TROISIÈME PARTIE - UNE ADAPTATION DES RYTHMES DE TRAVAIL DES CONTRÔLEURS AÉRIENS EST INDISPENSABLE POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE DU TRAFIC

I. QUELQUES RAPPELS SUR LA FORMATION ET LA RÉMUNÉRATION DES CONTRÔLEURS AÉRIENS, LOIN DES IDÉES REÇUES

A. LES CONTRÔLEURS AÉRIENS FRANÇAIS SONT DOTÉS D'UN HAUT NIVEAU DE QUALIFICATION

Les aiguilleurs du ciel , issus d'une formation initiale exigeante , consacrent un temps conséquent tout au long de leur carrière à la formation continue afin de maintenir leurs qualifications, de réussir leurs mobilités et de s'approprier les nouveaux outils technologiques.

1. 86 % des contrôleurs aériens rendent effectivement les services de la navigation aérienne

Plus connus sous le nom de contrôleurs aériens, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) constituent un corps de fonctionnaires de l'État de catégorie A .

Ils sont en charge d'assurer les services de contrôle en-route, d'approche et d'aérodrome , service public qu'ils sont les seuls habilités à rendre dans l'espace aérien français. Ils exercent également des fonctions d'études, de formation et d'encadrement.

Le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) comptait, à la date du 1 er janvier 2017, 4 104 agents .

Il se répartit actuellement de la façon suivante :

- 3 519 ICNA sont affectés sur des fonctions d'exercice du contrôle de la circulation aérienne ;

- 360 ICNA sont affectés sur des fonctions d'encadrement ou d'expertise , à la DSNA ou dans d'autres directions de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- 113 ICNA sont en cours de scolarité à l'École nationale de l'aviation civile (ENAC) ;

- 112 ICNA sont soit sur des affectations hors contrôle en raison de situations individuelles (inaptitude médicale), soit dans des positions administratives particulières (disponibilité, détachement, congés de longue durée, etc.).

Tout au long de la réalisation de son contrôle budgétaire, votre rapporteur spécial a eu l'occasion de rencontrer de nombreux contrôleurs aériens , tant lors d'auditions au Sénat que lors de ses déplacements dans les centres en-route, dans les centres d'approche et dans les tours de contrôle.

Au cours de ses entretiens, il a pu mesurer combien les ICNA aiment leur métier et sont désireux d'accompagner dans les meilleures conditions de sécurité et de capacités la croissance du trafic aérien .

Ils ont conscience d'être partie prenante d'un secteur du transport aérien en plein essor et veulent y jouer leur rôle en rendant un service public de qualité .

Les techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC)

Également recrutés par concours et formés à l'École nationale de l'aviation civile, les techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC) sont des fonctionnaires de catégorie B qui assurent le contrôle de la circulation aérienne sur de nombreux aérodromes mais remplissent également des missions en matière d'études et d'élaboration de procédures de circulation aérienne, d'information aéronautique, etc.

Si 1 141 d'entre eux étaient en poste à la DSNA au 1 er janvier 2017, on retrouve également des membres de ce corps transversal à la DGAC dans l'ensemble des services de cette direction générale, par exemple pour des missions d'inspection et de surveillance à la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) ou bien encore au Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile.

Source : commission des finances du Sénat

2. Un recrutement exigeant qui garantit une grande qualité technique

Les contrôleurs aériens français sont sélectionnés et formés de manière rigoureuse .

Ils sont tout d'abord recrutés par concours à la sortie des classes préparatoires scientifiques aux grandes écoles (CPGE) .

Ils intègrent alors l'École nationale de l'aviation civile (ENAC) , pour une première partie de scolarité qui dure dix-huit mois . Ils sont ensuite affectés dans un centre de contrôle pour une seconde période de dix-huit mois .

À l'issue de cette formation initiale d'une durée totale de trois ans , les élèves qui ont validé toutes les compétences nécessaires acquièrent une licence européenne de contrôleur de la circulation aérienne stagiaire assortie des qualifications de contrôle d'aérodrome, d'approche et de contrôle en route , ainsi que le grade universitaire de mastère en contrôle du trafic aérien , soit un niveau bac+5.

Ils sont alors titularisés dans le corps des ICNA et achèvent leur formation pratique au contrôle dans leur centre d'affectation, qui dure en moyenne deux années après la titularisation .

Pour les lauréats de l'examen et de la sélection professionnelle, la formation est modulaire selon les qualifications de contrôleur déjà détenues : les techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile, autre corps de fonctionnaires de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), peuvent détenir une licence européenne de contrôleur de la circulation aérienne assortie de la qualification de contrôleur d'aérodrome .

Elle se déroule à l'ENAC sur une durée comprise entre huit et treize mois . Elle se poursuit ensuite dans le centre de contrôle d'affectation en vue de l'obtention des qualifications localement requises.

Si votre rapporteur spécial se félicite que les ICNA français reçoivent une formation initiale de très grande qualité , il estime toutefois que sa durée - 5 ans sans compter les 2 ou 3 années de classes préparatoires - pose question , alors qu'elle est nettement plus courte chez certains de nos partenaires européens.

3. Des efforts conséquents en matière de formation continue

Les efforts consentis pour garantir l'excellence des ICNA , qui est une condition essentielle pour parvenir au plus haut niveau possible de sécurité du trafic aérien , ne se limitent pas à leur formation initiale. Ils doivent continuer à se former tout au long de leur carrière .

Le maintien des compétences des contrôleurs s'effectue selon un rythme triennal . Un plan de formation continue est ainsi appliqué pour chaque unité des centres de contrôle. Il comporte une mise à jour des connaissances théoriques , une mise à jour des compétences pratiques et l'entraînement à certaines situations inhabituelles .

En outre, chaque contrôleur aérien doit suivre un plan de formation à l'anglais , qu'il est indispensable de maîtriser pour communiquer de façon claire et compréhensible avec les pilotes 45 ( * ) .

A ces efforts de formation continue que doivent suivre tous les ICNA s'ajoutent d'autres cycles de formation lorsqu'un contrôleur aérien change de centre de contrôle .

Il lui faut alors s'exercer de longs mois avant d'être habilité à contrôler le trafic. Dans la mesure où les différents centres ne sont pas tous au même niveau technique , il peut également être amené à utiliser des matériels qu'il ne maîtrisait pas encore ou dont il avait cessé de se servir, ce qui le conduit alors à réapprendre ce qu'il avait désappris .

Enfin, il convient de souligner combien la mise en service de nouveaux systèmes représente un enjeu très lourd en terme de formation pour les équipes de la DSNA , d'autant qu'elles doivent dans le même temps continuer à faire passer le trafic comme si de rien n'était.

Ainsi, il a fallu 14 jours de formation répartis sur 26 mois pour préparer les contrôleurs du centre en-route de Bordeaux à utiliser la nouvelle interface homme-machine toute électronique Erato. Les retards occasionnés par cette migration sous un nouveau système ont réussi à être maîtrisés grâce aux enseignements tirés de la mise en place d'Erato à Brest l'année précédente, qui avait été nettement plus difficile .

La mise en service de 4-Flight nécessitera à coup sûr un effort encore plus important , dans la mesure où le niveau système apportera beaucoup plus de nouveautés qu'Erato.

4. Les contrôleurs aériens français sont-ils trop généralistes et pas assez spécialisés ?

Lors de leur audition, les responsables d'Air France ont fait valoir auprès de votre rapporteur spécial que les contrôleurs aériens français leur paraissaient beaucoup moins spécialisés que leurs homologues européens .

Selon eux, ce profil de généralistes implique que les contrôleurs doivent davantage se former au départ pour obtenir leur qualification : il faut qu'ils soient en mesure d'assurer le contrôle aérien sur l'ensemble des secteurs de l'espace aérien gérés par le centre au sein duquel ils sont affectés .

Cette situation entraîne également un important effort de formation continue et un turn-over entre les différents secteurs pour maintenir les compétences acquises.

Au total, les contrôleurs français passeraient donc beaucoup plus de temps à se former et maîtriseraient moins bien tel ou tel secteur donné que s'ils étaient moins polyvalents et se concentraient sur un groupe de secteurs plus limité.

Votre rapporteur spécial, s'il n'est pas un homme de l'art, considère que cette remarque mérite d'être entendue .

Du reste, la DSNA a bien conscience que la capacité des contrôleurs aériens à être des généralistes a ses limites puisqu'elle délimite des zones de qualification dans les centres de contrôle qui gèrent des espaces aériens trop importants.

Dans ce cas, les contrôleurs ne peuvent assurer la navigation aérienne que dans la zone pour laquelle ils sont qualifiés et chaque zone fonctionne comme un centre de contrôle autonome . C'est par exemple le cas à Athis-Mons et à Aix-en-Provence.

Dès lors peut-être faudrait-il envisager de généraliser ce découpage par zones et de prévoir des zones de taille moins importante pour dégager des gains de productivité et réduire les temps de formation des contrôleurs .


* 45 Le plan de formation à l'anglais dépend des besoins de chaque individu et comporte de l'anglais général et de l'anglais aéronautique spécifique.

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