociale pour l'habitat, le traitement du quartier doit être entièrement repensé lorsque le PNRU n'a pas permis de « surmonter les lourds handicaps cumulés (bâti non entièrement traité, image très dégradée, espaces extérieurs délaissés, aggravation de la situation économique et augmentation de la pauvreté, aggravation de la ségrégation sociale, délinquance et trafics de drogue) ». Ainsi, outre des restructurations lourdes avec des démolitions, vos rapporteures estiment qu'il ne faut pas hésiter dans certains cas à laisser des jachères urbaines pendant quelques années avant de pouvoir reconstruire des logements dans un souci de mixité sociale et fonctionnelle.

Enfin, si l'application d'un taux réduit de TVA peut contribuer à la construction de logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires afin d'y favoriser la mixité sociale, la diversification de l'habitat suppose souvent un contexte porteur, par exemple l'arrivée de gares de Grand Paris Express en Ile-de-France ou un marché de l'habitat tendu, et surtout un changement d'image du quartier (présence de services publics, école, tranquillité publique...).

Recommandation n° 21 : Afin de favoriser la mixité sociale, veiller à ce que les ménages les plus modestes ne soient pas systématiquement orientés vers les quartiers faisant l'objet d'un programme de rénovation urbaine, et mener une étude nationale sur la politique de peuplement menée dans ces quartiers.

2. Le traitement des copropriétés, le défi du NPNRU

Le traitement des copropriétés est un des défis majeurs du nouveau programme de renouvellement urbain. Ce n'est pas une question entièrement nouvelle puisque dans le cadre du PNRU, les pouvoirs publics ont été amenés à traiter des copropriétés lorsque leur situation avait des conséquences fondamentales sur la réussite du renouvellement urbain du quartier comme à Clichy-sous-Bois ou à Bron.

UN EXEMPLE DE TRAITEMENT DE COPROPRIÉTÉS DANS LE CADRE DU PNRU : LE CAS DU QUARTIER TERRAILLON À BRON

Le quartier Terraillon est un ensemble urbain enclavé au nord de la commune de Bron. Le quartier était composé en majorité de copropriétés en difficulté (1 500 logements) devenues des logements sociaux de fait. Il était bordé d'un ensemble de logements sociaux (environ 400 logements) et d'un foyer CADA.

Dans le cadre du PNRU, un plan d'aménagement global comprenant des opérations pour désenclaver le quartier, rénover le parc existant et diversifier l'offre pour un montant de 103 millions d'euros a été élaboré en associant l'Anru, l'Anah, l'EPARECA et les collectivités territoriales.

L'acquisition par la Métropole de Lyon et le bailleur social Alliade Habitat du groupe Action Logement, de logements en diffus au sein des copropriétés a permis de consolider la gestion des copropriétés et de mieux en maîtriser le peuplement avant d'envisager dans un second temps une restructuration urbaine forte. Des acquisitions massives en vue d'une démolition (500 logements) ont concerné deux copropriétés parmi les plus fragiles tandis que cinq copropriétés situées aux limites du secteur en renouvellement ont fait l'objet de plans de sauvegarde successifs (1 000 logements, 15 millions d'euros).

Un travail important d'accompagnement des copropriétaires (mission SOLIHA) a dû être mené, notamment pour les opérations de relogement rendues complexes en raison de la diversité des statuts des occupants.

Source : Commission des affaires économiques.

Ainsi, selon les informations transmises par le CGET, dans le cadre du PNRU, l'Anru a consacré 320 millions d'euros à diverses actions concernant les copropriétés comme des aides à l'ingénierie, des actions sur les structures des copropriétés pour favoriser leur redressement ou pour mettre fin au statut de copropriété. 97 projets sur 400 comprenaient des actions concernant des copropriétés ; les deux tiers de ces projets concernaient des copropriétés récentes, construites après 1948, situées dans des ZUS et présentant des caractéristiques proches du parc locatif social.

Le rapport 16 ( * ) faisant le bilan du PNRU remis à M. François Lamy en 2013 soulignait la complexité de cette question en raison des enjeux publics et privés concernés. Il soulignait que la coordination des politiques de traitement des copropriétés, notamment entre l'Anah et l'Anru était indispensable. Il invitait, d'une part à mener un travail d'études sur la coordination de ces deux politiques et, d'autre part, dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire à identifier les copropriétés dégradées afin d'en tenir compte dans le nouveau programme de renouvellement urbain.

La loi Lamy en a tiré les conséquences en précisant que le NPNRU devait ainsi s'articuler avec les actions menées, notamment par l'Anah, pour prévenir la dégradation des copropriétés et participer au traitement des copropriétés dégradées et au traitement de l'habitat indigne. Une convention de partenariat a été conclue entre l'Anru et l'Anah le 4 mai 2015 pour préciser les conditions d'intervention de chacune des deux agences. Ainsi, sont du ressort de l'Anah les actions visant à accompagner les copropriétaires privés pour redresser ou consolider la copropriété (ex. aides aux travaux de réhabilitation, programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés,...). En revanche, sont de la compétence de l'Anru les actions visant à mettre fin au statut de la copropriété ou à modifier sa structure ou son fonctionnement durablement (ex. démolition de copropriété, portage massif...). Toutefois, la commune d'Aulnay-Sous-Bois a indiqué rencontrer plusieurs difficultés s'agissant du portage massif, soulignant un manque de précision des conditions d'intervention de l'Anru et d'opérateurs pour mettre en oeuvre le dispositif.

Vos rapporteures s'étonnent de l'absence de recensement exhaustif des copropriétés dégradées situées dans les quartiers prioritaires. Selon le CGET, cette situation résulte de l'impossibilité actuelle de pouvoir croiser les données de l'Anah avec les critères de la géographie prioritaire . Le CGET a indiqué à vos rapporteures qu'il travaillait avec l'Anah et la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) à l'amélioration de ce recensement.

L'intervention sur les copropriétés dans le cadre d'un programme de renouvellement urbain est un processus complexe. Les procédures d'acquisition à l'amiable ou par voie d'expropriation sont souvent longues et difficiles. Le portage de la vacance des logements n'est pas évident à mettre en oeuvre en raison des coûts et de la durée difficilement mesurables. La diversité des situations des occupants (propriétaires occupants/propriétaires bailleurs) complexifie les opérations de relogement. L'accompagnement des copropriétaires constitue un travail très important.

Selon la Caisse des dépôts et consignations, des outils mieux adaptés doivent être mis en place pour faire face à l'augmentation du nombre de copropriétés très en difficulté. En effet, « la spécificité de l'intervention publique sur une somme de propriétaires privés est un savoir encore mal assis et mal maîtrisé. Ce type d'intervention exige donc, pour en assurer l'efficience, de disposer de moyens financiers sans précédent et d'une assistance nationale à la maîtrise d'ouvrage locale. » Pour la Caisse, le modèle de l'acquisition/démolition sera difficile à reproduire dans tous les territoires concernés en raison de son coût important. Elle invite dans la mesure du possible à réhabiliter le bâti, redresser les syndicats de copropriétaires lorsqu'ils sont viables et transformer les logements en logements sociaux.

Vos rapporteures invitent les pouvoirs publics à être attentifs aux causes conduisant des copropriétés à se dégrader. Dans un contexte de recherches d'économies budgétaires, il peut être tentant d'inciter fortement les bailleurs sociaux à vendre plus de logements sociaux pour alimenter leurs fonds propres. Vos rapporteures s'interrogent sur les conséquences de telles ventes à des locataires qui n'auraient pas les moyens d'assurer ultérieurement l'entretien du logement.

Vos rapporteures souhaitent que votre commission des affaires économiques examine plus avant les questions relatives au traitement des copropriétés dans le cadre du NPNRU et puisse évaluer à cette occasion les conséquences des ventes de logements sociaux sur la création de copropriétés dégradées.

Recommandation n° 22 : En lien avec l'Anah, mettre en place un outil pour évaluer le nombre de copropriétés situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ainsi que ceux relevant plus spécifiquement du NPNRU et mener une étude sur les outils de traitement des copropriétés dans le cadre du NPNRU.


* 15 Étude du rapport annuel 2016

* 16 Dix ans de Programme national de rénovation urbaine : Bilan et perspectives - Rapport de la mission d'évaluation confiée au Conseil d'Orientation de l'Onzus - 4 mars 2013

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