N° 875

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

N° 424

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 12 avril 2018

le 12 avril 2018

DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

RAPPORT


relatif à l' activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2017

Par

M. Philippe BAS,

Sénateur

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par Mme Yaël BRAUN-PIVET

Première vice-présidente de la délégation.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Philippe BAS

Président de la délégation .

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

Sur le contrôle parlementaire du renseignement :

Recommandation n° 1 : Actualiser la stratégie nationale du renseignement, afin de présenter publiquement le cadre d'évolution de la communauté du renseignement et des services qui la composent à un horizon de moyen terme. Ce document devrait être conçu comme un instrument de pilotage stratégique.

Recommandation n° 2 : Confier à l'inspection des services de renseignement une mission sur la mise au point d'indicateurs de performance des services spécialisés de renseignement.

Recommandation n° 3 : Transmettre le rapport annuel relatif à la politique publique du renseignement à la DPR au plus tard le 1 er juillet de l'année n+1.

Recommandation n° 4 : Communiquer chaque année à la DPR une synthèse sur les crédits de l'année en cours tels qu'ils sont inscrits dans la loi de finances initiale et une synthèse sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances soumis à l'examen du Parlement.

Recommandation n° 5 : Transformer le poste de Secrétaire général de l'inspection des services de renseignement en un poste de chef de service, chargé de l'encadrement et du suivi des inspecteurs des services de renseignement.

Recommandation n° 6 : Réfléchir, à terme, à pérenniser l'inspection des services de renseignement afin d'en faire un service permanent doté d'un personnel dédié.

Recommandation n° 7 : Notifier systématiquement à la DPR la remise des rapports des inspections générales des ministères concernant un ou plusieurs service(s) de renseignement.

Recommandation n° 8 : Prévoir la nomination d'un rapporteur au sein de la délégation parlementaire au renseignement pour assurer la continuité de ses travaux et alléger la charge du Président.

Recommandation n° 9 : Etendre le périmètre du contrôle parlementaire à l'ensemble de l'activité des services de renseignement, en leur laissant la possibilité d'exercer un droit de réserve lorsque la communication d'une information est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale, aux rapports avec les services étrangers, au déroulement d'opérations en cours ou à la sécurité d'un agent ou d'une source.

Recommandation n° 10 : Permettre à la délégation parlementaire au renseignement de demander la communication de toute information utile à l'accomplissement de sa mission.

Sur le renseignement d'intérêt économique :

Proposition n° 11 : Réunir, sur une base semestrielle, un conseil de défense et de sécurité nationale consacré aux questions de sécurité économique.

Proposition n° 12 : Clarifier le rôle assigné au renseignement d'intérêt économique en appui de la politique économique, en adoptant, au plus haut niveau de l'Etat, une doctrine du renseignement économique.

Proposition n° 13 : Instaurer un comité interministériel, piloté par le cabinet du Premier ministre, pour renforcer la coordination des acteurs impliqués dans la politique publique de sécurité économique.

Proposition n° 14 : Impliquer les services déconcentrés de l'Etat dans le recensement des secteurs, technologies et entreprises stratégiques.

Proposition n° 15 : Mettre à jour la circulaire du Premier ministre du 17 septembre 2011 relative au dispositif d'intelligence économique territoriale.

Proposition n° 16 : Renforcer la coordination des administrations en matière de promotion économique *****.

Proposition n° 17 : Programmer un accroissement des ressources allouées, dans les services de renseignement, à la production du renseignement d'intérêt économique.

Proposition n° 18 : Inciter les ministères à désigner en leur sein des référents en matière de renseignement d'intérêt économique, habilités au secret de la défense nationale et qui seraient chargés d'un rôle d'interlocuteur avec les services de renseignement.

Proposition n° 19 : Lancer une réflexion pour améliorer la connaissance de la politique publique du renseignement au sein des administrations françaises.

Proposition n° 20 : Confier au comité interministériel de la sécurité économique, dont il est proposé la création, la responsabilité de définir des lignes directrices encadrant la réponse aux menaces économiques.

Proposition n° 21 : Mettre en place un contrôle et une évaluation des leviers d'action de l'Etat en matière de sécurité économique.

LISTE DES RECOMMANDATIONS DE LA CVFS

Recommandation n° 1 (à destination du Premier ministre) : Inviter les services à définir plus précisément leur trésorerie immobilisée et gagée afin de fixer le montant de leur dotation en fonds spéciaux à un niveau correspondant à leur besoin réel.

Recommandation n° 2 (à destination du Premier ministre) : Exclure les fonds spéciaux de l'assiette du calcul de la réserve de précaution du Programme 129.

Recommandation n° 3 (à destination du Premier ministre) : Informer les services sur l'échéancier des versements de leur dotation et sur leur montant précis.

Recommandation n° 4 (à destination des services) : Mieux définir les besoins des services en fonds spéciaux afin d'éviter des réintégrations trop importantes de crédits non consommés d'un exercice sur l'autre.

Recommandation n° 5 (à destination des services) : *****

Recommandation n° 6 (à destination du CNRLT) : Définir un cadre commun sur la définition et la mise en oeuvre de règles minimales de démarquage communes à l'ensemble des services.

Recommandation n° 7 (à destination du CNRLT) : Constituer un groupe de travail sur les possibilités de démarquages existantes dans le logiciel CHORUS.

Recommandation n° 8 (à destination des services) : Achever l'analyse globale sur le transfert d'une partie des fonds spéciaux vers les fonds normaux et transmettre à la CVFS un calendrier de la mise en oeuvre de ce transfert.

Recommandation n° 9 (à destination du Premier ministre) : Augmenter la dotation en fonds normaux à due proportion des montants transférés des fonds spéciaux.

Recommandation n° 10 (à destination des services) : Assouplir l'exigence de production de pièces justificatives pour les menues dépenses dont le montant est laissé à l'appréciation des services.

Recommandation n° 11 (à destination du CNRLT) : Constituer un groupe de travail sur les modalités de conservation et d'archivage des comptabilités en fonds spéciaux, incluant le sujet de la dématérialisation, afin d'homogénéiser des pratiques actuellement très différentes d'un service à l'autre.

Recommandation n° 12 (à destination des services) : Afin de garantir la sécurité des agents, privilégier autant que possible les modes de paiement alternatifs au transport d'espèces.

Recommandation n° 13 (à destination des services) : Renforcer et formaliser les environnements de contrôle interne - en particulier dans les services bénéficiant d'une augmentation significative de leur dotation en fonds spéciaux - et établir à l'attention de la CVFS une synthèse documentée sur les contrôles mis en oeuvre et leurs résultats.

Recommandation n° 14 (à destination du CNRLT) : Confier à l'inspection des services de renseignement (ISR) une mission relative à l'effectivité du dispositif de contrôle interne applicable aux règles de gestion des fonds spéciaux et, plus généralement, développer les interventions de l'ISR sur les fonds spéciaux.

Recommandation n° 15 (à destination de la CVFS) : Allonger la durée de la présidence de la CVFS pour favoriser une approche pluriannuelle de son contrôle.

Recommandation n° 16 (à destination des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat) : Engager une réflexion sur un renforcement des moyens de contrôle et des ressources humaines mis à la disposition de la CVFS en termes d'expertise et de connaissance des services spécialisés de renseignement.

Recommandation n° 17 (à destination du législateur) : Prévoir une ligne budgétaire autonome au sein des budgets des assemblées parlementaires afin de pouvoir rembourser l'exécutif des frais de fonctionnement et de mission engendrés par la CVFS et actuellement payés sur fonds spéciaux.

Mesdames, Messieurs,

L'année 2017 aura, comme les précédentes, été marquée par une focalisation de la politique publique de renseignement sur la lutte contre le terrorisme. La menace sur notre territoire, combinée à son évolution de nature - la menace terroriste étant désormais devenue autant endogène qu'exogène - exige en effet un engagement renforcé de l'appareil d'État au profit de la protection de nos concitoyens.

Cet investissement, aussi nécessaire et légitime qu'il soit, ne doit toutefois pas occulter l'existence d'autres menaces qui pèsent fortement sur les intérêts majeurs de la Nation et sur lesquels l'ensemble des services de renseignement de notre pays doivent être mobilisés.

Aussi la délégation parlementaire au renseignement, chargée, au titre de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, d'exercer le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et d'évaluer la politique publique en ce domaine, a-t-elle décidé de concentrer ses travaux, en 2017, sur le renseignement d'intérêt économique, qui constitue l'une des sept finalités de la politique publique de renseignement définies par l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure.

Dans un contexte de compétition mondiale accrue et face à l'émergence de nouvelles menaces et de nouvelles formes d'ingérence pour nos entreprises, la maîtrise de l'information est plus que jamais un facteur essentiel de la défense des intérêts économiques majeurs de notre Nation. Tandis que d'autres pays engagent pleinement leur appareil d'État, y compris leurs services de renseignement, en soutien d'une politique économique nationale ambitieuse, parfois même agressive, la France a, pendant de nombreuses années, tardé à investir ce champ pourtant essentiel à la défense de son statut de puissance.

Face à ce constat, déjà dressé, en 2014, par notre ancien collègue Jean-Jacques Urvoas, la délégation parlementaire au renseignement a estimé souhaitable de conduire une évaluation approfondie des dispositifs existants en matière de production et de traitement du renseignement d'intérêt économique, ainsi que des réformes accomplies par l'exécutif au cours des dernières années.

Elle a, à cet effet, mené un travail d'information. Elle a ainsi organisé, au cours des derniers mois, 23 auditions. Ont été entendus aussi bien des membres de la communauté du renseignement que d'autres acteurs, publics et privés, participant, directement ou indirectement, au cycle du renseignement d'intérêt économique. La délégation s'est par ailleurs déplacée à la Direction générale de la sécurité extérieure et à la Direction générale de la sécurité intérieure.

Compte tenu des échéances électorales de l'année 2017 qui ont concerné, tour à tour, l'Assemblée nationale puis le Sénat, la délégation n'a toutefois été définitivement reconstituée qu'à l'automne, ne lui laissant que quelques mois de travaux. Eu égard à l'ampleur de la thématique choisie, elle a donc estimé préférable de ne présenter, à ce stade, qu'un premier bilan de ses conclusions et de poursuivre au cours des prochains mois son travail de contrôle et d'évaluation sur le sujet.

Soucieuse d'assurer la continuité de ses travaux dans le temps, la délégation a, en parallèle, poursuivi son travail de suivi et d'appréciation de la mise en oeuvre des recommandations qu'elle avait formulées dans le cadre de ses précédents rapports.

Enfin, à la veille de son dixième anniversaire, la délégation a jugé pertinent de dresser un bilan de son fonctionnement et d'engager, en s'appuyant notamment sur une comparaison avec les modèles mis en place dans d'autres démocraties, une réflexion sur le périmètre et les modalités d'exercice du contrôle parlementaire de la politique publique de renseignement dans notre pays.

Le renforcement des services de renseignement engagé au cours des dernières années dans un contexte de menace terroriste aigüe et persistante ne saurait se concevoir sans l'existence d'un contrôle démocratique efficient de leur activité. Il importe que la délégation puisse disposer de l'ensemble des outils nécessaires à l'exercice d'un contrôle plein et entier si elle souhaite utilement éclairer les pouvoirs publics, notamment le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées parlementaires, auxquels est destiné ce rapport, sur l'action des services de renseignement et, plus largement, sur la mise en oeuvre de la politique publique du renseignement.

Ces réflexions, qui concernent aussi bien le périmètre du contrôle exercé par la délégation, les prérogatives dont elle dispose que son fonctionnement interne, ont été inspirées tant par un souci démocratique que par le souhait de contribuer à renforcer l'efficacité de notre appareil de renseignement, soumis, depuis quelques années, à des pressions toujours plus importantes.

La synthèse des travaux de la délégation figure dans le présent rapport. Ce dernier s'articule selon les axes suivants :

- le bilan d'activité de la délégation en 2017 (I) ;

- les observations de la délégation sur la mise en oeuvre de la politique publique du renseignement et de son contrôle ainsi que des propositions d'évolution du contrôle parlementaire du renseignement (II) ;

- les premiers constats et recommandations de la délégation sur la thématique du renseignement d'intérêt économique (III) ;

- la présentation des travaux de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), établie par son président, M. Loïc Kervran, député, et portant sur l'exercice budgétaire 2016 (IV).

*

Nonobstant son souci de répondre aux légitimes attentes de transparence des citoyens, les membres de la DPR ont également conscience que certaines informations portées à leur connaissance doivent être soustraites à la curiosité de nos rivaux comme de nos adversaires. C'est pour parvenir à concilier ces deux impératifs antagonistes qu'il a été décidé de masquer quelques passages sensibles au moyen d'un signe typographique (*****), invariable quelle que soit l'ampleur des informations rendues ainsi illisibles.

Employé par le parlement britannique, ce procédé permet une synthèse entre des logiques ambivalentes. Nos concitoyens pourront ainsi apprécier le raisonnement déployé, sa cohérence, ses principales conclusions, tandis que certains détails resteront protégés sans que l'on puisse critiquer la vacuité du propos ou un « caviardage » excessif.

*

Réunie le jeudi 12 avril 2018 sous la présidence de M. Philippe Bas, Président, la délégation parlementaire au renseignement a adopté le présent rapport relatif à son activité pour l'année 2017.

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