C. UN FINANCEMENT DU NPNRU QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX

1. Action Logement premier contributeur du PNRU et du NPNRU

L'État et Action Logement devaient contribuer à parité au financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Cependant, la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions a acté la sortie de l'État du financement du PNRU, celui-ci reposant pour l'essentiel sur Action Logement et dans une moindre mesure sur des participations de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La contribution de l'État s'élève ainsi à 846 364 euros au PNRU, soit moins de 1 % du financement global.

Selon la Caisse des dépôts et consignations, le désengagement rapide de l'État et le financement du programme en quasi-totalité par Action Logement a nécessairement « modifié la gouvernance et le fonctionnement de la structure », Action logement souhaitant peser sur les règles de financement.

Vos rapporteures s'étonnent que la composition du conseil d'administration de l'Anru n'ait pas été revue pour être en adéquation avec les contributions des différents financeurs du PNRU/NPNRU. Elles souhaitent que cette composition soit à l'avenir le reflet des contributions financières des différentes partenaires du NPNRU, et notamment des collectivités territoriales.

Recommandation n° 23 : Veiller à ce que la composition du conseil d'administration de l'Anru soit le reflet des contributions financières des différents partenaires du NPNRU, et notamment des collectivités territoriales.

La mise en oeuvre du premier programme devrait s'étaler jusqu'en 2020. L'article 3 de la loi Lamy a fixé au 31 décembre 2015 le terme des engagements dans le cadre du PNRU. En conséquence, les opérations non engagées ou qui ne pouvaient être réalisées dans les délais prévus ont été abandonnées.

Les économies réalisées sur le PNRU doivent venir abonder le NPNRU, sous forme de subventions. Ce reliquat est estimé à 600 millions d'euros. Toutefois, Action Logement a fait part à vos rapporteures de ses craintes d'une réduction de ce reliquat et d'une accentuation des difficultés qui pourraient être rencontrées pour financer le NPNRU en raison d'une modification des dates de clôture des opérations réalisées dans le cadre du PNRU. L'Anru s'est voulue rassurante sur le montant du reliquat, précisant qu'en avril 2017, 400 millions d'euros avaient déjà été constatés.

Au 31 décembre 2016, le PNRU était engagé à hauteur de 11,7 milliards d'euros, et il restait selon les informations transmises par Action Logement et confirmées par l'Anru, 2 milliards d'euros à payer aux maîtres d'ouvrage.

La convention quinquennale 2015-2019 du 2 décembre 2014 entre l'État et l'UESL-Action Logement détaille la contribution d'Action Logement au paiement du PNRU et du nouveau programme. Le rythme des paiements devant s'accélérer jusqu'en 2018, les prévisions budgétaires et la contribution d'Action Logement ont été réévaluées en conséquence. En outre des modalités spécifiques ont été prévues pour aider au financement actuel de l'Anru. Outre une avance de trésorerie de 60 millions d'euros par Action Logement qui a permis de restaurer la trésorerie de l'Anru, cette dernière bénéficie également de la possibilité de mobiliser des fonds à hauteur d'un milliard auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Le calendrier conventionnel de financement des programmes de renouvellement urbain s'établit ainsi :

En millions d'euros

Jusqu'en 2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

PNRU

8 708

1 029

862

552

255

134

7

NPNRU

-

57

129

221

399

603

736

Financement d'Action Logement

6 897

910

890

700

500

440

455

Source : Action Logement

2. Une enveloppe financière pour le NPNRU qui demeure insuffisante

Vos rapporteures notent que le montant du financement du PNRU a été modifié à plusieurs reprises. Si à l'origine 2,5 milliards d'euros lui étaient consacrés sur la période 2004-2008, ce sont 12 milliards d'euros qui ont finalement été inscrits dans la loi pour la période 2004-2013, la loi Lamy portant le terme du programme à 2015.

Au vu de ces éléments, on ne peut que s'interroger sur le montant de 5 milliards d'euros prévus pour la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) par l'article 3 de la loi Lamy.

Les acteurs locaux ont partagé avec vos rapporteures leur doute sur l'ambition de ce nouveau programme. En effet, plusieurs élus craignent de devoir retenir des projets moins ambitieux. Cette faiblesse des moyens conduit à ce qu'une logique comptable prenne le pas sur une logique de projet .

En outre, en ne mettant pas des moyens à la hauteur des enjeux, on ne peut exclure le risque, comme l'a fort justement bien noté la communauté d'agglomération Valenciennes Métropole, « d'un effet boomerang » qui décrédibiliserait la parole publique dans ces quartiers. C'est aussi le principe de coconstruction qui pourrait être mis à mal. Combien d'habitants accepteront à l'avenir de participer à ces projets de rénovation urbaine une fois qu'ils auront vu le décalage entre l'ambition affichée du projet et la réalité ?

Les deux premiers projets examinés par l'Anru dans le cadre du NPNRU ont obtenu 100 millions d'euros pour Rennes et 39 millions pour Pau, alors même que l'enveloppe moyenne pour chaque projet est estimée à 25 millions d'euros. Action Logement a indiqué à vos rapporteures avoir voté contre ces projets non pas en raison de leur qualité mais en raison des conséquences financières qu'ils entraînent, estimant qu'elles contribuaient à remettre en cause le modèle économique du NPNRU alors même « que les impasses financières sont déjà connues ». En effet, selon Action Logement, l'Anru devrait faire face à un important besoin de trésorerie dont le pic pourrait atteindre 1,4 milliard en 2026.

Source : Action Logement

Ils invitent à la prudence quant aux prochaines décisions car si celles-ci s'inscrivaient dans la continuité des précédentes, elles entraîneraient selon Action Logement plus que le doublement des besoins de financement de l'Anru , ce qui ne peut être, pour Action Logement, uniquement supporté par la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC).

Action Logement a d'ailleurs indiqué à vos rapporteures que les premières projections montrent que les demandes de financement sont supérieures à celles programmées. Pour éviter une impasse financière, Action logement a proposé plusieurs pistes de réforme :

« - un mode plus raisonnable et économe de conception des projets ;

« - une conception des projets qui soit réellement phasée ;

« - un pilotage financier adapté permettant d'anticiper et lisser les besoins ;

« - un budget annuel d'engagement limitatif ;

« - la prise en compte dans un certain nombre de projets sur des quartiers retrouvant ou ayant un potentiel d'attractivité, de ressources issues de la cession de charges foncières ;

« - une meilleure coordination des différents financements ;

« - l'éventuelle sollicitation d'autres acteurs pour le financement ;

« - la nécessité de s'interroger vers la fin du NPNRU sur l'opportunité de mobiliser ou non de nouveaux moyens, plutôt que de le faire en 2017 en l'absence de visibilité et de maturité des projets. »

Vos rapporteures proposent de porter le montant alloué au NPNRU à 10 milliards d'euros . Elles se félicitent qu'à l'occasion des Journées nationales d'échanges des acteurs de la rénovation urbaine des 5 et 6 juillet 2017, le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, ait indiqué que le Gouvernement respecterait l'engagement de campagne du Président de la République Emmanuel Macron de porter à dix milliards d'euros le financement du NPNRU.

Recommandation n° 24 : Porter le montant du NPNRU à 10 milliards d'euros.

3. Des moyens qui ne sont pas au rendez-vous pour les quartiers d'intérêt régional

Selon le CGET, 1 086,4 millions d'euros seront consacrés au financement de la rénovation urbaine des quartiers d'intérêt régional. 850 millions d'euros seront gérés par les préfets via des enveloppes régionalisées. L'Anru a indiqué à vos rapporteures que 10 % de l'enveloppe d'un milliard apportée par l'État (soit environ 150 millions) seraient également consacrés aux projets portant sur ces quartiers lorsqu'ils font l'objet d'un examen par le comité d'engagement de l'Anru et qu'ils mobilisent plus de 7 millions d'euros de concours financiers.

Ainsi, ce sont en moyenne 3,8 millions d'euros qui seront attribués par l'Anru à chaque projet de quartiers d'intérêt régional.

Les préfets de région sont chargés de répartir l'enveloppe de concours financiers réservés aux projets d'intérêt régional. Ils ont, semble-t-il, choisi de prioriser les moyens de l'agence sur certains projets (d'environ 1 million d'euros de concours financiers à plus de six millions d'euros).

Les enveloppes consacrées aux quartiers d'intérêt régional paraissent plus encore insuffisantes au regard des enjeux et des objectifs fixés. À titre d'exemple, pour le département du Nord, seulement 100 millions d'euros sont réservés à 20 quartiers d'intérêt régional, soit une moyenne de 5 millions d'euros par quartier. De même, la préfecture du Rhône et la Métropole de Lyon ont souligné l'inadéquation entre l'ambition des projets envisagés pour certains quartiers d'intérêt régional et les moyens dédiés. Au regard de ces montants, les interlocuteurs rencontrés par vos rapporteures ont souligné le risque de saupoudrage des subventions qui ne portent plus que sur l'habitat, les enveloppes excluant le financement d'opérations d'aménagement et d'équipements publics. L'AMF appelle d'ailleurs l'Anru à mieux soutenir les quartiers d'intérêt régional quand ils ne font pas partie du protocole de préfiguration.

En complément des concours financiers octroyés par l'Anru, les projets d'intérêt régional doivent bénéficier de financement des conseils régionaux, dans le cadre des contrats de plan État-Région. Des conventions de partenariat ANRU - État - Conseil régional sont en cours de négociation ; quatre ont été validées par le conseil d'administration de l'Agence et concernent les régions Pays-de-la-Loire, Bretagne, Bourgogne - Franche-Comté et Île-de-France.

Ainsi, à titre d'exemple, la convention relative à la Bourgogne-France-Comté signée le 2 décembre 2016 prévoit une aide de la région de 40 millions d'euros pour six quartiers d'intérêt national et douze quartiers d'intérêt régional. La convention relative à l'Île-de-France signée le 17 mars 2017 indique que la région consacrera 250 millions d'euros pour soutenir la rénovation de 102 quartiers, dont 59 d'intérêt national et 43 d'intérêt régional.

Afin d'éviter une déperdition de concours financiers, certains acteurs locaux souhaiteraient insérer dans les conventions Anru-Région une clause de revoyure qui permettrait à mi-parcours de redéployer des crédits au sein d'une région, par voie d'avenant aux conventions financières du NPNRU. Un tel dispositif permettrait d'accompagner des projets de rénovation de quartiers d'intérêt régional ambitieux mais dont la traduction sur le terrain est pour l'instant limitée en raison de faibles concours financiers. Vos rapporteures soutiennent cette demande.

Enfin, vos rapporteures ne peuvent que s'interroger sur l'intérêt pour les collectivités territoriales de réaliser de tels projets régionaux dans le cadre du NPNRU dès lors que les contraintes demeurent importantes -le règlement de l'Anru s'imposant dans les mêmes conditions pour ces projets régionaux- et les moyens limités.

Recommandation n° 25 : Mettre en place une clause de revoyure pour les quartiers d'intérêt régional permettant à mi-parcours du NPNRU de réaffecter à des projets de rénovation urbaine d'une région des fonds initialement attribués à des quartiers d'intérêt régional ou d'intérêt national de la même région et dont il apparaît qu'ils ne pourront être engagés.

4. Une participation financière de l'État au NPNRU qui doit être enfin concrétisée

Aux 5 milliards initiaux prévus par la loi Lamy, l'État a décidé en novembre 2016 d'ajouter un milliard supplémentaire.

Ce retour de l'État a été salué par l'ensemble des acteurs de la politique de la ville comme par les parlementaires. Selon le CGET, la confirmation de ce réengagement en 2017 permettra de donner à l'État « davantage de poids dans son rôle de tutelle financière s'agissant des orientations à donner à l'Anru ». Cet engagement de l'État permettrait également de financer de façon plus importante les équipements publics, Action Logement ayant en effet réaffirmé à vos rapporteures qu'il ne « pouv[ait] intervenir que sur la seule composante du logement ».

Cependant, vos rapporteures constatent que seuls 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15 millions en crédits de paiement pour le financement du NPNRU ont été inscrits en loi de finances pour 2017.

Vos rapporteures estiment comme Action Logement que la totalité du financement du NPNRU n'a pas à être assurée par la seule participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). L'État ne peut continuer à laisser d'autres acteurs financer une politique publique aussi importante.

Elles appellent le nouveau Gouvernement à concrétiser le retour de l'État de façon pérenne et pour un montant conséquent dans le financement du PNRU dès l'automne prochain .

Ce retour permettra de réaffirmer que l'Anru finance des projets globaux comprenant l'habitat, l'aménagement, les équipements publics et pas seulement du logement .

Recommandation n° 26 : Rétablir la parité de financement entre l'État et Action Logement.

Recommandation n° 27 : Veiller à ce que le financement apporté par l'Anru puisse concerner n'importe quel volet du projet de renouvellement urbain (école, autres équipements, logement...) et pas seulement le volet logement.

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