B. LE DÉRAPAGE DES COÛTS ET DES DÉLAIS DE CONCEPTION DES NOUVEAUX SYSTÈMES DE LA NAVIGATION AÉRIENNE MET EN LUMIÈRE DES CARENCES DANS LEUR PILOTAGE
Dans sa communication d'octobre 2016 intitulée « L'État et la compétitivité du transport aérien » réalisée à la demande de votre commission des finances, la Cour des comptes écrivait que « la France [avait] pris du retard dans ses investissements de modernisation des systèmes de navigation qui auraient dû être réalisés dans les années 1990 et 2000. La DGAC disposait depuis les années 1970 d'outils à la pointe de la technique existante, mais la prise de conscience de la nécessité d'investissements lourds à réaliser afin de moderniser ces outils a eu lieu alors que la crise économique réduisait fortement les recettes disponibles , et donc la capacité d'investissement, à la fin de la première décennie des années 2000 ».
La Cour notait également que les différents programmes développés depuis lors par la DSNA « ont pris du retard dans leur déploiement , que leur interdépendance a amplifié , et ont connu des surcoûts ».
À la suite de cette enquête de la Cour des comptes, votre rapporteur spécial a donc souhaité faire un point précis sur les principaux d'entre eux, en insistant plus particulièrement sur le programme 4-Flight, coeur de la modernisation des systèmes de contrôle aérien français, dont la mise en service ne cesse d'être repoussée et dont le coût est en train d'enfler dangereusement.
1. Erato a enfin permis à deux centres en route français de passer au « stripless » près d'un quart de siècle après le centre en-route de Maastricht
Il serait injuste de prétendre qu'aucun des programmes de modernisation technique de la DSNA n'a abouti jusqu'ici .
Sa direction de la technique et de l'innovation (DTI) est en effet parvenue à mener à bien le développement en interne d'une nouvelle interface homme machine baptisée « environnement électronique Erato (EEE) » , pour un coût total estimé à 127,2 millions d'euros sur la période 2002-2015 31 ( * ) .
Erato est un système d'assistance au contrôleur aérien qui lui permet de se passer enfin des fameux « strips » papiers et de gérer les vols dont il a la charge dans un environnement intégralement électronique .
En revanche, il ne modifie en rien le traitement des plans de vol et vient se greffer sur le système Cautra , dont les limites ont déjà été décrites supra . Il a donc clairement une vocation transitoire et doit à terme être remplacé par le système 4-Flight , qui, pour sa part, est greffé sur le système de traitement automatique des plans de vol de nouvelle génération Coflight (cf. infra ).
Erato a été mis en service le 15 décembre 2015 dans le centre en-route de Brest, ce qui a constitué la première introduction d'un système « stripless » en France plus de vingt ans après sa mise en place à Maastricht . Le centre en-route de Bordeaux a à son tour bénéficié de l'installation d'Erato le 17 décembre 2016 .
Si dans un premier temps, la mise en place de ce nouveau système a provoqué des retards car les contrôleurs aériens devaient se l'approprier, il a ensuite permis de réels gains de capacité , estimés à 15 % environ . Toutefois, il semblerait que ceux-ci aient d'ores-et-déjà été absorbés par un trafic en hausse particulièrement vigoureuse au-dessus de l'ouest de la France.
Il était jusqu'ici prévu de ne pas installer Erato dans les trois autres centres en-route français d'Athis-Mons, de Reims et d'Aix-en-Provence, dans la mesure où ils sont censés basculer directement dans le nouveau système 4-Flight , dont l'interface homme-machine reprend un certain nombre de concepts d'Erato.
La migration vers un nouveau système s'effectuant centre par centre, ceux de Brest et de Bordeaux auraient effectué leur transfert vers 4-Flight ultérieurement, ce qui justifiait qu'ils aient bénéficié d'Erato de sorte que leur passage à un environnement intégralement électronique ne fût pas indéfiniment retardé.
Mais cette décision stratégique pourrait être remise en question , eu égard aux retards considérables accumulés par le nouveau programme 4-Flight. La DSNA envisage en effet désormais « des scénario alternatifs » qui pourraient la conduire à décider d'autres déploiements du système Erato dans les centres en route d'ici à 2020 .
Si votre rapporteur spécial est convaincu qu'il s'agit en effet d'une nécessité , cette décision n'en constituera pas moins un aveu d'échec pour la DSNA (cf. infra ).
2. Coflight, système de traitement automatique des plans de vol de nouvelle génération dont la conception a commencé en 2002, ne devrait pas voir le jour avant plusieurs années
Le traitement des plans de vol est l'un des éléments essentiels que doivent garantir les systèmes techniques de la navigation aérienne sur lesquels s'appuient les contrôleurs aériens.
Depuis 2002, la DSNA s'est lancée dans le développement d'un système de traitement automatique des plans de vol de nouvelle génération baptisée « Coflight » , qui devrait constituer une véritable rupture opérationnelle et technologique , particulièrement attendue par les autorités européennes dans le cadre du programme SESAR.
Coflight s'appuie en effet sur une modélisation des vols en quatre dimensions révolutionnaire qui permet la mise en oeuvre de nouveaux concepts opérationnels (cf. encadré).
Les avantages offerts par Coflight par rapport aux systèmes de traitement des plans de vol actuels Les systèmes de traitement de plan de vol (FDP pour Flight Data Processor ) de la génération actuelle consistaient à transmettre le plan de vol initial déposé par la compagnie aérienne depuis un serveur centralisé d'Eurocontrol vers le système FDP du premier centre de contrôle concerné qui le transmettait ensuite au système FDP du centre suivant, chaque centre le délivrant sur la position de contrôle concernée (sous forme de bandelette papier ou « strip » ou plus récemment d'information directement à l'écran « environnement électronique »). Les données de ce plan de vol consistaient essentiellement en des points, des balises et des niveaux décrivant la route planifiée et le seul enrichissement apporté par le système au cours du vol était que la surveillance radar corrélée permettait d'automatiser l'édition du plan de vol sur le bon secteur de contrôle quelques minutes avant que le pilote ne contacte le contrôleur. Un système de nouvelle génération comme Coflight permettra d'enrichir le plan de vol initial en continu avec l'ensemble des données temps réel, en particulier les actions de contrôle de chaque contrôleur de chaque secteur de contrôle traversé. Ce plan de vol devenu « Flight object » c'est-à-dire enrichi par les systèmes bord et ATM d'un nombre très important de données et de métadonnées modélisera ainsi une trajectoire réelle 4D du vol (ou « plan de vol volumique 4D ») actualisée en permanence et qui à son tour alimentera le système et permettra le développement de nouveaux outils d'assistance pour le contrôleur aérien (détection de conflit, optimisation de flux). Un système comme Coflight dispose par ailleurs d'une puissance de calcul permettant de traiter simultanément un nombre de ces « Flight objects » sans commune mesure avec les capacités des systèmes actuels, ce qui rend possible via un seul serveur de traiter les vols d'un espace aérien à l'échelle de plusieurs centres de contrôle et de plusieurs prestataires de contrôle. Cette génération de système ouvre donc la voie à une virtualisation des services de traitement de plan de vol. Les fonctionnalités offertes par Coflight permettront ainsi la gestion tactique effective des trajectoires et des flux au plus près des Business Trajectories planifiées par les compagnies par une intégration temps réelle dans l'intelligence système des données plan de vol IFPS, bord et radar au bénéfice des choix d'optimisation tactique du contrôleur. Source : direction des services de la navigation aérienne (DSNA) |
Pour réduire les coûts de ce projet qui resteront à sa charge, la DSNA s'est associée au prestataire de services de la navigation aérienne italien , l'Ente nazionale assistenza al volo (Enav).
Les deux opérateurs ont ensuite conclu un contrat avec un consortium d'industriels franco-italien composé de Thalès et de Leonardo (ex-Selex, ex-Finmecanica).
Lorsqu'en 2011 la DSNA a décidé de remplacer intégralement le système Cautra, elle a naturellement décidé de faire de Coflight le coeur de son futur système 4-Flight , également conçu avec Thalès (cf. infra ). Depuis cette date, les deux programmes sont donc intimement liés , 4-Flight ayant été conçu pour accueillir Coflight en son sein.
La toute première version opérationnelle de Coflight a été réceptionnée en 2014 afin de pouvoir être intégrée dans le système 4-Flight dans sa version pré-opérationnelle, suivie d'une deuxième version en 2015 intégrant les normes d'interopérabilité européenne IOP et prenant en compte les premiers résultats des expérimentations 4-Flight.
L'alignement des trajectoires des programmes 4-Flight et Coflight a été réalisé en 2015 avec un objectif initial de mise en service opérationnelle en 2018 pour les centres en-route d'Aix-en-Provence et de Reims.
À la suite de la livraison en mai 2017 de la troisième version de Coflight, le calendrier a été revu car la DSNA a estimé que ses exigences en termes de cybersécurité nécessitaient des modifications du système Coflight.
En outre, des discussions seraient, selon la DSNA, en voie d'achèvement avec l'Enav pour s'accorder sur une prolongation du cadre contractuel actuel par avenant afin d'y inclure la version nécessaire à 4-Flight avant de poursuivre les évolutions suivantes dans le nouveau cadre d'un groupement de commandes transnational pour passer un accord-cadre de maintenance corrective et évolutive du système Coflight 32 ( * ) .
Selon la DSNA, la livraison d'une nouvelle version de Coflight incluant ces évolutions - et censée être la version définitive du système - est désormais planifiée en juin 2019 .
Votre rapporteur spécial ne cache pas ses doutes quant au respect de ces échéances , eu égard aux retards déjà accumulés et aux difficultés rencontrées dans la gestion du programme 4-Flight, évoquées en détail infra .
Bien consciente de ces fragilités, la DSNA avance que la version non certifiée d'ores et déjà disponible de Coflight, si elle ne permet pas d'alimenter en trajectoire en quatre dimensions le système Cautra, largement dépassé, sera en revanche utilisée dès la fin 2018 pour des outils opérationnels moins critiques des contrôleurs aériens.
Il n'en demeure pas moins que les contrôleurs aériens ne devraient pas profiter des principales avancées qu'est censé offrir le système Coflight avant de nombreuses années ...
3. 4-Flight, coeur de la modernisation des systèmes de la DSNA, se trouve aujourd'hui dans une phase critique
4-Flight est le programme clef dont la mise en place doit permettre une modernisation profonde du système de contrôle aérien français . Il est conçu par Thalès Air Systems , dans le cadre d'un contrat-cadre , en partenariat étroit avec la direction de la technique et de l'innovation (DTI) de la DSNA.
Or, il connaît actuellement de graves difficultés , qui devraient encore renchérir ses coûts et retarder sa mise en service , sans cesse repoussée depuis 2015 .
a) Le programme 4-Flight est censé fournir des outils beaucoup plus capacitifs aux contrôleurs aériens
4-Flight est un système de contrôle aérien complet de nouvelle génération destiné à remplacer intégralement le système Cautra 33 ( * ) utilisé actuellement dans les centres de contrôle en-route français.
Il doit donc proposer l'ensemble des fonctionnalités du Cautra mais apporter également aux contrôleurs aériens de nombreux nouveaux outils pour leur permettre de faire face à la hausse du trafic.
D'un point de vue fonctionnel, 4-Flight consiste en l'intégration par Thalès :
- d'un système de traitement radar baptisé « Artas » et fourni par Eurocontrol ;
- du système de traitement volumique des plans de vol Coflight présenté en détail supra et conçu par Thalès avec l'industriel Leonardo pour la DSNA et l'Enav italienne ;
- d'une interface homme-machine entièrement électronique fournie par Thalès et reprenant un certain nombre de concepts d'Erato ;
- de nombreux périphériques utilisés par les contrôleurs aériens ou les superviseurs techniques.
À noter que la plupart de ces périphériques sont conçus par Thalès, mais que d'autres le sont par la direction de la technique et de l'innovation (DTI) de la DSNA elle-même , comme le simulateur de 4-Flight, ce qui n'est pas de nature à simplifier les choses .
La DSNA attend de 4-Flight qu'il permette aux contrôleurs aériens de réaliser des gains de productivité considérables grâce à une interface homme-machine beaucoup plus sophistiquée et à des outils d'assistance automatisé au contrôleur .
Ces gains de productivité permettraient d'offrir davantage de capacités aux compagnies aériennes , de réduire les retards et d'améliorer la sécurité des vols . Étant donné l'ampleur des hausses de trafic observées ces dernières années, la mise en service rapide de 4-Flight est très attendue tant par les contrôleurs aériens que par l'ensemble des partenaires de la DSNA .
Le programme 4-Flight possède un concurrent en Europe . Il s'agit du système iTEC , développé par l'industriel espagnol Indra pour un groupement de prestataires de services de la navigation aérienne européen (PSNA) 34 ( * ) : sa première mise en service a eu lieu en 2016 (voir infra ).
b) Le contrat-cadre conclu avec Thalès en 2011 a fait l'objet de critiques de la Cour des comptes sur la question des droits de propriété du système
Le programme 4-Flight a été confié à l'industriel français Thalès Air Systems en 2011, dans le cadre d'un contrat-cadre conclu pour une durée de dix ans avec la DSNA.
Dans son référé n° 71553 du 20 janvier 2015 consacré aux investissements de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), la Cour des comptes notait qu'il s'agissait « du contrat le plus important conclu par la DSNA » et que « la complexité des négociations et de l'exécution de ce type de marché est accentuée par des relations de dépendance entre industriels et prestataires de navigation » car « les industriels européens sont des fournisseurs incontournables des services de navigation européens , et ont besoin des références de ces derniers pour asseoir leur développement international ».
Il est tout à fait exact de souligner que le secteur industriel des fournisseurs de systèmes de la navigation aérienne est particulièrement concentré , le seul véritable concurrent en Europe de Thalès Air Systems étant l'espagnol Indra.
Cette situation ne contribue assurément pas à faciliter la tâche des responsables de la DSNA et explique peut-être en partie le constat dressé par la Cour des comptes selon laquelle « l'issue de la négociation sur les droits de propriété du système 4-Flight se révèle peu avantageuse pour la DSNA , qui dispose de droits réduits alors que l'industriel bénéficie d'une marge de manoeuvre importante, notamment pour la commercialisation du système ».
Pour sa défense, la DSNA a fait valoir auprès de votre rapporteur spécial qu'elle avait obtenu des droits nettement plus étendus que ceux dont bénéficient d'ordinaire les prestataires de services de la navigation aérienne dans le cadre des contrats conclus avec les industriels , ceux-ci cherchant à leur concéder de simples droits d'usage.
Parmi les droits négociés par la DSNA figurent notamment ceux qui sont nécessaires à l'ouverture à la concurrence du maintien en conditions opérationnelles du système (MCO) en fin de validité du contrat ou de résiliation anticipée ainsi que d'un droit de commercialisation de 4-Flight dans son ensemble en cas d'échec de commercialisation de Thalès .
La DSNA a également souligné auprès de votre rapporteur spécial que le système comporterait des composants de Thalès dont elle n'aurait pas à supporter les coûts de licence et qu'elle avait obtenu le droit de concéder 4-Flight aux autres prestataires de la navigation aérienne du FABEC ainsi qu'à l'Enav italienne .
c) Un calendrier qui a déjà connu plusieurs décalages dans le temps
(1) L'abandon rapide de l'échéance de 2015 et la mise en place d'un processus en deux phases
L'accord-cadre de 2011 fixait comme objectif une mise en service initiale de 4-Flight en 2015 .
Mais, ainsi que l'indique la DSNA dans la réponse au questionnaire que lui a adressé votre rapporteur spécial, « si le contenu fonctionnel global et les exigences réglementaires devant s'appliquer à ce système étaient connus dès le lancement des développements, il est assez vite apparu que l'ampleur du programme nécessiterait la mise en oeuvre d'un processus de mise au point itératif s'appuyant sur des validations techniques et opérationnelles intermédiaires ». La date de 2015 pour la mise en service du programme, il est vrai ambitieuse à l'excès, est alors apparue comme clairement illusoire .
Partant de ce constat plus réaliste, la DSNA et Thalès ont donc décidé que leur travail en commun s'organiserait en deux phases :
- une première phase de livraison de versions pré-opérationnelles permettant la mise en oeuvre du processus itératif de développement, c'est-à-dire d'allers-retours impliquant l'industriel, la direction de la technique et de l'innovation (DTI) de la DSNA et les contrôleurs aériens des centres en-route, qui sont les utilisateurs du nouveau système.
Des versions pré-opérationnelles de 4-Flight ont ainsi été livrées par Thalès en 2015 et installées dans les centres de contrôle en-route de Reims et Aix-en-Provence .
Pendant la nuit du 24 au 25 janvier 2017, les contrôleurs aériens du centre de Reims ont pu utiliser le système sur des périodes de trafic réel faible , sans intégration complète du système, ce qui a permis de valider sa maturité fonctionnelle en utilisation nominale.
Une nouvelle opération du même type s'est déroulée avec succès dans la nuit du 10 au 11 avril 2018, permettant une séance de contrôle de deux heures de trafic réel (plus de 200 vols) au centre d'Aix-en-Provence.
- une phase de développement et de livraison de la version de mise en service certifiée , permettant l'insertion du système dans l'environnement technique de la DSNA et le lancement de la formation complète des contrôleurs, processus complexe qui s'étale sur environ une année par phases successives d'appropriation.
(2) Le report des premières mises en service à l'hiver 2020-2021
À la suite de l'abandon de l'échéance de 2015, la DSNA et Thalès se sont accordés sur une première mise en service opérationnelle complète de 4-Flight dans les centres en-route de Reims et d'Aix-en-Provence durant l'hiver 2018-2019 puis dans celui d'Athis-Mons durant l'hiver 2019-2020. Du reste, c'est sur la base de ce scénario de déploiement qu'a été construit le plan de performance de la DSNA dans le cadre de la deuxième période de régulation économique européenne (RP2) 2015-2019.
Toutefois, estimant que les versions intermédiaires qui lui avaient été livrées souffraient de plusieurs insuffisances, la DSNA a décidé à l'automne 2017 de reporter les premières mises en service opérationnelles complètes de 4-Flight , qui ont été décalées aux échéances suivantes :
- l'hiver 2020-2021 pour les centres de Reims et d'Aix-en-Provence, soit un recul de deux ans ;
- l'hiver 2022-2023 pour celui d'Athis-Mons, soit un retard de trois ans ;
- l'hiver 2023-2024 pour ceux de Brest et de Bordeaux.
Dans le même temps, elle a décidé d'ouvrir de nouvelles négociations avec Thalès pour mener enfin à bien la seconde phase du projet.
À noter, à titre de comparaison, que le projet iTEC , le concurrent de 4-Flight porté par l'industriel espagnol Indra, est entré en service dans les centres en-route de Prestwick en 2016 et de Karlsruhe en 2017 .
d) Les reproches faits par la DSNA à Thalès portent principalement sur la robustesse, la résilience et la cybersécurité de 4-Flight
Interrogée par votre rapporteur spécial sur ce point, la DSNA a expliqué qu'elle avait dû reporter les premières mises en service opérationnelles complètes de 4-Flight entre 2020 et 2023 « en raison des difficultés rencontrées par l'industriel sur la fiabilisation technique des versions intermédiaires ainsi que pour doter le système de propriétés de résilience compatibles avec un usage opérationnel en toutes circonstances ».
La DSNA considère en effet que le nouveau système conçu par Thalès n'est à ce stade ni assez robuste , ni suffisamment résilient pour remplacer le système Cautra.
Selon elle, Thalès a reconnu en 2017 que pour pouvoir atteindre les exigences de fiabilisation et de certification d'assurance logicielle , il lui faudrait reprendre à la base le codage (« reenginering ») de l'interface homme-machine de 4-Flight , en se rapprochant de référentiels de développement des systèmes avioniques embarqués.
Deuxième difficulté, la capacité de 4-Flight à fonctionner en mode dégradé . Selon la DSNA, les évaluations focalisées sur ce type de situations réalisées au premier semestre 2017 par ses services « ont révélé un niveau de consolidation insuffisant pour garantir aux opérateurs une gestion maîtrisée d'une situation de contrôle délicate », ce qui impliquait donc également de remettre l'ouvrage sur le métier.
Troisième problème mis en avant en avant par la DSNA, les exigences nouvelles liées à la cybersécurité , qui n'avaient pas suffisamment été prises en compte en 2011 au lancement des programmes 4-Flight et Coflight, cette préoccupation étant devenue beaucoup plus prégnante ces dernières années.
Elle rappelle à l'appui de sa démonstration que la loi de programmation militaire, et le cadre réglementaire européen 35 ( * ) ont récemment durci les exigences de cybersécurité et de résilience des opérateurs critiques , dont font partie les centres de contrôle aérien.
Enfin, toujours selon la DSNA, l'analyse de l'impact du fonctionnement du logiciel Coflight sur la résilience globale du système 4-Flight aurait conduit à l'identification d'une nécessaire consolidation , la prise en compte de l'ensemble de ces éléments impliquant la production d'une version supplémentaire de Coflight , dont le contenu exact doit faire l'objet d'un accord avec l'Enav.
Ainsi que le relève pudiquement et peut-être facilement la DSNA, « la convergence du périmètre (contenu, coût, cadre contractuel) de cette version avec le partenaire italien fait peser un risque important sur le planning de mise en service de 4-Flight ».
e) Des négociations très difficiles avec le partenaire industriel
Les différents problèmes énoncés supra ont conduit la DSNA à lancer à partir d'octobre 2017 des négociations contractuelles complémentaires avec Thalès , portant à la fois sur l es versions logicielles de mise en service de l'interface homme-machine de 4-Flight mais également sur Coflight , le traitement de plan de vol qui en constitue le coeur.
Sont également venues s'y greffer d'autres questions connexes , comme par exemple l'opportunité de réaliser des évolutions fonctionnelles spécifiques pour le centre en route d'Athis-Mons 36 ( * ) , dont les caractéristiques propres induisent des besoins particuliers sur l'interface homme-machine de contrôle ainsi que pour le séquencement de vols à l'arrivée.
Ainsi que votre rapporteur spécial a pu le constater en entendant en audition tant les responsables de DSNA que ceux de Thalès Air Systems , ces négociations paraissent particulièrement difficiles, notamment sur la question de la répartition des surcoûts liés au recodage de l'interface homme-machine de 4-Flight , et vont immanquablement provoquer à la fois des surcoûts et de nouveaux retards pour la mise en service de 4-Flight et de Coflight .
f) Un coût qui dérape et représente désormais 850 millions d'euros
À l'heure actuelle, le coût des prestations fournies par Thalès dans le cadre du programme 4-Flight 37 ( * ) pour la DSNA représente quelque 445 millions d'euros , dont 280 millions d'euros pour le logiciel 4-Flight proprement dit, comme le montre le tableau ci-dessous.
L'avenant en cours de négociation porte, selon la DSNA, sur un montant compris entre 100 et 120 millions d'euros .
Mais cette hausse de la facture du contrat avec Thalès ne doit pas faire oublier qu'elle s'accompagnera de nombreux coûts supplémentaires en matière de déploiement du logiciel par la direction de la technique et de l'innovation (DTI) ou bien encore d'activités d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA) .
En réalité, la renégociation en cours devrait faire passer la facture totale de 4-Flight de 670 millions d'euros prévus à la fin de l'année 2017 à 850 millions d'euros , soit un surcoût de 180 millions d'euros qui représente une hausse de 26,9 % du coût du projet .
Évaluation des coûts totaux du programme 4-Flight avant et après renégociation avec Thalès
Bénéficiaire |
Postes de coûts (en millions d'euros) |
Nouvelle prévision 2018 après renégociation avec Thalès |
Coûts avant renégociation Thalès |
Cumul engagés à la fin de l'année 2017 |
Thalès |
Développement logiciels pour mise en service en 2023 |
360 |
280 |
274 |
Thalès |
Matériels pour déploiement |
75 |
75 |
8 |
Thalès |
Développements futurs |
85 |
60 |
0 |
Thalès |
Maintenance logicielle |
45 |
30 |
0 |
Hors Thalès |
Déploiement (infrastructure, installations, phase transitoire) |
165 |
125 |
78 |
Hors Thalès |
Assistance à maîtrise d'ouvrage |
120 |
100 |
62 |
Total |
850 |
670 |
422 |
Source : direction des services de la navigation aérienne (DSNA)
Il convient en outre de rajouter à ces 180 millions d'euros supplémentaires le prix - compris entre 10 et 18 millions d'euros - de la nouvelle version du composant Coflight qui fait également l'objet de négociations serrées avec l'industriel.
Lors de leur audition, les responsables de la DSNA n'avaient pas caché que le budget d'investissements de la DGAC pourrait difficilement absorber ces importants surcoûts s'il ne bénéficiait pas d'un rehaussement dans les années à venir .
Selon eux, 80 millions d'euros de crédits supplémentaires étaient nécessaires, si possibles dès la loi de finances pour 2019, à tout le moins sous la forme d'autorisations d'engagement (AE).
Ils se sont finalement ravisés, estimant, à l'issue de discussions avec la direction du budget qui se sont tenues ces dernières semaines, qu'il devrait être possible d'absorber cette somme à enveloppe budgétaire constante en comprimant d'autres postes de dépenses.
Cela paraît quelque peu surprenant , compte tenu des sommes en jeu.
g) L'aveu d'échec : la nécessité d'implanter Erato dans les autres centres en-route
Lors du séminaire consacré au contrôle aérien qu'elle a organisé le 13 avril 2018 dans le cadre des Assises du transport aérien, la DSNA n'a pas fait mystère des difficultés qu'elle rencontrait pour conclure ses négociations avec Thalès .
Elle avait néanmoins réaffirmé les dates d'entrée en service de 4-Flight actées à l'automne 2017, et en particulier l'échéance de l'hiver 2020-2021 pour les centres en-route de Reims et d'Aix-en-Provence .
Votre rapporteur spécial a donc été particulièrement surpris quand les responsables de la DSNA l'ont informé, à peine un mois plus tard, que ce calendrier était déjà caduc , en l'absence d'accord avec Thalès.
Lui ont ainsi été présentés trois scénarios alternatifs :
- un scénario dans lequel les centres de Reims et d'Aix-en-Provence passeraient au système Erato à l'hiver 2020-2021 , le centre d'Athis-Mons bénéficierait en premier de 4-Flight à l'hiver 2022-2023 et les autres centres migreraient sur 4-Flight à une date non précisée « après 2024 » ;
- un scénario légèrement plus optimiste dans lequel le centre de Reims bénéficierait de 4-Flight dès l'hiver 2022-2023 , le centre d'Aix-en-Provence devant pour sa part se contenter d'Erato à l'hiver 2020-2021 ;
- un scénario catastrophe dans lequel les négociations avec Thalès n'aboutiraient pas , se solderaient par un contentieux et conduiraient à devoir rembourser 130 millions d'euros à l'agence européenne INEA (cf. supra ).
L'exposé de ces différents scénarios montre tout d'abord qu'il est désormais vain d'espérer une mise en service opérationnelle de 4-Flight avant l'hiver 2021-2022 , voire 2022-2023 dans le premier scénario de la DSNA. Au reste, il n'est pas interdit de penser que même ces échéances sont probablement trop optimiste s.
Que la DSNA envisage désormais d'installer Erato dans les centres en-route de Reims et d'Aix-en-Provence constitue l'autre point marquant de cette présentation.
Implanter Erato dans un centre en-route implique en effet un effort considérable de formation des contrôleurs aériens et des coûts importants . Il faut donc qu'il soit utilisé pendant une période suffisamment longue pour que ces coûts soient amortis.
S'il avait été décidé de le mettre en place à Brest et à Bordeaux, c'est parce que ces centres avaient été désignés comme étant les derniers qui bénéficieraient de 4-Flight et qu'il avait été considéré comme impensable de ne pas leur fournir un environnement « stripless » pendant un aussi long laps de temps.
Installer Erato à Reims et/ou à Aix-en-Provence, ce que la DSNA n'avait jamais semblé envisager auparavant, revient donc concrètement à reconnaître que la mise en service de 4-Flight n'interviendra qu'à une échéance lointaine , en tout cas suffisamment lointaine pour que les coûts de l'installation d'Erato soient amortis. Il s'agit là incontestablement d'un aveu d'échec de la part de la DSNA .
h) Mener à son terme le programme 4-Flight d'ici l'hiver 2022-2023 au plus tard, mettre en place des solutions transitoires d'ici sa mise en service
Au cours de ses auditions, votre rapporteur spécial s'est à plusieurs reprises demandé si les difficultés rencontrées par le programme 4-Flight ne présentaient pas certaines analogies avec d'autres grands projets informatiques de l'État tels que Chorus ou Louvois , dont les coûts et les délais ont connu des dérapages conséquents avant, pour l'un, d'entrer en service, et, pour l'autre, d'être annulé.
Il a malgré tout acquis la conviction que le programme 4-Flight , même si son efficacité doit encore être démontrée, est aujourd'hui bien trop avancé pour être abandonné .
En outre, entériner ce qu'il faudrait bien qualifier de « catastrophe industrielle » provoquerait une rétrogradation durable du contrôle aérien français sur le plan technologique , impliquerait que 276 millions d'euros au moins auraient été dépensés en pure perte et condamnerait la DSNA à rembourser les 130 millions d'euros de fonds européens qu'elle a perçus pour financer le projet.
Il est donc capital que les négociations avec Thalès soient menées à bien et que la première mise en service de 4-Flight dans un centre en-route intervienne au plus tard à l'hiver 2022-2023 .
Recommandation n° 6 : conclure rapidement la négociation avec Thalès pour garantir que le programme 4-Flight verra bien le jour et bénéficiera d'une première mise en service au plus tard à l'hiver 2022-2023. |
Instruit par le passif de ce contrat et par l'exposé que lui ont fait les responsables de la DSNA, votre rapporteur spécial estime qu'il est indispensable d'installer dans les meilleurs délais le système Erato dans les centres en-route d'Aix-en-Provence , de Reims et d'Athis-Mons , afin que tous les contrôleurs aériens français puissent enfin bénéficier d'un environnement tout électronique « stripless ».
S'il n'est pas la panacée, Erato permettra au moins de réaliser des gains de capacité indispensables à court terme et de faire disparaître l'archaïsme le plus frappant que subissent actuellement nos contrôleurs , à savoir l'utilisation de ces « strips » papiers depuis longtemps oublié ailleurs en Europe.
Recommandation n° 7 : implanter au plus vite le système Erato dans les centres en-route d'Aix-en-Provence, de Reims et d'Athis-Mons. |
4. La DSNA a-t-elle tiré pour Sysat les leçons des erreurs commises avec 4-Flight ?
Alors que le programme 4-Flight est actuellement dans une situation critique , de nombreux contrôleurs aériens craignent ouvertement que le programme Sysat , destiné à équiper les centres d'approche et les tours de contrôle , soit rapidement confronté à des difficultés analogues .
a) Un nouveau système très attendu pour remplacer les équipements vieillissants des centres d'approche et des tours de contrôle
Le programme Sysat , pour « Systèmes approches et tours », a été lancé en 2011 , il y a donc de cela déjà sept ans.
Son objectif est de renouveler l'ensemble des systèmes de contrôle aérien des tours de contrôle et des salles d'approche des 72 terrains contrôlés par la DSNA , en leur fournissant, là encore avec retard, un environnement tout électronique qui permettra de supprimer les « strips » papier.
Au-delà de ce seul aspect, les systèmes des tours et des approches sont en effet largement obsolètes , ainsi que votre rapporteur spécial a pu le constater en visitant les tours de contrôle et les centres d'approche de Paris-Charles-de-Gaulle et de Bordeaux-Mérignac.
Ils sont en outre disparates , résultant de la juxtaposition d'éléments mis en place à des périodes successives, ce qui nuit au confort de travail des contrôleurs aériens et pèse sur leur productivité 38 ( * ) . Un important effort de modernisation est donc requis.
Mais il s'agit également de se conformer à des obligations européennes , puisque l'IR 716/2014 Pilot common project (PCP) implique que les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Nice disposent rapidement d'un environnement électronique afin que de nouvelles fonctionnalités avancées puissent être mises en place aux échéances de 2021 et de 2024 39 ( * ) .
Enfin, les attentes des aéroports sont fortes , car certains équipements qu'ils se sont procurés ont besoin, pour être pleinement efficaces, d'interagir avec des systèmes de navigation aérienne disposant des dernières innovations technologiques 40 ( * ) .
b) Alors que l'appel d'offre destiné à équiper les aéroports de la région parisienne et de Nice vient de se terminer, il n'existe aucune visibilité pour les autres tours de contrôle et centres d'approche
Alors que le système 4-Flight est du « cousu main », la DSNA a souhaité que Sysat se base sur l'acquisition d'un système industriel existant , modulo une adaptation à son environnement technique. Ce nouvel état d'esprit de la DSNA, peut-être lié aux mésaventures de 4-Flight, mérite d'être salué .
Sysat devra naturellement s'interfacer avec le système 4-Flight des centres en-route ainsi qu'avec les systèmes des aéroports.
Le programme a été divisé en deux groupes donnant lieu à deux procédures distinctes d'acquisition . Le premier groupe concerne les déploiements à Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget et Nice . Le second groupe concerne le reste des centres d'approche et des tours de contrôle (hors outre-mer).
Un tronc commun de procédure a toutefois consisté à s'assurer, début 2014, par une étape de démonstrations de prototypes que l'offre industrielle existante était apte à répondre aux besoins de la DSNA, avant de lancer les procédures d'acquisition consistant à attribuer un marché mono-attributaire pour le premier groupe et un marché multi-attributaires pour le second groupe .
L'appel d'offre relatif au premier groupe portait sur deux périmètres techniques essentiels, d'une part le système sol , d'autre part le système air . L'industriel doit en outre intégrer certains composants fournis par la DNSA 41 ( * ) .
L'appel d'offre s'est déroulé selon une procédure restreinte à deux tours de négociation . À l'issue du premier tour, deux consortiums sont restés en lice. À l'issue du second tour, intervenu à l'automne 2017, le marché du premier groupe a été attribué au consortium d'industriels SAAB/CS .
Le premier semestre 2018 est mis à profit pour planifier les mises en services de ce premier groupe . Celles-ci, selon les annonces qui avaient été faites aux contrôleurs aériens, devaient initialement débuter au premier semestre 2018 pour se terminer fin 2019/début 2020 .
La DSNA prévoit désormais que le site de Paris-Orly sera le premier site équipé totalement à compter de 2020 avant un déploiement général sur les autres sites de la région parisienne qui s'échelonnera sur 4 à 5 ans à compter de 2020 .
En ce qui concerne les tours de contrôle et centres d'approche du second groupe, il est prévu une stratégie d'acquisition et de mises en service basée sur trois zones fonctionnelles (ZF) .
Selon la DSNA, un accord cadre permettra de retenir fin 2018 les trois consortia industriels qui seront ensuite remis en concurrence pour chaque commande effective. Le premier marché subséquent concernera la zone fonctionnelle Sud-Est et inclura Nice dans l'échantillon initial.
Les mises en service de SYSAT dans les premières tours ou approches du second groupe sont prévues, selon la DSNA, au plus tôt après sa mise en service dans les tours et approches du premier groupe .
Autant dire que les contrôleurs aériens en poste en régions ont le sentiment que cette modernisation tant attendue est repoussée aux calendes grecques et que l'utilisation du « strip » papier a encore de beaux jours devant elle .
5. Certains des autres programmes de modernisation de la DSNA sont impactés par les difficultés de 4-Flight, compte tenu des interactions entre les systèmes
Votre rapporteur spécial n'entend pas présenter de façon exhaustive l'ensemble des programmes de modernisation de la DSNA , d'autant qu'il s'est déjà longuement étendu sur ceux qui concentrent les principaux enjeux opérationnels et financiers.
Compte tenu de l'interdépendance des différents systèmes, il lui paraît néanmoins nécessaire de rappeler sommairement les caractéristiques de deux d'entre eux, à savoir les programmes « Data-Link », et « CssIP » .
a) La mise en service complète de Data-Link, système de transmission automatique des données entre le sol et le bord, ne pourra intervenir qu'après la livraison de 4-Flight
Le programme Data-Link a pour objet d'assurer une transmission sol-bord de données opérationnelles numériques entre les centres de contrôle aérien et les aéronefs.
Il s'agit d'abord de fiabiliser 42 ( * ) et d'enrichir les communications entre les contrôleurs et les pilotes , en complétant les transmissions radio qui resteront indispensables pour des raisons de sécurité.
Mais l'enjeu est également de réduire significativement les charges d'occupation des fréquences de radiotéléphonie en supprimant les messages non-critiques, qui seront à l'avenir transmis uniquement par Data-Link.
Le programme Data-Link a achevé sa première étape de déploiement en 2015 et en 2016 avec la mise en service dans les cinq centres en-route de la fonctionnalité dite IOC (Initial Operationnal Capabilities ) qui permet au contrôleur de communiquer au pilote la prochaine fréquence à contacter via le Data Link et non plus en utilisant la radio 43 ( * ) .
Sa seconde étape de déploiement concerne la transmission des « clairances » 44 ( * ) .
Or, disposer d'un environnement sans « strips » papiers est un prérequis indispensable en termes de sécurité pour qu'un contrôleur aérien puisse échanger par Data-Link des « clairances » avec le pilote sans risque d'erreur.
Par conséquent, seuls les centres en-route de Brest et de Bordeaux , équipés du système d'environnement électronique Erato, pourront bénéficier de ce nouvel outil , en principe fin 2018.
Les centres de Reims, Aix-en-Provence et Paris, en revanche, devront attendre plusieurs années , le temps pour eux d'être équipés avec Erato ou avec 4-Flight.
b) CssIP, programme d'infrastructure moderne pour les communications sol-sol dont le déploiement est en bonne voie
Alors que la DSNA est confrontée à l'obsolescence de son système technique de communications , le programme CssIP doit lui permettre de disposer d'un réseau national de télécommunications de nouvelle génération appelé RENAR-IP.
C'est ce réseau qui assurera l'ensemble des échanges voix et données pour les besoins du contrôle aérien . Connecté au réseau IP européen (PENS), il permettra également des échanges de données avec les différents réseaux internationaux et simplifiera l'interopérabilité des systèmes et des applications avec les autres prestataires de services de la navigation aérienne du FABEC .
Selon la DSNA, le programme CssIP a atteint en janvier 2017 un avancement évalué à 82 % , avec en particulier la migration sous IP des données de plans de vol (FMTP) et surtout de la voix (radio et téléphonie).
La DSNA a insisté auprès de votre rapporteur spécial sur le fait qu'elle était l'un des premiers PSNA en Europe à avoir effectué ce basculement particulièrement sensible dans le domaine du contrôle aérien . Il lui a permis de résilier en 2017 les liaisons points à points dites Transfix dont l'obsolescence était programmée par l'opérateur historique France Telecom/Orange.
Le déploiement du projet se poursuit actuellement . Au-delà de 2019, la DSNA devra consentir les investissements nécessaires à la connexion au réseau IP paneuropéen PENS susmentionné, dont le contrat a été signé entre l'opérateur British Telecom le 17 avril 2018 et la DSNA par mandat donné à Eurocontrol.
* 31 Des évolutions d'Erato sont toutefois d'ores et déjà programmées pour satisfaire à la fois des demandes d'évolution de l'environnement électronique mais également pour satisfaire des besoins issus d'autres programmes comme le Data Link et la « Surveillance enrichie ».
* 32 L'objectif est de partager les coûts de maintenance et de développement à travers un partenariat élargi. L'alliance Coopans (c'est-à-dire les PSNA autrichiens, croates, irlandais, suédois et danois), déjà cliente de Thalès, est intéressée. Les PSNA hongrois, belge et bulgare, également clients de Thalès, sont eux aussi des partenaires potentiels.
* 33 Système de Coordination AUtomatique du TRafic Aérien.
* 34 Il s'agit des PSNA espagnol (ENAIRE), allemand (DFS), britannique (NATS), néerlandais (LVNL), norvégien (AVINOR), lituanien (ORO Navagacija) et polonais (PANSA)
* 35 Directive NIS, Communication on critical information infrastructure protection.
* 36 Les caractéristiques du trafic traité par ce centre découlent de ces interfaces avec les approches des plateformes de Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly.
* 37 Les prix mentionnés sont des prix TTC aux conditions économiques de 2018.
* 38 Les contrôleurs aériens souhaitent également que la position du chef de tour ou du chef de salle soit simplifiée et que des fonctions de zoom depuis une seule et même visualisation leur permette de surveiller en même temps les avions au sol et dans les airs.
* 39 Parmi ces nouvelles fonctionnalités, figurent notamment les « filets de sauvegarde sol » qui permettent d'améliorer la sécurité sur les pistes ou bien encore la saisie de clairance et la connexion avec les systèmes de gestion aéroportuaire qui permettent une meilleure intégration de chaque aéroport ans le travail d'optimisation des flux de trafic par le Network Manager d'Eurocontrol.
* 40 Il s'agit en particulier d'équipements de géolocalisation de véhicules, d'aide à la circulation des aéronefs au sol, d'aide à la gestion des parkings, etc.
* 41 Poursuite radar et DMAN.
* 42 Les informations échangées sous forme de données numériques sont plus sûres et évitent davantage les erreurs de compréhension.
* 43 Ce service initial est désormais disponible dans l'ensemble de l'espace aérien métropolitain au-dessus de 6 000 mètres. La connexion est à l'initiative du pilote lorsque `il entre en contact avec le premier centre de contrôle aérien européen. En poursuivant sa route, les données de connexion sont transférées automatiquement d'un centre de contrôle au suivant.
* 44 Les « clairances » sont les instructions que donnent les contrôleurs aériens en temps réel aux pilotes des avions présents dans le secteur de l'espace aérien qu'ils contrôlent, afin que ceux-ci puissent immédiatement ajuster leur plan de vol